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XX/
//
Ï.E MAHA-BHAUATA
POtME ÉPIQUE.
"'VNXX
IM reproduction et la Ircduelion même de cette traduction sont
interdites en Fraticc et dans les pays étrangers.
arm. — japiiaraie ji ca>B(i.
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LE
MAHA-Ba^RATA
P*i»fE ÉPIfCE
DE KRISHNA-DWAIPAYANA
PLUS Gomniin^T APPsii
c'est-a-dire le compilateur et l'ordonnateur des védas
Trtdnil complétemeot pour la première fois da sanscrit en françai<(
PAt
HIPPOLTTE FAUCHE
Trsdaetear da Rioftytoa, des aCuvres eomptfctes de KAlidlM, etc.
Abrèriatear da Râmiyaaa
QUATIU^.ME VOLUME
PARIS
LIBRAIRIE DE A. DURAND
Roe des Grèa-Sorboane, 7
ET LIBRAIRIE DE M-" V BENJAMIN DUPRAT
Rse Foalucs (àncienoa me du CluUre'Saiot-Beaolt), 7
1805
Digiîi7v: J by Googif
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A NOS LECTEURS.
Nous avons composé tout ce quatrième volume en
cinq mois.
Nous étions heureux, nous étions même presque
fier de présenter à nos souscripteurs le volume, en-
vironné de cette conquête d’un grand mois sur le
temps demandé pour sa rédaction. Malheureuse-
ment, une grève inattendue est tombée tout-à-coup
sur notre imprimerie ; elle a tenu en suspens l’im-
pression de l’ouvrage deux mois durant et, quand
elle eut cessé, nous n’avons pu obtenir, en réponse à
nos justes instances, que l’immense effort de deux
feuilles par semaine ou trente-deux pages ! Tant il
est vrai que la promptitude de l’écrivain est une
chose à peu près stérile, si elle n’est appuyée sur la
promptitude subordonnée des typographes.
VI
A NOS LECTEURS.
Ce Tolume, que nous avons l’honneur d'offrir au
public en ce moment, nous semble, malgré les obs-
curités fréquentes du texte, les altérations du manus-
crit imprimé, et les intrusions de matières, qui tran-
chent amphibologiquement ou ténébreusement la
suite des idées, supérieur par le nombre et la va-
riété des épisodes aux trois volumes, qui ont déjà
précédé ce quatrième tôme. Si nous prenons à part
l’épisode des Entretiens de Mârkandhéya, qui est à
lui seul une vaste galerie de narrations, nous dis-
tinguons au milieu d’elle le beau récit du vendeur
de chair, Dharma-Vyâda ou le vertueux chasseur,
ce paria, de qui l’histoire n’est pas autre chose,
par un singulier hasard, que le sujet même traité
dans la Chaumière indienne ^làT Bernardin de Saint-
Pierre, sans se douter que son idée avait déjà été
mise en œuvre dans un poème, dont sans doute il
ne connaissait pas encore le seul titre.
Une fois toute la traduction du Mahâ-Bhârata
complètement achevée, nous avons pris avec un li-
braire l’engagement de tenter sur ce poème le même
travail, que nous avons déjà opéré sur le Râmâ-
yana, de le réduire en quatre volumes, de retrouver
dans cette indigeste compilation, les éléments primi-
tifs de cétte grande épopée, et de resaisir les mem-
bres du poète disséminés çà et là, disjecti membra
poetœ.
. JDigitizedby Google
A NOS LECTEURS.
vu
II sera facile de seolir la nécessité d’un pareil
ouvrage, quand on aura lu, dans le présent volumui
l’épisode de la. royale anacborèle DraâupadI, qui
envoie Bhiniaséna, son époux, lui chercher des lo-
tus célestes, et, immédiatement après, un nouveau
chapitre, le combat de ce Pàndouide avec l’Yaksha,
où l’on pense aborder de plein pied un tout autre
sujet ; mais on n’y a pas au fond deux récits de choses
diverses ; on n’en possède ici qu’une seule : c’est la
même version sous deux titres difTérents; et, quand
on est arrivé dans l’une à la fln, il n’est rien de
plus fastidieux que d’avoir à remonter dans l'autre
au commencement de sa lecture. L’attention se fa-
tigue, le dégoût se met de la partie, et l’esprit dis-
trait laisse échapper le fil des idées.
Dans un banquet de Société agricole, un de nos
amis disait à M. le maire de Juilly, notre voisin:
< Une chose m’étonne, c’est que les ouvrages de M.
Hippolyte Fauche sont moins connus en France
qu'à l’étranger ! »
S'il en était ainsi, la chose ne serait pas éton-
nante ; bien au contraire, elle serait toute simple et
l’effet dériverait naturellement de sa cause. En effet,
il n’est pas un seul exemplaire du Mahâ-Bhârata, que
nous ayons donné en France, en Angleterre, en
Allemagne, ou nulle autre part, à quelque feuille
périodique cl journal que ce soit, non, certes! dans
vm
A NOS LECTEURS.
■ un esprit de dédain ; mais nous ne possédons qu’un
nombre à peine suffisant, où il ne reste plus de gé-
nérosités ù se permettre. Comment alors et pourquoi
les journaux français eussent- ils parlé d’un ouvrage,
qui n’est pas soumis à leur jugement ? D’ailleurs le
Mahâ-Bhârata n'exige-t-il pas, comme en général
toute la littérature sanscrite, des études spéciales, et
qui sont en dehors des occupations courantes de la
critique journalière?
Si un journal en eût parlé, sa voix aurait été &
peu près stérile ; il eût tiré notre nom de l’obscurité,
mais sans nous procurer la vente d’un seul exem-
plaire.
La Revue d’Orient et le Journal des Savants veu-
lent bien annoncer la publication de chacun de nos
volumes à son apparition. Cette bienveillante men-
tion nous suBU, et, grâce à ces deux revues, il n’est
peut-être pas en Europe une seule personne, adon-
née aux lettres sanscrites, ou qui veuille étudier
l’histoire d’un grand peuple dans sa littérature, à
laquelle aujourd’hui il ne soit parfaitement connu
que nous sommes occupés sérieusement de la tra-
duction du Mahâ-Bhârala.
Les lettres sanscrites ont éprouvé, avouons-le,
à l’Académie Française un échec, que nous étions
assez loin de présumer.
Il y a plus d’un an, à l’époque, où l’on imprimait
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A NOS LECTEURS.
IX
le Râmâyana réduit, nous avions lu dans notre jour-
nal que l'Académie accordait un prix Monthyon à
l’homme distingué, qui avait traduit l’Enfer du
Dante. Cette mention nous mit sur le champ à l’es-
prit de porter bientôt à l’illustre société notre petit
RAmâyana. C’était, dira-t-on, un ouvrage savant !
Mais l’ouvrage du poète Florentin n’est-il pas un
ouvrage beaucoup moins populaire?
L’Inde, objectera-t-on encore, est si éloignée de
nous et ses mœurs si opposées aux nôtres !
Mais pas tant qu’on ne puisse dire les Indiens
en quelque sorte les chrétiens de l’antiquité, car
l’homme de ces temps y coudoie encore de bien près
le Français de nos jours.
Et, d’ailleurs, si l’on veut trouver du plaisir dans
une lecture du poème Dantesque, il faut connaître
non-seulement l’histoire publique de l’Italie à cette
époque, mais encore l’histoire privée de Florence,
et ne rien ignorer de ces personnes, je dirai mieux,
de ces individus et de ces faits particuliers, dont le
souvenir pour beaucoup n’a point vécu jusqu’à nous.
Je déposai l'ouvrage et je reçus du secrétaire per-
pétuel une lettre, m’annonçant qu’il était inscrit
pour concourir au prix Monthyon.
Le temps marche vite, quand on est très-occupé,
et j’arrivai bientôt, dix mois après, à l’époque d’une
nouvelle distribution de ces récompenses: je lus tous
X
A NOS LECTEURS.
les litres des nombreux ouvrages, juslement hono-
rés des prix Monlhyon ; mais je n’en trouvai pas un
seul, le plus insignifiant même, pour le Rüniâyana.
La politesse d’une mention honorable, qui ne coûte
rien et n'engage à rien, ne lui était pas faite seule-
ment.
Les quarante Immortels, tout Académie Fran-
çaise qu’ils soient, avaient-ils eu raison dans ce dé-
daigneux silence?
Quelle description supérieure d’un caractère allié
à la perfection des vertus que 1a peinture de ce.
Râma, demandé et promis pour la Royauté de la
Jeunesse? Quelle énergie dans Viçvâmitra, qui suc-
combe à l’amour, se laisse surprendre à la colère et
se replonge encore une troisième fois dans ses in-
domptables pénitences! Quel excellent père que ce
Daçaralba I Comme il est étroitement lié à sa parole
donnée ! Avec quelle respectueuse obéissance Râma
accepte l’ordre contraint de son royal père, qui le
condamne à quatorze années d’hermitage au sein
des forêts ! Avec quelle fermeté calme, où l’on sent
néanmoins la nature humaine, il tombe du sommet
des honneurs, qu’il était si près d'atteindre! Quel
oubli des injures! quel pardon des offenses! Comme
il ne cesse pas d’étre un fils vertueux et soumis à
l'égard de celte Kékéyî, sa marâtre ! Quelle piéié
filiale! quel tendre rappel aux lois de lafamilledans
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A NOS LECTEURS.
U
les adieux, qu’il adresse à Kaâuçalyâ, sa mère !
Quel dévouemenl fraternel de Lakshrnana ! Quel
désintéressement idéal que celui de l’honnéle Bha-
rata ! Quel saint débat, quelle pieuse contestation
entre ces deux bons frères, dont l’un veut rester
ce que son père l’a fait, anachorète des bois, et dont
l’autre veut lui remettre son vaste empire ; mais,
n’ayant pu le vaincre, endosse un vêtement d’ber-
mite, se relire dans un village et règne aux pieds du
trône, sur lequel sont inaugurées les deux chaus-
sures de Râma ! Quelles douces et bienveillantes pa-
roles que celles de Silâ, pour rappeler son époux à
la mansuétude de l’ascète, quand il voyage armé au
sein des forêts ! Quelle chasteté, quelle soumission,
quelle fidélité conjugale, mais quelle intrépidité de-
vant le monarque aux dix têtes ! Quel respect de
l’opinion publique, quand l’époux impose l’épreuve
du feu à l’épouse injustement soupçonnée ! Quel
culte plus grand de la vérité ! Pas une vertu, qui ne
soit mise en action, jusqu’au dévouement aveugle
du vassal à l’égard de son haut suzerain :
< Placé entre la force épouvantable de Rima et l'ordre terri-
ble de mon Seigneur, mon devoir est ici de préférer l'obéissance
i la vie même (1).
Mais, dira-t-on, le Râmâyana complet forme neuf
(1) R&miyana réduit, tome I, p. 39A.
XII
A NOS LECTEURS.
volumes et votre poème réduit n’en compose que
deux ! Quoi 1 sept volumes jetés dans la corbeille aux
papiers inutiles ! Est-il possible qu’une telle masse
d’intrusions aitpu.de siècle en siècle, naître e.l pren-
dre vie aux branches du poème trop complaisant!
Sans aucun doute ! 11 y a une chose certaine,
c’est qu’il ne s’y rencontre pas de nous-même ajouté
un seul mol, fùt-ce pour servir simplement de liai-
son. Notre facile travail fut celui de nos ciseaux;
nous avons coupé dans l’étoffe, sans y coudre un seul
lambeau, soit pour établir une transition, soit pour
faciliter un rapprochement. Le poème s’y trouve en
tous ses membres ; il n’y manque rien : bras ou
jambes, tête ou galbe !
Imaginez-vous un indigène, que la nature eut
fait pour charmer les yeux par la régularité de ses
proportions; mais qui, dans une longue suite d’an-
nées, s’est couvert de loupes par tous ses membres,
d’excroissances hideuses, de superfétations dégoû-
tantes, à tel point que celte belle personne n'ait
plus, en quelque façon, apparence de forme hu-
maine. Un chirurgien d’Europe survient; il ne re-
cule pas devant la cure, il retranche ces loupes, il
passe le fer chaud sur les excroissances, il extirpe
impitoyablement les superfétations et parvient à
rendre la beauté primitive è ce qui n’élait plus
qu’une, masse informe.
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A NOS LECTEURS.
xui
Il nous avait semblé que cette opération toute
manuelle, il est vrai, u’en était pas moins digne de
quelque petite mention. Nous avions été dans
l’erreur : voilà tout ! , i
Mais c’est égal ; j’ai beau faire, je ne puis m'em-
pècherde penser que vous, les quarante Immortels,
vous avez eu tort de ne pas mentionner cet ouvrage,
toute Académie Française, que vous soyez,... et peut-
être aussi parce que vous ètesTAcadémie Française I
Mais si, de ce côté, je n’ai pas de remerclment à
faire, il n’en est point ainsi du côté de mes sous-
cripteurs. En effet, plusieurs, à l’apparition de cha-
que volume, m’ont écrit des lettres de sympathie et
de félicitations. Malheureusement, elles sont restées
sans réponse, non par une flegmatique indifférence,
tant s’en faut ! mais nous sommes tellement occu-
pé et nous avons un si vif désir de mener à bonne
fin notre longue entreprise, que nous avons compté
sur leur philosophique indulgence.
Nous les prions d’en vouloir bien recevoir ici nos
remerclments sincères. Ces lettres ne sont pas tom-
bées entre les mains d’un indifférent ; elles nous ont
rattaché d’une manière plus étroite à notre pénible
tâche; elles ont ranimé notre ardeur, elles ont em-
pêché notre courage de s’éteiudre ; et, comme le
bruit imposteur a couru dans tout Paris que nous
avions renoncé à notre difficile ouvrage, et que le
troisième volume en serait le nec plus ultra, nous
*1V A NOS LECTEURS.
profitons de celte nouvelle pour renouveler ici la
promesse, que nousavons déjà faite solenuellemenl:
« Nous conduirons jusqu'à sa complète fincetim>
mense labeur, s’il plaît à Dieu ! » restriction, sans la-
quelle il est impossible à l’homme de rien promettre.
Nous demandions, et vous ne l’avez pas oublié,
dans notre Prospectus cent souscripteurs seulement.
Eh bien ! uous avons trouvé un nombre une fois plus
grand ! Nous avons enregistré sur notre liste deux
cent douze souscripteurs ou acheteurs. Ce résultat
suffit presque à couvrir les frais d’une impression,
non point à six cents, (nous y avons prudemment re-
noncé,) mais à trois cents exemplaires. Il n’y a point
encore là de gain pour nous ; mais, dans ces sortes
de choses, l'absence de perle est déjà un bénéfice.
D’ailleurs, n’avons-nous pas appris sur les bancs
du collège ces deux vers, que nous récitions en éco-
lier rhétoricien, absolument désintéressé dans la
matière : distique, dont l’expression pompeuse ne
convient pas à notre ambition fort modeste, dont
le style est, je n’ose dire par respect, ridiculement
affublé de la mythologie des classes, et dont le se-
cond hémistiche du premier vers manque en ce
temps-ci de vérité :
Aux plus savants auteurs, comme aux plus grands guerriers,
Apollon ne promet qu'un nom et des lauriers? Boiuian.
Juilly, 3t septembre 1865. ‘
. .'ïiî.
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PETIT INDEX
DI QUELQUES MOTS PSD CONNUS DANS CE PRÉSENT VOLUME.
ç
Çatvya |
et > noms des chevaux de Krishna.
Çougrlva\
Çarva, un des surnoms, que porte Çiva.
Çatchi ou Çatcht, l'épouse du roi des Dieux : d’où vient
son appellation de Çatchipati, l’époux de Çatchi.
Çri, la Cérès des Latins, nom de Lakshmi, la Déesse de
la beauté.
K
Kârttika, nom d’un mois, octobre-novembre, quand la lune
accomplit sa pléoménie près des Pléiades.
Kiràta, un sauvage, un homme des tribus barbares, qui
habite les bois, les montagnes, et qui vit de la chasse ;
les Kirradœ d’Arrien.
Kouniâra, un jeune enfant, qui n’a pas encore atteint la
cinquième année : c’est un surnom fréquemment donné
à Kârttikéya, le Dieu de la guerre.
M
Mabaséna, autre surnom de Kârttikéya.
O
Oupânçou, un vœu in-petlo, un vœu de choses secrètes.
P
Pardjanya, un nom d’Indra.
Pâtàla, l’Enfer, le Tartare, la région située au-dessous de
la terre et la demeure des Nâgas ou des serpents.
Poundarika, un lotus en général, d’où Vi.shnou fut sur-
nommé Poundarikilkfhii, Dieu aux yeux de lotus bieut.
XVI
PETIT INDEX.
Pourohita, antfpofùut. le brahme, qui dans la maison est
préposé au-dessus de tous les autres et préside à la di-
rection suprême des cérémonies religieuses.
R
Radjas, la seconde condition de l'esprit humain, la qualité
de passion, qui produit les désirs sensuels, les appétits
mondains, l’orgueil, la fausseté, et qui est la cause de
la douleur.
S
Sattwa, un des trois gounas ou propriétés de l’homme et
de la nature, la qualité d’excellence ou de bonté, qui
éclaire, constitue l’intelligence, et est la cause de la vé-
rité. Sa prédominance rend la personne, en qui elle se
trouve, vertueuse, bumidne, pieuse, charitable, chaste,
honnête, et donne à ses actions la pureté, la douceur
et le caractère de toutes les vertus.
T
Tamas, la troisième des qualités attachées à l’état de
l'humanité ou la propriété de l’obscurité, d’où procède
la folie, l’ignorance, l’aveuglement de l’esprit, les illu-
sions du monde, etc.
Tchaltya, arbre consacré, ordinairement un figuier reli-
gieux, planté soit devant un village, soit à la proximité
d’une ville, soit dans un cimetière, ou autre lieu public.
Tchakra, disque acéré, armede guerre, tranchante de tous
les cùtéii : c’est l’arme terrible de Vishnou.
Tchitrayodhin, bellator varii pugnant, un des noms, que
portait .\rjouna.
V
Viçravas, le père de Kouvéra, d’où est dérivé son nom de
Valçravana ou le Yiçravanide.
Vivaçvat, qui potaède un vêtement de lumière : c’est un
des noms donnés au soleil.
- Digitize
LE MAHA-BHARATA
POÈME SANSCRIT
LE PÈLERINAGE AFX TIRTHAS
(suite).
Youddhishthira dit :
« On peut aller, Vrikaudara, vers des êtres invisibles,
grands et vigoureux, avec le feu et la pénitence. 10,840.
n Écarte la faim et la soif, fils de Kounti, avec l’aide
de la force; ensuite appuie-toi, Ventre-de-Loup, sur la
force et l’adresse. 10,841.
» Tu as entendu la parole du rishi près du mont Kal-
lâsa : considère avec intelligence comment, seigneur,
Krishnà pourra faire la route, accompagnée de Sahadéva,
de Dhaâumya, des cochers, des cuisiniers et de tous les
serviteurs. 10,842 — 10,843.
i> Toi, Bbtma, escorté des chars, des chevaux et des
autres brahmes, sur qui la route fait peser l'a peine, pro-
mène tes grands yeux derrière toi sur tous. 10,844.
» Lomaça aux grandes pénitences, Nakoula et moi,
IV 1
2
LE MAHA-BHARATA.
nous trois, nous irons dans la montagne, nos vœux com-
primés et nous refusant la nourriture. 10,8Aô.
» Habite ici dans l’attente de mon retour aux portes de
la Gangâ et garde avec attention DraAupadt jusqu’à ce
que je revienne. » 10,8&6.
Bblma répondit :
U L’éminente princesse marche, fils de Bharata, sous
le poids de la douleur, accablée de lassitude, appelant de
ses désirs la vue du héros aux blancs coursiers. 10,847.
» Ton anxiété n’est pas moins cruelle de ne pas voir le
magnanime Goudàkéça, qui ne recule jamais dans les ba-
tailles. 10,848.
» Combien plus grande sera-t-elle, quand tu ne verras
plus, Bharatide, ni Sahadéva, ni moi, ni Krishn.à? Que
les brahmes et tous les serviteurs, les cochers, les cuisi-
niers et celui d’entre nous, que ta majesté jugera conve-
nable, s’en aillent à leur fantaisie! Quant à moi, je n’ai
aucun désir de t’abandonner jamais dans cette montagne
remplie de Rakshasas, dans ces escarpements et dans ces
précipices. Cette vertueuse fille de roi, elle-même, fidèle
à son époux, 10,840 — 10,850 — 10,851.
U Ne pourrait s’éloigner d’ici sans toi, tigre des hommes.
Il en est ainsi de Sahadéva, ce prince, qui t’est insépara-
blement dévoué. 10,852.
» Ce beaa jeune homme ne s’écartera jamais de toi, ni
moi de lui : il y a plus, grand roi ; comme l’envie de voir
l'ambidextre allume les désirs de nous tous, nous irons
avec toi ; et s’il est imposs'ible de tenir sur des chars la
montagne aux mille bras, nous irons à pied seulement.
N’aie aucune inquiétude, sire, je porterai la Pântchàlaine
dans tous les endroits, où elle ne pourrait marcher.
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VANA-PARVA.
S
» Telle est ma résolution : n'aie aucune inquiétude,
sire. Ainsi ferai-je pour ces deux jeunes princes, héroïques
enfants de Mâdrl. 10,863 — 10,866 — 10,866—10,866.
» Ils passeront, grâce à moi, en ces lieux diOiciles, où
ils ne pourraient aller d’eux-mémes. » — « Bhtma, 6 toi,
qui parles ainsi, reprit Touddhishthira, que ta vigueur
s’augmente, afin que tu puisses voiturer l’illustre Pin-
tchâlaine et les deux jumeaux eux-mémes I La félicité des-
cende sur toi! Nulle part, il n’existe un homme, capable de
porter un tel fardeau. 10,867 — 10,868.
» Puisse s’accroître, guerrier aux longs bras, ta race,
ta renommée, ta vertu de kshatrya et ta gloire, afin que
ta sois en état de conduire en ces lieux difficiles Krishnà
et ses deux frères! N’aie pas de langueur et ne sois pas
vaincu dans cette charge ! » Ensuite, la ravissante Krishnâ
tint en riant ce langage ; 10,860 — 10,860.
« Je marcherai bien! Ne conçois pas d’inquiétude à
mon égard, fils de Bharata !» — « On peut aller sur le
mont Gandhamâdana, armés de pénitence, dit Lomaça.
» Nous nous munirons tous de pénitence, fils de Kountl ;
et Nakoula, Sahadéva, Bhlmaséna, moi, prince, et toi,
nous verrons Arjouna I » Tandis que ces héros s’entrete-
naient ainsi, ils virent avec joie, sire, la terre de Soubâ-
hou, contrée vaste, pleine d’éléphants et de chevaux en
grande quantité, remplie de Tanganas (1) et de Kirâtas (2) ,
mêlée de cent espèces de Poulindas (S),
10,861—10,862—10,863—10,806.
Peuplée des bufiBes de l’Hymàlaya et douée de diffé-
rentes merveilles. A leur vue, le souverain des Kalindas,
(l>-2^3) Nomi de hordee MUTagei.
4 LE MAHA-BHARATA.
Soubàhou, commence par manifester sa joie et les reçoit
avec honneur à la frontière de ses États. Bien accueillis,
après une tranquille habitation chez lui, ces héros, lais-
sant au roi, monarque des Kalindas, leurs domestiques,
h la tête de qui était Indraséna, les préposés à l’office, les
cuisiniers et la suite entière de Draâupadi, se mirent en
route, sire, avec un soleil fortuné, pour le mont Hima-
laya. 10,866—10,866—10,867—10,868.
Ces guerriers aux longs bias, enfants de Kourou, mar-
chaient de leur pied seul ; et, par égard pour Krishna, ils
s’avancèrent lentement de ces lieux, transportés d’allé-
gresse, avec le désir de voir Dhanandjaya.
10,869—10,870.
« Bhlmaséna, et vous, les deux jumeaux, et toi, la
Pântchàlaine, écoutez-moi! dit A’ouddhishthira : voyez!
nous marchons dans les bois; et nous n’avons perdu au-
cune vie. 10,871.
« Nous sommes faibles, accablés de peines! » dit-on,
parce que nous marchons çà et là, parce que nous allons
dans l’impossible, avec le désir de voir Dhanandjaya.
» L'n feu, pareil à la flamme, qui dévore des balles de
coton, brûle mes membres, parce que je ne vois pas à
mes côtés le héros Dhanandjaya. 10,872 — 10,873.
» La soif de sa vue me brûle dans ce bois, où je suis
venu avec mes frères puinés; il me brûle, ce héros, objet
de la patience d’A'àjnasénl. 10,874.
U Je suis consumé de douleur, Vrikaudara, parce que
je ne vois pas ce fils invincible de Prithâ à l’arc terrible,
à la force sans mesure et de qui la naissance a précédé
celle de Nakoula ! 10,875. ■'
» Je parcours avec vous, tourmenté du désir de sa
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VANA-PARVA.
5
vue, les tirthas charmants, les forêts et les lacs. 10,870.
» Je suis consumé de douleur, Vrikaiidara, parce que
je ne vois pas, depuis cinq années, Dhanandjaya-Bt-
bhatsou, ce héros fidèle à la vérité. 10,877.
» Je suis consumé de douleur, Vrikaudara, parce que
je ne vois pas Goudâkéça aux longs bras, au teint d’azur,
à la démarche héroïque du lion. 10,878.
» Je suis consumé de douleur, Vrikaudara, parce que
je ne vois pas le meilleur des Kourouides, le plus .adroit
des archers, ce guerrier habile, qui a terminé l’élude des
armes et qui est sans compai-aison dans la guerre ; 10,879.
» Dhanandjaya, aux épaules de lion, semblable à un
éléphant ivre, et qui parcourt les troupes des ennemis,
tel que la destruction irritée au temps de la mort ! 10,880.
» Je suis consumé de douleur, parce que je ne vois
pas, s.aisi d’un grand ch.agrin, cet invincible Phàlgouna à
l’arc terrible, ce fils de Prithâ aux chevaux bhancs, ù la
vaillance sans mesure, de qui la naissance a devancé la
naissance des deux jumeaux et qui n’est p.as inférieur à
Çakra en force et en richesse. 10,881 — 10,882.
» Lui, qui, jctéçàetl.l par un enfant, est doué toujours
de palienc: ; lui, qui donne la joie et la .sécurité à un
ennemi, qui s’incline vers la voie droite; 10,883.
» Mais il serait le poison de la mort pour le Dieu
même, qui porte la foudre, s’il voulait par la magie, lui
ôter la vie et s’il entrait dans une voie tortueu.se. 10,884.
» L’auguste et vigoureux Bibhatsou à l’âme sans me-
sure n’est pas cruel pour l’ennemi, qui s’abaisse ; il lui
donne la sécurité. 10,835.
» De nous tous, il est l’asile dans le combat; c’est son
bras, qui dans la bataille broie les ennemis : c’est lui, qui
6
LE MAHA-BHARATA.
nous apporte toutes les pierreries; c'est lui, qui nous
donne le pl;ûsir à tous. 10,8S($.
I) C’est à son courage, que j’ai dû jadis ces pierreries
célestes, en grand nombre, de toutes les espèces, qui
sont aujourd’hui au pouvoir de Souyodhana! 10,887.
» C’est par la force de son bras, héros, fils de Pàndou,
que jadis fut bâti pour moi ce palais fait de toutes les
pierreries et célèbre dans les trois mondes. 10,888.
» Je ne vois point iri Phâlgouna, invincible, sans me-
sure dans les batailles, l’égal du Vasoudévide en courage,
l'égal de Karttavlrja dans la guerre. 10,889.
U Cet immolateur des ennemis, qui par sa vaillance te
suit, toi l’invaincu, Bhtma, et Sanltarshana à la grande va-
leur, et le fils de Vasoudéva ; 10,890.
n Lui, de qui Pourandara est l’égal pour la force du
bras et la puissance, le vent pour la rapidité, la lune
pour la beauté du visage, et la mort éternelle pour la
colère. 10,891.
» Le désir de voir cet héroïque ügre des hommes nous
conduira tous, guerrier aux longs bras, dans le mont
Gandhamâdana ; 10,892.
» Où, sur la rive de la grande Varadt, Nara et Nâ-
râyana avaient mis leur hermitage. Nous verrons cette
excellente montagne, toujours habitée par les Yakshas.
» Nous irons de notre pied seul, pratiquant une sévère
pénitence, au lac charmant des lotus de Kouvéra, fré-
quenté par les Démons rakshasas. 10,893 — 10,89A.
» 11 est impossible d’aller en ce lieu, Vrikaudara, à un
homme, qui possède un char, qui est cruel, ou de qui
l’avarice, fils de Bharata, dévore le cœur. 10,895.
» Nous irons tous là, Bhlma, accompagnés des brahmes
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VANA-PARVA-
7
aux grands vœux, chercher Arjouna, munis de nos armes
avec le cimeterre lié à notre cou I 10,896.
» L’homme, de qui l’àme n’est pas comprimée, ren-
contre la morsure des mouches, les cousins, les lions, les
tigres, les serpents; mais l’homme dompté, fils de Prîthâ,
ne les voit pas. 10,897.
» Nous, tenant nos Ames comprimées et nous mesurant
la nourriture, nous entrerons par le désir de voir Dha-
nandjaya dans le mont Gandhamàdana. » 10,898.
Lomaça dit :
« Vous avez tous vu les montagnes , les rivières, les
forêts et les villes, les charmants ttrtbas et l’eau, qu'on
touche avec les mains. 10,899.
» Voici la route, qui nout conduira au céleste mont
Mandera! Fils de Pàndou, soyez tous attentifs et sans
trouble. 10,900.
» Il faudra que vous alliez A cette habitation des
Dieux, à cette habitation des célestes rishis aux œuvres
pures. 10,901.
Il Cette grande rivière, qui a sa source dans la mon-
tagne Vadnri, aimable sire, et dont les rives sont habitées
par des Dévarsbis, coule pour s'augmenter avec l’eau de
Çiva. 10,902.
» Elle est honorée par les magnanimes BAlikhilyas,
toujours habitant les airs, et ses bords sont recherchés
par les Gandharvas aux grands cœurs. 10,903.
» C'est ici que Haritchi, Poulaha, Bhrigou et Angiras
lui-méme, mariant leurs saintes voix, ont jadis chanté le
Sâma. 10,906.
» Le plus grand des Dieux y murmure journellement
la prière avec le chœur des Marouttes ; les SAdhyas et les
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LE MAHA-BHâRATA.
deux Açwios accourent alors et l'environnent. 10,006.
s La lune avec le soleil et les étoiles, accompagnées
des planètes, suivent les bords de cette rivière selon les
portions de la nuit et du jour. 10,90fi.
» Çiva, par qui la stabilité du monde sera donnée aux
portes de la Gangâ, a soutenu sur sa tète, éminente
personne, l’eau pesante de cette rivière. 10,907.
» Que toutes vos grandeurs s'approchent donc, avec
une âme soumise, de cet adorable fleuve et s’inclinent
devant lui. » 10,908.
Quand ils eurent entendu ces paroles du magnanime
Lomaça, les Pândouides de s’incliner avec dévotion devant
la Gangâ des airs. 10,900.
Après que tous les vertueux fils de Pândou eurent payé
cet hommage, ils se mirent eu route de nouveau tous avec
joie, accompagnés des troupes de rishis. 10,910.
Ces excellents princes virent de loin s’étendre de tous
côtés la plage, qui paraissait blanche et semblable au Mé-
rou. 10,011.
Habile à manier le discours, Lomaça, devinant que les
Pândouides avaient envie de l’interroger, tint alors ce
langage : « Écoutez, fils de Pândou, 10,912.
» Ce vaste et bien fortuné lieu, que je vois se dresser,
6 le plus excellent des hommes, pareil à une montagne et
semblable aux cimes du Kallàsa. 10,913.
» Ce sont les ossements de Naraka, le magnanime Dat-
tya! Cet ossuaire, changé aux pierres d’une montagne,
brille aux yeux comme une montagne. 10,916.
» Ce Daltya, mon père, fut tué par l’antique Dieu,
l’âme universelle, Vishnou, désirant le bien du roi des
Dieux. 10,015.
vana-parva.
9
>1 Après que ce Démon au grand cœur eut cultivé une
rigoureuse pénitence, qui avait duré dix mille ans, il dé-
sira, pour la récompense de ses macérations et la persis-
tance de sa lecture, la place, qu'occupait Indra; 10,916.
U Et, toujours hautain, le fils de Dit! s’en empara,
grâce à la rare vigueur de sa pénitence, à la grande force
et à la fougue de ses bras. 10,917.
» G)nnaissant sa force et son vœu suivi dans le devoir,
Indra en fut alors troublé, mortel sans péché, et envahi
par la crainte. 10,018.
» Il tourna donc sa pensée vers l'impérissable Dieu,
Vishnou ; et le fortuné Seigneur, de qui tout est parcouru,
vint se présenter devant lui. 10,919.
a Tous les saints et tous les habitants du ciel enton-
nèrent ses louanges. A sa vue, l’adorable Feu d’une
beauté flamboyante 10,920.
» Perdit sa splendeur, et sa splendeur fut éclipsée. A
l’aspect du divin Vishnou, le donateur des grâces, le
maître des chœurs de Dieux, 10,921.
» Le porteur du tonnerre, joignant ses mains au front,
lui fit l’adoration avec dévotion et lui tint ce langage ;
a Être suprême, que le danger soit renvoyé à celui, qui
me l'apporte I » 10,922.
» Vishnou lui répondit :
a Je sais, Indra, le danger, que tu cours de ce Naraka,
le roi des Daltyas; il désire se mettre à la place d'Indra
ptar l’œuvre parfaite de sa pénitence. 10,923.
U Je vais, par affection pour toi, le séparer de son
corps, quoiqu’il soit, assurément, parfait dans sa péni-
tence : attends un moment. Dieu Indra! » 10,92i.
» Vishnou à la grande splendeur d’enlever an Daltya
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10
LE MAHA-BHABATA.
rime avec sa main; et il toml>a sur le champ à terre
frappé, comme le roi des montagnes. 10,026.
» Ce que nous voyons est l'assemblage des ossements
de ce Démon, tué par compassion. Il est un autre fait,
compté comme le second parmi les faits de Vishnou.
n La terre, perdue toute entière, était abîmée dans le
Pâtâla; elle en fut retirée par le seul boutoir d’un san-
glier, dont il avait pris la forme. » 10,926 — 10,927.
Youddhishthira l'interrompit :
n Vénérable, dit-il, raconte-moi suivant la vérité cette
narration avec étendue : comment la terre fut-elle perdue
alors par le maître des Dieux 7 10,028.
» Comment lut-elle repêchée alors , brahme, à cent
yodjanas? Par quel moyen la terre fortunée, éminente,
divine, productrice de tous les fruits, a-t-elle été refaite
un anneau certain du monde? Parla puissance de qui fut-
elle relevée jusqu’à cent yodjanas? 10,929 — 10,930.
« Par qui cette substance de l’énergie fut-elle montrée
au Paramâtman ? Je désire , é le plus excellent des
brahmes, entendre tout cela, suivant la vérité, avec éten-
due ; car toute cette science est contenue en toi ! »
Lomaça lui répondit :
« Entends de ma bouche entièrement, Youddhishthira,
le récit de toutes ces choses, sur lesquelles tu m’inter-
roges. Jadis, mon père, l’àge Rrita fut terrible.
1 0,931—1 0,932—10,933.
» Au commencement, l’antique et premier Dieu fît une
exemption de la mort ; et quand ce sage Dieu des Dieux
eut exempté du trépas tous les êtres animés, 10,93i.
» 11 n’y eut plus de mort, Atebyouta, mais la naissance
avait lieu toujours ; on vit s’augmenter les troupes des oi-
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VANA-PARVA.
11
seaux, les vaches, les taureaux, le bétail, les chevaux, les
bœufs, les animaux, qui vivent de chair, et les enfants
de Manou, tigre des hommes et fléau des ennemis.
10,935— 10,93«.
» Ils s'augmentaient, comme l'eau, par mille et par
myriade. Taudis que cette effrayante plénitude existait,
la terre, descendue à cent yodjanas par l'excès de la
charge, tous ses membres agités par la douleur, et l'âme
envahie par la pesanteur du faix, s'en fut implorer, sou-
mise, le secours du Dieu Nàrâyana et lui tint ce dis-
cours : « Adorable, je dois rester bien long-temps ici
d'après la faveur, dont je fus l'objet.
10,937—10,938—10,939.
» Je ne puis durer sous le poids, qui m'accable ; daigne,
adorable, éloigner de moi ce fardeau. 10,940.
» Je suis venue sous ta protection ; daigne, seigneur,
m'accorder ta faveur. » Quand il eut ouï ce langage
d'elle, l'adorable, l'auguste et l'immortel 10,941.
» Répondit ce discours formé de syllabes dignes d'ètre
entendues : « Tu ne dois concevoir nulle crainte de moi
dans le fardeau, qui t'accable, ô toi, qui portes les ri-
chesses de la terre. 10,942.
» Moi, j'agirai de telle sorte que tu deviendras légère.
D'abord, ayant abandonné la terre au collier de mon-
tagnes 10,943.
n Et m’étant changé en un sanglier à la grande force, à
l'admirable boutoir, j'arracherai, pour ainsi dire, la
crainte de tes yeux rouges. » 10,944.
» Enflammant parLakshmilafumée.ils’accruten ce lieu
même. Ensuite, prenant la terre sur son admirable et lu-
mineux boutoir, l’immortel de la relever, héros, à cent
IS LE MAHA-BHARATA.
yodjaoas. Tandis quelle était exhaussée, une agitation
naquit au sein d’elle. 10,0Aô — lO.OAU.
» Tous les Dieux et les saints, riches de pénitences,
furent secoués ; et le ciel, les airs et la terre, tout de
s’écrier : « Hélas ! hélas ! » 10,947.
s 11 n'y eut pas un homme, ni même un Dieu, qui resta
debout. Les Dieux et les chœurs des saints s’avancèrent
un par un vers Brahma assis et, pour ainsi dire, flam-
boyant de beauté, et, quand ils se furent approchés de
Brahma, le maître des Dieux et le témoin des mondes,
tous de réunir leurs mains au front et d’articuler ce dis-
cours : Il Tous les mondes sont agités, les êtres immo-
biles et mobiles sont dans le trouble. »
10,948—10,949—10,950.
n La tempête règne sur les mers et cette terre toute en-
tière, sou^■erain des Tridaças, est remontée à cent yo-
djanas. 10,951.
» Quelle est cette chose? Pourquoi? Qui trouble ce
monde par sa puissance? Que la divinité veuille bien
nous le dire! Nous sommes absolument ici sans aucune
connaissance ! » 10,952.
Il 11 n’est point d’Asouras, d’où vous ayez nul danger à
craindre ici quehjuc part : écoutez. Immortels, qui a fait
naître cette agitation ? 10,953.
» Ce fortuné Vishnou, qui se tient avec une âme im-
mortelle et par qui tout est pénétré, est celui, par la puis-
sance duquel lut produite celte agitation du Tridiva.
1) C’est l’âme universelle, Vishnou, qui a relevé toute
cette terre, qui s’était affaissée jusqu’à cent yodjanas.
10,954—10,955.
» Son redressement est la cause de cette agitation ;
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VANA-PARVA.
13
que vos divinités le sachent ainsi et que votre doute soit
dissipé. » 10,956.
(( Où cela est-il arrivé 7 lui dirent les Dieux. Où joyeux
a-t-il retiré la terre? Que ta révérence nous dise l’endroit,
et nous irons adorer ce lieu. » 10,957.
« Eh I bien ! allez, répondit Brahma. La félicité des-
cende sur vous! Voyez dans le Nandana; il s'y tient. C’est
là que brille le vénérable et fortuné Garouda. 10,958.
U C'est là que resplendit maintenant, comme le feu de
la mort, l'adorable auteur des mondes, après qu'il a retiré
le globe de la terre sous la forme d'un sanglier, 10,959.
» Sur sa poitrine reluit ce fameux çrlvatsa. Voyez tous.
Dieux, cet être, duquel n'approché point la maladie. »
» Ensuite, ayant vu et entendu le magnanime ayeul des
mondes, lui ayant dit adieu et décerné le premier rang,
les Dieux immortels de s'en aller comme ils étaient ve-
nus. I) 10x960 — 10,961.
Dès qu'ils eurent ouï cette narration, Djanamédjaya,
tous les fils de Pàndou marchèrent joyeusement, d'un pied
agile, comme à l'ordre de Ixtmaça. 10,962.
Alors ces héros à la vigueur sans mesure, les plus
adroits de tous les archers, ayant pris avec eux les plus
vertueux des brahmes, attaché leurs épées, ceint les car-
quois, tenant leurs arcs et leurs flèches, la manique, dé-
fense de leurs doigts, liée autour de leur main, s'avan-
cèrent, accompagnée de la Pàntchâlaine, sire, vers le mon/
Gandhamâdana. 10,968 — 10,964.
Ils virent sur le front de la montagne des lacs, des ri-
vières, des sommets, des bois et des arbres aux épais om-
brages: 10,965.
Lieux, continuellement revêtus de fleurs et de fruits.
n
LE MAHA-BHARATA.
toujours habités par des Dévarshis. Ces héros, tirant de la
fermeté d’eux-mèmes, y vécurent de fruits et de racines.
Ils allèrent par des lieux aux formes diverses, précipices
ou défilés; ils virent de nombreuses et différentes espèces
d'animaux. 10,966 — 10,967.
Ces magnanimes entrèrent dans cette montagne, par-
courue des kinuaras, chère aux Apsarns et aux Gandhar-
vas, la résidence des saints, des Siddhas et des Immor-
tels. 10,966.
A peine étaient-ils entrés dans ce mont Gandhamâ-
dana, un vent furieux, accompagné d’une violente pluie,
se manifesta soudain, monarque des hommes. 10,969.
Il souleva un nuage 0e poussière, mêlé d'une grande
quantité de feuilles : la terre, l'atmosphère, le ciel, en
furent couverts tout à coup. 10,970.
On ne voytdt plus rien dans le ciel enveloppé de pous-
sière; ils ne pouvaient plus même s’adresser l’im à l'autre
la parole. 10,971.
Leur œil, couvert par l'obscurité, ne se distinguait plus
les uns des autres; ils étaient entraînés par le vent si fort,
Bharatide, qu'il mettait en poudre les pierres mêmes.
C'était un bruit continuel d’arbres rompus du vent,
renversés sur la surface du sol, et des autres pi oduits de
la terre. 10,972 — 10,973.
« Est-ce que le ciel s’écroule î Est-ce que la terre se
fend? Est-ce que la montagne s’entrouvre? » Ainsi tous
ils pensaient dans le délire, où ils étaient jetés par le
vent. 10,974.
Effrayés de l’ouragan et cherchant avec leurs mains, ils
se couchaient contre les arbres sans intervalle, contre les
fourmillières, contre les lieux inégaux. 10,976.
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VANA-PARVA.
15
Bhîmaséna ù la grande force s’arma de son arc et,
s’étant chargé de Krishnâ, il s’approcha d’un arbre, U
chercha un asyle et s’y tint. 10,976.
Dharmaràdja, et Dhaàumya, et Sahadéva, ayant pris
les feux perpétuels, se couchèrent sur la montagne dans
la grande forêt. 10,977.
Nakoula, et les autres brahmes, et Lomaça aux grandes
pénitences, s’étant avancés avec elïroi vers les arbres, se
couchèrent à leur pied çà et là. 10,978.
Enfin le vent faiblit, la poussière s’apaise, et une pluie
survient, avec une multitude de grandes gouttes d’eau.
C’est un bruit continuel de crépitement, comme si on
lançait des tonnerres : ensuite les mobiles clartés de
l’éclair circulent au milieu des nuages. 10,979 — 10,980,
De larges gouttes de pluie, accompagnées de pierre,
couvrent le sol de tous les côtés, et tombent continuelle-
ment, envoyées là par le vent orageux. 10,981.
Partout se confondant, troublées, écumeuses, les
eaux, monarque des hommes, se manifestent comme des
fleuves, 10,982.
Et courent à la ronde avec grand bruit, arrachant les
arbres et promenant une eau profonde, où se jouent des
portions d’écumes, semblables à des lunes. 10,983.
Le bruit cesse, le vent revient au calme, l’eau se ras-
semble dans les lieux bas et le soleil reparaît dans le
ciel; 10,98à.
Tous les héros sortent lentement de leurs retraitest ils
se réunissent, fils de Bharata, et se mettent en route de
nouveau pour le mont Gandhamàdana. 10,985.
A peine les magnanimes enfants de Pàndou s’étaient-
ils avancés à la distance d'un kroça, quand Draâupadi,
1«
LE M VHA-BHARATA.
qui n'était pas accoutumée de marcher à pied, s'ar-
rêta. 10,986.
Fatiguée, allligée de peine par le vent et la ploie, la
vertueuse Pântchâll s’évanouit par la délicatesse de m
constitution. 10,987.
Ébranlée par le délire, cette dame aux yeux noirs ap-
puya ses cuisses de ses deux bras assortis et ronds.
Quand elle se fut appuyé de concert les deux cuisses,
pareilles à des trompes d'éléphants, elle tomba soudain
sur la terre, tremblante comme un bananier.
10,988—10,989.
Le vigoureux Nakoula de courir et de recevoir cette
dame à la taille svelte au moment quelle tombait, sem-
blable à une liane coupée. 10,990.
« Sire, dit-il, cette fille aux yeux noirs du roi de Pân-
tchâla est fatiguée ; elle tombe sur la terre ; regarde-la,
fils de Bharata. 10,991.
» Digne du plaisir, cette princesse à la démarche douce
est tombée dans la peine la plus amère : console-la, grand
roi, car elle est déchirée par la fatigue. » 10,992.
A sa voix, pénétré d'une vive douleur, le roi courut
aussitôt avec Bhima et Sahadéva ; 10,993.
Le vertueux fils de Rountl la vit maigre et le visage
sans couleur ; il la posa dans son sein et gémit sur elle,
malade de sa peine : 10,99â.
A’ouddhishthira dit :
ft Comment ! cette dame de la plus haute des castes,
digne du plaisir, accoutumée aux couvertures moëlleuses
dans nos palais bien gardés, la voilà maintenant, qui gît,
tombée sur la terre. 10,995.
» Comment les pieds si délicats de cette femme digne
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VANA-PARVA.
17
des meilleures choses et sa face, pareille au lotus, ont-ils
pu à cause de moi passer à la noirceur 7 10,996.
» Qu’ai-je fait, sans réflexion, passionné pour le jeu,
quand j’ai parcouru, accompagné de Krishnâ, celte forêt,
pleine de carnassiers par bandes ? 10,997.
(I Cette noble femme, elle obtiendra le bonheur, quand
elle aura acquis les ûls de PAndou pour époux t » C’est
ainsi que parlait son père, le roi Droupada, en nous don-
nant cette vierge aux grands yeux. 10,998.
» Et la voici, qui, par mes œuvres coupables, gtt, ren-
versée sur la terre, déchirée par le chagrin, la fatigue et
la route, sans qu’elle ait rien obtenu de tout cela. »
Tandis que Dharmarâdja-Youddhishthira gémissait
ainsi, Dhaâumya et tous les autres plus vertueux des
brahmes s’avancèrent. 10,999 — 11,000.
Ils consolèrent Dra&upadl, l’honorèrent même de leurs
bénédictions, prononcèrent les formules, qui éloignent
les Rakshasas, et firent les cérémonies religieuses.
Quand les rishis du plus haut rang ont récité les man-
tras pour la paix, les Pândouides la touchent mainte et
mainte fois de leurs mains fraîches. 11,001 — 11,002.
Caressée par un vent doux, mêlé avec l’eau, Pântchâlî
en éprouva du plaisir et reprit peu à peu sa connais-
sance. 11,003.
Les fils de Prithâ étendirent Krishnâ affligée sur un lit
de peaux de gazelles et délassèrent de ses fatigues la
femme pénitente, qui avait recouvré l’esprit. 11,00A.
Ils portèrent lentement sur leurs mains, qui gardaient
les traces des cicatrices, ses deux pieds à la rouge surface
et dont les signes de beauté étaient honorés de loue.
Dharmarâdja-Youddhishthira de la consoler, et l’atné
IV 2
18
LE MAHA-BHARATA.
des Kourouidcs adressa ce langage à Bhlmaséna :
11,005—11,006.
« Les montagnes sont en grand nombre, elles sont
inégales, les neiges obstruent les routes : comment
Krishnâ, guerrier aux longs bras, y pourra-t-elle mar-
cher?» 11,007.
Bhlmaséna lui répondit :
« Je t’y conduirai moi-même, toi, sire, le plus grand
des hommes, et la Tille des rois, et les deux jumeaux : ne
plonge pas, Indra des rois, ton âme dans l'aflUction. 11,008.
» Le fils de Hidimbâ â la grande vigueur, égal en force
à moi, voyage dans les airs ; Ghatautkatcha nous por-
tera tous à ta voix, mortel sans péché. » 11,009.
Il en obtint la permission de Dharmarâdja et tourna
aussitôt son souvenir vers le Rakshasa, son fils. A peine
le vertueux Ghatautkatcha cut-il été lappelé à la mémoire
de son père, il se présenta, les mains jointes, à ses yeux.
Le héros aux longs bras s'inclina devant les fils de Pâiidou
et devant les brahmes; puis, salué par eux, il tint ce
langage à Bhlmaséna, son père, à la vaillance épouvan-
table : Il Ta grandeur s’est souvenue de moi, et, docile,
je suis promptement arrivé. 11,010—11,011 — 11,012.
» Donne-moi tes ordres ; je les exécuterai entièrement,
n’en doute pas !» A ces mots, Bhlmaséna d’embrasser le
Rakshasa. 11,018.
Youddhishthira lui dit :
« Ce Héros puissant, qui sait le devoir, est en vérité
le premier des Rakshasas ! Ce fils sorti de tes entrailles,
Bhtma, nous est dévoué : qu’il nous prenne, sans tar-
der! ll,01i.
» Guerrier au courage plus qu'épouvantable, je veux
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VANA-PARVA.
aller sain et sauf avec Pântchâll au Gandhamâdana, grâce
à la force de tes bras. » 11,015.
Alors connaissant le désir de son frère, Bhtmaséna, le
tigre des hommes, commanda à son fils Ghatautkatcha,
qui traîne le corps des ennemis tiir un champ de ba-
taille : 11,016.
« Fils de Hidimbâ, voici ta mère, qui est fatiguée,
vaincue par sa faiblesse. Tu vas dans les routes, qu’il te
plaît, mon fils ; porte-la vigoureusement par les voies du
ciel. 11,017.
» Fais-la monter sur tes épaules, vole par les airs au
milieu de nous dans une route basse, et mets tes soins à
ne point la contrister. » 11,018.
« Je sullis à porter, fussé-je seul , Dharmarâdja, et
Dhaâumya,*et Krishnâ, et les deux jumeaux, dit Gha-
tautkatcba : combien plus maintenant que j’ai un compa-
gnon. 11,019.
» 11 y a d’autres héros par centaines, mortel sans péché,
voyageant par les airs et changeant de formes à volonté,
pour vous conduire tous, accompagnés des brahmes. »
>> A ces mots, Ghatautkatcha, ce héros, qui allait au
milieu des Pàndouides, dit à Krishnâ et aux autres enfants
dePândou: 11,0-20—11,021.
« Lomaça â la splendeur incomparable a voyagé par la
voie des Siddhas, grâce à son énergie seule, comme un
second soleil par sa puissance ! ■> 11,022.
Les Rakshasas prirent tous les brahmes eux-mêmes et
partirent avec une force épouvantable à l’ordre de l’indra
des Rakshasas. 11,023.
Ils allaient à la grande Vadart , contemplant ainsi les
bois et les bocages les plus délicieux. 11,025.
20
LE MAHA-BHARATA.
Ces héros, abrégeant ainsi leur long voyage, s'avan-
çaient lestement, portés par les Rakshasas à la marche
prompte, à la grande rapidité. 11,025.
Us virent des lieux, pleins de peuples barbares, ornés
de toutes les sortes de pierreries, couverts de métaux
divers, qui imprimaient leurs pas sur la montagne.
Us étaient remplis de Vidgâdharas, sillonné.s de tous
les côtés par des singes, des Rinnaras, des Rimpourou-
sbas et des Gandharvas. 11,026 — 11,027.
Us étaient couverts de paons, de vaches grognantes,
de grands oraugs, de sangliers, de gayals et de buffles.
Us étaient parsemés d’une multitude de rivières, doués
de volatiles en toutes les sortes, peuplés de quadrupèdes
en toutes les espèces et embellis par des singes.
11,028—11,029.
Les pèlerins descendus virent ces endroits nombreux,
pleins d’oiseaux ei d’arbres, les Outtara.s-Rourous, la
grande montagne duRailàsaavecsesmerveillesdivei'ses, et
près d’elle ils admirèrent l’hermitage de Nara et de Nâ-
râyana, doué d’arbres célestes, toujours accompagnés de
fleurs et de fruits. Us virent la ravissante Vadari avec ses
rondes branches, douce de ses épais ombrages, parée
d’une supérieure beauté, brillante de ses feuilles chéries,
tendres et touffues. 11,030 — 11,031 — 11,032 — 11,033.
GUe était remplie de grandes branches, douée d’une vive
splendeur, couverte de fruits entassés, célestes et très-
doux, 11, OSA.
Divine, toujours distillant le miel, habitée par des
troupes de Maharshis, encombrée de bandes d’oiseaux en
touteslesespèces,continuellementjoyeuxd’ivre.sse.ll,035.
Arrivés dans ce lieu, orné de mosquites sans morsure.
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VANA-PARVA.
21
abondant en eaux, en fhiits, en racines, jonché d’un
gazon récent d'émeraude, peuplé de Gandharvas et de
Dieux, dans ce lieu débarrassé d’épines, bien disposé de
sa nature, où les portions de terre' étaient parfaitement
égalisés, et d’une fraîcheur agréable au toucher, ces
magnanimes, dis-je, an’ivés sous un tel régime avec les
principaux des brahmes, descendirent lentement des
épaules du Kaksbasa. 11,036 — 11037 — 11,038.
Ensuite, accompagnés de ces chefs des brahmes, les
PAndouides, sire, visitèrent le charmant hermitage, où
s’étaient confinés Nara et Nâràyana, 11,039.
Lieu, défendu par l’ombre, impénétrable aux rayons
du soleil, destructeur du chagrin, à l’abri des inconvé-
nients du chaud et du froid, de la faim et de la soif.
Rempli par des troupes de Mahanshis, doué d’une
beauté brahmiquc, et dont l’entrée, grand roi, est difii-
cile à des hommes, qui ont chassé la justice.
10,0â0— 10,0âl.
11 était honoré d’oblations et de beurre clarifié, d’on-
guents pour le corps d’une extrême pimeté, et brillait
partout d’offrandes de fleurs célestes. 11,042.
11 était couvert de vastes chapelles pour le feu, de cuil-
lers pour les sacrifices et de plats resplendissants ; il était
embelli de vases en argile et de grandes aiguières, pleines
d’eau. 11,043.
C’était un hermitage céleste, secourable pour tous les
êtres, retentissant du murmure des Védas, destructeur
de la fatigue, auquel on devait recourir. 11,044.
11 était accompmgné de la prospérité, indéfinissable,
embelli par un service divin, doué de vertueux récita-
teurs des Védas, identifiés à l’Être suprême, vivants de
22
LE M4HA-BHARm.
racines et de fruits, revêtus de belles peaux d’antilope
noire, esprits méditatifs, semblables par la pénitence au
Feu ou au Soleil, de Maharshis, qui avaient pour leur
principal objet l'émitncipation finale, et d’Yatis aux or-
ganes comprimés. Le vertueux fils d’Yama, Youddhis-
thira à la grande splendeur, vint, pur, accompagné de
ses frères, trouver avec dévotion ces éminents rishis.
Tous ces grands saints, qui trouvaient beaucoup de plaisir
dans leur lecture et, doués d’une science divins, ayant
vu pat elle qu’Youddhishthira était arrivé, se portèrent
à sa rencontre, pleins de joie, et donnant des paroles de
bénédiction. {De la stance 11,0A5 ii la stance 11 ,050.)
Joyeux et semblables au feu, ils reçurent suivant l’éti-
quette son offrande, l’eau pure, les racines, les fruits et
les fleurs. 11,050.
Dharmaràdja-Youddhishthira d’accepter en échange
avec joie et dévotion le présent offert par ces maharshis.
Le Pândouide entra joyeux, mortel sans péché, accom-
pagné de Krishnâ et de ses frères, suivi par millier de
brahmes, qui étaient parvenus à l’autre bord des Védas
et des Védângas, dans cet hermitage semblable au palais
de Çakra, pur, charmant, plein d’une odeur céleste, orné
de splendeur et pareil au Swarga.
11,051—11,052—11,053.
Ce juste vit là cette résidence de Nara et de Nârâyana,
embelli par la Bhàgiratht, et honoré par les Dévarshis et
les Dieux. 11, OSA.
Ces héroïques PAndouides se plurent à contempler cet
hermitage céleste aux fruits distillant le miel, habité par
des troupes de Brahmarshis. 11,056.
Arrivés là, ces magnanimes habitèrent avec les brahmes ;
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VANA-PARVA.
28
pleins de joie, ils eurent alors du plaisir à contempler ce
Malnàka, peuplé de bandes d'oiseaux divers, sa cime
d’or et son fortuné lac Vindou. 11,056 — 11,057.
Tandis que les Pàndonides passaient le temps avec
Krishnà dans la ravissante et délicieuse forêt, flamboyante
de fleurs empruntées à toutes les saisons, embellie par-
tout d’arbres aux fleurs épanouies, aux feuilles douces,
séduisantes, touflfues, pleines de frais ombrages, aux
branches courbées sous le poids des fruits, cousues de
troupes charmantes de kokilas mâles, ils se complurent à
voir là des lacs divers, aux belles formes, aux ondes lim-
pides, brillant partout de lotus et de nélumbos.
11,058—11,059—11,060—11,061.
L’ baleine du vent y touchait doucement avec des sen-
teurs pures, réjouissant, seigneur, tous les fils de Pândou
avec Draâupadl. 11,062.
Pendant que ces magnanimes contemplûent, le long'
de la grande Vadarl, la Bhâglrathl aux charmants tlrthas,
aux bras immaculés, aux jongles de perle et de corail,
fraîche, ornée d'arbres, pleine de fleurs célestes, accrois-
sant la joie de l’âme, 11,068 — 11,06A.
Les fils de Kountl, voués à la plus grande pureté, ras-
sasièrent les Dieux et les rishis avec l’onde pure de la
Bhâglrathl dans ce lieu, où il était extrêmement difficile
de marcher, où circulaient les Dévarshis. Là, rassasiant
d’eau et murmurant la prière, les héroïques rejetons de
Kourou, les plus grands des hommes, habitèrent, accom-
pagnés des brahmes. Les Pândouides, tigre des hommes,
semblables à des Immortels, s'y plurent à contempler les
divers amusements de Krishnâ.
11,065—11,066—11,067—11,068.
U LE MAHA-BHARATA.
Ces vaillants héros, voués à la plus grande pureté, ha-
bitèrent là six jours, avec le désir de voir Dhanandjaya.
Le vent, souillant au nord-est en liberté, apporta un lotus
divin à mille feuilles, image du soleil. 11,069 — 11,070.
Pàntchâli vit cet enfant des eaux ravissant, pur, à la
céleste odeur, que le vent avait apporté et qui était tombé
sur la terre. 11,071.
La belle, à l'aspect de ce beau lotus nompareil, tint,
dans sa joie profonde, sire, ce langage à Bhlmaséna :
« Vois, Bhtma, cette fleur divine, bien éclatante, sans
égale, douée de la conservation du parfum et qui est la
joie de mon âme. 11,072 — 11,073.
» Je la donnerm à Dharmarâdja, quand nous serons
de retour à l'hermitage de KAmyaka : va chercher de ces
fleurs, fléau des ennemis, pour l'amour de moi, ll,07â.
» Si je te suis agréable, fils de Prithâ, fais cette chose,
qui est considérable à met yeux; je désire rapporter cette
fleur à l'hermitage du Kâmyaka. » 11,076.
Quand elle eut parlé ainsi à Bhlmaséna, la Dame sans
défaut, aux angles charmants des yeux, s'approcha de la
fleur et la recueillit alors pour Dhamarâdja. 11,076.
Connaissant le dessein de l'épouse royale et désirant
faire une chose agréable à celle, qu'il aimait, Bhtma à la
grande force s'avança, la face tournée au vent, d'où cette
fleur était venue, et s’approcha avec empressement, dési-
reux de cueillir les autres fleurs. 11,077 — 11,078.
Irrité comme le roi des animaux ou comme un éléphant
en rut, il prit son arc au dos en or et ses flèches pareilles
au poison des serpents. 11,070.
Tous les êtres virent ce héros au grand arc, aux grandes
flèches : ni l’émotion, ni le trouble, ni la langueur, ni
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VA^A-PAHVA.
26
l’effroi, n'habita jamais dans ce Pritbide, fils du Vent; et,
se confiant à la force de ses bras, il désirait faire une
chose agréable à Draâopadi. 11,080 — 11,081.
Affranchi du délire de la peur, l’homme fort vola sur
la montagne à la surface de saphyr, cachée sous les arbres,
les arbrisseaux et les lianes. 11,082.
Le vainqueur des ennemis parcourut cette belle mon-
tagne, hantée par les Kinnaras, variée de métaux, d’arbres,
de quadrupèdes et d’oiseaux, composant toutes les es-
pèces, 11,083.
Douée de toutes les parures, élevée comme un bras de
la terre. Les yeux fixés en bat, songeant au projet de la
reine, il allait partout dans ces plateaux délicieux du Gan-
dhamâdana, parcourus des abeilles et résonnant des rai-
mages du kokila mâle. 11,08A — 11,083.
Cet homme à la valeur sans mesure y tenait ses yeux,
son âme, son oreille attachés; ce héros à la grande splen-
deur respirait, comme un éléphant libre au temps du rut,
l'odeur, qui s’élevait, née des fleurs de toutes les espèces.
Il était éventé par l’haleine, que soufflait son père sur le
Gandhamâdana, vent très-pur, frais au toucher et qui
sentait le parfum des fleurs en tontes les saisons : son
père lui enlevait la fatigue, et la joie hérissait son poil sur
les membres. 11,086 — 11,087 — 11,088.
Ce dompteur des ennemis, il vit alors pour une fleur ce
lieu, qu’habitaient les Yakshas, les Gandharvas, les
chœurs des brahmarshis et les Dieux. 11,080.
Il y avait des séparations de brillants métaux, d’argent,
d’antimoine et d’or, faites par des feuilles inégales, comme
par des doigts imprégnés d’onguent. 11,090.
Couvert des eaux sorties des sources et répandues sur
20
LE MAHA-BHARATA.
les flancs, telles que des colliers de perles attachés aux
seins, il semblait danser avec une partenaire. 11,091.
11 avait des grottes d’eaux et des cataractes, qui fai-
saient éruption de la voûte des belles cavernes, comme de
magniliques paons, qui dansaient au bruit des noùpouras
agités aux pieds des Apsaras. 11,092.
La surface des rochers en pierreries, broyée par le bout
de la trompe des éléphants éthérés, ressemblait à un an-
(ouka détaché par les eaux mouvantes sorties des rivières.
l.e guerrier était regardé avec curiosité par des anti-
lopes, qui ne connaissaient pas la peur, qui se prome-
naient sans crainte, achevant leur bouchée d’herbe.
Le fortuné fils du Vent marchait, l’âme joyeuse, plus
d’une fois en .se Jouant, agitant par sa fougue les diffé-
rentes espèces de lianes. 11,093 — 11,00A — 11,093.
Jeune, ayant le corps d’un lion, la couleur semblable à
celle de l’or, grand, avec de beaux yeux, s’efforçant d’ac-
complir le désir de son épouse. 11,090.
Il avait le courage d’un éléph.int en rut, l’impétuosité
d’un éléphant en rut, les yeux rouges d’un éléphant en
rut, la résistance d’un éléphant en rut. 11,097.
11 était contemplé par les épouses des Yakshas et des
Gandharvas, défendues aux regards, assises à côté de
leurs époux et subjuguées par ses actions. 11,098.
Jouant comme une nouvelle incarnation de la beauté, le
Pândouide allait sur les délicieux plateaux du Gandhamâ-
dana, se rappelant les divers et nombreux déboires causés
par Douryodhana et s’efforçant de faire ce qui était
agréable à DraâupadI, dans son séjour au milieu des
forêts. 11,099—11,100.
11 pensait ; « Que va faire le noble Youddhishthira,
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VANA-PAHVA.
27
inainteDant qu’Arjounaest monté au Swarga et que je sois
parti à la recherche d’une fleur?
» Par amitié et par défiance de sa force, Youddhish-
thira, le meilleur des hommes, ne permettra sans doute
pas à Nakoula et à Sahadéva de s’éloigner. 11,102.
» Comment obtiendrai-je promptement cette fleur? »
Ainsi songeant, le tigre des hommes se mit en route et
l’éclat de .son visage tomba. 11,103.
Attachant la vue de son éme sur les plateau.x fleuris de
cette montagne, Bhtma allait à grands pas faire la provi-
sion, que Draâupadt lui avait demandée. ll,10i.
Vrikaudara, qui avait la rapidité du vent, ébranlait la
terre sous ses pas, comme un vent d’orage, et semait la
terreur parmi les troupeaux d'éléphants. 11 ,105.
Guerrier à la grande force, il écrasait les quadrupèdes,
les tigres et les lions; agile et vigoureux, il broyait, il dé-
racinait les grands arbres. 11,100.
Le fils de Pàndou arrachait par sa fougue les lianes et
les plantes grimpantes ; elles gémissaient sur le haut des
montagnes, comme un éléphant, qui pousse des cris fu-
rieux, tels que le nuage avec l’éclair. Réveillés par ce
vaste bruit de Bhlma, 11,107 — 11,108.
Les tigres abandonnaient leurs cavernes, les hétes des
bois se couchaient, les oiseaux prenaient leur volée, les
troupes de gazelles s’enfuyaient effrayées. 11,109.
Les ours désertaient les arbres, les serpents quittaient
leurs repaires, les grands lions bâillaient et les bufifles
regardaient. 11,110.
Intimidés par lui, les éléphants, environnés de leurs
éléphantes, abandonnaient ce bois et s’en allaient dans
une autre grande forêt. 11 ,111.
28
LE MAH4-BHARATA.
C’était un cri confus de sangliers, d'antilopes, de lions,
de tigres, de chacals en troupes, de gayals et de buffles,
habitants du bois. 11,11*2.
Les oies rouges, les coqs, les poules d’eau, les cygnes,
les canards, les pélicans, les perroquets, les kokilas, les
hérons de courir éperdus à tous les points de l’es-
pace. 11,113.
Les autres éléphants orgueilleux, accablés des reproches
de leurs éléphanles, les tigres et les lions irrités, se por-
taieut contre Bhluaséna, 11,11A.
Lâchant la fiente et l'urine, l’ânie agitée par la terreur,
la gueule béante, grandement épouvantables, ils jetaient
des rugissements d’épouvante. 11,116.
Ensuite le vigoureux Pândouide, fils du Vent, recourant
à la force de ses bras, tua de colère à coups de poing les
autres éléphants par un éléphant et les autres lions par
un lion. Frappés par Bhluia, les hyènes, les tigres et les
lions abandonnaient d'une manière effroyable la fiente et
l’urine sous la crainte, et périssaient. Le fortuné et vigou-
reux fils de Pândou, laissant leurs cadavres, entra
promptemeut dans la forêt, emplissant de bruit tous les
points de l'espace. Le guerrier aux longs bras vit sur les
plateaux du Gandhamàdana ,
11,116—11,117—11,118—11,11!).
Un beau groupe de bananiers, haut de plusieurs yo-
djanas, et l'homme à la grande force s’approcha de lui
rapidement pour l’ébranler. 11,120.
11 brisa différents arbres, comme un éléphant assiégé,
et déracina le tronc de ce bananier, qui surpassait en
hauteur un grand nombre de palmiers surétagés. 11,121.
Bhlma à la bien vive splendeur, le plus fort des forts.
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VANA-PARVA.
29
criant tel qu’un fier Vishnou, l’eut bientôt arraché de
tous les côtés. 11,122.
.Iprès, il attaqua de nombreux et gigantesques animaux :
rourous, éléphants, lions, hippopotames, qui avment leurs
repaires dans les eaux. 11,128.
A ce fracas, à ce tumulte de Bhlma, les volatiles et les
quadrupèdes, placés dans les autres bois, de trembler.
A peine entendu ce bruit, envoyé par les oiseaux et les
gazelles, les volatiles de fuir en l’air par milliers, leurs
ailes humides d’eau. 11,124 — 11,125.
Le plus grand des Bharatides, observant que ces
troupes d’oiseaux étaient mouillées, les suivit elles-mêmes,
et se trouva dans un délicieux et vaste lac, 11,120.
Dont les eaux stagnantes étaient, pour ainsi dire,
éventées par des groupes de bananiers d’or, secoués au
léger souille du vent et qui passaient de l’un ^ l’autre i-i-
vage. 11,127.
Descendu en ce lac aux nombreux lotus et nélumbos,
le vigoureux s’y joua avec sa force, comme un grand élé-
phant en liberté. 11,128.
Quand il s’y fut amusé bien long-temps, l’homme à la
splendeur infinie remonta et se rendit promptement au
bois, ombragé d’arbres nombreux. 11,129.
Le Pàndouide remplit sa conque de tout son souille, il
sonna et le vigoureux Bhlma lit retentir les points de
l’espace au bruit de ses bras frappés avec ses mains.
Les cavernes de la montagne mugirent, pour ainsi dire,
au bruit de sa conque, au son de Bblmaséna, au fracas
terrible de ses bras. 11,130 — 11,131.
A l’audition de ce bruit des mains sur les bras, sem-
blable au rugissement de la foudre, les lions, endormis
30
LE MAHA-BHARATA.
d&ns les cavernes des montagnes, répondirent par un
vaste cri. 11,132.
Un long barrit, qui remplit la montagne, fut aussi
rendu par les éléphants, Bharatide, tremblant d'eflroi au
cri des lions. 11,133.
A cette plainte, jetée par les plus forts des pachydermes,
reconnaissant Bhtmaséna, son frère, Hanoûmat de fermer,
à cause de Bhiroa, la voie, qui mène au ciel ; « Qu’il
n’aille pas, se dit-il, par cette route ! » 11,134 — 11,185.
Le chemin, orné avec des groupes de bananiers,
n’ayant plus qu’une voie, quand il eut fermé le chemin,
pour la conservation de Bhtma, son frère : 11,136.
«Que le fils de Pândou n’encourre pas, ou la violence,
ou la malédiction ! » Ainsi au milieu des groupes de bana-
niers pensait le singe au grimd corps, appelé Hanoûmat ;
et il bâillait, car, dans les massifs de bananiers, il ne peut
manquer d’être sous la puissance du sommeil.
11,137—11,138.
Et, tout en bâillant, il se battait le$ flancs avec le
bruit du tonnerre d’Indra, sous les coups de sa bien large
queue, élevée comme un drapeau de Çakra. 11,139.
La montagne renvoya de tous les côtés par les bouches
de ses cavernes le bruit de cette queue, tel qu’un taureau
mugit un .son delà goi'ge. 11,140.
Au fracas du battement de cette queue, la grande mon-
tagne émue, aux etmes bouleversées, se rompit de toutes
parts. 11,141.
Le bruit de cette queue se répandit .sur les plateaux di-
vers de la montagne, étouil'ant le bruit des éléphants dans
la fièvre du rut. 11,142.
Ce fracas entendu, tous les poils horripilés sur tous les
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VANA-PARVA. SI
membres, Bhlmaséna de gagner le bois des kadalls, cher-
chant la cause d’où venait un tel son. 11,113.
Le guerrier aux bien longs bras vit alors ce roi des
singes, qui se tenait au milieu du bois des bananiers sur
la vaste surface d'une roche. 11,144.
Il était difficile à regarder comme la chute delafoudre;
il était d'un noir, qui se déteint sur le jaune, comme la
chute de la foudre ; il avait le bruit de la chute de la
foudre ; il était mobile comme la chute de la foudre.
Il avait le col court, gras ; un swastika était déposé au
centre de ses bras ; .ses lombes et le milieu de sa taille se
rattachaient parfaitement au corps des épaules.
11,145—11,146.
Sa tète était légèrement inclinée, ses longs poils étaient
droits ; sa queue, remontant jusqu'au milieu du corps,
brillait comme un drapeau. 11,147.
Ses lèvres étaient courtes, sa langue couleur de cuivre;
son visage était rouge de terre; son sourcil, mobile; il
faisait claquer ses longues dents; les ordinmres étaient
embellies de sommets aigus et blancs. 11,148.
Bhlma vit sa face comme une lune, environnée de
rayons : elle était ornée de dents blanches, plantées dans
les intervalles de sa bouche. 11,149.
Ce singe à la grande splendeur avait comme des fais-
ceaux d’açokas, mêlés au faisceau de ses cheveux, et se
tenait d’un corps enflammé au milieu des bananiers faits
d'or, comme un feu entouré de ses brillantes splendeurs.
Il regardait de ses yeux doux et bruns le vainqueur des
ennemis. 11,160 — 11,151.
Le sage Bhtma aux longs bras vit seul dans ce vaste
bois ce singe au corps immense, à la grande force, qui
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32
LE MAHA-BHARATA.
fermait la route du Swarga et se tenait immobile comme
THimâlaya. Le vigoureux guerrier s’avança vers lui d'un
pas rapide et sans crainte. 11,152 — 11,163.
Le fort de lui adresser un terrible cri de guerre, sem-
blable au fracas de la foudre. A ce bruit de Bhtma, les
volatiles et les quadrupèdes de trembler. 11,166.
Hanoùmat, au grand courage, ouvrant un peu les yeux,
vit de ses regards doux et bruns ce héros, qu'agitait le
mépris. 11,156.
Bhima s’approcha de lui en souriant et le singe lui tint
ce langage : « Pourquoi es-tu en colère ? J’étais ptdsible-
nient endormi, et tu m’as réveillé. 11,156.
■> Toi, qui as la science, ne dois-tu pas exercer la com-
passion envers tous les êtres ? Nous ne connaissons pas le
devoir, nous, qui avons des animaux pour, mère. 11,167.
H Mais les hommes, doués de raison, pratiquent la
comfMission à l'égard des êtres, comment te livres-tu à des
actions cruelles, qui souillent le corps, la parole et l’âme?
U Les gens sensés de ton espèce s’attachent à réprimer
ceux, qui étouffent le devoir. Mais tu ne connais pas le
devoir, ni tm, ni les savants, instruits par toi,
11,168—11,169.
» Vous, qui tuez les animaux dans votre ignorance par
étroitesse d’esprit! Dis! qui es-tu? Pourquoi es-tu venu
dans cette forêt ? Quel est ce detsein, 11 ,100.
» Abandonné par les enfanfs de Manou et par les
hommes d’une telle nature ? Où faut-il aujourd'hui que tu
ailles ? Ois-le-moi, é le plus grand des hommes. 11,161.
» On ne |>eut s’avancer plus loin dans cette montagne
d’un accès bien difficile : il n’y a pas d'autre chemin ici,
héros, que la voie fortunée. 11,162.
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VANV-PAHVA.
U
» Cette route du monde des Dieux fut toujoui’s impos-
sible à tenir par les enfants de Manou : c’est par compas-
sion que je te l’ai fermée! écoute-moi, héros. 11,163.
» Tu ne peux aller au-delà; renonce à ton dessein,
seigneur ; que la bien-venue te soit donnée ici maintenant
de toutes les manières I 11 ,164.
» Mange ces fruits et ces racines, semblables à ceux des
Immortels, et retourne sur tes pas ; tn n’obtiendras point
la mort en vain, 11,165.
» Si je puis le faire accepter une parole utile, ô le plus
grand des enfants de Manou. » 11,166.
Ce langage du sage Indra des singes entendu, le héros
Bhlmaséna, qui traîne sur un champ de bataille le coi’))s
des ennemis, répondit en ces termes ; 11,167.
« Qui es-tu I Ou pourquoi as-tu pris ce corps d’ un singe ?
Le kshatrya, de qui la caste suit immédiatement celle du
brahme, t’interroge. 11,168.
» Je suis un rejeton de Kourou, je suis de la famille de
Lunus, je fus porté enfant dans le sein de Kountt ; je suis
un Pândouide, fils du Vent, et je me suis rendu célèbre
sous le nom de Bhîmaséna. » 11,160.
Dès qu’il eut, en souriant, reçu ces mots du héros de
Kourou, le fils du vent, Hanoûmat répondit ainsi à l’autre
fils du vent : 11,170.
«Je suis un singe; je ne te donnerai pas la route,
comme tu la désires, allons 1 va! retourne sur tes pas;
échappe au fer, qui menace ta vie ! » 11,171.
« Le fer soit I répondit Bhîmaséna, ou telle autre chose,
sur laquelle je ne t’interroge pas. Accorde-moi la route,
singe : lève-toi ! Ne reçois pas de moi un trouble de l’esprit ! »
a II m’estimpossible de me lever ; une maladie m’accable,
3
IV
ih
LE MAH V-BHAMTA.
reprit Haooùmat S'il faut que tu ailles nécessairement,
saute et passe par-dessus moi. » 11,172 — 11,173.
Bhluiadit :
Il Le paraoiâtuia était sans qualités : il prit un corps et
des qualités avec lui. Je ne dédaigne pas ce qui est à dis-
tinguer par la science, et je ne le franchis pas d’un saut.
» Mais, si je ne puis connaître ici pur les divins (Jàstras
la cause idéale des êtres, je franchirai, et toi et la mon-
tagne, comme jadis Hanoùmat a franchi la mer. »
11,174 — 11,175.
Hanoùmat reprit alors :
Il Quel était ce nommé Hanoùmat, par qui la mer fut
traversée? Je t’adresse cette demande, ô le plus vertueux
des hommes : raconte-moi cela, s'il t’est po.ssible. «
Il Ce héros fortuné des singes, répondit Bhima, était
mon frère, digne d’éloges ; il était doué de force, de cou-
rage et d’intelligence; il est beaucoup parlé de lui dans le
Bâmâyana. 11,176 — 11,177.
» I.a mer étendue sur cent yodjanas, fut, d’un seul vol,
franchie par cet Indra des singes pour l’épouse de
Kùma. 11,178.
» Ce héros à la grande vigueur étaitl’égal de mon frère ;
je ressemble à celui-ci par la force ; et je suis capable de
t’arrêter par le combat, la puissance et l’énergie. 11,179.
» Lève-toi ! Livre-moi le passage 1 Vois ma valeur &
l’instant même ! ou je te précipiterai dans les demeures
d’Yama, si tu n’accomplis ma parole. » 11,180.
Voyant qu’il était enivré de sa force, orgueilleux de la
vigueur de ses bras, Hauoùmat rit dans son cœur et lui
répondit en ces ternies : 11,181.
« Pardonne-moi I I-a vieillesse m’ôte la force de me le-
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VANA-PARVA.
35
ver, uiortel sans péché. Mais, par couipassion, lève un
peu cette queue ; et passe ! » 11,182,
A ces mots d’Hanoûmat, Bhima, fier de la vigueui' de
ses bras, pensa dans son esprit qu’il était absolument dé-
pourvu de force et de puissance. 11,183.
11 s’empressa de prendre par la queue ce singe, dé-
nué de force et de vigueur : « Je vais le conduire ici
dans l’instant même, pema-t-il^ à partager la demeure
de la mort ! » 11,18A.
11 prit cette queue de la main gauche; mais, en dépit de
sonmépris, Bhîma neputremuerce membredu grand singe.
Il voulut avec ses deux bras lever en l’air cette queue
haute comme l’arc d’Indra; mais le vigoureux Bhima ne
put même la soulever avec ses deux bras.
11,185—11,186.
Le sourcil levé, roulant ses yeux, ridant son visage par '
la contraction des sourcils, Bhima couvrit ses membres de
sueur, sans réussir à la soulever. 11,187.
Bien doué, redoublant d’efforts, essayant de relever
cette queue, le fils de Kountl finit par se placer à côté du
singe, le visage incliné par la honte, et, se prosternant,
les mains jointes, lui parla en ces termes : « Sois-moi fa-
vorable, tigre des singes : que mes mauvaises paroles me
soient pardonnées ! 11,188 — 11,189.
» Si tu es un Siddha, ou un Dieu, ou un Gandharva, ou
même un Gouhyaka, réponds d’après mon désir, toi, que
j’interroge: qui es-tu, toi, qui portes la forme d’un singe?
» Si ce n’est pas un mystère, héros aux longs bras, si
cela peut être entendu par moi, je te le demande, mortel
sans péché, je suis comme un disciple venu vei*s toi. »
11,190—11,191.
5(i IV. MAHA-BHVRATA.
Hanoûmat répondit :
« Écoute entièrement, fils vaillant de Pândou, tout ce
qui est dans ma connaissance 1 objet de ta curiosité.
» Le Vent m’a donné le jour dans l'âge du monde au
sein de l'épouse de Kéçarl et mon nom de singe, guerrier
aux yeux de lotus, est Hanoûmat. 11,192 — 11,198.
» Les rois des singes et les bergers des troupeaux de
singes, tous ces optimales àla grande vigueur partageaient
leurs hommages entre Sougriva, le fils du soleil, et Bâli,
le fils du vent ; mais une amitié, û toi, qui traînes les ca-
davres des ennemis, telle que l'amitié du feu et du vent,
m'unissait à Sougriva, 11,19A — 11,195.
» En but pour un certain motif aux persécutions de son
frère, Sougriva longtemps h.abita avec moi sur le Rishya-
moûka. 11,196.
» Dam ce tewp$ vivait un héros â la grande force,
nommé Ràma, le fils de Daçaratha î c était Vishnou
même, qui sous la forme humaine, parcourait la surface
de la terre. 11,197.
U Le plus habile des archers, il se confina dans le bois
Dandaka avec son épouse, avec son frère puîné, avec son
arc, désirant faire une chose agréable à son père.
» Son épouse lui fut alors enlevée du Djanasthâna avec
le secours de la violence et l'aide d'un travestissement
par rindra des Raksha.sas, le puissant et cruel Râvana,
11,193—11,199.
» Qui employa, monarque des borames, le Démon Ma-
rltcha à tromper ce tigre des hommes sous la forme d'une
gazelle admirablement faite avec des portions variées de
pierreries et d’or. 11,200.
» Veuf de son épouse enlevée, le rejeton de Uaghou,
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VA.NA-PARVA.
87
accon>pagné de son frère, et cherchant sa femme, vit sur
la cime d'une montagne Sougrtva, le plus grand des
singes. 11,201.
» Une amitié fut nouée entre lui et le Raghouide, par
qui Bàli fut tué et Sougrlva consacré sur le tréne.
» Ayant pris les rênes du royaume, Sougrlva d’envoyer
les singes par centaines et par milliers à la recherche de
Sltà. 11,202—11,203.
» Alors, suivi par des kotis de simiens, je m’avançai,
puissant héios, vers la contrée méridionale, cherchant la
princesse enlevée. ll,20â.
X Là, un bien magnanime vautour, nommé Sampâti,
nous donna la nouvelle que Sltà était dans le palais de
Râvana. 11,205.
» Moi, pour le succès de l’affaire tentée par Râma aux
travaux infatigables, je me hâtai de franchir la mer,
étendue sur une largeur de cent yodjanas. 11,206,
» Quand j’eus traversé par ma vigueur l’onde salée,
habitation des makaras, je vis dans le palais de Ràvana,
ù le meilleur des Bharaiides, la iilie du roi Djaiiaka, Sttâ,
semblable à une fille des Dieux. Je m’abouchai avec la
princesse du Yidéha, épouse du Raghouide.
11,207—11,208.
X Je brûlai entièrement Lankà avec ses portes arcadées,
ses remparts et ses chambres sur les terrasses ; j’y re-
tournai et j’y proclamai de nouveau le nom de Râma !
» A peine eut-il entendu mon discours, ce prince aux
yeux de lotus bleu fit construire au.ssitût dans le sein de
la mer pour son armée un pont, que la réflexion avait pré-
cédé. 11,200—11,210.
» Environné par des kotis de simiens, le héros traversa
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38
LE MAHA-BHARATA.
la grande onde salée; il tua les Rakshasas mêmes. 11,211.
» Il iinuiola en bataille l'auteur des larmes du monde,
Ràvana, le monarque des noctivagues avec ses parents,
ses frères, ses lils et sou armée de Rakshasas. 11,212.
» Il sacra sur le trêne à Lanka pour roi des Raksha-
sas le vertueux Vibliîshana, rempli de dévouement et qui
aimaitlesgens,quele dévouementattachait aux personnes.
» Quand il eut lecouvré son épouse, perdue coiimie
l’audition des Védas, le rejeton de Raghou, Ràma A la
haute renommée, s’en retourna avec elle en grande hâte
A sa ville ; et le seigneur habita désormais Ayodhya, im-
prenable aux ennemis. 11,213 — 11,21& — 11,215.
» Quand Ràma aux yeux de lotus bleu fut rétabli dans
son royaume, je sollicitai une grâce de ce prince, le plus
vertueux des rois : 11,216.
« Puissé-je vivre aussi long-temps, meurtrier des enne-
mis, que les mondes rediront tes actions, Ràma. » Voilà
comme je lui parlai, et il me répondit : « Qu’il en soit
ainsi I » 11,217.
» Toujours placé ici, je trouve en ces lieux, par la
grâce de Sllà, une nourriture céleste, Bhlma, et telle que
je l'ai désirée. 11,218.
U Dix milliers et dix centaines d' aimées , Kâma a
exercé l’empire; ensuite, il s’en est retourné dans son pa-
lais du ciel. 11,219.
» Toujours chantant ici les actions de ce héros, les Ap-
saras et les (landhanas, mon irréprochable frère, en-
chantent mes oreilles. 11,220.
» Ce chemin, rejeton de Kourou, ne doit pas être foulé
par les mortels : c'est pour cela que je t’ai fermé cette
route, hantée par les Dieux. 11,221.
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VANA PARVA.
39
» Que personne n’ait occasion d’opprimer ou de mau-
dire ! me suis-je dit, enfant de Bharata, (ielte route cé-
leste est résen’ée aux Dieux : les fils de Manou n’y entrent
pas! 11,222.
» Tel est ce lac, cause de ta venue en ces lieux. »
A ces mots, l’auguste Bhlmaséna aux long bras, joyeux,
l’âme allègre, s’étant incliné devant son frère, dit avec
une voix tendre au roi des singes, Hanoiimat : « Il n'est
pas d’homme plus fortuné que moi, qui ai pu voir ta noble
personne. 11,223 — 11,22A — 11,226.
» La satisfaction, qui me procure ta vue, est une bien
grande faveur, qui m’est donnée. Mais je voudrais qu’il
te plût maintenant d’accomplir ainsi les désirs de mon
âme. 11,226.
» Je voudrais contempler la forme incomparable, que
tu pris, héros, alors que tu traversas la grande mer, sé-
jour des makaras. 11,227.
» Je serai ainsi satisfait, et j’écouterai la parole. » A
ces mots, le singe vigoureux lui répondit en ri.ant :
<1 11 n’est possible, ni à toi, ni à un autre, quel qu’il
soit, de voir cette forme. La condition du temps était
alors différente ; elle n’existe plus maintenant.
11,228—11,229.
» Autre était le temps de l’âge Krita, autre celui du
cycle Trélâ, autre le temps de l’âge Dwâpara : ce siècle
est celui de la destruction ; et cette forme n’existe plus
maintenant pour moi. 11,230.
» La terre, les arbres, les rivières, les montagnes, les
Siddhas, les Dieux et les maharshis suivent le temps,
comme les existences dans chaque youga. 11,281.
» Les esprits, les corps, les formes meurent et re-
âO LE M\HA-BHARATA.
iiaisseot tour à tour. Aiusi, qu'il te suffise de voir, propa-
gateur de la race de Kourou, la forme, que j'ai luainie-
nant. 11,?.32.
» Je suis mon joug.a : il est, certes ! bien difficile de
vaincre le temps. » — « Raconte quel fut l'esprit de
chaque youga, reprit Bhlma, quelle était la manière de vivre
en tel ou tel youga, quels sentiments on avait sur le juste,
l’utile et l’agréable; en quoi consistait l’muvre, l’énergie,
ce qui était et n’était pas. » Hanoûmat répondit : « L’Age
Krita, mon enfant, était celui, où régnait la vertu éter-
nelle. 11,2.33—11,234.
« Dans ce temps, le plus grand des yougas, tout est
fait et n’est pas laissé à faire. Là ne s’affiiissent pas les
vertus, ne périssent pas les créatures. 11,235.
» C'est de là que vint le nom de Krita-youga. Le temps
allait aux qualités. Il n’y avait alors, mon enfant, ni Dieux,
ni Dànavas, ni Gandharvas, ni Vakshas, ni Rakshasas, ni
Pannagas; il n’y avait, ni vente, ni achat; on ne distin-
guait pas un 1 adjous, ni un Hig, ni un Sâma : on n’y
connaissait pas les sacrifices humains. 11,236 — 11,237.
Il Le devoir était alors de renoncer au fruit, après
qu’on avait médité sur le fruit : il n’y eut, toute la durée
de cet youga, ni maladies, ni perte des sens. 1 1 ,238.
■) 11 n’y avait alors, ni malédiction, ni pleurs, ni or-
gueil, ni aversion, ni guerre, combien moins la pai'esse!
ni haine, ni improbité, 11,239.
n .Ni crainte, ni même souci, ni jalousie, ni envie. La
cause incorporelle régnait seule ; c'était la route suprême
des Yoguis. 11,240.
» L'âme de tous les êtres, Nârâyana était blanc alors,
brahme, le kshatrya, le vat^ya et le çoùdra con-
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VANA-PARVA. •
Al
Mrvaient cbacaa ses distinctions originelles. il,2Ai.
» Dans cet âge Krita, les créatures aimaient leurs
occupations : elies n'avaient qu'une même habitation, un
même genre de vie, une même science. 11,2A2. >
• Livrées alors aux mêmes œuvres, les castes atteignaient
le devoir : elles n'avaient qu'un même Dieu ; elles sui-
vaient les mêmes cérémonies, la même règle, la même
prière. lt,2AS.
» Les devoirs, qui sont aujourd hui séparés, suivaient
les mêmes Védas; on était livré seulement au devoir; on
obtenait la voie suprême d'un fruit involontaire par une
œuvre, unie au temps et jointe aux quatre conditions de
la vie. Ce devoir aimable était associé .â l'absorption dans
l'âme universelle. il,2AA — 11,2A6.
I) Dans l'àge krita, le quadrupède était soumis toujours
aux quatre classes. Tel était ce cycle, nommé l'âge Krita,
dépourvu des trois qualités. 11,2A6.
V Éconte maintenant ce que fut l'Age Trétâ. Le sacriûce
a lieu dans cet âge : la vertu est diminuée d'un pied et
Atcbyouta y prend de ia passion. 11,2A7.
» Les hommes, occupés de la vérité, y sont livrés A
l'observance des cérémonies : c’est alors que commencent
les sacrifices, les devoirs et les différenls rites. 11,2A8.
g Dans l’Age Trétâ, le fruit de la charité et des céré-
monies suit les volontés des êtres; et les hommes adonnés
à l’aumêne et à la pénitence ne s'éloignent jamais de la
vertu. 11,2A9.
a Ils furent dans cet âge fermes dans le devoir et
occupés de cérémonies religieuses. Le devoir est sur deux
pieds en l’Age Dwàpnra. 11,250.
» Vishnou prend lacou’eur jaune et le Véda est par-
LE MAHA-BHARATA.
A2
tagé en quatre. Différents Védas circulent, comme les
Quatre-Védas, le Véda des femmes, les Deux-Védas, les
Seuls-Védas, le Véda-sans-Ritch, et d’autres. Dans les
Câstras ainsi brisés, la cérémonie est entraînée de divers
côtés. 11,251—11,252.
» Les créatures, qui ont commencé par l’aumône et la
pénitence, tombent dans la qualité de passion ; et le com-
mandement, que prescrit un seul Véda, donne naissance à
plusieurs rédactions des Védas. 11,253.
» La chute de la qualité Sattwa empêche tout homme
de rester ferme dans la vérité; et, déchus de cette qualité
Sattwa, ils sont envahis par les nombreuses maladies.
» Alors coururent les désirs, ouvrage du Destin,- par
lesquels, sans cesse tourmentés, les enfants de Manou en-
durent de bien cruelles soufirances. 11,264 — 11,255.
» Aux uns le désir de l’amour, aux autres le désir du
Swarga fait célébrer des sacrifices, et c’est ainsi que, par-
venus à l’âge Dwâpara, les créatures périssent hors de la
justice. 11,256.
H La vertu, fils de Kountl, se tient sur un seul pied
dans l’âge Kali. Arrivé dans cet âge ténébreux, Kéçava
devient noir. 11,257.
» Le devoir, la cérémonie, le sacrifice et la conduite
suivant les Védas s’éteignent : on voit circuler dans le
monde les calamités des temps, les maladies, la paresse,
les péchés, la colère et sa suite, les soucis, la crainte et
la famine. Ces temps arrivés, la vertu périt do nouveau.
11,258—11,259.
» La vertu n’étant plus, le monde périt à son tour;
avec le monde expiré, meurent ensuite les puissances di-
vines, qui donnent le mouvement au monde. 11,260.
VANA-PARVA.
A3
B Les vertus, faites pour la perte de l’yoaga détruisent
les désirs. Tel est cet âge, nommé Kali, qui a commencé,
il n’y a pas long-temps. 11, '261.
» (’æux, qui vivent d’une longue vie, éteignent en eux
cette impulsion à suivre l’youga. Voilà, dompteur des
ennemis, les choses à ma connai.saance, sur lesquelles
était dirigée ta curiosité. 11 ,262.
0 Quel homme, s’il a de la science, attacherait son dé-
sir à des choses inutiles? Je t’ai raconté, guerrier aux
longs bras, tous les quatre Yougas, sur lesquels tu m’as
interrogé. Que le bonheur t’accompagne I Va ! »
11,263— 11 ,'264.
Bblmaséna lui répondit ;
« Je ne m'en irai à aucun prix sans que je n’aie vu ton
ancienne forme. Si tu veux m’étre agréable,- montre-toi à
mes yeux toi-même. » 11, '265.
A ces mots de Bhlma, le singe fit un sourire, et lui
apparut sous la forme, qu’il portait dans la traversée de
la mer. 11,266.
Désirant exécuter une chose agréable à son frère, il se
fit un bien grand volume, et augmenta au plus haut d^ré
son corps par l’extension de sa longueur. 11,267.
Le singe à la splendeur sans mesure se tint devant lui,
couvrant le massif des arbres bananiers et dépassant la
montagne par son élévation. 11,268.
Les yeux rouges, les dents aiguës, le visage courbé par
la contraction des sourcils, son grand corps ressemblait
par sa hauteur à une seconde montagne, 11,269.
Déroulant sa longue queue, le singe demeura, occupant
tous les pmnts de l'espace. Le rejeton de Konrou, Bhlma,
vit cette grande forme de son frère, comme un soleil
bh
LE MAHA-BHARAT V.
par ses rayons et telle qu'une montagne d'or; U resta,
saisi d'étonnement et s'en réjouit mainte et mainte fois.
11,270—11,271.
Ayant vu l'air comme enflammé, il ferma les yeux, et
Hanoûmat lui dit, en riant : 11,272.
« Tu peux voir cette forme, que j'ai ici, mortel sans
péché; mais je m'accrois encore plus, autant que c'est le
désir de mon cœur. 11,273.
» Mon corps, Bhima, augmente en force incroyable-
ment au milieu des ennemis. » Quand Bhlma, le fils du
Vent, eut vu, le poil hérissé d'étonnement, ce corps mer-
veilleux d'Hanoûmat, très-épouvantable et pareil au mont
Vindhya, il dit, joignant les mains et r<àmc troublée, au
singe, qui se tenait devant lui : « Raccourcis toi-même,
auguste seigneur à la grande vigueur, cette vaste mesure
de ton corps; je ne puis eu effet soutenir ta vue, comme
celle du soleil élevé sur l'horizon.
1 1,274—1 1,276—1 1,276—11,277.
» Tu es immesurable, héros, inabordable; tu res-
sembles au mont Malnaka; l'étonnement de mon âme est
maintenant immense. 11,278.
» Je ne m'étonne pin* que Rima, toi-même étant à ses
cités, ait affronté Ràvana! Appuyé sur la force de ton
bras, tu es capable d’exterminer en un seul instant Lankâ,
ses chai's et .ses gueniers. Fils de Mâroute, il n’existe
rien, que tu ne puisses atteindre. 11,279—11,280.
» Ràvana ne suffisait pas en bataille avec son armée
contre toi seul !» A ces mots de Bhtmaséna, Hanoûmat, le
pins grand des singes, 11,231.
Répondit ces mots d'une voix douce et profonde ; « Il
en est ainsi que tu le dis, rejeton puissant de Bharata, ce
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VANA-PARVA.
A5
vil Rakshasa n’était pas suflisant contre moi. Mais si
Râvana, l'épine du monde, fût tombé sous mes coups,
11,282—11,283.
» La gloire du Raghonide s'éteignait ; c’est là ce que
j'ai considéré. Cet opprobre des Rakshasas, au contraire,
tombant avec son armée, sous les coups de ce héros,
» Il remmènera SUA dans sa ville et fera dire sa gloire
aux hommes. Va donc, mortel à la grande science, qpi te
compims en ce qui est agréable et utile à ton frère.
ll,28â— 11,285.
U Que le Vent te protège en ce voyage heureux et sans
blessure ! Voici la route, é le plus vertueux des Kourouides,
qui mène à la forêt des lotus célestes. 1 1 ,286.
> Tu verras le jardin de l'ImmorleL qui distribue à
son gré les richesses; il est défendu par des Yakshas et
des Rakshasas. Tu ne dois pas y faire une collecte de
fleurs par la violence. 11,287.
» 11 faut les considérer, un homme smtout ! comme
des choses célestes. C’est par les prières, 6 le plus grand
des Bharatides, l’oITrande en l'honneur de tous les êtres,
l’oblation de beurre clarifié et la dévotion, qu’on se rend
favorables les objets divins. Ne commets pas de violence,
mon enfant : observe ton devoir, 11,288 — 11,289.
U Attaché au devoir de ta caste, pense que c'est le pre-
mier devoir et suis-le. Quiconque connaît le devoir, re-
cherche les vieillards. 11,290.
» Là où le vice est appelé vertu et la vertu est nommée
le vice, il est possible, mais à des hommes semblables à
Vrihaspati, de connaître le juste et l'utile. 11,291.
0 C’est le hasard, qui sert à discerner là, où les hommes
sans intelligence sont livrés à l'erreur de l'esprit :
[,E MAHA-BHARm.
AO
le devoir procède de la conduite, les Védas sont fondés
sur le devoir; 11,202.
» Les sacrifices naissent des Védas, les Dienx commen-
cent avec les sacrifices. Les divinités ont pour base les sa-
crifices appelés la règle de la conduite suivant les Védas.
» Les hommes vivent de préceptes édictés par Uuçanas
et Vrihaspati. Il faut retirer la brebis, la chèvre et la
vache avec leurs nourritures des choses, qui sont à .acheter
dans la multitude des objets vendables. 11,203 — 11,20A.
» Tout est soutenu par l’agriculture, ont dit les brahmes,
qui ont parlé sur les devoirs. 11 y a trois sortes d’ agricul-
ture, un système d'administration et trois sciences pour
les hommes instruits. 11,205.
s sont elles convenablement employées, qui règlent
la marche du monde ; si elle n’était pas conforme au
devoir, il n'y aurait pas sur la terre d’obligations enjdntes
par les Védas. 11,206.
» Sans un système d'administration, le monde n'aurait
aucune borne dans ses actes ; ces créatures cesseraient
d'exister, si elles ne restaient dans le devoir de l’agricul-
ture. 11,207.
» I,as ci-éatures enfantent le devoir par ces trois ienti-
menls bien déterminés : la vérité est le seul devoir, le
scribe unique des brahmes. 11,208.
» L’ aumône, la lecture et le s.'icrifice sont appelés choses
communes 5 tous ; mais la célébration des sacrifices et
l'enseignement des livres saints appartiennent légitime-
ment aux brahmes. 11,200.
» Défendre est le devoir des kshatryas, nourrir celui
des valçyas, mais la soumission anx trois castes régéné-
rées est dite le devoir des cofldras. 11,300.
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VANA-P.VRVA.
47
» Quant aux hommes célèbres comme des gourous et
méoie dépourvus des vœux de la niendicité et du feu
perpétuel, ton devoir est ici le devoir du ksbatrya : c’est
de les défendre. 11,301,
D Modeste et les sens domptés, garde ton devoir et
prends conseil des vieillards, des .sages, des gens, qui
ont de l’intelligence et qui sont doués delà science.
K Un roi appliqué, s'il emploie convenablement la
faveur et la répression, règne le châtiment en main, et
le vicieux sous lui est méprisé. 11,302 — 11,303.
» Les bornes du monde sont alors invariables. Il faut
donc qu’un habile espion vous informe toujours de l'état
des choses sur les armées, les forteresses de l'ennemi, les
lieux, qu'il occupe, les défilés, qu’il garde, sur ce qui
doit être son augmentation ou sa perte, sur les oupàyas,
les espions, l'intelligence, les conseils et la vigueur des
rois : 11,304 — 11,305.
» Comment ils protègent ou répriment. C’est par l'inté-
grité, qu’on mène les choses à leur fin. Il faut exécuter
lesaifaires suivant funion de l'ensemble et des détails
par la conciliation, la libéralité, la division, la rigueur et
la clémence. Les systèmes de gouvernement et les espions,
6 le plus grand des fils de Bharata, ont pour racine le
conseil. 11,306 — 11,307.
» 11 faut délibérer avec les brahmes un succès marqué
d’une bonne consultation ; mais ne délibérez pas sur des
secrets avec une femme, un sut, un enfant, un cupide, un
volage, tous gens frappés avec le sceau de l'imprudence.
Qu’un homme délibère sur ses affaires avec des savants
et qu’il en confie l’exécution à des forts ;
11,308—11,300.
48
LE MUiA-BHAllATA.
» Et à des gens capables. Évitez de toutes les manières
de confier l'administration à des sots. Qu’il prépose aux
choses du devoir des hommes adonnés au devoir, et re-
mette aux savants celles, qui ont l’intérêt pour objet;
(|u'il donne aux femmes des eunuques et confie les choses
dures à des gens dure. De mime que la force ou l’im-
puissance des ennemis, ain$i l'intelligence dans les alTaires
se laisse connaître soit par les autres, soit par les siens.
Répands ta faveur sur des hommes de bien, qui sont deve-
nus tiens, grâce à l’intelligence. 11,310-11,311-11,312.
» E.xercc la répression sur des hommes vils, sortis des
règles. Quand le roi se tient, comme il faut, dans la
répression ou la faveur, la borne du monde est alors bien
observée. Ce que je viens de t'exposer, Prithide, est ton
devoir rigoureux et difficile à suivre. 11,313 — 11,314.
» Conservant la modestie, maintiens, en partageant Ion
cœur, les obseiTances de ta caste. Tels que les brahmes
obtiennent le ciel par des sacrifices, la répression des
sens, le devoir et la pénitence; tels que les vaiçyas en-
trent dans la voie fortunée par les devoirs, qui leur »ont
propres, les cérémonies, l’hospitalité et l'aumône : ainsi
les kshatryas vont au Swarga sur la terre, en mettant
leure soins â réprimer et défendre. 11,31.5 — 11,316.
» S’ils châtient, comme il convient, alTrauchis de la
haine et de l’amotir, sans cupidité, libres de colère, ils
obtiennent de partager le monde des gens de bien. »
Ensuite, ayant réduit son grand corps à sa volonté, le
singe étreignit de nouveau Bhtmaséna dans ses bras.
A peine son frère l’eut-il embrassé, aussitôt expira la
fatigue de Bhlma, et tout lui devint favorable.
11,317—11,318—11,319.
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VANA-PARVA.
4P
> Il o’existe pas sur i» terre, pensa-t-il, un grand
d’une force immense, qni soit égal à moi ! u Le singe,
ses yeux noyés de larmes, lui adressa la parole en-
suite; 11,320.
11 dit avec amitié à Bhima d'une voix, que ses pleurs
rendaient balbutiante ; « Retourne à tou habitation, héros,
mais que mon souvenir revive en tes récits. 11,321.
» Tant que je me tiendrai ici, ô le plus excellent des
Kourouides, je ne serai jamais célébré. C’est ici le mo-
ment et le lieu, guerrier à la grande force, de t’en aller
loin de l’habitation du Dieu, qui préside aux richesses,
et des épouses les plus distinguées des Dieux et des Gan-
dbarvas. Allant avec toi, Bhima, toucher ses membres
humains, je me rappellerai au souvenir de ce Vishnou,
sous le nom de Ràma, le descendant de Raghou, mon œil
fécond, qui fait s’épanouir la joie au cœur du monde, ce
soleil du lotus, qui brillait au visage de Sità, cet astre du
jour, qui dissipait la nuit du monstre aux dix tètes ! Que
celte vue de moi, héros, fils de kountt, enfante pour toi
son fruit! 11,322—11,323—11,324—11,325.
a Comptant pour beaucoup, le sentiment fraternel,
choisis une grâce, fils de Bharata. Si' tu veux, j’irai 4 la
ville, qui tire son noui des éléphants et je tuerai ces vils
enfants de Dhritaràshtra. S'il le faut, je vais briser la cité
àcoups de pierres I >, ll,32t> — 11,327.
» Ou j'amènerai en ta présence Douryodhana enchaîné !
Je ferai à l’heure même ce que tu désires, guerrier à la
grande force. » 11,328.
Dès qu'il eut ouï les paroles de ce magnanime, Bhima-
séna d'une âme joyeuse répondit â Ilanoûmat. 11,320.
« Tu as tout fait pour moi, 6 le plus grand des singes;
à
IV
50
LE MAHA-BHAHAÏA.
la félicité descende sur toi ! Je t’aime, héros aux longs
bras, sois-moi favorable ! 11,330.
U Tous les enfants de Pândou ont un protecteur en toi,
qui étends sur chacun d’eux ta protection, puissant qua-
drumane. Grâce à ta force, nous vaincrons tous les en-
nemis. » 11,331.
A ces mots, Hanoûraat répondit â Bhimaséna : « Comme
ton frère et ton ami, je ferai ce qui t’est agréable. 11,332.
n Me plongeant dans l’armée des ennemis, hérissée de
traits hostiles, je rendrai par mon cri ton cri plus terrible,
quand tu jetteras, héros à la grande force, ton cri de
guerre. Placé comme le drapeau de la victoire, je pous-
serai des clameurs épouvantables, qui ôteront la vie aux
ennemis et grâce auxquelles vous tuerez à plaisir. »
Alors que flaooûmat eut parlé de cette manière au Cls
de Pândou, il indiqua sa route à Bhtma et disparut â
l'instant même. 11,333—11,335 — 11,335 — 11,336.
Quand le plus excellent des singes fut parti, Bhtma, le
plus fort des forts, s’en alla par ce chemin au grand Gan-
dhamâdana. 11,337.
Rappelant à sa mémoire le corps de ce Daçarathide,
et sa beauté incomparable, il marchait, retraçant à son
souvenirla magnanimité et la dignité de ce héros. 11,338.
Par le désb' d'atteindre à la forêt des lotus célestes, il
promenait ses yeux sur les bois et les charmants bocages.
Sur les différents arbres en fleurs, sur les lacs, les
fleuves, les fourrés fleuris, variés par toutes les sortes de
fleurs, 11,339—11,340.
Sur les troupeaux d’éléphants en rut, humides de boue.
Il vit alors, Bharatide, des bandes de nuages, versant,
pour ainsi dire, la pluie. 11,341.
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VANA-PARVA.
51
Le fortuné marchait d'un pied rapide et, dans sa route,
il regardait ce bois habité par des tigres, des sangliers,
des buffles, des antilopes mâles, accompagnées de leurs
femelles, aux mobiles angles extérieurs des yeux et la
bouche remplie de nouveau gazon. Aflranchi de peur,
Bblmaséna d’entrer avec courage dans la montagne.
11,842—11343.
Sollicité, en quelque sorte, par les arbres des forêts, que
le vent secouait, avec leurs tendres pousses rouges, aux
senteurs infinies des fleurs, il franchit dans sa route des
bois délicieux, des tlrthas, des champs de lotus, hantés
d’abeilles enivrées, où des nymphées formaient eux-mêmes
conmie des coupes d’andjalis. 11,344 — 11,345.
Ses yeux et son cœur plongés dans les plateaux fleuris
de la montagne, Bhtnia s’en allait à grands pas, n’ayant
pour viatique en son voyage que les paroles de Draâupadt.
Après un jour écoulé en ce bois rempli de gazelles, il
vit une grande rivière, toute semée de lotus purs et fûts
d’or. 11,346—11,347.
Elle était pleine de canu'ds et de cygnes ; des tchakra-
vâkas l’embellissaient; elle semblait une guirlande de
lotus sans tache, tressée à cette montagne. 11,348.
Le guerrier à la grande énergie vit dans cette rivière
un vaste champ de lotus célestes : générateur de la joie,
il avait une splendeur égale au soleil enfant. 11,349.
A cette vue, le fils de Pàiidou, le cœur désireux d’en
cueillir, se transporta de pensée vers son épouse toute
affligée d'habiter les bois. 11,350.
11 s’en alla vers un champ délicieux de lotus et vit,
près de la cime du Rallâsa, une belle forêt, confiée à la
garde des Rakshasas. 11,361.
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52 LE MAHA-RHARATA.
Plantée dans une cataracte de la montagne, non loin
du palais de Kouvéra, elle était odorante, aux vastes om-
brages, remplie de lianes et d’arbres variés, 11,352.
Couverte de lotus jaunes, céleste, jonchée de nélumbos
d’or, habitée par des bandes d’oiscau.x en toutes les es-
pèces, limpide, ornée de beau.\ tirlhas, 11,353.
Ravis.sante au plus haut degré, jolie, admirable aux
yeux, arrasée de belles eaux, lancée sur les plateaux de la
montagne et devenue une merveille du monde. 11,355.
Ici, le rds de kountî vit une eau claire, belle, légère,
fraîche, à la saveur d’ambroisie, et le lils de Pânduu en
but à longs traits, 11,355.
A la vue de cette phdne ravissante de nymphées, revê-
tue de lotus célestes, couverte de uéluuibos faits d’or et
d’une senteur iidinie; à La vue de ce jardin du magnauime.
Kouvéra, le roi des rois, semé des nymphées les plus
beaux de lapis-lazuli, séduisant par toutes sortes de mer-
veilles, le bej'ceau des canards et des cygnes, qui faisaient
voler une poussière sans ordure, l’objet des profonds
hommages des Apsaras, des Gandharvas et des Dieux,
hanté par des rishis divins, des Yakshaset des Kiuipou-
roushas, défendu par des Kakshasas, des Kinnaris et le
fjls de Viçravas ; à sa vue, dis-je, le lils de Konnti, Bht-
maséna aux longs bras fut enchanté au plus haut point de
contempler ce lac céleste.
11,350—11,357—11,358—11,359 -11,360.
Alors furent saisis de colère, les Raksha.sas au nombre
de cent mille, serviteurs au.x armes diver.ses, que les
ordres du riche monarque avaient préposés à la garde du
lac. 11,361.
Ils voient le fils de Kountl, l’héroïque Bhlma au cou-
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VANA-PARVA.
68
rage épouvantable, habillé avec dea peaux de gazelle et
porteur de bracelets faits d’Or, 11 ,862.
<’« dompteur sans crainte des ennemis, ceint du cioie-^
terre, muni de ses armes, qui s’approchait, poussé par
l'envie de cueillir des lotus, et ils s’écrièrent de l’un h
l’autre : 11,863.
« Voici un homme vigoureux, armé, revêtu d’une peau
d’antilope! Veuillez sur le champ lui demander à Tfenvie
de quelle chose nous devons son arrivée ici! * 11,868.
Tous alois s’étant approchés de Vrikaudara. aux longs
bras, demandèrent au guerrier, doué de splendeur ; «Qui
es-tu? Veuille nous le dire! 11,305.
» Car nous te voyons porter avec des armes le costume
des anachorètes. Raconte-nous donc, homme à la gronde
sagesse, pourquoi tu es venu. » 11,366.
Bhltiia répondit :
« Je suis Bhima.séna, le fils de Pândou et le premier
des puînés de Dharmaràdja. Je suis venu, Rakshasas,
avec mes frères, à la grande Vadart. 11,367.
» Là, Pântchàll vit un lotus céleste d’une beauté su-
prême , que le souffle du vent avait apporté ! elle eut donc
envie d’en posséder plusieurs. 11,308.
» Sachez, Noctivagues, que, soumis au plaisir de mon
épouse légitime, je suis venu chercher ici des fleurs pour
cette dame aux membres distingués. » 11,369.
« C’est le jardin chéri de Kouvéra, homme éminent,
reprirent les Rakshasas; un homme, sous l’empire de la
mort, ne peut s’y divertir. 11,370.
U Les rishis divins, les Yakshas et les Dieux, Vrikau-
dara, y boivent et s’y amusent, après qu’ils ont salué le
roi des Yakshas. 11,371.
bi
LE MAHA-BHARATA.
» Ici, fils de Pândou, se divertissent les Gandharvas et
les Apsaras. Tout homme de mauvaise vie, qui désirerait
s’ébattre ici contre les convenances, après qu’il a méprisé
le souverain des richesses, y trouverait la mort, il n’y a
pas de doute I Sans nul égard pour ce Dieu, faisant cas
de ta force seulement, tu veux enlever s<« lotus!
11,372—11,873.
» Comment peux-tu dire que tu es le frère de Dharma-
ràdja? Salue d'abord le monarque des Yakshas, bois en-
suite et prends des lotus ! 11,373.
» Autrement, il est impossible à toi de jeter un seul
regard sur la Piscine-des-lotus! » — » Rakshasas, répon-
dit Bhlmaséna, je ne vois pas le maître des richesses ici
devant moi. 11,375.
I) Et même, si je voyais ce grand roi, je ne imurrais le
supplier. En effet, les rois ne supplient pas : c’est la loi
étemelle. 11,376.
I) Et je ne veux jamais déserter le devoir du kshatrya.
L'n ravissant lac de lotus existe ici dans une cataracte de
la montagne. 11,377.
» Elle n’e.st pas auprès du palais habité par le magna-
nime Kouvéra : elle appartient donc également à tous les
êtres et au fils de Viçravas. 11,378.
1) Il en est ainsi de toutes les richesses : libre à cha-
cun d’en rechercher quelqu’une. » A i>eine eut-il ainsi
parlé avec colère à tous les Rakshasas, Rhtmaséna aux
longs bras, à la grande force, de se plonger dans cette
piscine aux lotus. Ensuite, arrêté par la voix des Baksha-
sas, qui le menaçaient de tous les côtés avec fureur :
« Empêchez-moi ainsi I » dit l’auguste au courage épou-
vantable, et, méprisant tous les Démons, le guerrier à la
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VANA-PARVA.
56
grande splendeur entra dans le lac. Tous les Maksha.sas
le cernent, i 1 , 37»— 1 1,380—11 ,381— 11 ,382.
- Qu’il soit pris! Qu’on l’enchaîne! Qu’on le mette en
pièces! Fai.sons cuire! Mangeons Bhimaséna! » A ces
mots, pleins de colère, ils fondent précipitamment sur
lui, roulant les yeux et levant leurs armes. 11,383.
Mais, saisissant une grande et lourde massue, retenue
avec des cordons en or et pareille au bâton d’Yama,
celui-ci courut avec impétuosité sur eux, en criant :
«Ferme! tiens ferme! « 11,38A.
Eux, brandissant des leviers de fer, des pattiças et des
flèches, tombèrent sur lui rapidement, et, brûlants de le
tuer, en proie à la colère, terribles et bien épouvantables,
iis entourèrent Bhlma de tous les côtés. 11,385.
Le puissant et bouillant héros, invulnérable en courage
h l'ennemi, qui trouvait son plaisir dans le devoir et la
vérité, lui, qui était véritablement né du Vent au sein de
Kountl, se montra l'immolateur des ennemis. 11,386.
I.e magnanime Bhlma de fermer les différents chemins
à l’ennemi et de couper la voie à ses flèches en sorte qu’il
tua un cent et plus des chefs près de l’étang aux lotus.
Reconnaissant la valeur et la force du guerrier, sentant
leur faiblesse et la puissance de ses bras, les héros, ne
ponvant résister à ses coups, mettent promptement fin au
combat et s’enfuient de toutes parts avec légèreté.
11,387—11,388.
Déchirés, rompus, en vain s’élancèrent-ils dans les airs
pour le frapper ; ils coururent, saisis de fureur, maltraités
par Bhimaséna et la connaissance perdue, aux cimes du
Katlàsa. 11,38».
('«mme Indra, quand il eut surmonté les armées des
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M
LE MAHA-BHABATA.
Daltyas et des Dânavas, le Pândouide, vainqueur des
tourbes d'ennemis en bataille, entra victorieux dans
l'étang, où il cueillit des lotus à sa fantaisie. 11,390.
11 but de cette eau, semblable à l’ambroisie, et il en
reçut un courage et une vigueur encore plus grands.
Ensuite, ayant déraciné ces fleurs odorantes et nompa-
reilles, il prit de ces lotus, nommés Saâugandhikas.
Chassés par la force du héros, les Rakshasas, étant
venus, saisis de colère, trouver le Dieu, qui préside aux
richesses, lui racontèrent exactement, sous l’impression
d’une immense terreur, quels étaient dans le combat la
vigueur et le courage de Bhima. 11,391 — 11,392.
Dès qu’il eut ouï leurs paioles, le Dieu répondit en
riant aux Rakshasas : « Que Bhîma prenne à son gré des
lotus; je lui en accorde la permission I » 11,393.
Ayant reçu congé du maître des richesses, ils allèrent,
sans colère, au lieu où était le héros des Kourouides, et
virent Bhtma, qui, seul, à coeur joie, s'ébattait dans ce
lac. 11,39A.
Vaiçampâyana dit :
Y ouddhühthira^ éminent Bharatide, reçut alors des
présages immaculés de poussière, en grand nombre, de
formes diverses, célestes et de haut prix. 11,395.
11 s’éleva un vent impétueux, rapide, rasant par en bas
la terre sablonneuse, souille chaud, annonçant le combat.
Un grand météore tomba, accompagné d’un épouvan-
table ouragan ; les rayons couverts du soleil furent sans
lumière, enveloppés d’obscurité. 11,396 — 11,397.
L’ouragan fut terrible au moment, où Bhima déployait
sa valeur; la terre elle-même trembla et une pluie de
poussière toiaba du firmament, 11,398.
VANA-PARVA. : »
57
Les plages du ciel étaient rouges; dures étaient les
voix des quadrupèdes et des volatiles ; l’obscurité rem-
plissait tout, et l’on ne reconnaissait pins rien. 11,899.
D’autres prodiges en grand nombre et non moim
effrayants parurent en ce moment. A la vue de ces choses
merveilleuses, Youddhishthira, le fils d’Yama : « Qui va
nous attaquer? dit ce plus éloquent des hommes. La léü-
cité descende sur vous 1 Tenez- vous prêts, fils de Pândou,
à l’ivresse terrible dans les combats! ll,flOO — 11,A01.
» D’après les signes, qui frappent mes yeux, l’ennemi,
qui doit nous attaquer, n’est pas éloigné. » Et, ce disant,
le roi de promener ses regards de tous les côtés. 11,402.
Youddhishthira, le fils d’Yama, ne vit point Bhîma. Ce
dompteur des ennemis interrogea DraâupadI et les deux
jumeaux, qui se tenaient à ses côtés, sur son frère aux
œuvres épouvantables dans la guerre ; « Bhlma n’est-il
point ici? Où est-il? Est-ce que Pântchâll désire faire
quelque chose? 11,403 — 11,404.
» Ou ce héros a-t-41 commis une violence? Il aime les
• actes violents. Et les prodiges, qui sont à l’instant sous
nos yeux, manifestent une grande guerre! 11,406.
» ils se révèlent de tous les côtés et nous font voir un
vaste danger! » Au roi, qui parlait ainsi, l’intelligente
K rishnâ répondit. 11,406.
» Épouse chérie de rois, désireuse de faire une chose
agréable, elle dit avec un charmant sourire : « Ce Saâu-
gandhika fut apporté ici par le souffle du vent, sire. 11,407.
» Il fut présenté aujourd’hui par moi joyeuse à Bhîma-
séna et je dis en outre à ce héros : « Si tu vois dans ta
route de ces lotus en grand nombre, prends-les tous et
reviens promptement! » l*eutrêtre ce Pàndouide aux longs
58
LE MAHA-BHARATA.
bras est-il allé pour mon plaisir dans la région du nord-
est, sire, afin d’en rapporter des lotus. » Le monarque, à
ces mots d’elle, tint ce langage aux deux jumeaux :
11,408—11,409—11,410.
(c Suivons de compagnie et d’une marche accélérée la
route par où s’en est allé Vrikaudara. Que les Baksbasas
portent les brabmes en tant que brisés de fatigue, en tant
qu’exténués de maigreur! 11,411.
» Toi, qui réassembles à un Immortel, Ghatotkatcha,
porte Krishnâ : il est évident que Bhlma est passé loin
d’ici; tel est mon sentiment. » 11,412.
» Ce moment est celui du retour depuis long-temps
pour le rapide héros: il est égal en légèreté au Vent, et le
fils de Vinatà seul a , sur la terre, un essor pareil au
sien, soit qu’il veuille s’élever dans les airs, soit qu’il
veuille en descendre. Suivons-le, selon nos puissances,
rôdeurs des nuits. 11,413 — 11,414.
» Jamais Bhlma n’a commis une faute contre les par-
faits récitateurs des Védas. » — « Qu’il en soit comme
tu veux ! O lui répondirent-ils tous alors, le fils d’Hidimbà
A leur tête. 11,415.
Ceux-ci connaissaient exactement, éminent Bharatide,
les alentours du lac au lotus, ynrtfin de Kouvéra, et, quand
ils eurent pris sur leurs dos les Pàndouides et plus d’un
brabme, ils partirent, l’âme joyeuse, accompagnés de Lo-
maça lui-méme. Tous, ils bâtaient leur marche; ils virent
donc bientôt la belle forêt, 11,416 — 11,417.
Et l’étang de lotus bien ravissant, qui renfermait les
Saàugandbikas embaumés. Ils virent sur la rive du lac
Bhlma, le magnanime et fier héros, avec les Vaksbas aux
grands yeux, qu’il avait immolés; tous avaient le cou
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/VANA-P.UiyA. 5»
broyé, les cuisses, les bras, les yeux, la tète fendus.
11,418—11,419.
Le magnanime Bhima se tenait sur ce rivage, plein de
colère, les yeux immobiles, mordant ses lèvres; il se
tenait sur le rivage du lac, dre.ssant la massue levée dans
ses bras, comme la mort, son bâton à la main, au temps,
qu’il abrège la durée des créatures, 11,4'20 — 11,421.
Dharmarâdja, l'ayant vu et embrassé deux et plusieurs
fois, lui dit avec une voix tendre : « Fils de Kountt, pour-
quoi as-tu fait cela? 11,422.
» La violence, hélas I souffre que je le dise, est désa-
gréable aux Dieux. N’agis plus à l’avenir de cette manière,
si tu veux faire une chose, qui me soit agréable. 1 1,423.
Bhima répondit au fils de Kountt, recueillit des lotus
et, semblables â des Immortels, ils s’amusèrent dans ce lac.
Dans cet instant même, ayant saisi des pierres et leurs
armes, parurent les gardes aux grands corps de ce jardin.
Mais, quand ils virent Youddhishthira et la royale
é|K)use, Lomaça, Nakoula, Sahadéva et les autres émi-
nents brahmes, ils se prosternèrent tous, fils de Bharata ;
inclinés par la modestie et flattés par Dharmarâdja, ces
rèdeurs de nuit prirent des visages satisfaits.
11,424—11,425 -11,426—11,427.
Avec la permission de Kouvéra, ces rejetons illustres de
Kourou habitèrent là assez peu de temps; ils attendaient,
en se divertissant, l’arrivée de BlbhaLsou sur les plateaux
du Gandhamâdana. 11,428—11,429.
Tandis que Youddhishthira-Dharmarâdja résidait là, il
dit à ses frères, accompagnés de Krishnâ dans la société
des brahmes : 11,430.
• Nous avons parcouru les tlrthas purs, fortunés, don-
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eo LE MAHA-BHARATA.
naot la joie aux âmes, et les bois, chacun en |>articulier,
U Habités d’abord successivement et principalement
par les Dietu ou les pénitents mafi'nanimes, et révérés des
brabmes. ll,éSl — tl,é.A2.
» Nous avons entendu çA et là dans les hermitages for-
tunés les anciennes légendes des rishis, leurs faits, leurs
efforts, Jes histoires des râdjarshis, des fabliaux divers et
charmants ; nous avons fait nos ablutions surtout avec les
brabmes. ll.ASS— l‘t,A3A.
» Vous avez honoré les Dieux continuellement par des
Heurs et toujours par des eaux : vous avez rassasié les Mânes
de racines et de fruits, comme s'ils n’avaient rien cortté.
n Fok ptrsûnngs magnanimes ont touché saintement
l’eau sur les montagnes délicieuses, dans tous les lacs et
dans la mer très-pure. 11,A36 — 11,A80.
B Vont avez honoré ta terre, la SarasvatI, le ÿindhou,
rYamoiinà et la Nannadà : vous avez pieusement touché
l’eau a\ ec les brabmes dans les charmants tirthas de toutes
les espèces. 11,437.
» Après avoir franchi la porte de la Gangâ, vous avez
contemplé de nombreuses et belles montagnes, le mont
Himalaya doué de brahmes en toutes les sortes; vous avez
vu la grande Vadari, rhermitage do Nara et de Nà-
riyana; vous avez vu le céleste étang des lotus, honoré
par las Siddhas et les Dévarshis. 11,488 — 11,439.
» Le magnanime Lomaça vous a montré, é les plus
excellents des brahmes, principalement et suivant l’ordre,
tous les lieux de pèlerinage. 11,440,
» C.omment irons-nous, Bhlma,à cette habitation sainte
de Rouvéra, habitée par les Siddhas? Faut-il mettre fin
à notre voyage? » 11,441.
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VANA-PARVA.
«1
Tandis que le roi -des rois parlait ainsi, une voix, qui
n’était pas formée dans un corps, fit entendre ces paroles :
« L’accès en est diflicile : il est impossible qu’on arrive
d’ici aux bois de Kouvéra (1). lt,âA2.
» Reviens par celte route, sire, comme tu es venu. La
place de Nara et de Nâràyana est nommée la Vadarî.
» De-là tu iras, fils de kountl, au délicieux hermitage
de Vrishaparvan, abondant en fruits et en racines, habité
par les Siddhas et les Tchàranas. 11,A43 —
» Quand tu l’auras dépassé, enfant de Pritlià, mets ta
demeure dans l’ hermitage du lils de Rishtiséna; tu verras
ensuite, fils de Kountî, l’habitation du Dieu, qui préside
aux richesses. » ll,àâ5. ,
Au même instant, un vent pur et frais, inspirant le
plaisir et la joie, soufflant une senteur céleste, fit tomber
une pluie de fleurs. 11,446.
A l’audition de cette voix divine, qui descendait du ciel,
tous furent saisis d’étonnement; et le brahme Dhaàumya,
écoutant cette merveille, dit aux rishis, aux brahmes et
surtout aux, princes : « Il est impossible de rien répondre :
qu’il en soit donc ainsi, fils de Bhai ata. » 11, 447-11, 4A8.
Le monarque Youddhishthira d’approuver cette parole.
H revint, environné de Panlchàli et de tous ses frères,
Bhîmaséna et les autres, à l’iiermitage de Nara et de Nà-
làyana, où les brahmes alors Urcnt leur habitation avec
plaisir, 11,449-11,450..
(1) Je li» dçranubt, à racciiMlir pluriel, comme veut le eena; mais l’é<li-
tioii porte ilçramtU, à l’ablatif singulier. Je pense que c’est une faute d'im
preuiou.
MORT DE DJATASOIJRÂ.
Vaiçampàyana dit :
Les Kakshasas et le fils de Bhlmaséna partis, un jour
que Bhîraaséua avait quitté les Pàndouides, qui habi-
taient là en pleine sécurité avec lesbrahmes sur le roi d&s
monts dans le désir de l’arrivée d’ Arjouna , un Rak-
shasa enleva lui-même Dharmarâdja, les deux jumeaux et
K.rishnâ : « C’est un brahme habile dans les conseils ; il
est sans égal ; il conuait tous les Çùstras ! » pensait-on;
et, sur ce dire, il faisait la cour assidûment aux (ils de
Pàndou, désirant leur enlever, et les carquois, et les arcs.
11,451— 11,452— H, 453— H, à5â.
Épiant une occasion pour le rapt de Draâupadî, ce
scélérat aux pensées criminelles avait nom Djatàsoura.
Iæ fils de Pàndou, Indra des rois, lui donnait la nourri-
ture, et ne reconnut pas ce méchant, comme on ne recon-
naît pas le feu, caché sous la cendre. 11,455 — 11,456.
VANA-PAKVA.
03
Bhtmaséna étant sorti ixmr la chasse, quand Djatûsoura
vit, dumpteur des ennemis, Ghatautkatcha visiter les pla-
teaux de la montagne et courir çA et là par tous les points
de l'espace, les maharshis, à compter de Lomaça, donnant
leur attention au bain, et les hommes, qui avait thésau-
risé la pénitence, sortis pour la cueillette des fleurs, il se
revêtit d’une forme nouvelle, grande, effrayante, hideuse,
s'empara de toutes les armes et ravit Uraâupadt.
11,457—11,458—11,459.
Il partit, le criminel, emportant les trois Pândouides :
mais Sahadéva finit par lui échapper grâce à ses eiforts.
11 s'en allait, dépouillé de sa robe de soie, désarmé de
son cimeterre, et criait: « Bhtmaséna! » exclamation,
l>ar laquelle ce héros à la grande vigueur fut attiré.
11,460—11,461.
Youddhishthira-Uharmaràdja enlevé dit au ravisseur :
« Tu désertes ledevoir, insensé, et tu ne vois pas cela !
U Les antres hommes partout, et ceux, qui sont nés
dans une matrice d’animal, et les Rakshasas principale-
ment observent le devoir. 11,462 — 11,463.
» Les Rakshasas connaissent la racine du devoir ; ils
savent que le devoir est la principale chose. Considère tout
cela, et veuille ensuite rester auprès de moi. 11,464.
» Les Iffeux, les Rishis, les Siddlias et les .Mânes, les
Gandharvas, les Ouragas, les Rakshasas, les oiseaux et
les bestiaux, les animaux sauvages, les insectes, les four-
mis, tout est soutenu par les hommes. Démon, et ta vie
même en dépend. 11,465 — 11,466.
» La prospérité de notre monde, certes I assure la
marche de votre monde. Les Dieux compâtissent eux-
mêmes aux souffrances de ce monde. 11,467.
LE M VHA-BHABATA.
» Us craissent, honorés, suivant le rite, parles oblations
et les olTraiMles. Noua sommes, Raksbasa, les protecteurs
et les conservateurs du royaume. 11,A68.
» Si le royaume n'était pas gardé, d’où viendrait la
prospérité? D'où viendrait le plaisir? Un Raksbasa, qui
u’est jamais dans le péché, ne doit pas mépriser un roi.
i> Il n’est pas même, mangeur d'hommes , un léger dé-
faut à noua reprocher. Toujours inclinés devant l'autorité
des gouroas et des brahmes, nous faisons manger, sui-
vant nos moyens, les restes des offrandes mises sur les
autels des Dieux et des autres. 11 ne faut jamais haïr les
hommes, qui ont mis en nous, soit leur amitié, soit leui'
confiance. 11 ,4t>9 — M,470 — 11,471.
« Notre habitation sera, dù-'on, celle de tous ceux, dont
noua mangeons la nourriture. » iN’as-tu p.as été honoré et
n’as-tu pas liabité paisiblement dans notre maison ?
» Comment veux-tu nous enlever, bomme àlamauvalse
science, quand tu as mangé de nos aliments? Agir ainsi,
n’est-ce pas être d’une vie dépravée, cherclwr d’iniques
accroissements, montrer un esprit faux ? Ce n’est pas en
vain que tu auras mérité aujourd’hui une mort 'ignomi-
nieuse ! Si tu es d’une pensée criminelle, si tu as renoncé
à tous les devou's, reiids-iious nos armes et tente de nous
enlever Draàupadi par un combat ! Si tu as fait cette ac-
tion par iguorance, sache qu’elle te vaudra dans le uionde
le vice seulement et le déshonneui'! Souiller aujourd’hui
cette femme de la race de .Mauou, c’est comme si tu mê-
lais, RaLshasa, du poison dans un vase pour l'avaler. »
C’est ainsi qM’Youddhishthira donnait en maître des le-
çons à ce mauvais Génie. {De la ttanee 11,472 à la
tlance 11,478.)
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VANA-PARVA.
65
L’àine vaincue par son fardeau, sa marche n'était pas
bien rapide, et Youddhishthira eut le temps de tenir ce
langage à Nakoula et Draàupadt : 11,578. •
« Ne craignez pas les Rakshasas par ignorance I J'ai
enlevé sa route à celui-ci. Non très-loin d’ici est le fils du
Vent, qui lui montrera la force de son bras. 11,579.
» Ce moment arrivé, le Rakskasa ne sera plus ! » Or,
!>abadéva, ayant vu le Démon, de qui l'àme flottait dans
l’incertitude, adressa ces mots, sire, au fils de Kounti,
Youddhishthira : o Pourquoi doue la politesse du ksha-
trya l'emporte-t-elle maintenant, sire? 11,580 — 11,581.
» S'il tourne le visage au combat, il quittera la vie ou
il vaincra ses ennemis. Ce Démon nous combattra, fléau
des ennemis, et nous le combattrons. 11,582.
» Tue-le, guerrier aux longs bras ! c’est ici le lieu et le
moment, sire. Voici l'instant de montrer la vertu du
kshatrya, ô toi, de qui la valeur est une vérité. 11,588.
Il Victorieux ou vaincus, nous méritons d’obtenir la
voie fortunée, [.aisser vivre maintenant ce Rakshasa, c’est
comme si le soleil descendait au couchant. 11,585.
Il Je ne dirais plus jamais : «Je suis un kshatrya ! n A ces
mots, Bharatide, s’adressant au Démon ; « Oh ! oh I Ra-
kshasa, arrête ! je suis Sahadéva, lefilsdePàndou. 11,585.
Il Tue-moi et tu l’emmèneras; ou, tué par moi, tu dor-
miras du long sommeil! n Le fils de Mâdri parlait encore
que Bhlmaséna de lui-même se montra, sa massue à la
main , comme Indra avec sa foudre. Il vit là ses deux
frères et l’illustre Draâupadl, 11,586 — 11,587.
Sahadéva, placé sur la terre, invectivant contre le Dé-
mon, et le Rakshasa, incertain de sa route, semblable à
un homme, de qui l’esprit est frappé par la mort. 11,588.
IV ô
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66
LE MAHA-BHARAÏA.
11 errait çà et là, aveuglé par le Destin. A peine Bhîma
à kl grande force eut-il vu ses frères et DraâupadI enlevés,
qu’il fut saisi de colère et qu’il jeta ces paroles au Ra-
kshosa : « Je t’ai connu jadis, scélérat, dans iin examen
de flèches. Ii,â89 — 11,A90.
» Tu fus sans considération pour moi : tu pus te retirer,
et tu ne fus pas tué alors, (lâché sous les fonnes d’un
brahme, tu ne dis pas une chose désagréable jjour nous.
» Comment aurais-je pu te donner la mort, hôte sans
péché, sous les apparences d’un brahme, te complaisant à
des choses amies et ne fai.sant pas même une seule action
d’ennemi? 11,491 — 11,492.
>• Quiconque tuerait un Rakshasa, le connût-il, tombe-
rait au Naraka. La mort n’existait pas encore pour toi,
que le temps n’ .avait pas mûri. 11,493.
» Sans doute, puisqu’il t’est née une telle pensée, c’est
que tu es mûr aujourd’hui! C’est le temps aux œuvres
merveilleuses, qui te donne 'à uioi dans ce rapt de
Krishna. 11,494.
n Tu as gobé cet hameçon, pendu au fil de la mort :
comment pourrais-tu vivre maintenant que tu as ta
bouche cousue par lui, comme un poisson dans l’eau?
» Te voilà parti pour une contrée, où ton àme t’a pré-
cédé ; tu voyages, oui! tu voyages enfin sur la route, où
sont allés Vaka et Hidimba! » 11,495—11,496.
A ces mots de Bhima, le Rakshasa elTrayé les aban-
donna tous et, poussé par la colère, il se tint prêt au
condiat. 11,497.
Mais, les lèvres tremblantes, il répondit en fureur à
Bhima ; u Les plages du ciel n’ont rien, qui .soit douteux
|)our moi, et, si j’hésite, c’est à cause de toi, méchant.
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67‘
' VANA-PARVA.
» Ces Rakshûsas, que tu as tués dans le combat, ai-je
ouï dire, je leur ferai à tous aujourd’hui la cérémonie de
l’eau avec ton sang. » 11,498 — 11,499,
A ces mots, Bhîma, léchant de tous côtés les coins de
sa bouche, et riant cx)mme de colère,* semblable à la mort
en personne, qui met fin aux temps, et regardant ses bras
avec fureur, courut sur le Rakshasa. Celui-ci alors, ou-’
vrant mainte et mainte fois sa bouche, sur les coins de
laquelle il promenait sa langue, fondit irrité sur Bhîma, '
qui l’attendait de pied feinne, désirant le combat, tel que
Bali jadis courut sur -le Dieu,' qui porte la foudre.
11,600—11,601—11,502. ‘
line lutte bien épouvantable s’engagea entre eux : les
deux fils courroucés de Mâdrî d’accourir; mais le fils de
Kountî, Vrikaudara de les arrêter en riant : « Je suis ca-
pable de résister à ce Démon, leur dit-il; regardez!
» Je tuerai le Rakshasa par mes frères et par moi-
même, comme par le sacrifice, les bonnes actions et le
devoir : je le jure, sire! » 11,506 — 11,504— 11, 505.’
Sur ces mots,' les deux héros, Vrikaudara et le' Ra-
kshasa, à l’envi l’un de l’autre, s’étreignirent tous les
deux avec les bras. 11,606.
Il s’éleva un combat entre ces guerriers irrités, le Ra-
kshasa et Bhîma, aussi insoutenables dans la bataille qu’un
Dànava et'un Dieu. 11,507,
Arrachant, rompant les arbres, ces deux puissants joû-
tem’s s’en frappaient l’un l’autre, poussant des cris tels
que les tonnerres de deux nuages, 11,508.
Ces deux héros, les plus forts des forts, irrités l’un
contre l’autre et désirant mutuellement leur mort, bri-
saient les grands arbres de leui-s cuisses. 11,509. ' • •
68
LE MAHA-BHARATA.
Le combat fut donc à coups d'arbres, destiiicUon des
forêts, comme fut jadis celui des frères Bâli et Sou-
grlva, à qui le désir d'une femme avait mis les armes à la
main. 11,510.
Une heure durant, ils se jetèrent et se rejetèrent l'un à
l'autre des arbres, et se blessèrent tous deux, poussant
des cris redoublés. 11,511.
Quand ils se furent lancé tous les arbres de ce lieq
par centaines et que le désir de se donner réciproquement
la mort en eut usé comme de flèches, ils prirent des ro-
chers, qu’ils échangèrent une heure environ, Bharatide i
et ces deux guerriers à la grande force combattirent, tels
que deux rois des monts avec d'épaisses nuées orageuses.
11,512—11,613.
En courroux, ils se frappèrent mutuellement de ces
énormes rochers, aux formes terribles, comme avec des
foudres d'une grande rapidité. 11,51A.
Orgueilleux de leur force motuelle, ils coururent de
nouveau l’un sur l’autre, se prirent à bras le corps et
s'entretirèrent comme deux éléphants. 11,516.
Ensuite de se frapper l'un l’autre avec leurs poings
très-épouvantables, et ce fut de ces deux bien magnanimes
un brait de chair triturée ; 11,516.
Puis, retirant à lui son poing comme un serpent à cinq
têtes; Bhtma d'en frapper rapidement le cou du Rakshasa.
I.e Démon, atteint par le bras de Bhtmaséna, était fati-
gué et, le voyant haleter, son rival de redoubler ses
coups. 11,517 — 11,518.
I.,e guerrier aux longs bras de l'enlever dans ses bras
en dépit de la résistance et de le broyer sur le sol de la
terre. 11,619.
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VANA-PARVA.
«fl
Le Pàndouide lui brisa tous les membres, et, frappant
sa tête du coude, l’ari-acha de son corps. 11,520.
Bbimaséna de force emporta la tête de Djalà-soura,
tombé annule un fruit de l’arbre, roulant ses yeux et
mordant ses lèvres. 11,521.
Il tomba, souillé de sang et serrant ses lèvres de ses
dents! truand il l'eut tué, son vainqueur, célébré par les
principaux des brahmes, comme Indra l’est par les Ma-
routes, s’avança vers Youddhishthira. 11,522 — 11,523.
LE COMBAT AVEC L’TAKSHA.
Vaîçainpàyana dit :
Ce RaLshasa mort, l’auguste roi, fils de Kountî, revint
à l’hermitage de Nai’a et de iNàrâyana, où il mit son habi-
tation. ll,ô'2A.
Il rassend)la tousses frères, accompagnés de Draâupadi,
et, rappelant à propos la victoire de Bhlmaséna, il tint ce
discours : 11,625.
(( Quatre années se sont écoulées depuis que nous mar-
chons avec bonheur dans la forêt ; et Btbhatsou, qui a
conclu cet aiTangement, touche à la cinquième année.
» Maintenant qu’il a atteint le roi des uionts, le Swéta,
la sourcilleuse montagne, pleine de massifs fleuris d’arbres,
paré d’une fête continuelle par les abeilles et les kokilas
dans Tivresse, par les tchàtakas et les paons, rempli de
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. VANA-PARVA. : 71
gazelles, de buffles, de gayals, de sangliers et de tigres,
11,626—11,527—11,528. '
» Habité par des rourous et des bêtes de proie aux
formes cruelles , couvert de lotus en fleurs, à cent et à
mille feuilles, 11,529.
» De kamalas épanouis et de nélumbos d’azur ; mon-
tagne très-sainte, purificatrice, hantée par les Asouras et
les Dieux. 11 ,530.
» Là, il conclut un accord avec des hommes, qui dési-
raient voir sa réunion ; et le fils de Prithâ à la splendeur
sans mesure fit cette convention : 11,531.
« J’habiterai cinq ans ici, étudiant la science! » C’est
ainsi que jadis je l’ai ouï dire. Nous verrons ici revenu du
monde des Dieux en ce monde le dompteur des ennemis,
avec son arc Gândîva, en possession des astras. » Quand
il eut parlé de cette manière, le fils de Pàndou adressa la
parole à tous les brahmes. 11,532 — 11,533.
Il interrogea ces ascètes sur les causes et, quand ils
furent satisfaits de leur pénitence rigoureuse, les brahmes
acceptèrent avec bonheur et plaisir le pradakshina des
fils de Prithà : « Éminent Bharatide, l’avenir sera heu-
reux, lui dirent-ils, et cette infortune ne doit pas durer
long-temps. 11,534 — 11,535.
» O toi, qui connais la vertu, tu gouverneras avec la
vertu du kshatrya la terre, que tu auras toute parcou-
rue. » Aussitôt qu’il eut reçu cette parole des pénitents,
le roi, fléau des ennemis, défendu par Lomaça et suivi des
Rakshasas, partit avec les brahmes et ses frères.
Le resplendissant banni, ferme dans ses vœux, tantôt
marchait à pied, tantôt il était porté çà et là par les Ra-
kshasas avec ses frères. 11,586—11,637 — 11,538.
72
Lb MAHA-BHAHATA.
Pensant à ses nombreux soucis, le royal Youddbish-
thira s’avançait vers la région septentrionale, toute pleine
d'éléphants, de lions et de tigres. 11,63J).
Il contemplait, et le Kailàsa, et le mont Mainaka, et les
pieds du Gandhamàdana, et le mont Swéta, et, sur la
montagne, différents fleuves fortunés, il niarclia dix-sepl
jours sur les flancs saints de THimâlaya. 11,5A0-11,6A1.
Les Pàndouides virent devant eux le Gandhamàdana ;
ils virent sur le dos pur de TUiinavat, couvert de lianes
et d’ai-bres variés, le très-saint bermitage de Vrishapar-
van, caché par des arbres nés dans les tourbillons d’eaux,
11,662—11,643.
Ges dompteurs des ennemis , les Pàndouides s'ap-
prochent du vertueux radjàrshi et, délivrés par ta vue de
leurs fatigues, ils s'inclinent aux pieds de Vrishapar-
van. 11,666.
Le saint roi les salua, comme des liis, éminent Bhara-
tide, et ces vainqueurs houorés d’habiter chex lui sept
jouis, 11,666.
Le huitième arrivé, ils liieut leurs adieux au rishi, cé-
lèbre dans l’univers, et prirent congé pour leur départ de
Viishaparvan. ll,66d.
Les brahmes, estimés un dépôt et très-bien traités, sui-
vant les temps, comme des épouses, furent annoncés l’un
après l'autre à l'anachorète. 11 ,667.
Les Pàndouides remirent au magnanime le reste des
ornements royaux, et laissèrent en dépôt dans l'hermitage
de Vi ishaparvan, sire, les vases du sacrifice, les joyaux et
les parures. Savant, vertueux, habile, connaissant tous
les devoirs, il modéra, comme des fils, dans l’avenir et
dans le passé, ces taureaux des Bharatidesi et cesmagna-
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VAMA-PARVA.
7#
Dîmes, ayant pris congé de lui, s’avancèrent vers la con-^
trée du septentrion. 11,6A8 — ll,6AO — 11,660.
Vrishaparvan à la haute intelligence les accompagna à
leur départ, et, quand le resplendissant anachorète les
eut recommandés aux brahmes, il congédia ces (ils de
PAudou et de Kounti ctxnblés de ses bénédictions et revint
à ton hermilage, leur ayant indiqué la route.
11,661—11,552.
louddhishthira, de qui le courage était une vérité, stii*
vit avec ses frères an chemin hanté par des troupes d’ani*
maux variés ; et, habitant sur les plateaux des montagnes
ombragés d’arbres divers, les PAndouides entrèrent le
quatrième jour dans les parages du mont Swéta,
11,653—11,655.
Beau, arrosé d'eaux, semblable A des ma.sses de grands
uuages, réunion de pierres, d’argent, d’or et de joyaux.
Us entrèrent dans cette route, selon les paroles de
Vrishaparvan, et la suivirent, contemplant, selon les ré-
gions, différents arbres, et, sur la montagne, des caverne.s
au plus haut degré inaccessibles. Ils allèrent, et même
avec plaisir, en des lieux très-nombreux et bien inabor-
dables. 11,555—11,556—11,557.
Dhaâumya, et Krishnâ, et les fils de Prithâ, et Lomaça,
le grand rishi, marchaient de compagnie ; et personne ne
fut laissé là en arrière. 11,558.
Ils arrivèrent dans un vaste bois d’étangs, pur, ravis-
sant, rafraîchi par un lac de lotus, habité par des troupes
de singes, ombragé de lianes et d’arbres variés, peuplé
de volatiles et de gazelles. Ces fortunés voyageurs étaient
sur la grande montagne du Mâlyavat. 11,569 — 11,560.
Ils virent enfin avec une horripilation de plmsir le mont
74
Ll^ MAHA-BHAitATA.
Gandhamàdana, séjour des Kimpourouahas, où demeu-
raient des Siddhas et des Tchâranas, 11,661.
Parcouru par les kinnarls et les Vidyâdharas, plein
d’éléphants par bandes, rempli de troupes de tigres et de
lions, 11,562.
Résonnant au chant des sauterelles, peuplé de nom-
breuses gazelles. Ces héros joyeux, lils de Pàndou, en-
trèrent successivement dans le bois du Gandhamâdana,
cette belle et secourable forêt, qui portait la joie dans le
ernur et l'àme, qui ressemblait au Nandana.
11,568—11,664.
Draâupadi et les brahmes magnaniuies accompagnaient
ces guerriers. Ils entendaient les sons gazouillants des
oiseaux, bien doux, séduisants pour l’oreille, beaux, for-
tunés, avec le murmure de l’ivresse, et qui engendraient
le plaisir; ils contemplaient les arbres, opulents d’une
charge de fruits en tous les temps et flamboyants de fleurs,
quelque fût la saison. Ils étaient courbés sous le faix
des fruits : c’étaient des manguiers, des àmràtakas (1),
des bbavyas (2), des cocotiers, des tindoukas (3),
11,565—11,566—11,567.
Des moundjâtakas (4), des figuiers, des grenadiers,
remplis de grains, des arbres à pains, des lacuebas, des
maulchas (5), des dattiers, des amlavétasas (6), 11,568.
» Des ébéniers, des champacas, des ravissants kadam-
(1) Sl'Ondùis mangifet'a.
(2) Atxrhoa carambo/a.
(2) Oiojtpyros glutxnota.
(4) Sacc/tarum
(5) Hyperan h^ra morunga.
(9) Aumex utfjMonW.
Digitizod by CjOOgle
- VANA-PARVA. •
76
bas, des aagle manuelos, des féronies, des jambousiers,
des gambbàris arborescentes et des jujubiers, 11,669.
I) Des hibisques, des figuiers glomérés, des figuiers in-
diens, des figuiers religieux, des mimusops kaukis, des
séniicarpus anacardiums, des emblics, des bélérics et des
cbebulics mirobolants, ll,ô70.
» Des iugu&s, des karoudas et des diospyres gluUneux
aux grands fruits. Tels et d'autres arbres étaient couverts,
sur les plateaux du Gandhamàdana, de fruits savoureux
et pareils à l’ambroisie. C’étaient des tchampakas, des
açokas, des pandanes très-odorantes et des mimu.sops
elengi, 11,571—11,572.
» Des rottleries, des alstonies, des kaniyars et encore
des pandanes, des lôdhs rouges, des corayas séduisants,
de brillantes érytbrines et des lotus bleus, 11,573,
« Des arbres pàridjàtas (1) , des bauhinies variées, des
pins dévadàrous, des sborées, des palmiers, des mimosas
noires, des pippalas (2) et des asafœtidas. 11,576.
C’étaient des cotonniers, des kinçoukas, des açokas,
des dalbergies sisous, des pins à longues feuilles, habités
par des tchakoras, des paons et de charmantes abeilles,
des kokilas, des moineaux, des pigeons verts, des faisans,
des pryakas et d’autres habitants des airs, qui gazouil-
laient sous les branches un ramage bien doux à l'oreille ;
et les séduisants lacs, sillonnés de tous les cétés par des
hôtes variés des eaux, 11,575 — 11,576 — 11,577.
Couverts en tous lieux par des lotus blancs, des uym-
(1) Erylkrtna ful/jau.
(2) Ficus rcligiosa.
7(5
LE MAHA-BHARATA.
phéas roug«s, des outpalas (1), des kokanadas (2), des
lotus bleus et des nélumbos rouges, 11,578.
Rempli de toutes parts de (»rcelles, de tchakravàkas,
d’ardées, de mouettes k tête noire, d’aigles de mer, de
faisans, de cygnes et de madgous (8), de ces hôtes des
ondes et d’autres variés, joyeux et pleins d’indolence à
l’ivresse, dont les avait pénétrés la savoureuse eau de la
cataracte. 11,679 — 11,580.
Ces tigres des hommes virent, sur les plateaux de la
montagne, plusieurs de ces oiseaux, qui ressemblaient à
des lotus, gazouillant avec des voix douces et ravissantes i
ils étaient colorés des roses filaments du lotus et du pollen
tombé du sein des nymphées i ils étaient environnés de
tous côtés par des massifs de nélumbos. 11,581 — 11,582,
Ils voyaient des paons danser joyeux et désirant les
bois, envoyer au nuage leurs kékas, chanté d’une voix
mélodieuse, se promener dans les miroirs des lianes, ac-
compagnés de leurs épouses et pleins d’une vigoureuse
. ivresse, déployant leurs grandes queues avec coquetterie et
indolence , au son des quatre instruments de musique des
nuages. Ils en voyaient d'autres errer, avec leurs épouses,
placés avec des corayas, des plantes grimpantes et ram-
pantes; ils en voyaient d’autres, fous d’ivresse et déli-
cieusement ravissants, au milieu des branches aux jeunes
pousses des corayas, comme dans les ouvertures, que for-
maient l’orgueil inné de ces queues.
11,588— 11,584— 11, 686—11,686— 11,687-11,688.
(l->2) Du lotus rouge*
(3) A aquatic bird^ the sab {Did. de Wilson).
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■VANA-PARVA.
77
Dans les cimes des montagnes, ils voyaient des fleurs
semblables A l'or en couleur, pareilles aux flèches de
l’Amour, et grandes comme ces généreux coormers, que
le vent du Sindhou fait naître sur ses rivages. 11,589.
Ils virent épanouis les kauiyars, comme les plus belles
mimoehas çirishas ! Us virent fleuries dans les jolies régions
de la montagne les plus délicieuses amaranthes ; 11,690.
Et des bouquets, <|ui semblaient tressés par oes belles
contrées; ils étaient couuie des multitudes de flèches pour
les besoins de l'amour, qui faisaient le tourment des cœurs
soumis A Kàma. 11,59t.
Ils voyaient des tilas, (jui resplendissaient comme des
tilakas) ils voyaient des manguiers ravissants, semblables
aux flèches de l’Amour, éclatants de jeunes pousses, au-
tour desquelles mnrmuraieni les abeilles. Les arbres
fleuris des plateaux de la montagne brillaient au plus
haut point de fleurs pareilles A l'or, ou telles que l’in-
cendie d'une forêt, ou semblables au collyre, ou bien
rouges, ou même égales eu couleur au lapis-lazuli.
11,592—11,593.
Les çâlas, les xantbocymes, les bignonnes odorantes,
les mimusops étaient comme des guirlandes attachées aux
sommets des montagnes. 11,59A.
Sur les plateaux du mont, les fils de Prithâ contem-
plaient en grand nombre des lacs, semblables à des mor-
ceaux de cristal, sillonnés de cercelles et d'oiseaux aux
ailes blanches, où ramageaieut les grues indiennes, où
les nélumbos se mêlaient aux lotus eu des ondes fraîches
h plaisir. 11,595 — 11,596.
Ainsi regardant tom' à tour de toutes parts, et les guir-
landes odorantes, et les fruits savoureux, et les étangs
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78 LE MAtfA-BHARATA.
amœnes, et les arbres tout charmants, les héros Pâii-
douides entrèrent tous, avec des yeux épanouis d’admi*
ration, dans ce bois, caressés par un vent au délicieux
toucher, qui exhalait une douce senteur de nymphées
bleus, de nénuphars blancs, de néluuibos et de lotus.
Alors Youddhishthira joyeux tint ce langage à Bblma-
séna : n Oh! que le bois du Gandhamàdana est charmant,
Bhlma! 11,597— 11,598— 11, 59fl— 11,600.
» Dans cette heureuse forêt .sont des arbres célestes,
enfants des bois. Il y a des lianes aux formes diverses,
où l'on voit marcher ensemble les feuilles, les fleurs et les
fruits. 11,601.
» Ces fleurs brillent épanouies, troublées par la famille
du kokila mâle : il n'est rien ici, qui soit avec des épines;
il n’existe rien, qui ii'ait des fleurs. 11,602.
n Sur les plateaux du Gandhamàdana, les arbres ont
des feuilles et des fruits doux : les viviers aux lotus épa-
nouis répètent le délicieux murmure des abeilles. 11,603.
» Vois-les agités par des éléphants accomjiagiiés de
leurs éléph.antes : vois cet autre vivier, qui étale ses
guirlandes de lotus et de nélumbos. ll,60i.
)> 11 ressemble â une seconde Lakshmi en personne,
revêtue d'un corps et parée de Ijouquets. Iæs arbres de
ce vivier, dans cette excellente forêt, sont riches de sen-
teurs exhalées des fleurs variées. 11,606.
» Ce bois suave, brille, redi.sant les bourdonnements
des abeilles, â'ois, Bhlma, ces lieux fortunés de toutes
parts ; ce sont les jardins des Dieux. 11,606.
» Nous sommes au couible de nos vœux, Vrikaudara :
nous avons obtenu une route au-dessus de l'humanité !
Les plus grands des arbres en fleurs, fils de Prithà, res-
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' vana-parva;
79
plendissent sur les plateaux du Gandhaoiftdana, embrassés
par des lianes aux extrémités llcories. Écoute, Bhtma,
sur les plateaux de cette montagne, le cri, que jettent les
paons, marchant, accompagnés de leurs paonesi Les
grues indiennes, les kokilas enivrés, les perroquets, les
tchakoras 11,607 — 11,608 — 11,609.
» Abaissent leur vol sur ces grands arbres feuillus en
fleurs. Les oiseaux, perchés sur le bout des branches
fleuries, fils de Prithi, sont roses, ou jaunes, ou rouges.
» Ces nombreux faisans se regardent l’un l’autre, écOté
des frais gazons aux couleurs brunes et vertes.
1» On voit se montrer les grues dans les cataractes de
la montagne ; elles gazouillent des chants doux, ravis-
sants pour tous les êtres. 11,610—11,611 — 11,612.
» Des oiseaux, tels que le malabar, les oies rouges, les
hérons, et des éléphants à quatre défen.ses, pareils aux
lotus, accompagnés de leurs éléphantes, agitent ce grand
lac, qui rappelle la couleur du lapis-lazuli. Des courants
d’eau, qui égalent plusieurs palmiers en liauteur et qui
tombent des cimes de la montagne , se précipitent ,
effrayants , semblables à des masses automnales de
nuages et pareils à l’éclat du soleil, dans les diverses
cataractes. 11,613 — ll,61i — 11,61&.
» Des métaux de nombreuses couleurs embellissent la
grande montagne : ici, ils sont pareils à l’antimoine ; là,
ils ressemblent à l’or. 11,616.
» Ailleurs, ils sont tels que l’orpiment jaune ou le ver-
millon : plus loin, des grottes d’arsenic rouge figurent
aux yeux une masse de nuages au crépuscule. 11 ,617.
» Des métaux de nombreuses couleurs embellissent
ainsi la grande montagne : ici, les métaux sont rouges et
80
LE M;VH\-BHARATA.
resaemblent au symplocoB racéineux ; là, ils oai la cou-
leur de For. 11,618,
U La montagne est ornée par ces métaux d’un grand
éclat et dilTérenta par l'espèce, qui ressemblent à des
uuages blancs et noirs, ou qui ont une splendeur égale au
soleil enfant. 11,619.
» On voit sur les sommets de la montagne, fils de
Prithâ, les Gandharvas, accompagnés de leurs épouses,
avec les Rimpouroushas, selon ce que nous a dit Vrisha-
parvan. 11,620.
» On entend plusieurs fois, Bhtma, son ravissant pour
tous les êtres I un bruit de Sàma, qu'on marie avec la
cadence égale, battue par les mains. 11,621.
» Regarde la grande, la sainte, la fortunée Gangâ, le
fleuve des Dieux, sillonné par des troupes de cercelles,
aux rives habitées par des rishis-kinuaras. 11,622.
B Vois, dompteur des ennemis, fils de kountt, ce roi
des monts, doué partout de métaux, de fleuves, de kin-
naras, d’oiseaux et de gazelles, de Gandharvas, d’Apsaras,
de forêts délicieuses et de reptiles aux formes diverses, à
cent tètes. » 11,623 — ll,62i.
Ges puissants héros, arrivés, l’âme joyeuse, dans la
route la plus élevée, ne pouvaient se rassasier de voir cet
Indra des monts. 11,625.
Ils virent alors cet hermitage du saint roi, fils de Rish-
tishéna, orné de guirlandes et riche d'arbres couverts de
fruit». 11,626.
Us s'approchèrent d'Arshtashéna , qui cultivait une
amère pénitence, maigre, toujours dans la répression des
sens, et qui était parvenu à la rive ultérieure de toutes
les vertus. 11,627.
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VANA-PARVA.
81
Youddhishthira, s’étant avancé vers cet anachorète,
qui avait consumé toutes ses souillures dans la pénitence,
inclina joyeux sa tête devant lui et dit son nom. 11,628.
Krishnâ, et Bhîma, et les jumeaux, l’un et l’autre bons
pénitents, courbèrent la tête devant le saint roi, et, l’ayant
environné, ils se tinrent au-dessous de lui. 11,629.
Dhaâumya, le sage pourohita des Pàndouides, le ver-
tueux anachorète, commençant suivant la convenance par
le solitaire aux vœux parfaits poui’ continuer aux fils de
Pàndou, dota ces Kourouides éminents d’une intuition
divine et dit : « Asséyez-vous icil » 11,630 — 11,631.
L’homme aux grandes pénitenc/es, AmhtUhéna, ayant
honoré le plus grand des Kourouides, venu près de lui,
s’enquit de sa bonne santé, quand il se fut assis avec ses
frères : 11,632.
« Ne passes-tu point ta vie dans le mensonge ? Suis-tu
la vérité ? La conduite de ton père et de ta mère, fils de
Prithâ, ne s’éteint-elle pas en toi ? 11,633.
» Tas vieux et savants gourous sont-ils tous honorés?
Ne mets-tu pas ta vie, fils de Prithâ, en des actions cri-
minelles? 11, 63 A.
» Sais-tu, comme il convient, ô le meilleur das Kou-
rouides, reconnaître les bonnes actions, et abandonner les
mauvaises? Ne te vantes-tu pas? 11,635.
» Honorés comme ils le méritent, les gens de bien se
réjouissent-ils en toi ? Au milieu même de ces bois, où tu
habites, la vertu est-elle observée par toi? 11,636.
» Dhaâumya ne souffre-t-il pas de tes mœurs, fils de
Prithâ, de ce que lui donnent à supporter ton devoir, ton
aumône, ta pénitence, ta droiture et ta pureté? 11,637.
» Suis-tu, fils de Prithâ, la conduite de ton père et de
iv 6
82
LE MAHA-BHARATA.
tes aïeux? Marches-tu, dompteur des ennemis, dans le
chemin foulé par les saints rois? 11,638.
» LSn fils ou même uu petit-lils met, dans le monde des
Mânes, le rire ou la douleur sur le visage du père, dans
la famille propre duquel il est né. 11,630.
» Mais que ne deviez-vous pas obtenir dans une mau-
vaise action? quelle brillante chose, au contraire, deviez-
vous obtenir dans une bonne œuvre? 11 ,640.
» L'n père, une mère, le feu, le gourou et toi-même :
voilà cinq personnes, tils de Pritbà, qui méritent les hon-
neurs de celui, qui a vauicu les deux mondes, » 11,641.
Vouddhishtbira lui répondit :
« Ta révérence a dit cette noble chose exactement : je
prends la résolution du devoir, coiume il me sied, suivant
ma force, selon la droite raison. » 11,642.
« Les rishis, qui ne mangent pas, dit Arshtishéna, ou
qui, nageant dans l’air, vivent du vent, habitent cette mou-
uigne sourcilleuse dans toutes leo eoujonctious de l'année.
Il On voit se tenir sur les crêtes de la montagne, sem-
Itlables, sire, à des Kimpouroushas, les amants accompa-
gnés de leurs amantes et dévoués aux vœux les uns des
autres. 11,643 — 11,644.
Il Ou y voit, lils de Pritbà, de nombreuses troupes de
Gandbarvas et d'Apsaras, vêtus d'habits immaculés de
poussière ou du robes de soie. 11,645.
Il On y voit des troupes de Vidyàdharas, parés de
bouquets et d’un aspect agréable à voir ; on y remarque
des Souparuas, de grauds Ouragas, des reptiles et autres.
V On entend sur cette montagne dans les conjonctions
du mois un bruit de tambours, de conques, de tyuibales
et de tambourins. 11,646—11,647.
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VANA-PARVA.
AS
a Ceux qui sont placés sur les cimes de ces montagnes
doivent entendre tous ces concerts, éminents Bharatides :
comment pourriez-vous ne pas avoir le sentiment de vous
avancer dans ces lieux ? 11 ,6A8.
» Au-delà, il est impossible de continuer sa route, fl
les plus vertueux des Bharatides : c’est là que commen-
cent les amusements des Dieux et ces lieux n’ont pas de
route pour un enfant de Manou. Il,6à9.
» Ici, Bbaratide, la vie de l’homme flotte au milieu de
quelque danger. Les fiakshasa-s tuassent et détruisent
toutes les créatures. 11 ,(150.
» Quand tu as franchi la route de ce Katllsa, tu vois
paraître, Youddhishthira, la route des Siddhas du plus
haut rang, les rishis des Dieux. 11,051.
» Plus loin, les Raksbasas tuent, fils de Prithâ, avec
des lances de fer et autres, celui, que sa mobilité conduit,
meurtrier des ennemis, porté sur un char au-delà de ces
lieux. 11,652.
U Ici, l’on voit à chaque conjonction du mois le fils de
Vîçravas, que les hommes choisissent pour guide, envi-
ronné des Apsaras, au sein de l’abondance. 11,653.
» lious les êtres voient ici ce maître des Yaksbas et des
Raksbasas, se tenir assis, sur les cimes de la montagme,
comme un soleil levé. 11,055.
» Tel est ce jardin, 0 le plus vertueux des Bharatides,
formé par une cime de la montagne et qui est celui des
Dânavas, des Siddhas, de Vatçravana et des Dieux.
i> On entend au Gandhamàdana, mon fils, les sons du
SAma chantés par Toumbourou, qui fait .sa cour au Dona-
teur des richesses dans les conjonctions du mois.
11,655—11,656.
84 LE MAHA-BHARATA.
» Nombre de fois, dans ces conjonctions du mois, tous
les êtres, Youddhishlhira, mon fils, ont vu se dérouler
ici les choses de cette manière dans une façon surpre-
nante. 11,657.
» Mangeant, et les aliments des anachorètes, et les
fruits savoureux des solitaires, restez ici, 6 les plus ver-
tueux des Pândouides, aus.si long-temps, qu’il est besoin
pour voir Arjouna. 11,058.
» 11 ne faut nouer d’aucune manière ici, mon fils,
une liaison avec des hommes inconstants. Habite ces
lieux suivant ton amour; jouis d'eux selon ta foi et
gouverne la terre, que tes armes auront vaincue. »
11,659—11,660.
Djanamédjaya dit :
« Tous ces magnanimes enfants de Pândou, au courage
céleste, qui furent mes ancêtres et qui m’ont précédé dans
la vie, habitèrent ici quelque temps sur ce mont Gandha-
mùdana et dans cet hermitagc d'Arshiishéna. Que firent
tous c.es hommes d’une si grande énergie et dont la valeur
dépassait la force? 11,661 — 11,662.
» Tit quelles choses y servaient de nom-riture à ces
magnanimes héros du uionde, pendant qu’ils y faisaient
leur séjour? Parle, ô le plus sage des hommes! 11,60S.
» Raconte-moi en détail le courage de Bhimaséna. Si ce
guerrier aux longs bras n’agit pas sur ce mont Himâlaya,
ce n’cst sans doute pas la crainte d’un combat avec les
Yakshas de ce Dieu, qui f empêcha, 6 le plus vertueux
des brahines?N’y eut-il pas une rencontre de ces héros
avec le Dieu, qui départ les richesses ? 11,664 — 11,665.
U Valçravana, comme Arshtishéna le dit, vient sou-
vent dans ces lieux. Je désire que tu me racontes cette
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VANA-PARVA.
86
narration avec étendue ; je ne puis me rassasier d’entendre
l’histoire de ces héros. »
Valçampâyana répondit ;
A peine eurent-ils entendu ce discours utile pour eux-
mêmes , ces éminents Bharatides de regarder comme un
ordre éternel la parole de cet homme à la splendeur in-
comparable. Ils mangèrent les aliments et les fruits sa-
voureux des anachorètes. 11,668 — 11,667 — 11,668.
Ils abattaient sous des traits sans tache les gazelles aux
chairs pures et recueillaient sur les flancs de l’ Himalaya
les rayons divers du miel. 11,669.
Telle se passait dans ces lieux cette habitation des
fils de Pândou;'et la cinquième année vint à naître,
éminent Bharatide, pendant qu’ils habitaient là, écoutant
les narrations diverses, que racontait Lomaça. « Le temps
pour l’affaire du prince est déjà tout près d’arriver I » dit
Ghatautkatcha, qui les avait devancés, seigneur, avec tous
les Rakshasas. 'Tandis que ces magnanimes habitaient dans
cet herraitage d’Arshtishéna, 11,670 — U ,671 — 11,672.
11 s’écoula plusieurs mois pour les fils de Pàndou à
contempler de grandes merveilles, pendant qu’ils y pas-
saient leurs jours et s’y ébattaient à plaisir. 11 ,673.
Des solitaires vertueux à l’âme satisfaite et des Tchâra-
nas, aux vœux parfaits, à Tâme pure, vinrent, amenés par
la curiosité de voir les fils de Pândou. ll,67à.
Ces éminents Bharatides d’échanger avec eux de cé-
lestes légendes. Ensuite , quelques jours après, Garouda
d’enlever lestement le grand serpent Riddhimat du lac
profond, où il avait mis son habitation. La grande mon-
tagne en fut ébraulée et les grands arbres en furent eux-
mêmes broyés. 11,676 — 11,676.
8e
LE MAHA-BHARATA.
Les Pàndouides et tous les êtres furent alors témoins de
cette merveille : le souille du vent apporta de la cime du
mont très-élevé aux fds de Pândou toutes les espèces de
bouquets, charme de l’odorat et des yeux. 11,1577-11,678.
Les fils de Pândou et l’illustre Draânpadî virent avec
leurs amis tomber ces fleurs divines de cinq couleurs et
Krishnâ tint avec â-propos ce langage â Bhlmaséna aux
longs bras, assis tranquillement dans un lieu solitaire de
la montagne : « Le vent, qui a la fougue d’Anila ou de
Garouda, sème par sa grande puissance, éminent Bliara-
lide, les fleurs des cinq couleurs à la vue de tous les êtres,
le long de la rivière Açvarathâ. 11,679-11,680-11,681.
» Ton magnanime frère, de qui le courage est «ne vé-
rité, arrête maintenant dans le Khàndava les Rakshasas,
les Ouragas, les Gaudbarvas et le roi des Dieux 1 11,682.
» Les enchanteurs sont morts, l’arc Gândlva est obtenu !
Montre ta brillante splendeur et la force de tes longs
bras; 11,683.
n Cette force intolérable, inafl'rontable, de qui la res-
semblance imite la force de Çakra! Que la rapidité de ton
bras vigoureux porte l’épouvante parmi tous les Raksha-
.sas. 11,68&.
U Que, désertant la montagne, Bhima s'en aille aux
dix points de l’espace! Que tes amis, affranchis de l’émo-
tion de l’esprit, qui accompagne la crainte, voient la cime
de la montagne fortunée, parée do ses diverses guirlandes.
Telle est depuis long-temps, Bhima, tournée l’attention
de mon âme. 11,685—11,686.
» Je désire, protégée par la force de ton bras, voir la
cime delà montagne I » Le vigoureux héros ne put endurer
ces paroles stimulantes de Pâotchâll, comme un bon taureau
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VANA-PARVA.
87
ne supporte pas un seul coup. Ce fortuné tils de Pândou
avait la démarche d’un grand lion; il ressemblait en cou-
leur à l’or le plus fin; c’était un héros plein d’intelligence,
de force, de fierté, d’arrogance; il avait les yeux rouges,
de larges épaules, la vaillance d’un éléphant enivré.
Il avait les dents d’un lion, le tronc élevé; il ressemblait
à un éléphant de dix ans; tous ses membres étaient beaux,
il avait le cou en forme de conque, ses bras étaient longs ;
il était magnanime. 11,6S7 — 11,888 — 11,689 — 11,690.
Il prit son arc au dos en or, son carquois et son cime-
terre; et, fier comme un lion ou tel qu’un éléphant, dont
le rut a couvert les tempes de mada, 11 ,691.
Le vigoureux se mit en route pour la montagne, affran-
chi du trouble de l’esprit, qui accompagne la crainte.
Tous les êtres le virent, marcher, son arc et ses flèches
à la main, semblable au roi des animaux ou comme un
éléphant en rut. Le Pândouide, comblant de joie Draàu-
padl et tenant sa massue, 11,692 — 11,693.
Sans crainte, ni trouble de l’esprit, s’avança vers la
reine des montagnes. Ni langueur, ni abattement, ni dé-
faillance, ni envie n’aima jamais à vivre dans le fils, en-
gendré par le Vent au sein de Prithâ. Le guerrier à la
grande vigueur franchit la cime de la montagne, solitaire,
inégale, à l’aspect épouvantable et qui surpassait en hau-
teur plusieurs palmiers surétagés. Là, quand il fut monté,
inspirant la joie aux Kinnaras, aux .Mahâ-Nâgas, aux soli-
taires, aux Gandhanas et aux Rakshasas, l’éminent Bha-
ratide vit le palais de Viçravana.
11,694— 11 ,695— 11,696— 11,697.
Il était orné d’appartements d’or et de cristal, envi-
ronné de tous les côtés par un rempart en or. 11,698.
8S LE MAHA-BHARATA.
Il était flamboyant de toutes les espèces de pierreries ;
il était entièrement planté de jardins; il avait l'élévation
d’une montagne; il était embelli par un grand nombre de
chambres hautes sur les terrasses des maisons. 11, <199.
Il était ombragé d’étendards arborés ; il avait des portes,
des portails, des portes arcadées, et des femmes infini-
ment gracieuses, qui dansaient de tous les côtés. 11,700.
Tenant un bras, dont le geste était courbé, appuyé sur
une extrémité de son arc, il contempla dans sa fatigue la
cité du souverain des richesses aux drapeaux agités par le
souffle du vent. Un zéphir, né sur le Gandhamâdana, le
plaisir de tous les êtres, imprégné de tous les parfums, y
susurrait sa très-douce haleine. Là, des arbres admirables,
variés, inimaginables, de la plus grande beauté, riches
de tous les boutons, étalaient leurs diverses couleurs.
L’éminent Bhai-atide, son arc, sa massue, son cimeterre à
la main, abandonnant le soin de défendre sa vie, contemplait
cette résidence du souverain des Kakshasas, ornée de
guirlandes variées, environnée à la ronde de pierreries
diverses. 11,701 — 11,702 — 11,703 — 11,704 — 11,705.
Bhimaséna restait, immobile comme une montagne :
enfin il remplit de vent sa conque, au bruit de laquelle se
héri.ssaient les poils de tous les ennemis. 11,706.
11 fit retentir sa corde, il en fit résonner la surface et jeta
le trouble dans l'esprit de tous les êtres. Alors Yakshas,
Rakshasas et Gandharvas, tous de courir, le poil hérissé
à ce bruit ; et, prenant les pilous, les massues, les cime-
terres, les tridents, les pieux ferrés et les haches, de
faire briller autour du Pâiidouide leurs bras d’ Yakshas et
de Rakshasas. .Au.ssitôt commença la bataille, Bharatide,
entre eux et lui. 11,707 — 11,708 — 11,709.
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VANA-PARVA.
8ft
Bhtma de trancher avec ses bballas plus rapides les
haches» les épieux de fer et les tridents de ces Génies» mal-
gré qu’ils eussent recours à la puissante magie, ii »710.
Le guerrier à la grande vigueur de percer avec ses
flèches les corps des Rakshasas dans Tair» où ils se te-
naient en masses» l’invective à la bouche. ll»7ll.
Une forte pluie de sang, dont la source était dans le
corps de ces Rakshasas, aux mains armées de pilons et de
massues» coula vigoureusement sur la terre. 11,712.
De toutes parts tombait cet orage échappé aux veines
des Rakshasas ; on ne voyait que des corps et des têtes
mutilées de Rakshasas et d’ Y’akshas» à qui la vigueur des
bras de Bhîma faisait abandonner les armes. Tous les
êtres virent masqué par des foules de Rakshasas ce fils de
Prithà à l’aspect aimable» comme le soleil est voilé par
des masses de nuages ; et, tel que l’astre du jour perd ses
rayons» tels tous les traits sacrificateurs des ennemis man-
quèrent à ce guerrier à la grande force» de qui le courage
était une vérité. Ses menaces arrachaient à leur bouche
de grands cris. 11,713— 11»71A— 11,715— 11,716.
Aucun des Rakshasas n’entrevit là un signe de faiblesse
en Bhîma : les Yakshas» de qui tous les corps étaient dé-
chirés, malmenés par la peur de Bhîmaséna, jetaient leurs
grandes armes et poussaient des cris de détresse épou-
vantables. Les bons archers, rejetant de leurs mains les
massues et les tridents, les épées, les épieux de fer et les
haches, s'en allaient d’effroi à la plage méridionale. Là,
une lance et un pilon à sa main, était un Rakshasa aux
longs bras, à la vaste poitrine : on l’appelait Manimat;
c’était un ami de Vaîçravana. Ce guerrier à la grande
vigueur fit voir et la s.iriatendauce, dont il était re-
90
LE MAHA-BRAAATA.
vêtu, et son coura^. 11,717 — 11,718 — 11,719 — 11,720.
Quand il les vit en déroute : « Nombreux, que vous êtes,
leur dit-il en riant, un seul homme vous a vaincus dans
le combat! 11,721. ‘
» Vous, qui avez obtenu de partager l'habitation du
fils de Viçravas, pourrez-vous parler encore du Dieu, qui
départ les richesses? » Et, tout en parlant ainsi, il s’appro-
chait d'eux tous. 11,722.
Une lance, un épieu de fer, une massue à la main, il
fondit sur le Pàndouide. Aussitôt que Bhlmaséna le vit
rapidement accourir, semblable à un éléphant en rut, il
le frappa à scs côtés de trois flèches à dents de tau-
reau. Manimat irrité de saisir sa grande massue.
11,723—11,724.
Le héros à la grande force s’en arma et l’envoya à Bht-
maséna ; mais celui-ci s’élança au milieu des airs au devant
de cette grande massue au vaste fracas, à la forme d’éclair,
et la coupa avec des flèches aux tranchants acérés. Ren-
contrant l’arme ennemie, tous les traits de la repousser.
11,725—11,726.
Doués de vitesse , ces dards ne purent supporter la
fougue de cette massue. Le guerrier vigoureux observa sa
marche dans la bataille. 11,727.
Armé d’un courage infaillible, il en évita le coup, et le
prudent Rakshasa de lancer dans le même instant une
pique de fer, au sou effrayant, à la poignée d’or. Le trait
au fracas épouvantable rompit le bras droit de Bhtroa.séna.
11,728—11,729.
L’arme à la flamme de feu, infiniment horrible, s'abat-
tit aussitôt dans la terre. Quoiqu’il fût profondément
blessé par cette lance de fer, le héros sans mesure dans
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VANA-PARVA.
soo courage, le fils Kouutl saisit, les yeux troublés par la
colère, sa massue toute nouée de rubans d’or et faite pour
augmenter la crainte des ennemis. 11,780 — 11,781.
Bblma prit, en jetant des cris, sa massue, liée par de
telles attaches, et courut légèrement avec cette arme
toute de fer sur le puissant Manimat. 11,732.
Le RaJ^hasa lui-mème avait saisi un vaste trident en-
flammé, qu’il envoya à Bblmaséna avec des cris et une
grande rapidité. 11,738.
Habile dans les combats à la massue, celui-ci de rompre
ce trident avec l’extrémité de la sienne, et de courir sur
l’ennemi pour le tuer, comme Garouda sur un serpent
Le héros aux longs bras se jette d’un saut au milieu
des airs, fait vibrer rapidemment sa massue et l’envoie
avec des cris sur le front de la bataille. 11,73A — 11,735.
Lancée avec la rapidité du vent, comme Indra lance sa
foudre maîtresse, elle immola ce Rakshasa, et, aussitôt
qu’elle eut touché la terre, elle y entra, comme si elle
avait mis fin à son aflaire. 11 ,736.
Toutes les créatures virent ce Démon à la grande force,
que Bhtma avait tué, tel qu'un lion massacre un buffle à la
tète de son troupeau. 11,737.
A peine l’eurent-ils vu couché sur la terre, les nocti-
vagues, reste échappé au carnage, poussant des cris épou-
vantables de détresse, s’enfuirent à la plage orientale.
A l’audition de ces divers bruits, envoyés par les ca-
vernes de la montagne, le fils de Kountt, Adjâtaçatrou,
les deux jumeaux fils de Mâdrt, Dhaâumya, et Kri.shnà,
et les brahmes, et tous les amis, ne voyant pas Bhtma-
séna assis auprès d’eux, en furent tous saisis de stupeur.
11,738—11,739—11,740.
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LE MAHA-BHARATA.
»2
Ces héros anx grands chars confient Draiupadl an saint
Arshtishéna, et tous, revêtus de leurs armes, ils montent
de compagnie sur la montagne, ll,7il.
Arrivés sur la cime du mont, ces guerriers aux grands
arcs, dompteurs des ennemis, cherchent des yeux et voient
Bhîmaséna, 11,7A2.
Les géants Rakshasas, ou tremblants, ou sa^ vie, ces
Démons aux vastes forces, aux courages infinis, tombés
sous les coups de Bhîma. Il,7i3.
Ce héros aux longs bras resplendissait, tenant son arc,
son cimeterre et sa massue à la main, tel que Maghavat,
après qu'il eut immolé tous les Dânavas dans un combat.
Quand ils eurent, et vu, et embrassé leur frère, ces
guerriers aux grands chars, fils de Kountl, s'assirent,
heureux d'avoir obtenu la voie suprême. 11,7AA-11,7A5.
La cime de la montagne ne brillait pas moins par ces
héros que le ciel par les plus éminents gardiens du monde
ou les plus excellents des Dieux. 11,740.
Après qu'il eut vu le palais de Kouvéra, et les Rakslia-
sas immolés, l'auguste frère YouddhUhthira, tint ce lan-
gage 4 son frère assis : 11,747.
Il As-tu fait cette action criminelle par violence, ou lé-
gèreté d'esprit, Bhima? Ce n’est pas indifférent pour toi :
on ne donne jamais en vain la mort comme à un mouni.
» On ne doit jamais faire une chose odieuse à un roi,
ont dit ceux, qui ont parlé sur les devoirs; et tu as fait,
Bhîmaséna, une action, qui déplaît aux Tridaças mêmes.
» CiClui, qui a mis son Ame dans la pensée du crime,
n’a considéré ni le juste ui l'utile. Il n’existe aucun fruit
assuré, fils de Prithà, dans les œuvres criminelles.
11,748—11,749—11,750.
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I
VANA-PARVA.
es
» Tu ne dois pas désormais agir de cette manière, si tu
veux faire une chose, qui me soit agréaide. » Quand ii eut
parlé ainsi à son frère Atchyouta, l'équitable frère, Youd-
dhishthira à la grande splendeur, le fils de Kouutt, qui
savait les portions où la vérité s’unit à futile, se tut, pen-
sant à cette chose elle-même. 11,751 — 11,752.
Les R^kshasas, échappés au carnage de Bhimaséna,
s’en allèrent de compagnie au palais de Kouvéra. 11,753.
Talonnés par la crainte de Bhima et poussant des cris
épouvantables de détresse, ces Génies d’une grande vi-
tesse arrivèrent promptement à la demeure du fils de
Viçravas. 11,754.
Épuisés de fatigue, les armes et les traits abandonnés,
les armures teintes de sang, les cheveux épars, sire, ils
tinrent ce langage au souverain des Yakshas ; 11,755.
a Dieu, on a frappé de mort tous tes capitaines Ba-
ksbasas, qui avaient pour armes des traits barbelés, des
leviers de fer, des cimeterres, des pilons et des mas-
sues! 11,756.
w Ces troupes, qui dans le combat étaient sous l’empire
de la colère, un seul homme les a tuées dans la bataille.
Dieu des richesses, après qu’il eut broyé légèrement sous
ses pas la montagne. 11,757,
» Les héros des plus éminents Rakshasas et des Ya-
kshas, Dieu, souverain des hommes, gisent immolés, sans
vie, le souffle de fexistence expiré. 11,758.
» Nous, qu’on peut regarder comme des restes, nous
avons échappé ; mais ton ami Manimat est mort ! Un homme
seul a fait cette prouesse : arrête ce qui est à faire immé-
diatement! * 11,759.
9h LE MAHA-BB.4RATA.
A ces paroles, violemment irrité, le Dieu, qui règne sur
toutes les troupes des Yakshas, prononça, les yeux rouges
de colère, ce mot : « Comment! » 11,760.
Quand le maître des richesses eut appris que Bhtma
avait commis cette deuxième offense, il s’irrita : « Qu’on
attèle! » s’écria le souverain des Yakshas. 11,761.
Aussitôt, élevé comme la cime d’une montage et sem-
blable à des masses de nuages, son char est attelé par
des Gandharvas aux bouquets d’or. 11,762.
Les plus puissants coursiers aux yeux purs, riches de
toutes les qualités, doués des vertus de la force et de la
vigueur, parés de toutes les pierreries, de briller, attelés
à son char, et de voler à travers le ciel comme des flèches,
ils hennissaient mutuellement avec des hennissements,
qui présageaient la victoire. 11,768 — 11,764.
L’adorable Dieu, roi des rois, monta sur ce grand char,
et s’avança, resplendissant de lumière, au milieu de ses
louanges, que chantaient les Gandharvas. 11,765.
Tous les Yakshas, aux grands corps, à la grande force,
à la grande vitesse, aux yeux rouges, pareils à l’or, cou-
verts de leurs armes et ceints du cimeterre, inférieurs
chacun à mille seulement et nageant au sein des airs,
se rassemblent promptement autour du magnanime Dieu
des richesses, qui s’avançait dans le Gandham&dana.
On eût dit qu’ils prolongeaient le ciel, qni ressemblait à
un vaste filet pour la prise d’un lion et que défendait le
souverain des richesses. 11,766 — 11,767 — 11,768.
Le poil hérissé d’admiration, les fils de Pândou virent
le magnanime Kouvéra à l’aspect aimable, environné par
les troupes des Rakshasas et des Yakshas. 11,769.
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VANA-PARVA.
96
Kouvéra à la grande âme vit les héros, fils de Pândou,
saisir leurs arcs et leurs cimeterres; il en fut alors tout
pénétré de joie. 11,770.
Lui, qui désirait faire la chose des Dieux, il s'en réjouit
dans son cœur. Les Pândouides à la grande vitesse vo-
lèrent comme des oiseau.x à sa rencontre sur la cime de
la montagne. 11,771.
Les capitaines du maître des riches.ses s’arrêtèrent près
d’eux. Les Gandharv'as et les Yakshas présents obser-
vèrent, Bharatide, qu’il avait l’âme satisfaite h l’égard des
tils de Pândou et que son esprit n'étaitaucunement changé.
I>?s magnanimes Pândouides, Nakoula, Sahadéva et le fils
d’ Varna, versé dans la vertu, s’inclinent devant le dona-
teur des biens. Ces héros, se regardant comme les oITen--
seurs, environnent tous, les mains réunies au front, le
Dieu, qui préside aux richesses.
Le Dieu était assis sur le plus excillent des chars, le
Poushpaka, fortuné chef-d’œuvre de Viçvakarma, aux
bords admirablement disposés. Les Candharvas, par cen-
taines, les V’akshas et les Kakshasas par milliers aux
grands corps, à la grande force, aux oreilles en fer
d’épieux, servaient le monarque assis, et les chœurs des
Apsaras assistaient l’environnant, comme les Dieux en-
tourent Çatakratou. Portant sur sa tète une magnifique
guirlande d’or et tenant son lasso, sa conque et son arc à
la main, Bhlmaséna contemplait le maître des richesses.
Aucune langueur ne se glissait en son cœur dans cette cir-
constance sons le regard des Kakshasas au milieu de cette
contemplation de Kouvéra. Quand ce guide des hommes
eut aperçu Bhlma, tenant ses traits acérés et placé avec
le désir d’ un combat, il adressa ces paroles au fils d’ Yama :
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96
LE MAHA-BHARATA.
« Toutes les créatures disent, fils de Prithâ, que tu mets
tou plaisir dans le bien de tous les êtres.
{ De la stance 11.772 à la stance 11,781.)
» Habite sans crainte avec tes frères sur la cime de cette
montagne ; tu n’as, rejeton de Pàndou, à t’occuper d’au-
cune aflaire pour Bhtmaséna. 11,782.
» Jadis la mort de ces Démons fut aiTêtée : ton frère
puîné n’en fut que l’instrument. Si une violence fut exercée
ici, tu n’as aucun reproche à t’adresser. 11,783.
O Les Dieux eurent jadis sous les yeux cette destruction
d’Yakshas et de Rakshasas. Je n’éprouve aucun ressen-
timent A l’égard de Bhtmaséna, éminent Bharatide, cl je
suis satisfait. ll,78i.
» Je fus content de cette prouesse de Bhlmaséna. »
Quand il eut parlé de cette manière au monarque, il ajouta
ces mots pour Bhtmaséna : 11,785.
Il Si tu as commis cette violence à cause de Krishnâ,
mon lils, sans considérer, ni moi, ni les Dieux ; si, te con-
fiant à la seule force de ton bras, tu as donné la mort aux
Yakshasetaux Rakshasas, ô le plus excellent des reje-
tons de Kourou, cela est effacé de mon cœur; je suis donc
satisfait de loi. 11,786 — 11,787.
» Je suis délivré en ce jour, Vrikaudara, d’une horrible
malédiction. Jadis, pour une certaine offense, je fus mau-
dit par Agastya irrité, le suprême rishi : c’est la dette que
j’acquitte aujourd’hui. Mon infortune a été vue dans l’ave-
nir, rejeton de Pàndou : il n’y a rien ici de ta faute. » —
U Comment le magnanime Agastya a-t-il fait de toi l'ob-
jet d’une malédiction? reprit Youddhishthira.
11,788—11,789—11,790.
B Je désire que tu m’en dises la cause. Dieu ; car c’est
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VANA-PAHVA.
»7
nne chose étonnante pour moi, que tu n'aies pas été con-
sumé ))ar la colère de cet homme juste, avec ton armée,
avec tes frères et tes suivants! » — « Les Dieux, mo-
narque des hommes, tenaient un conseii à KouçavatI, ré-
pondit le Dieu qui préside aux richesses. 11,791-11,792.
M Je m’y rendis, entouré de trois ceut grands padmas (1),
tous Yakslias aux formes épouvantables et portant des
armes différentes. 11,798.
» Je n’aperçus pasd’ abord en ma route Agastya, le plus
excellent des rishis, qui .se livrait à une terrible pénitence.
Il était venu sur mie rive de TYamounà, pleine de bandes
d’oiseaux divers, embellie par des arbres en fleurs : je le
vis se tenir, le bras demi-levé, en face du soleil.
11,794—11,796.
» Il ressemblait à un feu augmenté, qu’enflamme une
masse de splendeurs. Le roi des Baksbasas, mon ami, le
beau Manivat était avec moi. 11,796.
» Soit folie ou sentiment d’ignorance, soit Gerté ou dé-
lire, fils de Prilbà, du sein des airs, où il marchait, il
cracba sur la tête du Mabarsbi. 11,797.
» Celui-ci m’adressa de colère ces paroles, enflammant,
pour ainsi dire, tous les points de l’espace : o Parce que
ton ami è l’âme méchante m'a infligé sous tes yeux cet ou-
trage, à cause de cela, un seul homme te donnera la mort.
Dieu des ricliesses, dans ces guerriers, qui obéissent à ta
loi! 11,798—11,799.
» Tu obtiendras l’infortune ici, insensé, par ces guer-
riers immolés, mais quand tu auras vu l'homme, doué de
la force, que possèdent ton Gis et ton pejit-Gls, tu seras
(1) l'a granit pailmn fait caiit mille milHona.
IV
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08
LE MAHA-BHARATA.
délivré du péché de tes guerriers. 11 n’encourra pas une
terrible malédiction ; aussi obéira-t-il à son ordre ! u
11,800—11,801.
» Telle fut la malédiction, que ce plus vertueux des
rishis a jadis fulminée sur moi ; mais Bhlmaséna, ton
frère, puissant roi, en est exempt. 11,802.
n Youddhishthira, la constance, l'habileté, le temps, le
lieu, la fcimeté, continua le maître des riches.ses, cette
règle de cinq manières modifie la manière de l’état du
monde. 11,803.
>) La constance et l'habileté sont dans toutes les affaires,
Bbaratide; mais les hommes, qui savent la règle de la fer-
meté, vivaient dans le Krita-youga. 11,804.
Il Ix roi, qui a de la constance, qui .sait le temps et le
lieu, de qui n’est ignorée aucune des règles de tous les de-
voirs, gouverne long-temps la terre, ô le meilleur des i-ois.
n L’homme, qui est ainsi dans toutes les affaires ,
héroïque fils de Prithà, obtient la gluiro dans ce monde et
la voie fortunée dans l’autre. 11,805 — 11,800.
n Désireux d'acquérir les opportunités du temps et du
lieu, Çakra, quand il eut exercé sa vigueur, victorieux de
Vritra avec les Vasous, mérita le royaume du Tridiva.
B L’homme, qui, par colère seulement, ne considère pas
le précipice, est un criminel aux pensées vicieuses, qui
suit la passion. 11,807 — 11,808.
» 11 périt dans ce monde et dans l’autre, sans connaître
les portions bonnes ou mauvaises des œuvres. Le grand
insensé, qui ne sait pas tes temps, qui ignore la supério-
rité des œuvres^ qui a mal raisonné sur le commencement
de ses actions, périt dans ce monde et dans l’autre.
L’homme, qui ne connaît pas la vertu, qui est orgueilleux.
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VANA-PARVA.
90
petit dans ses pensées et prompt à la colère, prend les réso-
lutions criminelles des gens pervers, malhonnêtes, qui
vivent dans la violence, et qui ont l’ambition de posséder
toutes les puissances. 11,809 — 11,810. — 11,811.
» Ce Bhtmaséna est sans crainte, c'est à toi de le mo-
dérer, éminent Bharatidc. Quand tu seras de retour à
l’hermitage du saint roi Arshtiséna, habite chez lui,
exempt de crainte et de maladie, toute la quinzaine obs-
cure. Alors, les GandhaiTas, les Kinnaras et tous les
habitants de cette montagne, sous mes ordres, avec les
A'akshas, vigoureux Indra des enfants de Manou, te pro-
tégeront, accompagné des plus vertueux des brahmes.
11,812—11,818—11,814.
» Allons! que ce Vrikaudara, réveillé de son ivresse et
revenu de sa violence, soit empêché par toi, sire, le plus
vertueux des hommes vertueux! 11,815.
» Ensuite, les habitants de ces bois viendront toujours,
sire, vous visiter, vous faire la cour et vous protéger.
» Mes serviteurs, les plus vertueux des hommes, vous
apporteron t sans cesse des vivres et des breuvages savou-
reux et variés. 11,81(5 — 11,817.
» De même que Djishnou est le fils d’Indra, que Vri-
kaudara est né du Vent et que tu es, mon fils, la propre
semence d’A'ama et formé de son union avec la substance
/lumm’ne ; de même que ces deux jumeaux senties pro-
duits des Açwins, leurs pères, ainsi dois-je, Youddhish-
thira, vous défendre ici tous. 11,818 — 11,819.
» (’xmnaissant les règles de la vérité, versé dans les
règles de tous les devoirs, Phâlgouna, le frère puîné de
Vrikaudara, est bien portant au sein du ciel. 11,820.
» Toutes les opinions quelconques paridisiaques, supé-
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100
LE MAHA-BHARATA.
rieuremeot heureuses, répandues au milieu du monde,
elles furent dès sa naissance, réunies sur la tète de Dja-
nandjaya. 11,821.
» I.a répression des sens, l’auméne, la force, l’intelli-
gence, la pudeur, une splendeur suprême, ces qualités
sont déposées en ce héros à la force sans mesure. 11,822.
» DJishnou ne fait pas, fils de Pàndou, une chose blâ-
mée par folie ; les hommes ne racontent point au milieu
des hommes les paroles, que Djishnou a proférées en vain.
» Étant même estimé des Pitris et des Gandharvas,
ajoutant à la gloire des enfants de Kourou, il étudie les
armes, Bharatide, dans le palais d’Indra. 11, 823-11, 82â.
» Ce Çântanou à la vive splendeur, le bisaïeul de ton
père, qui a réduit par sa justice en sa puissance tous les
rois de la terre, ce prince à la grande vigueur est infini-
ment satisfait dans le ciel de ce fils de Prithà, maître de
l’arc Gàndlva et le cheval-de-somme de sa famille.
11,825—11,820.
I) Çântanou, qui a honoré les brahmes, les rishis, les
mânes et les Dieux, qui a offert sur les rives de l’Ya-
mounâ sept principaux sacrifices, cet empereur, ton bi-
saïeul, conquérant du Swarga, te demande du monde
d'Indra, où il se tient, comment va ta santé. »
11,827—11,828.
Entendu ce discours, prononcé par le Dieu, qui départ
les richesses, les fils de Pândou en conçurent de la
joie. 11,829.
Ensuite, ayant incliné sa lance de fer, sa massue, son
cimeterre et son arc, Vrikaudara, le plus éminent des
lioimnes, fit l’adm'atioii à Kouvéra. 11,830.
L'intendant sccourable des richesses dit au héros, qui
VANA-PARVA.
101
implorait son secours : « Détruis l’orgueil des ennemis;
ajoute à la joie des amisl 11,8^1*
» Habitez, fléaux des ennemis, dans leure channantea
demeures ; les Yakshas, taureaux des Bharatides, ne
vous abandonneront pas volontiers. 11,832.
» Goudàké^ai reviendra même promptement, l’étude
des armes terminée : Dhanandjaya fera son retour ici,
congédié par Maghavat en personnel » 11,833.
Quand il eut ainsi donné à Youddhishthira ses instruc-
tions sur cettechose importante, le souverain des Gouhya-
kas s’avança vei’s le mont Asta, la plus grande des mon-
tagnes. 11,834.
Les Rakshasas et les Yakshas par milliers le suivirent
sur leurs chars ornés de pierreries variées et de couver-
tures peintes. 11,835.
11 se lit alors sur la route d’Afravata, qui conduisait au
palais de Kouvéra, un bruit de chevaux supérieurs, sem-
blable au gazouillement des oiseaux. 11,836,
Les coursiers du maître des richesses marchaient d’un
pas accéléré dans l’air ; ils déchiraient les nuages, pour
ainsi dire : on eût dit qu’ils buvaient le vent. 11,837.
Puis, d’après l’ordre du Dieu, qui distribue les biens,
on enleva du sommet de la montagne les corps sans vie
de ces Rakshasas. 11,838.
En eflfet, le temps de la malédiction, que le sage Agas-
tya avait fulminée contre eux, était accompli : ils avaient
trouvé la mort dans le combat : la malédiction était donc
mise à fin. 11,839.
Honorés par tous les Rakshasas, les magnanimes Pân-
douides passèrent ti'anquillement les nuits sans crainte
dans ces habitations. 11,840.
102
LE MAHl-BHARATA.
Ensuite, au lever du soleil, après que Dbaàumya, ac-
compagné d’Arshtiséna, eut accompli, dompteur des enne-
mis, les cérémonies du Jour, il vint trouver les fils de
Pàndou. 11,8Â1.
(leux-ci de s'incliner aux pieds d'Arshtiséna et de
Dbaàumya, et tous, joignant leurs mains au front, d'bo-
norer les brabmes. 11,8A2.
Alors, ayant pris Youddhishlbira par la main droite et
regardant la plage orientale, le grand rishi tint ce lan-
gage : 11,8A3.
« Ce Mandai'a, le roi des monts, se tient, fils de Pàndou,
environnant la terre, qui a pour bornes les mers, et jette
une éblouissante lumière. ll,8àà.
» Qu’lndra et que le ûls de Viçravas protègent cette
plage, embellie de montagnes, de forêts et de bois.
» Les rishis intelligents et versés dans toutes les vertus
disent, mon fds, que c’est i’babitation de Mahéndra et du
roi Vaîçravana. 11,845—11,846.
» C'est ici que les brabmes, les risbis vertueux, les
Siddhas et les divins Sâdbyas s’approchent du soleil à son
lever. 11,847.
» Le roi Yama, qui sait les devoii's, le seigneur de tous
ceux, qui jouissent de la vie, s’est adjugé cette plage mé-
ridionale, qui est la voie des âmes expirées. 11,848.
» Ce palais du roi des morts, doué d’une abondance
suprême, est pur; il retient le» âme», il est d’un aspect
infiniment admirable. 11,849.
B Arrivé sur cette montagne, sire, le soleil s’y arrête,
en vérité. Les sages ont dit que le mont Asta est le roi
des monts. 11,850.
» Le roi Varouna habite, et celte reine des montagnes.
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VANA-PARVA.
108
et la mer, le grand bassin des eaux ; c’est de là qu’il pro -
tége à la ronde tous les êtres. 11 ,851.
» Là, cet éminent, fortuné, vigoureux et grand Mérou,
la voie de tous les hommes versés dans le Véda, se dresse,
enflammant toute la plage du septentrion. 11,852.
» En lui résident, et l’assemblée des brahmes, et le
Pradjâpati, créant tout ce que le monde renferme d’êtres
imnibbiles et mobiles. 11,853.
» Le grand Mérou est la route fortunée, exempte de
maladies, où circulent ceux, que les brahmes ont dit les
sept fils intellectuels de Daksha. 11,855.
Il Ici, ne se couchent pas, mon fils, ici, se lèvent de
nouveau les sept Dévarshis, Vaçistha à leur tête. 11,855.
V Voici la cime septentrionale du Mérou, ce lieu sans
poussière, où l’ayeul suprême des créatures habita avec les
Dieux contents d’eux-mêmes. 11,85«.
Il On y voit briller un lieu par-dessus le palais même
de ce Brahma; c'est la demeure deNârâyana, le maître
suprême, ce Dieu, qui n’a pas eu de commencement, qui
n’aura pas de lin, que l’on dit la nature de la nature de
tous les êtres, et que les Dieux eux-mêmes ne peuvent voir
dans sa beauté formée de toutes les splendeurs. 11,857.
Il Ce lieu du magiiaiiime Vishnou est plus enflammé que
le soleil et le feu ; sa lumière elle-même, sire, rend sa vue
diflicile à soutenir par les Dânavas et les Dieux. 11 ,858.
Il Dans la partie orientale du Mérou, celte résidence de
Nârâyana resplendit à l’iiifini; c’est là que le maître des
créatures, la nature de toute chose, l’être-existant-par-
lui-même, brille, éclairant de sa grande beauté tous les
êtres; on n’y voit pas de brahmarsbis; à plus forte raison
n’y voit-ou pas de maharshisi 11,859 — 11,800.
LE MAHA-BHARATA.
lOA
» Ils obtieonent, 6 le plus vertueux des enfants de
Kourou, cette route des Yatîs : arrivées près de lui,
toutes les étoiles, ûls de Pândou, ne jettent plus de lu-
mière. 11,861.
» Tant ce maître brille lui-même d’une éclatante splen-
deur ! La dévotion conduit à Hari-Nârâyana les magna-
nimes Yatis, mariés à une pénitence suprême, occupés
d’œuvres pures, à la contemplation parfaite, alTranchis de
l’égarement de la passion. 11,862 — 11,863.
» Arrivés là, ils ne voient plus ce magnanime, cet éter-
nel Swayambou, le Dieu des Dieux. 11,861.
» Tel est le domicile impérissable, certain, immuable
d’içwara : c’est toujours, vertueux Youddbishtbira, la
mesure du passé. 11, 865.
» Il est sûr que chaque jour, (ils de Kourou, le soleil
et la lune décrivent un pradakshina autour du Mérou.
» Toutes les étoiles du ciel avec Yauguste Çésha,
tracent sans exception, puissant roi sans péché, un pra-
dakshina autour de la grande montagne.
11,866—11,867.
» Le divin soleil aux travaux sans obscurité décrit ce
pradakshina, entraînant toutes les étoiles. 11,868.
» Lors()u'il est jtarvenu au mont Asta et qu'il a dépassé
le ri-épuscule, l’auteur lumineux du jour passe au quar-
tier du monde, qui renferme la plage orientale. 11 ,869.
» Le soleil, insigne Dieu, qui se complaît au bien de
tous les êtres, arrivé au Mérou, fils de Pândou, retourne
sur ses pas. 11,870.
» 11 partage diversement le mois suivant le temps et
les conjonctions des jours ; ensuite, la vénérable lune suit
le soleil avec les constellations. 11,871.
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VANA-PARVA.
106
U Quand il a franchi lestement le grand Mérou de cette
manière, donnant la vie à tous les êtres, il revient au
Mandara. 11,872.
» Ainsi, le soleil, ce Dieu, vainqueur de l’obscurité,
qui répand la vie dans le monde à la faveur de ses rayons,
retourne par ce chemin ouvert. 11,875.
» Dans son désir de créer tous les corps, il s'engage
dans la plage méridionale. Ensuite, la saison du froid
vient trouver tous les êtres. 11,874.
» Le soleil produit tontes les splendeurs à .son retour
par la splendeur de tous les êtres immobiles et mobiles.
J La sueur et la fatigue, la paresse et la langueur s’em-
|>arent des hommes; toujours les êtres animés éprouvent
à chaque instant les impressions du sommeil.
11,875-11,876.
Il Après qu'il a choisi de cette manière une route indé-
liniseable, l’astre fortuné et radieux crée de nouveau les
années et donne la vie aux créatures. 11,877.
U Doué d'une bien grande splendeur, il recommence
sa carrière, accroissant tous les êtres immobiles et mo-
biles par des pluies, des vents et des chaleurs agréables.
» Parcourant ainsi, exempt de paresse, fils de Prithft,
le cercle du temps, le soleil revient sur ses pas, entraî-
nant tous les êtres. 1 1 ,878— ll,87fl.
i> Sa course est étendue ; il ne s’arrête jamais, enfants
de Pàndou : s’il dérobe la splendeur aux êtres, c’est pour
la répandre de nouveau. 11,880.
n Distribuant l’existence et les occupations à tous les
êtres, fils de Bharata, toujours il crée, ce maître, le jour
et la nuit, les heures et les minutes. » 11,881.
Tandis que ces magnanimes habitaient cette sourcil-
106
LE HAHA-BHARATA.
leuse montagne, désirant la vue d'Arjouna et livrés à de
saints voeux, ils ne furent pas étrangers au plaisir et à la
joie. 11,882.
Les troupes des Gandharvas et les Maharshis en grand
nombre visitaient joyeux ces héros, aux désirs pleins de
pureté, qui étaient associés à la vigueur et qui avaient
pour objet principal la constance et la vérité. 11,883.
Quand ils furent arrivés à cette haute montagne, om-
bragée d’arbres, tous portant des fleurs, ces guerriers
aux grands chars d’éprouver une supi-ême bienveillance
d’âme, comme les troupes des vents, (fuand ils ont obtenu
le ciel. 11,884—11,885.
Us se tinient, pleins d’une joie extrême, à la vue des
plateaux et des cimes de cette grande montagne, remplie
de fleurs et résonnante aux cria des paons et des cygnes.
Us virent des piscines encombrées de lotus, fréquentées
des oies rouges, des canards et des sarcelles, dont kou-
véra lui-même avait caché les bords et les rivages.
Us virent des lieux d’amusements, où tout respirait
l’abondance, couverts de guirlandes diverses, ornés de
beauté, pleins de pierres fines, ravissants, tels enfin que
devait être ce qui appartenait au maitre des richesses.
11,886—11,887—11,888.
Parcourant sans cesse la cime de celte montagne aux
grands arbres de plus d'une espèce, aux douces senteurs,
abrités iucessamment par des masses de nuages, il était
impossible de penser à ces hommes, dont le but était la
pénitence, quand ils voyaient la splendeur propre à cette
montagne et la puissance de ses plantes annuelles. 11
n’était pas là un seul jour, héros des hommes, dont la
nature fut distincte des nuits. 11,889 — 11,890.
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VANA-PARVA.
107
Monté sur cette montagne, le soleil à la force infinie
donne l'existence à tous les êtres immobiles et mobiles,
(les nobles héros, placés là, virent son lever et son coucher.
Environnés de sa lumière, ils virent l’entrée du soleil
dans l’obscurité, et sa sortie, son lever et son coucher ;
ils virent cet astre chasser les ténèbres de la plage supé-
rieure et de la plage intermédiaire. 1 1 ,891 — 11 , 892.
Occupés sans cesse de lecture, célébrant des sacrifices
continuels, ayant pour but le devoir, pour vœu la pureté,
placés dans la vérité, ils attendaient ce héros, qui s’était
voué à la vérité. 11,893.
« Puissions-nous avoir bientôt la joie de nous réunir
ici avec Dhanandjaya, qui a terminé l’étude des armes! »
Parlant ainsi et versant ces prières suprêmes, ces fils de
Prithâ se livraient à la contemplation et la pénitence.
A la vue de ces forêts si diverses sur la montagne, le
jour et la nuit avaient la durée de l’année aux yeux de
ces hommes, qui n’avaient pas une pensée, dont Kirlti
ne fut l’objet. 11,894 — 11,895.
La joie s’était enfuie de ces hommes depuis (|ue le ma-
gnanime Djishnou , avec l’assentiment de Dhaâumya ,
s’était exilé, ayant relevé ses cheveux en djatà : d’où leur
serait venu la volupté, quand leurs âmes s’étalent rendues
vers lui ? 11,896.
Ils avaient écarté le chagrin, parce que Djishnou à la
démarche d’éléphant enivré s’était exilé de ce bois Kâ-
myaka à l’ordre de son frère Youddhishthira. 11,897.
’fandis qu’ils pensaient à ce guerrier aux blancs cour-
siers, que le besoin d’armes avait conduit auprès d’Indra,
ce mois, fils de Bharata, s’écoula avec peine sur la mon-
tagne pour ces enfants de Bharata. 11,898.
108
LE MAHA-BHARATA.
Après qu’il eut habité cinq années dans le palais du
Dieu aux mille regards et qu’il eut obtenu du souverain
des Dieux toutes les amies, celle d’Agoi, la Varounaine,
celle de Lunus, l’arme du Vent, la Vishnouïne, celle d'In-
dra, le Pâçoupata, celle de Brahma, le Pàramesbthi du
Créateur, les armes d’Yama, de Dhatri, du soleil, de
Twashlri, et de Valçravana ; après qu’il eut obtenu ces
armes de l'Immortel aux mille yeux, il s'inclina devant
Çatakratou, et, congédié par lui, Arjouna, l’ayant salué
d’un pradakshina, prit, satisfait et joyeux, la route du
Gandhamâdana. 1 1 ,899 — 11 ,900 — 1 1 ,901 — 11 ,902.
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LE COMBAT AVEC LES NIVATAKAVATCHAS.
Vaiçampàyana dit :
Dnjour, pendant qu'ils pensaient à leur frère, savourant
la société de Hari, ces héros virent Arjouna, monté sur le
char d’Indra, suivi de la vitesse et semblable à l’éclair.
Enflammant l’air, qu’il fai.sait resplendir avec sa rapi-
dité et conduit par Màtali, il brillait comme un grand
météore, comme une flamme placée au milieu des nuages,
comme la clarté do feu sans fumée. 11,903 — 11,00A.
A peine était-il arrivé sur cette montagne , qu’ils
tombèrent sous les yeux de Rirlti, pai-é d'une guirlande
et qui portait des ornements d’or. Dhanandjaya, qui avait
la puissance du Dieu aimé de la foudre et qui enflammait
tout de sa beauté, descendit sur la montagne. 11,005.
Parvenu là, ce sage, qui avait jtour aigrette un bouquet,
abandonna le char de Mahéndra, se prosterna devant les
pieds de Dhaâumya, et, incontinent après, devant ceux
110
LE MAHA-BHARATA.
d’Ajàtaçatrou; il vénéra les pieds de Vrikaudara, reçut les
hommages des fils de Màdri, s’approcha de Krishnâ, la
flatta et resta incliné devant son frère atné.
11,900—11,907.
Le plaisir de se trouver réunis avec ce guerrier incom-
parable les remplit d’une joie suprême ; et le héros, qui
avait pour aigrette un bouquet, se réjouit à leur vue et
célébra le roi, son frère. 11,908.
Porté dans ce char, le meurtrier de Namoutchi immola
sept armées des enfants de Diti. Les fils de Prithâ, voyant
le char d’Indra arrivé prés d’eu.x, lui firent d’une âme al-
lègre un pradakshina. 11,909.
Dans une joie extrême, les fils du roi de Kourou décer-
nèrent à Màtali une réception suprême, semblable à celle
du roi des Souras et l’inteiïogèrent exactement sur tous
les habitants du ciel. 11,910.
Màtali .salua les Prithides comme on salue des fils et
leur parla comme un père; puis, sur son char d’une splen-
deur incomparable, il retourna vers le souverain des Tri-
daças. 11,911.
Quand il fut parti, le magnanime fils de Çakra, le
plus grand des hommes et des Dieux, celui qui de sa
main broya les ennemis de Çakra, donna les grandes ri-
chesses aux formes supérieures, qu’Indralui avaitdonnées.
11 remit à Soutasama pour son éjKJUse ces |>arure8
brillantes comme l’auteur du jour, et, assis au milieu de
ces héros, des hommes, qui avaient un éclat semblable au
feu ou au soleil et des brahmes éminents, il raconta exacte-
ment toutes les choses : « L’est ainsi que j’appris les armes
de Çakra lui-même, du Vent et de Çiva en personne.
11,912—11,913—11,914.
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VANA-PARVA.
m
» Les Dieux de concert avec Indra furent tous charmés
de mon caractère et de ma dévotion. » Bref, ce héros aux
œuvres pures de leur raconter son habitation dans le ciel;
et le célèbre Kirîti de passer toute cette nuit dans le som-
meil, accompagné des fils de MâdrI. 11,015 — 11,010.
Après que cette nuit se fut écoulée, Dhanandjaya, dans
la compagnie de tous ses frères, vint s’incliner devant
Youddhishthira-Dharmarâdja. Il ,917.
Dans ce temps même se fit entendre un concert de tous
les instruments de musique : c’était un bruit confus des
habitants du ciel au milieu des airs, 11,018.
Un entendait le roulement de la roue des chars et le son
des clochettes ; il semblait de toutes parts ouïr le cri par-
ticulier des serpents, des quadrupèdes et des volatiles.
Les chœurs des Apsaras et des Gandharvas suivaient de
tous côtés sur leurs chars semblables au soleil le roi des
Dieux, le dompteur des ennemis. 11,919 — 11,920.
Flamboyant d’une beauté suprême et porté sur ce char
attelé de coursiers fauves, orné d’or et résonnant comme
le tonnerre des nuages, Pourandara, le roi des Dieux, vint
trouver les fils de Prithâ; et, arrivé près d’eux, l’Immortel
aux mille yeux descendit de son char. 11,921 — 11,922.
A la vue de ce magnanime, le bel Youddhishthira-Dhar-
marâdja, accompagné de ses frères, alla au-devant du roi
des Dieux. 11,923.
11 honora suivant l’étiquette avec de riches présents,
et comme il en était digne, selon les règles indiquées dans
les Gàstras, ce Dieu à l’àme sans mesure. 11,92A.
Le héros Dhanandjaya se prosterna devant Pourandara
et demeura incliné comme un serviteur près du roi des
Immortels. 11,925.
112
LE M/IHA-BHARAT V.
Le fils deKoumi à la grande splendeur, Youddhishthira
de baiser Dhanandjaya sur la tète, et quand il vit son
frère se tenir en face du roi des Dieux, l’air soumis, la
coiflure en djatâ, sans péché et joint de la pénitence, saisi
d’une grande joie à cette vue de Phâlgouna, il en fut ravi
jusqu'à l’ivresse et honora le roi des Dieux. Le sage mo-
narque des Immortels, Pourandara tint alors ce langage
au roi, l’àme non abattue, et nageant au sein de la joie ;
a Sire, fds de Pàndou, tu gouverneras cette terre.
11,926—11,927—11,028—11,929.
» Sur toi, descende la félicité! Reviens, fils de Kounti,
à l’hermitage du Kémyakal 11,930.
U T.e, prudent fils de Pàndou a obtenu de moi, sire, tous
les astras. Je trouve ma satisfaction en Dhanandjaya ; il
est impossible aux mondes de le vaincre, grâce aux astras,
qu’il possède! » 11,931.
.lussitôt qu’il eut parlé de cette manière à Youddhish-
thira, le fils de Kouutl, l’Immortel aux mille yeux .s' en
alla au Tridiva, joyeux et célébré par les Maharshis.
Le brabmatchàri, qui, sachant cette réunion d’Indra
avec les enfants de Pàndou, tandis qu’ils habitaient dans
le palais du maître des richesses, y applique durant une
année entière son attention recueillie avec des sens com-
primés et des voeux paifaits, vivra cent automnes dans
une paix inaltérable et sans peine chimérique.
11,932—11,933—11,934.
Indra parti comme il était venu, BIbhatsou, réuni avec
ses frères et Krishnà, d'honorer le fils de Dharnia. 1 1 ,985.
Celui-ci donna un baiser sur la tète du Pândouide, qui
le saluait de son corps incliné, et, ravi de plaisir, lui dit
avec une voix, que la joie rendait balbutiante : 11,930.
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VANA-PARVA.
«S
U Comment as-tu passé, Arjouna, ce temps au sein du
ciel? Commentas-tu obtenu les armes et satisfait le roi
des Dieux? il, 937.
» As-tu reçu entièrement les astras, fils de Pândou? Ou
bien le roi des Dieux, Roudra, t’a-t-il donné les astras en
témoignage de satisfaction? 11,938.
» Je désire entendre avec étendue, prince à la vive
splendeur, comment tu as vu Indra, ou l’Adorable, qui
tient à sa main l'arc Pinâka; comment tu as obtenu les
astras et fléchi le Dieu en ta faveur; ce qui te fut dit,
dompteur des ennemis, par l’ineflable Çatakratou. Tu me
fais un plaisir, me dis-je ; quel plaisir as-tu fait pour ce
Dieu? De quelle manière, mortel sans péché, as-tu satis-
fait Mahadéva, le roi des Dieux? 11,939-11,940-11,941.
» Raconte-moi sans exception, dompteur des ennemis,
tout ce que tu as fait d’agréable, Dhanandjaya, au Dieu,
qui tient la foudre. » 11,942.
« Eh bien! écoute, puissant roi, lui répondit Arjouna,
de quelle manière je vis le Dieu Çatakratou et l’adorable
Çaukara. 11,943.
» Je partis, sire, pour la forêt, occupé de lire cette
science, que tu m’avais dite, et me plongeant dans la pé-
nitence, que ton excellence m’avait ordonnée, 6 toi, qui
broyés les ennemis. 11,944.
» Arrivé du Kàmyaka à la cime élevée du Bhagou, je
m'y livrai à la pénitence, et, après une nuit de séjour, je
vis dans ma route un certain brahme. 11,945.
« Où vas-tu , me demanda-t-il : dis-le moi I » Alors
moi de lui exposer tout dans la vérité, rejeton de Kou-
rou. ll,94ti.
a Quand le brahme eut reçu cette parole vraie de moi,
IV 8
LE MAHA-BHARVTA.
IIA
ô le plus vertueux des rois, il m’honora et trouva, sire,
tout son plaisir en moi. 11,947.
I) Ensuite, joyeux, il me dit : « Bharatide, cultive la
pénitence. Si tu la pratiques, tu verras bientôt le souve-
rain des Dieux. » 1 1,948.
» D’après sa parole, je montai donc sur la montagne
Çalçira, où je mortifiai ma chair, faisant ma nourriture
pendant ce mois de fruits et de racines. 11,949.
» Le deuxième mois arrivé, mes aliments furent de
l’eau; et je restai, fils de Pàndou, le troisième mois sans
manger. 11,950.
I) Le quatrième mois, je me tins, les bras élevés en
l’air, et ce fut une chose, pour ainsi dire, merveilleuse
que je n’abandonnasse point la vie. 1 1 ,951.
» Le cinquième arrivé et le premier jour de ce mois,
un être apparut auprès de moi, revêtu des formes d’un
sanglier. 11,952.
O 11 frappmt de son groin, il rasait la terre de ses pieds,
il purifiait son ventre, et se vautrait mainte et mainte fois
sur la terre. 11,953.
» Après lui se montra un nouvel être, sous la forme
d’un grand chasseur montagnard : il portait un arc, des
flèches, une épée; et des troupes de femmes le sui-
vaient. 11,954.
» Je saisis mon arc, mes deux immortels carquois, et
je blessai d’une flèche cet animal, qui donnait la crainteau
monde. 11,955.
U Au même instant, le Kiràta, ayant bandé fortement
son arc, envoya une flèche d’une main plus vigoureuse,
ébranlant, pour ainsi dire, toute mon âme; 11,956.
» Et il me dit : « C’est moi, qui ai porté le premier
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VANA-PARVA.
115
coup: pourquoi as-tu frappé cet animal, manquant ainsi
au devoir du chasseur? 11,957.
» Je détruirai ton orgueil avec mes flèches acérées! »
C’est ainsi que me parla cet archer au grand corps. 4 1,958.
» Alors, il me couvrit à l’infini de grandes flèches
comme une montagne et je fus inondé par une horrible
averse de traits. 11,959.
» Je fus frappé par ces traits charmés, semblables à
des engins de guerre, à la pointe enflammée, tel qu’une
montagne par les coups de la foudre. 11,960.
» Sa forme se divisa en cent, en mille corps ; je les
blessai tous avec mes flèches. 11,961.
» Ces corps de nouveau, Bharatide, se montrèrent sé-
parés ; et de nouveau, puissant roi, je les dispersai.
» Sa tête, qui était un atôme, devint grande ; et, de
gi*ande, sa tête redevint un atôme : isolé de ses formes,
sire, il s’approcha de moi dans le combat.
11,962—11,963.
» Voyant que je ne pouvais triompher de lui, avec mes
flèches, dans la bataille, j’eus recours, éminent Bharatide,
au grand astra du Vent. 11,964.
» Je ne pus même le tuer avec cette arme ; ce qui parut
à mes yeux comme une merveille : cet astra déjoué fit
naître un grand étonnement en moi. 11,965.
» Une seconde fois encore, puissant roi, j’inondai supé-
rieurement cet être d’une multitude nombreuse de flèches
dans le combat. 11,966.
» J’employai et je fis naître un orage de pierres, l’ astra
des sauterelles, une pluie tempétueuse de traits et une
multitude de ces flèches, qui ont pour oreille une image
de fer. 11,967.
116
LE MAHA-BH VRATA.
» Il saisit avec violence tous mes astras ; les voyant
tous consumés, sire, j'eus recours à l'astra de Brahma
pour arme; 11,068.
U Je le couvris de tous côtés par des flèches enflam-
mées : mais sous ce nuage même, un grand astra accrut
sa vigueur. 11,060.
» Ensuite, les mondes furent consumés par la lumière,
émanée de moi : en un instant, les plagas du ciel et l'air
de s'enflammer par tous les côtés. 11,970.
n Mais, sans retard, ce héros à la grande splendeur
anéantit mon astra, et, voyant paralysée cette arme de
Brahma, j'en fus pénétré d'effroi. 11,071.
i> Alors, saisissant mon arc et mes deux impérissables
carquois, je me hâtai de frapper cet êtie, par qui tous
mes astras étaient dévorés. 1 1,072.
a Tous mes astras anéantis et mes grandes armes con-
sumées, un combat à bras-le-corps commença entre cet
être merveilleux et moi. ll,97!t.
» Quand j'eus fatigué mes poings réunis à leurs paumes,
sans parvenir â rendre sans mouvement cet être, je m’af-
faissai sur la terre. 11,074.
U 11 rit alors, puissant roi, et disparut sur le lieu même
avec ses femmes sous mes yeux, témoins de cet événe-
ment, qui ressemblait au prodige. 11,975.
U Quand il eut fait ainsi, l'ineffable entra dans une
autre forme et se revêtit d’une robe merveilleuse et di-
vine. 11,976.
U L’adorable monarque des Dieux abandonna ses formes
de chasseur montagnard et, reprenant la forme céleste,
qui lui était propre, il se montra en souverain maître.
» On vit alors en personne, accompagné d'Oumâ, l’ado-
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VANA-PARVA.
117
rable, qui porte l’enseigne du taureau, qui est ceint du
serpent, qui a des formes multiples, qui est armé de l'arc
IHnàka. 11,977—11,978.
» Le Dieu, qui tient é sa main un trident, s’approcha
de moi, qui faisais front au combat, et me tint ce langage :
« Je suis satisfait, fléau des ennemis. 11,979.
» L’adorable prit un arc et deux carquois aux flèches
intarisstibles; il me les donna ta Tiens! me dit-il. 11,980.
Il Je suis content de toi. Gis de Rountl ; dis ! que ferai-
je pour toi ? Dis-moi ce qui est dans ton cœur, je le
ferai! 11,981.
Il A part l’immortalité, parle ! quel est le désir de ton
cœur 7 » .Hors, joignant les mains au front, moi, qui
n’avais pas un autre désir que pour les astras, je me pros-
ternai de pensée devant Çarva et lui dis cette parole :
« Bienheureux, sois-moi propice, si cette grâce est la
.seule, que je désire. 11,982—11,983.
» J’ai envie de connaître tous les astras quelconques, en
usage parmi les Dieux ! n — « 11 me faut te les donner ! u
Ainsi me parla Tryambaka l’adorable. 11,984.
» Mon astra de Roudra sera docile à ta volonté, fils de
Pândou. 4 Et, satisfait, il me donna son grand astra Paçou-
pata. 11,985.
> Puis, quand il m’eut donné cet astra immortel, le
Grand-Dieu me dit : « 11 ne faut jamais employer cette
arme contre les hommes! 11,986.
a Décoché avec peu de lumière, il n’en consumerait
pas moins le monde! Qu’un homme le mette en oeuvre,
Dhanandjaya, vigoureusement pour échapper à une cir-
constance difficile. 11,987.
a Qu’on l’emploie de toute manière à paralyser les astras ;
118 LE MiiHA-BHARATA.
on ne peut l'arrêter; et l'obstacle, qu'il jette devant les
astras est céleste ! » 11,088.
» Le Dieu avait un corps, il était placé au près de moi : des-
tructeur des ennemis, pourfendeur des années étrangères,
il était inabordable, il était insoutenable aux Rakshasas,
aux Dànavas et aux Dieux. Quand l'Immortel favorable à
l’enseigne du taureau m'eut donné congé, j'entrai dans ce
lieu même, et lui, il disparut sous mes regards.
11,980—11,090—11,901.
r> J'habitai là cette nuit avec plaisir, fils de Bharata, par
la faveur du Dieu des Dieux, le magnanime Tryambalta.
» Cette nuit passée et les cérémonies du matin accom-
plies, je vis cet excellent brahme, que j'avais jadis vu et
qui en ce moment ne me voyait pas. 11,992 — 11,993.
» Je lui annonçai tout ce qui m’était arrivé, et je lui dis,
fibaratide ; Je me suis rencontré avec l'adorable Mabà-
déva, U ll,99à.
» Et ce brahme sublime, Indra des rois, me dit avec
galté : « Tu as vu Mahâdéva, comme ne l'a vu aucun
autre, quel qu'il soit. 11,995.
» Tu t'es réuni avec tous les gardiens du monde, le fils
de Vivaçvat et les autres : tu as vu Mahâdéva, homme sans
péché; il te donnera les astras. » 11,900.
U Après qu'il m'eut ainsi parlé et qu'il m’eut embrassé
mainte et mainte fois, ce brahme, semblable au soleil,
s’en alla où le conduisit la fantaisie. 11,997.
a Une autrefois, le vent de ce jour souillait pur ; il
renouvelait ce monde et détruisait même ses ennemis.
n Des guirlandes célestes, bien odorantes et nouvelles
se manifestaient dans le voisinage, an pied de la montagne,
11,998—11,909.
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VANA-PARVA.
lie
n üti entendait de tous côtés des instruments divins
aux terribles concerts : les ravissants éloges d'Indra
étaient mêlés à ces accords. 12,000.
» Il y avait là des chœurs et d'Apsaras et de Gandhar-
vas : tout était rempli de chants en présence du roi des
Dieux. 12,001.
') .Là, suivaient, portés sur les chars des Dieux, les
troupes des vents, et ceux, qui rormaient le cortège d’In-
dra, et ceux, qui habitaient dans son palais. 12,002.
» Là, acconqjagné de Çatchi, s'avançait alors dans son
char, bien paré, attelé de coursiers fauves, Indra avec
tons les Immortels. 12,003.
» Dans ce même temps, Kouvéra, le guide des hommes,
se montra à moi, sire, doué d’une beauté suprême.
» Je vis Yama, placé dans la région méridionale, Va-
rouna et le roi des Dieux chacun à leur place assignée.
12,004—12,005.
» Ils me caressent et me tiennent ce langage : « Ambi-
dextre, homme éminent, vois ces gardiens du monde à
leur poste. 12,006.
I) Tu as vu Çankaua pour le succès de l'aflaire des
Dieux ! Reçois de nous les astras ! » me dirent-ils de tous
les côtés. 12,007.
» Prosterné devant ces principaux Dieux, je reçus alors,
seigneur, dévotement et suivant l’étiquette ces grands
astras. 12,008.
» Ces armes obtenues avec le congé des Dieux, ils s’en
retournèrent tous, vaillant Bharatide, comme ils étaient
venus. 12,009.
» L’adorable Maghavat, le souverain des Immortels,
étant monté sur son char d’une éclatante lumière, me
120
LE MAHA-BHAKATA.
dit: « Phàlgouaa, il te l'aut aller au Swarga. l'2,010.
» Je te connais, Dhanandjaya, par une visite, i|ue tu lis
précédemment à ces lieux : après cela, je me suis montré
à toi, éminent Bbaratide. 12,011.
Il Tu as déjà fait plus d’une fois tes ablutions dans les
tirthas ; tu pratiques cette rigoureuse pénitence ; tu es
digne, fils de Pàndou, d’entrer dans le Swarga. 12,012.
I) Tu dois en outre cultiver une pénitence, ligne supé-
rieure de conduite : il faut donc nécessairement que tu
ailles dans le Swarga, meurtrier des ennemis. 12,013.
I) Mâtali, suivant mes ordres, te conduira au Tridiva :
en effet, tu es connu des Dieux et des principaux anacho-
rètes, » 12,014.
« Adorable Çakra, dis-je alors, sois-moi favorable!
Souverain des Tridaças, je désire que tu sois mon maître
dans l’étude des armes. » 12,015.
« C’est une œuvre dilTicile, reprit Çakra. Fléau des
ennemis, mon fds, obtiens ton désir, puisque tu veux
posséder les astras. » 12,016.
« Destructeur des ennemis, répondis-je alors, je n’em-
ploierai pas ces armes divines contre les hommes, si elles
ne sont accompagnées du moyen d’arrêter les astras.
Il Donne-moi, souverain des Immortels, ces armes di-
vines : ensuite, puissé-je obtenir, 6 le plus grand des
Dieux, les mondes conquis par les astras. »
O Cette parole fut dite par moi, repartit Çakra, pour
juger de ton caractère ; mais celle, que tu m’as répondue,
est bien digne de toi, mon fils. 12,017 — 12,018 — 12,019.
» Va dans mon palais et apprends là, aux leçons de
Vâyou, d’Agni et des Vasous, de Varouna et de la troupe
des Maroutes, tuas les astras, celui des Sàdhyas, celui du
eunitl2££j b',; Lù)0<^le
VANA-PARVA.
121
père supi-ème des créatures, celui des Gaudhar\'as, des
Apsaras et des Rukshasas, ceux de Vishnou et même ceux
des Nalrrltas. 12,020 — 12,021.
U Sache, continuateur de la race de Kourou, que tous
les astras viennent de moi. » Quand il m’eut ainsi parlé,
Çakra disparut. 12,022.
» Alors, je vis près de moi ce char divin, pur, attelé de
coursiers fauves, œuvre de la magie, plein de choses,
qui appartenaient à Indra, sire, et conduit par Màtali.
n Les gardiens du monde s’étant retirés, celui-ci me
dit : « Çakra, le roi des Dieux, désire te voir, prince à
l’éclatante splendeur, 12,023 — 12,02â.
» Sois heureux, guerrier aux longs bras ! accomplis sur
le champ cette affaire : visite les mondes purifiés; va dans
le ciel, sans laisser ton corps. 12,023.
« Le roi des Immortels aux mille yeux désire te voir.
Gis de Bharata. » A ces paroles de Màtali, je dis adieu au
mont Ç.aîçira. 12,026.
)i Je montai sur le char sublime, quand j’eus décrit
autour de lui un pradakshina, et le cocher pressa les che-
vaux, qui avaient la rapidité du vent ou de la pensée.
» Le conducteur Màtali, qui connaissait la vraie nature
des chevaux et à qui sa charge valait de riches hono-
raires, se mit à regarder mon visage, tandis que j’étais
dans son char. 12,027 — 12,028.
» Comme ce véhicule était en marche, il me tint ce lan-
gage avec étonnement : « Celte chose me semble plus que
merveilleuse et me parait ressembler à un prodige :
» Qu’en montant sur ce char tu n'aies pas bronché d’un
seul pas; ce que j'ai vu coiiiiuueilemeiU faire au maître
des Dieux! 12,029 — 12,030.
122
LE MAHA-BHARATA.
X II vacille, éminent Bharatide, au premier pas des
coursiers; mais loi, continuateur de la race de Kourou,
tu te tiens ferme ici dans ce char en mouvement. 12,081.
» Tout cela me semble de toi au-dessus même de
(J.akra. » Quand il eut parlé ainsi, Màtali entra dans l'air,
séjour des Dieux. 12,032.
B II me fit voir, sire, des chars célestes, et le sien,
attelé de coursiers fauves .s’éleva au sein des aire.
» 11 était honoré des Dieux et des Rishys. Je vis ensuite
les mondes des Détarshis, qui marchent à volonté;
12,033—12,034.
» Màtali, le cocher de Çakra, me fit voir rapidement la
puis.sance des Gandharvas et des Apsaras à la force sans
mesure, le Nandana et les autres lieux , les bois et les
bocages des Dieux. Ensuite, je vis Amaràvatt, le palais de
Çakra. 12,036—12,036.
» 11 est orné de pierreries et d’arbres, qui portent des
fruits à volonté; là, le soleil n’échaulTe pas; là, il ne fait
ni froid, ni chaud; là, est inconnue la fatigue. 12,037.
» Là, n'incommode point la poussière; là, n’entre pas la
vieillesse; là, on ne voit ni le chagrin, ni l'abattement, ni
la faiblesse. 12,038.
I) Les habitants du ciel, grand roi, ne connaissent
point la langueur; là, il n'y a ni colère ni avarice de la part
des Souras et des autres, vaillant monarque des hommes.
» Toujours les êtres animés sont satisfaits dans le pa-
lais du Dieu; toujours les arbres, sire, ont des feuilles
vertes, mêlées de Heurs et de fruits. 12,039 — 12,040.
>1 11 y a diveises piscines, couvertes de saàugandhikas
et de lotus : le vent y souffle pur, frais, vivifiant et chargé
de parfums. 12,041.
VANA-PARVA.
123
» La terre est parée de fleurs et diversifiée par toutes
les pierreries : les volatiles et les quadrupèdes y sont en
grand nombre, jolis, aux sons mélodieux. 12,0â2.
» On y voit de nombreux êtres, qui vont dans le ciel,
montés sur des chars. Ensuite, je vis des Vasous, des
Roudras, des Sàdhyas et la troupe des Maroûtes ;
’) LesAdityasetlesdeux Açwins: je les honorai tous. Ils
répondirent à mes hommages par la force, la vigueur, la
renommée, la splendeur, les astras et la victoire dans le
combat. Je vis la céleste ville, honorée par les Dieux et
les Gandharvas. 12,043 — 12,044 — 12,045.
*) Je me tins, les mains réunies au front, devant l’Im-
mortel aux mille regards, le roi des Dieux; et Çakra
joyeux, le plus grand de ceux, qui donnent, m’accorda de
partager son .siège. 12,046.
» Le fils de Vasou promena ses mains sur mon corps
pour me rendre honneur ; et moi, accompagné des Gan-
dharvas et des Dieux aux nombreux présents, l’envie de
pos.séder les astras me fit habiter dans le Swarga pour les
étudier. Tchitraséna, le fils de Viçvasou, y devint mon
ami. 12,047 — 12,048.
» 11 mit entre mes mains, sire, toute la science Gan-
dharvique. J’habitai là paisiblement dans le palais de
Çakra, comblé d’honneur, en possession des astras, servi
au gré de tous mes désirs, écoutant les chants délicieux,
les concerts ravissants des instruments, 12,049 — 12,050.
» Et contemplant, Bharatide éminent, les dan.ses for-
mées par les plus gracieuses des Apsaras. Sans mépriser
toutes ces choses, parce que j’en connaissais la vérité, je
me tins étroitement attaché aux a.nras, que j’avais reçus.
Le maître aux mille yeux fut satisfait de mon désir.
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LE MAHA-BHARATA.
12A
0 Tandis, sire, que j’habitais ainsi dans les cieux, le
temps s’écoulait. Le célenle corps, véhicule de Hari, me
toucha la tète de ses mains et m’adressa ce langage, à moi,
plein d’un excès de confiance et qui avais reçu la science
des armes : « Les cliœuis mêmes des Immortels ne pour-
raient maintenant triompher de toi daiss un combat.
12,051— 12,05-2— 12,053— 12,054.
» A plus forte niison, dans le monde humain, les
hommes à l’âme insensée 1 Tu es sans mesure, inabor-
dable et sans égal dans les batailles. 12,055.
» Le Dieu me dit encore, le poil hérissé de plaisir :
n Héros! il n'y aura personne d’égal à toi dans le combat
des astras. » 12,056.
U Tu es un béras, continuateur de Kourou, .sachant les
astias, identifié â Brahma, toujours attentif, poli, disant
la vérité, ayant vaincu les organes des sens. 12,057.
» Tu as obtenu les quinze astras : il n’existe pas un
égal à toi, fils de Prithà, avec les cinq règles. 12,058.
» Tu sais entièrement, Dhanandjaya, la manière de les
emjiloyer, de les comprimer, de les guider, de les guérir
et de les arrêter. 12,050.
» 11 est arrivé, fléau des ennemis, un temps d’une ex-
trême importance : promets de l’accomplir; après cela,
je verrai. » 12,060.
» Alors, je i-épondis, sire, au roi des Dieux cette pa-
role : • Sache que je ferai tout ce qu’il m’est possible de
soutenir. » 12,061.
» Le meurtrier de Bala et de Vritra me dit en riapt ;
« Il n’existe maintenant rien dans les trois niondes, que
ta force ne puisse supporter. 12,062.
Il Des Dânavas, iioiiimés les Nivàtatavatchas, sont mes
VANA-PARVA.
126
ennemis; entrés dans le sein des mers, ils habitent une
retraite inaccessible. 12,063.
U On dit que le nombre s'en élève à trente millions, tous
semblables en splendeur, en énergie, en formes; réduis-
les sous le joug, fils de Kountt ; ce sera pour toi une affaire
importante! » 12,06i.
» Ensuite, il me donna un char céleste, d’une éclatante
lumière, conduit par Mâtali ; attelé de coursiers fauves et
dont le poil ressemblait à la plume des paons. 12,066.
» 11 attacha .sur mon front cette tiare éminente et me
donna des parures supérieures et d’une forme semblable
à celle de sas parures. 12,066.
» Il me fit présent d’une cuirasse imbrisable, supérieure,
douce au toucher, et me munit pour Gàudiva de cette
corde indestructible. 12,067.
» Je m’avançai donc sur ce char éclatant, monté sur
lequel jadis le souverain des Dieux avait vaincu Bali, fils
de Virotchana. 12,068.
» Tous les Dieux mêmes, avertis par ce bruit, s’imagi-
nant que c’était le roi des Dieux, s’approchèrent de moi,
suzerain des hommes. 12,069.
U Ils me virent : « Que feras-tu, Pbàlgouna? » me de-
mandèrent-ils. « Je ferai dans le combat, répondis-je, ce
qu’exigeront les événements. 12,070.
» Sachez, vertueux Immortels, que je pars, désirant la
mort des Nivâtakavatchas, et prononcez sur moi. Dieux
sans péché, vos bénédictions de victoire! » 12,071.
» Ils me louèrent d’un cœur favorable comme le Dieu
Pourandara : o C’est monté sur ce char tfae Maghavat ja-
dis a vaincu te Démon Çamvara; qu’il a donné la joie au
.Naraka, en y plongeant Namoutchi, Bala et Vritra : c’est
12»
LE MAHA-BHARATA.
monté sur ce char que Maghavat jadis immola de nom-
breux milliers, myriades et millions de Oànavas. Avec
lui, fils de Kountl, tu vaincras en bataille les Nivâtaka-
vatchas; 12,072 — 12,073 — 12,074.
» Tel que, s’avançant sur ce char dans la bataille, il
fut lui-même victorieux. Voici la plus éminente des
conques : avec elle tu seras le vainqueur des Dânavas.
U C’est porté sur ce char que le magnanime Çakra a
vaincu les mondes. » Loué par les Immortels, je reçus
alors, donnée par les Dieux pour la victoire, cette ronqiie
Dévadatta, née au sein des eaux ; et, revêtu de la cui-
rasse, portant la conque, les flèches et mon arc, je m'a-
vançai, brûlant de combattre, vers la terrible habitation
des Dânavas. 12,075 — 12,076 — 12,077 — 12,078. '
O Loué çà et là par les Maharshis, je vis l'épouvantable
réceptacle des eaux et le souverain immortel de ces ondes.
» On voymt là comme des montagnes bondissantes les
vagues gonflées, resserrées, étendues, couvertes d’écumes.
12,079—12,080.
n De tous côtés, on remplissait par milliers les vais-
seaux de pierreries : on voyait plongés dans les eaux,
comme des montagnes, les timingilas (1), les tortues, les
makaras et les timitimingilas (2). De toutes paiAs étaient
plongés dans les eaux des milliers de conques.
12,081—12,082.
» On voit là nager dans l’eau des multitudes de pierre-
ries, comme on voit dans la nuit appar.sttre les étoiles
couvertes de légers nuages. 12,083.
i> Ln vent y roule épouvantable ; ce qui parut comme
il‘i) Gro» poia«on fabuloux.
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VANA-PARVA.
127
une merveille à mes yeux. Je vis d'abord cette grande
rapidité du sublime réceptacle de toutes les eaux ; 12,084.
» Je vis la cité des Daîtyas ; elle était remplie de Dà-
navas. Mâtali descendit là promptement sur la surface de
la terre. 12,085.
» Il approcha son char, et se mit à courir, lui, qui possé-
dait les axiômes sur les chars ; il parcourut tes approches
de cette ville, y jetant la terreur par le bruit du char.
» A ce bruit, comme celui du tonnerre au sein du
ciel, le trouble saisit tous les-Dànavas, s’imaginant que
j’étais le roi des Dieux. 12,086 — 12,087.
» Tous se tinrent, Tâme agitée, portant des arcs et des
flèches, ayant à la main des pilons, des massues, des tri-
dents, des haches et des épées. 12,088.
. I) Ensuite, l’esprit dans la terreur, bouchant leurs portes
et disposant une garde au milieu de la ville, on ne vit
plus apparaître aucun d’eux. 12,089.
n Alors, ayant pris ma conque Dévadatta au grand son,
transporté d’une joie suprême, je la remplis de mon
souffle avec lenteur. 12,090.
» Ce bruit, allant frapper le ciel, en réveilla tous les
échos : les grandes créatures de trembler et de se cou-
cher d’effroi. 12,091.
» Tous les Nivâtakavatchas, bien parés, revêtus de leurs
cuirasses diverses, portant à la main des armes variées,
avec de grands tridents de fer, des pilons et des massues,
avec des pattiças, des cimeterres et des roues mêmes de
char, Bharatide, avec des çataghnis , des bhousoundhis,
des sabres différents et ornés, ces fils de Diti se mon-
trèrent par milliers. 12,092 — 12,093 — 12,094.
» Alors qu’il eut pensé mainte fois aux routes, que
i
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«8 LE MAHA-BHARATA.
devait suivre son char, H&tali de pousser les chevaux,
éminent Bharatide, dans un lieu uni. 12,005.
» De ces coursiers à la marche prompte, qu'il précipi-
tait avec rapidité, je ne vis rien alors, et ce fut pour moi
comme une merveille. 12,096.
» Les D.lnavas firent parler hautement par milliers tous
leurs instruments de musique aux hideuses apparences et
aux sons discordants. 12,097.
» L’àme enlevée par ce bruit, tout à coup de nager,
semblables à des montagnes, les grands cétacées dans la
mer, par centaines et par mille. 12,098.
» Les Dânavas courent avec une grande rapidité, en-
voyant sur moi des flèches acérées pai' centaines et par
milliers. 12,099.
» Un combat tumultueux et bien effrayant, extermina-
teur des Nivàtakavatchas, s’éleva, Bharatide, entre eux
et moi. 12,100.
» Alors les troupes des Dânavarshis, les Brahmarshis,
les Siddhas et le Uévarshis se rassemblèrent dans cette
grande bataille. 12,101.
» Ces solitaires, qui désiraient ma victoire, me van-
tèrent, comme Indra dans le Tàrakàmaya, avec des pa-
roles douces et assorties. 12,102.
» Tous les Nivàtakavatchas, saisissant leurs armes,
coururent sui' moi de concert avec une grande rapidité.
» Ayant fermé la route de mon char et m’ayant cerné
de tous les côtés, ces héros m’inondèrent avec des pluies
de flèches, en poiis.sant des cris. 12,103 — 12,104.
1) D'autres à la grande vigueur, qui tenaient à la main
des tridents et des pattiças, me lancèrent des flèches de
fer et des bhousoundhis. 12,105.
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VANA-PARVA.
12»
» Lancée par eux, cette horrible pluie de tridents, où
se mêlaient des pieux en fer et des massues, tombait res-
plendissante sans repos sur mon char. 12,106.
X U' autres guerriers Nivàtakavatchas, terribles, portant
les formes de la mort, coururent sur moi dans le combat,
avec des armes et des traits victorieux. 1 2,107,
» Je blessai chacun d’eux dans la bataille, avec dix
flèches dilTérentes, que mon arc GAndiva décocha légères,
allant droit à leur but. 12,108.
n Ils tournèrent le dos en face de mes traits, lancés
comme des rochers, et Màtali de pousser rapidement les
chevaux. 12,109.
i> Ceux-ci, qui possédaient la vitesse du vent, de courir
en différents chemins, et, bien conduits par Màtali, de
broker sous leurs pieds les fils de Diti. 12,110,
» C«s chevaux étaient attelés cent par cent à ce grand
char, mais si bien ils étaient conduits par Màtali, qu’ils
semblaient marcher en petit nombre. 12,111.
» Par la pose de leur pied sur le sol, par le bruit des
roues du char, par la fougue impétueuse de mes flèches,
les Asouras furent tués par milliers. 12,112.
» D’autres même expirés, l’arc en main, et de qui les
cochers avaient péri, étaient entraînés par leurs chevaux.
X Tous les combattants tenaient empêchées les plages
du ciel et les plages intermédiaires : je les perçai avec
des flèches différentes et mon àme en fut émue.
0 Je vis ensuite la vigueur souverainement merveilleuse
de Màtali, qui soutint avec effort la fougue de ses chevaux.
X Je frappai dans ce combat, sire, de flèches Itères et
variées, par centaines et par miUe, ces Asouras, que pro-
tégeaient leurs armes. 12, llS-12,llà-12, 116-12, 116.
130
LE MAHV-BHARATA.
» Le héros, exterminateur (ies ennemis, Mâtali, le co-
cher d’Indra, fut content de me voir agir en celte affaire
de tous mes efforts. 12,117.
» Les uns s'en allaient à leur perte, frappés de mort
par ces chevaux et par ce char ; les autres se retiraient
de la bataille. 12,118.
» Nous rendant, pour ainsi dire, la pareille, les Nivà-
takavatchas , en but à mes dards, tentèrent de m'éloi-
gner avec de grandes pluies de flèches, 12,119.
» Je les dispersai promptement par centaines et par
mille avec des traits légers, variés, charmés par l’astra
de Brahma. 12,120.
» Accablés par moi et pénétrés de colère, ces grands
Asouras m’accablèrent de compagnie avec des pluies de
lances en fer, de tridents et d’épées. 12,121.
n Alors j’employai, Bharatidc, un astra supérieur, d’une
brûlante splendeur, chéri du roi des Dieux et nommé
M&ghava. 12,122.
» Je rompis en cent morceaux avec un trident et un
cimeterre, doués de la vigueur d’un astra, les leviers de
fer envoyés par eux à milliers. 12,123.
» Et, quand j’eus brisé les armes de ces guerriers, je
les dispersai eux-mèmes de tous les côtés par dix et dix
flèches lancées dans ma colère. 12,121.
» Dans ce combat, de grandes flèches s’envolèrent de
l’arc Gàndlva comme des rangées d’abeilles, et Mâtali de
lui rendre ses hommages. 12,125.
I) Leurs traits y répondirent et Mâtali honora l’arc
Gàndlva. Ils m’inondèrent fortement de leurs dards, et
je les dispersm avec mes flèches (1). 12,120.
'I) CdtU staQC« parait bien n’étre ici qo'une variante du précédent çloka.
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VANA-PARVA.
181
>) Mais les Niv&takavatchas blessés me firent obstacle
de tous les cétés avec de grandes pluies de flèches.
» Moi, les ayant frappés avec la rapidité de mes traits,
je les blessai tous par milliers avec des astras légers, su-
périeurs, flamboyants, destructeurs eux-mêmes des astras.
12,127—12,128.
U Leurs membres déchirés de verser le sang, comme
les cimes des montagnes arrosées par la pluie, quand est
venue la saison humide. 12,120.
0 Les Dànavas tremblèrent, percés de mes flèches lé-
gères, allant droit au but, touchant comme la foudre
d’Indra. 12,130.
B Leurs corps étaient blessés en cent places grâce â la
force des traits aigus : enfin les Nivâtakavatchas me com-
battirent, armés de la magie. 12,131.
i> De tous cOtés s’éleva une bien grande pluie de pierres,
grosses comme des montagnes, qui m’accabla fortement
avec des quartiers de rochers. 12,132.
» Je les réduisis en poudre dans un grand combat avec
une multitude de flèches impétueuses, semblables au ton-
nerre et lancées avec l’astra de Mahéndra. 12,133.
Il De cette pluie de pierres mises en poudre, il naquit
un feu, et de cette poussière il se dissémina comme une
masse d’étincelles. 12,13â.
1) Cet orage de pierres neutralisé, il se manifesta une
plus grande averse d’eau, qui tomba près de moi en
gouttes aussi grosses que les roues d’un char. 12,136.
» Ces gouttes, tombées du firmament avec une extrême
vigueur, couvrirent de toutes parts le ciel, ses plages
principales et les plages intermédiaires. 12,1341.
« La chute de ces gouttes, les sifilements du vent et les
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LE MAH V-BHARATA.
ISS
cris des Daltyas empêchaient de rien distinguer. 12.1S7.
K Ces gouttes d’eau, dans le ciel et sur la terre, étaient
liées entre elles de tous les côtés : elles tombaient conti-
nuellement sur le sol et j’en fus troublé. 12,138.
» Alors, j’envoyai un astra enflammé, tarissant, épou-
vantable, céleste, enseigné par Indra, et cette eau en fut
tarie. 12,139.
» Cette pluie de pierres neutralisée et cette pluie d’eau
séchée, les Dânavas lancèrent contre moi une magie nou-
telle, Bharatide, le feu et le vent. 12,1 Aü.
H J'étouiïai entièrement le feu par l’astra de l’eau, et
j'opposai à la fougue du vent le grand astra des mon-
tagnes, 12,1A1.
U Ce moyen repoussé, les Dânavas, enivrés de la fureur
des combats, employèrent fi la fois, Bharatide, différentes
sortes de magie. 12,1A2.
» 11 naquit une bien grande pluie, reffroi'du monde, et
Je fus accablé dans le combat d’une averse magique d’as-
iras au.x formes épouvantables, de feu, de vent et de
pierres. Ensuite, il se manifesta de tous les côtés une
horrible, une épaisse obscm'ité. 12,1 A3 — 12,1 AA.
» Le monde se trouvant enveloppé dans ces effrayantes
et hideuses ténèbres, les chevaux de tourner le dos et
l'esprit de Mâtali même de flotter incertain. 12,1A5.
> L’aiguillon d’or tomba de sa main sur la terre, et il
me dit plus d’une fois, la connaissance perdue : « Où es-
tu, éminent Bharatide 7 ■> 12,1A6.
n Je fus .saisi d’une crainte aiguë, quand je vis sa raison
enfuie : hors de lui-mème, il me tint ce lang.ige, à moi,
sous l’empire de la crainte : 12,1 A7.
« 11 y eut jadis un bien grand combat entre les Souras
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VANA-PARVA.
13S
et les Asouras, qui se disputaient l’ambroisie : je les vis
de mes yeux, Prithide sans péché. 12,1A8.
» Il y eut pour la mort de Çambara une bataille épou-
vantable, acharnée : c’est moi, qui exerçais alors près du
roi des Dieux l’office de conduire son char. 12,1^9.
» (7 est moi , qui conduisais les chevaux ce jour où
Vritra fut immolé. I.e fils de Virotchana lui-méme donna
lieu à une grande, à une bien épouvantable bataille.
)> Je fus présent, fils de Pândou, à ces combats gran-
dement effroyables, et jamais, avant ce jour, ils ne m’ont
fait perdre l’esprit. 12,150 — 12,151.
» Le père suprême des créatures a fixé peut-être ce
moment pour la destruction du monde ; car ce combat ne
tend pas à autre chose qu’à la ruine de l’univers ! » 12,152.
» A peine eus-je entendu son langage, que, m’appuyant
sur moi-même et dans l’instant de troubler la grande puis-
sance de magie, que possédaient ces Oànavas, je dis à
Mâtali effrayé : « Vois maintenant la force de mes deux
bras, la puissance de mes astras, de mon arc Gândtva, et
cette magie bien épouvantable pour les magiques astras de
ces Démons. Je vais détruire cette horrible obscurité. Ne
crains pas, cocher! Sois ferme!») 12, 153-12, 15A-12, 155.
•» A ces mots, j’envoyai, souverain des hommes, une
magie d’astra stupéfiante, pour le bien de toutes les créa-
tures et le salut des habitants du ciel. 12,150.
» A chacune de leurs magies détruite, ces grands Asou-
ras à la force sans mesure faisaient de nouveau succéder
une autre espèce de magie. 12,167.
» La clarté revint; elle est dévorée de nouveau par
l’obscurité : le monde est invisible ; il est plongé de nou^
veau au sein des eaux. 12,158.
18â
LE MAHA-BHARATA.
» Quand la lumière nous fut rendue, Màtali, sur le
meilleur des chars, traîné par des chevaux bien gouvernés,
parcourut ce champ de bataille, l'effroi du monde.
» Les terribles Nivâtakavalcbas fondirent à la ronde
sur moi ; et, saisissant un moment, où ils te (técouvraient,
je les précipitai dans le séjour d'Yama. 12,1&9 — 12,160.
D Tandis que le combat de ces Démons se déroulait
ainsi, tout à coup je cessai de voir les Dinavas, que la
magie dérobait tous à la vue. 12,161.
» Les Daltyas, cachés à mes regards, combattaient avec
la magie : je soutins une lutte contre eux avec une vigueur
invisible d'astras. 12,162.
» Lancées par Gândlva et convenablement charmées
d’un astra, les flèches de couper leurs grands corps par-
tout où ils étaient. 12,163.
» Les Nivàlakavatcbas, blessés par moi dans le combat,
éteignent soudain leur magie et sc réfugient dans leur
ville. 12,16â.
I) Après que les Daityfis eurent vidé le champ de ba-
taille et que la lumière nous fut revenue, je vis là
étendus morts les Dànavas par centaines et par mil-
liers. 12,160.
» Leurs armes et leurs parures étaient là broyées : on
voyait par centaines leurs corps et leurs cuirasses. 12,166.
» Il n'était pas facile aux chevaux de mettre un pied
l’un devant l’autre ; ils prirent soudain leur vol, et s’ar-
rêtèrent dans le firmament, où ils marchaient. 12,167.
» Ensuite, ayant caché le ciel entièrement, les Nivàta*
kavatcbas triouiphè''ent, lançant des montagnes aux ser-
pents invisibles. 1 2, 1 68.
» D’autres épouvantables Dànavas, pénétrant sous la
üiaifeod Siy i
VANA-PARVA.
185
terre, prenaient, Bhartitide, les pieds des chevaux et les
roues du char. 1 ‘2,1(39.
» Quand ils eurent saisi dans leur combat mes coursiers
fauves et mon char, ils me blessèrent de tous les côtés
avec des montagnes. 12,170.
» Ces monts en s'accumuhint et d'autres tombés sur
eux rendirent le lieu où nous étions semblable à une ca-
verne. 12,171.
» Caché par des montagnes et mes chevaux arrêtés, je
tombai dans une douleur profonde, et Mâtali s’en aperçut.
» Dès qu'il vit ma crainte, il me dit ces paroles : « Ar-
jouna, Arjouna, n’aies pas de crainte I Envoie l’astra de
la foudre I » 12,172 — 12,173.
■> A peine eus-je entendu ses paroles, je lançai la foudre,
astra épouvantable, souverain des hommes, et chéri du
roi des Dieux. 12,17â.
» Arrivé au lieu de la montagne, ayant charmé Carr
Gândlva, je décochai ces flèches aiguës, faites de fer et
dont le toucher égalait celui de la foudre. 12,175.
» Toutes les m-agies furent épuisées : ces traits lancés
comme la foudre et devenues des foudres pénétrèrent
dans les Nivâtakavatchas. 12,17(5.
1 Frappés par la fougue de ces tonneires, les Dânavas,
pareils à des montagnes , s’embrassent l’un l’autre et
tombent sur la face de la terre. 12,177.
» Ces flèches pénètrent au sein des Dânavas, qui, ca-
chés dans la terre, arrêtaient mes chevaux et mon char ;
elles précipitent ces Démons d.ms les demeures d’Yama.
a Ces Nivàtakavatchas, semblables à des montagnes,
immolés et chassés de leurs corps, ce lieu en était cou-
vert, comme de montagnes écroulées. 12,178 — 12,179.
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«36
LE MAH4-BHARATA.
» On ne vit alors aucun afTaiblissement des chevaux,
ou du char, ou de Mâtali, ou de moi : et ce fut comme un
prodige. 12,180.
U Mâtali me dit en riant, sire : a On ne voit pas dans
les Immortels cette vigueur, que tu viens de montrer,
Aijounal 12,181
» Les troupes de ces Asouras immolés, leurs épouses
remplissent de cris toute cette ville, comme des grues
dans la saison des pluies. » 12,182.
» Je m'en allai donc vers la cité, accompagné de
Mâtali, effrayant avec le bruit de mon char les épouses
des Nivâtakavatchas. 12,183.
» Dès qu’ elles virent ces chevaux au nombre de dix
mille, pareils â des paons, et ce char semblable au soleil,
elles alors de courir par troupes. 12, ISA.
» Le bruit, envoyé par ces femmes, qu’effrayaient les
ornements du char, imitait celui des pierres, qui tombent
sur les montagnes. 12,185.
» Tremblantes, les épouses des Dànavas entrèrent dans
leurs appartements, construits en or et resplendissants
d’une multitude de pierreries. 12,186.
» Quand j'eus vu cette ville supérieure, distinguée, qui
avait les formes d'une merveille, j’interrogeai Mâtali sur
la cité des Dieux : ,12>lb7.
« Pourquoi les Dieux n’habitent-ils pas cette ville, qui
offre de telles apparences ? Certes ! elle me semble plus
distinguée que la ville même de Pourandara? » 12,188.
« Cette ville fut jadis à nous, fils de Prithâ, et au roi
des Dieux, répondit Mâtali ; ensuite les Nivâtakavatchas
en firent tomber les Dieux. 12,189.
» Ceux-ci pratiquèrent une grande, une violente pé-
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VANA-PARVA.
187
nitence ; ils se rendirent favorable l’ aïeul suprême des
créatures ; ils choisirent la cité actuelle pour habitation
et de n'avoir rien à redouter dans la guerre. 12,190.
* Çakra ensuite poussa l’adorable Être-existnnt-par-
lui-méme à tenir ce langage : « Que Bhagavat dispose
la fin par l’amour de son propre bien. » 12,101.
» Après ces paroles, l'adorable dit encore, Bharatide :
a Ils périront ; tu seras même leur perte dans un autre
corps, meurtrier des ennemis ! » 12,102.
» Çakra, pour la mort de ces Démons, t’a donné ses
asiras; car il était impossible aux Immortels de tuer ceux,
que tu as immolés, mûrs qu’ils étaient pour la mort. Tu
es devenu ici, Bharatide, le destructeur de ces Démons :
c’est là ce qui a été fait p.-ir toi. 12,103 — 12,10A.
» Tu as reçu de Mahéndra une force surnaturelle d’as-
tras pour la mort des Dànavas : elle fut sublime, Indra
des hommes. » 12,195.
U Quand j’eus rétabli la tranquillité dans la ville et tué
les Dànavas, je retournai à la ville des Dieux, accompagné
de Màtalt. 12,106.
» Dans mon retour, je vis une autre merveille, la cé-
leste ville de Kàmatchara, qui a une splendeur égale à
celle du feu ou du soleil. 12,107.
» Elle était plantée d’arbres de pierreries, habitée par
des oiseaux divers aux voix mélodieuses, des Poulomides
et des enfants de Kàlaka, sans cesse ivres de joie. 12,108.
» Elle avait des portes, que des tours défeudaient ; des
chambres hautes ornaient ses terrasses; elle était percée
de quatre portes ; elle étîdt imprenable, céleste, faite de
toutes les pierreri''s, et son aspect oilrait l’apparence
d’une merveille. 12,190.
13S
LE MAHA-BHARATA.
» Elle était environnée d'arbres, faits de toutes les
sortes de pierreries et chargés de fleurs et de fruits; elle
était peuplée d'oiseaux célestes et du plus grand charme.
Elle était entourée de tous côtés par des Asouras, tou-
jours levés, ornés de guirlandes, armés d'épieux en fer,
de sabres et de tridents, ponant à la main des maillets
d’armes et des arcs. 12,200 — 12,201.
» Aussitôt que je VIS cette cité des Daltyas à l'aspect
merveilleux, je demandai, sire, à Mâtali : « Quelle est
cette merveille, qui s'offre à nos yeux? » 12,202.
« L'ne üaltayl nommée Poulomâ, me répondit Alâtali, et
une grande Asourf, appelée Kâlakà, pratiquèrent une ri-
goureuse |)énitence, qui dura mille années divines.
» .V la lin de leurs macérations, l’Être-existant-par-lui-
mème leur accorda une grâce- : elles reçurent le privilège
de mettre au monde leurs enfants .sans de grandes dou-
leurs, 12,203—12,204.
» L’invulnérabilité contre les conps des Pannagas, des
Rakshasas ou des Dieux, Indra des rois, et une ville bien
ravissante, naviguant au sein des airs et de la plus grande
splendeur, 12,205.
U Riche de toutes les espèces de pierreries, inaifrontuble
aux Rakshasas, aux Asouras, aux Pannagas, aux Gandbar-
vas, aux A akshas, aux grands rishis et aux Dieux mêmes,
» Pourvue de tous les dons, qui peuvent exciter le dé-
sir, sans maladie, et libre du chagrin. Telle Brahma fit
cette ville, ô le plus vertueux des Bharatides, à cause des
enfants de Kàlaka. 12,200 — 12,207.
» G;tte cité aérienne, céleste, marche sans Immortel,
habitée .seulement par des Poulomides, héros, et par des
D.inavas, enfants de Kâlakà. 12,208.
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VANA-PARVA.
18P
» On appelle la ville fl’ or cette grande cité, ainsi faite,
défendue par des géants Asouras, Râlakéyains et Pouîo-
mides. 12,209.
» Mis à l’abri de la mort par tous les Dieux, ceux-ci
habitent là dans la joie, Indra des rois, sans crainte, sans
désir. 12,210.
» Brahma jadis a décidé qu’un homme leur donnerait
la mort. Ainsi hàte-toi de conduire, tils de Prithâ, dans un
combat, à leur anéantissement, ces enfants inaifron^
tables, aux vastes forces de Kâlakà. » Alors sachant,
souverain des hommes, qu’ils ne pouvaient être mis à
mort, ni pai* les Démons, ni par les Dieux, je dis joyeux à
Mâtali : « Conduis-moi promptement à cette ville ; je vais
conduire à leur perte, grâce à mes astras, les ennemis du
souverain, qui règne sur leTridaça. 12,211-12,212-12,213.
D Jamais ne tubsUteront devant moi, ni les scélérats,
ni les ennemis des Dieux, condamnés à mourir. » Avec
son char céleste, attelé de ses cx}ursiers fauves, Mâtali
m’eut bientôt conduit en face de la ville d’or. A peine les
Daltyas aux robes, aux parures admirables, m’eurent-ils vu,
» Que, montés sur leurs chars et revêtus de leurs cui-
rasses, ils s’envolèrent avec une grande vitesse. Ensuite,
pleins de colère et bouillant d’un amer courage, ils me
frappent avec des leviers de fer, des sabres et des lances,
avec des bhallas, des flèches de fer et des nâlikas. Moi
alors j’eus recours à la force de la science, et je repoussai
avec une gmnde averse de flèches cette grande pluie de
projectiles; et j’enlevai l’esprit à tous dans le combat, en
décrivant avec le chat' mille évolutions.
12,214—1 2,215— 12,2 Id— 12,217— 12,218.
» Frsq>pés d’un trouble mutuel, les Dàoavas se faisaient
1A0
LE MaBA-BHARATA.
tomber l’un l'autre, et je blessai par troupes de cent avec
des flèches enflammées les corps de ces Démoiu, que la
peur faisait courir l'un à l'encontre de l'autre. LesDaltyas
blessés de s’en retourner à leur ville. 12,219 — 12,220.
» Ils ont recours à une magie Dânavaine et ils s'en-
volent de leur ville. Moi alors, continuateur de Kourou,
je fermai la route aux Démons avec une grande pluie de
flèches et je leur rendis cette voie impossible. Cette ville
céleste, aérienne, qui allait à volonté, qui avait l’éclat du
soleil, se conduisit à plaisir par la grâce, qu'avaient reçue
les Dâiiavas : elle entra dans la terre et, de nouveau, elle
s’éleva au sein des airs. 12,221 — 12,222 — 12,223.
n De nouveau, elle s’avance rapidement de travers; de
nouveau, elle se plonge dans les eaux. Cette grande ville,
qui suivait dans ses mouvements la volonté, qui semblait
être Araarâvatî elle-même, je la reçus, fléau des ennemis,
avec des astras de nombreuses sortes ; et je combattis avec
les Daiiyas, secondé par une multitude de flèches char-
mées d’un astra divin. La cité des Asouras, atteinte par
les traits de 1er, allant droit au but, que j'avais décochés,
tombe enfin, sire, brisée sur la face de la terre. Blessés
par mes flèches de fer, à la fougue de tonnerre, les Asou-
ras errent çâ et là, poussés par la mort. Ensuite Màtali,
qui était monté, abattant sous mes yeux rapidement le
vol de son char, qui avait l'éclat du soleil, descendit sur
la terre. Soixante mille chars de ces Démons irrités et dé-
sirant le combat avec moi, se répandirent, fils de Bharata,
de tous les cètés : je les dispersai avec des flèches acérées
et brillantes jusqu'à mi-corps. [De lattance 12,22i à ta
tlance 12,231).
» Les oicilùuion» du combat les ramenaient ensemble
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VANA-PARVA.
141
comme les vagues de la mer : « II est impossible qu’un
seul homme, pensé-je, en triomphe dans une bataille 1 »
» Je décochai successivement des astras célestes; et
ces guerriers aux milliers de chars répondirent avec len-
teur aux astras divins, lancés par moi Tchitrayodhin. On
voyait dans le combat ces Démons à la grande force par-
courir par centaines et par milliers les chemins divers des
chars. Différents par les guirlandes et les tiares, différents
par les cuirasses et les drapeaux, différents par Jes orne-
ments, ils réjouissaient mon àmc, pour ainsi dire. Je ne
pus les accabler dans cette bataille avec des tempêtes de
flèches envoyées avec des astras, mais par eux, au contraire
je fus accablé. Pressé dans le combat par ces guerriers
nombreux, habiles et dont chacun avait tenuiné, l’étude
des armes, 12,232—12,233—12,234 -12,235—12,236.
» Je fus troublé et une grande crainte me saisit dans
cette confusion. Je dis avec dévotion à Roudra, le Dieu
des Dieux : 12,237.
U Honneur aux Rhoutas I » A ces mots, je décochai un
grand astra : « Que cette arme soit dite appartenir à Çiva
et porter la destruction de tous les ennemis! » 12,23$.
» Je vis alors un homme avec trois têtes, trois yeux,
trois faces, six bras, ayant la tête flamboyante conune le
feu ou le soleil. 12,239.
i> 11 poitait la tonsure, meurtrier des ennemis; il était
ceint de grands serpents aux langues léchantes : cet astra
du maître fut épouvantable, (.üvique, étemel. 12,240.
n A cette vue, ramenant la corde de Gândiva à mon
oreille, éminent Bharatide, et rendant l’adoration au Dieu
à trois yeux, à Çarva, à l’êire, de qui la force est sans
mesure, 12,241.
IJki
LE M.VUA-BHARATA.
U Je lançai ma flèche pour la destruction des chefs DA-
navas. A peine décochée, je vis paraître en lui des formes
par milliers. 12,2A2.
» C’étaient, maître de la terre, des gazelles, des lions,
des tigres, des ours, des buffles, des serpents et des vaches,
» Des çarabhas, des éléphants, des troupes de singes,
des taureaux, des sangliers et des chats, 12,2A3 — 12,2iè.
» Des chiet.s, des goules et des bhouroundas partout,
des vautours, des Garoudas et des vachesgrognanles.
Des Dieux, des rishis, des Gandharvas de tons les cètés,
des PiçAtchas, des Yakshas et des ennemis de l'habitant
des cieux. 12,2â5 — 12,2A0.
» On voyait dans ce combat des Gouhyakas et des
Nalrritas, des cétacées à la tête d'éléphant et des hibous.
Des poissons au.x formes de coursiers, tenant à leur main
^ des épées et des armes diverses, et des Yàtoudhanas, por-
tant des maillets d’annes et des massues. 12,247-12,248.
» Après que j'eus lancé cet astra, le monde entier fut
rempli de ces êtres et d'autres en grand nombre, qui
étaient revêtus de formes diverses. 12,249.
U Ils étaient à trois têtes, à quatre dents proéminentes,
à quatre faces, à quatre bras; ils portaient des formes
difTérentes ; ils étaient composés de graisse, de moêlie et
de chair. 12,250.
» Frappés continuellement par des flèches, qui avaient
la splendeur et la flamme du soleil, qui avaient un éclat
égal à celui de la foudre ou du tonnerre, qui étaient faites
avec la vigueur des montagnes, et par d’autres à la puis-
sance destructive, les Dânavas couraient à leur perte. En
un seul instant, Bharatide, je les eus donc exterminés
tous. 12,261 — 12,262.
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VANA-PARVA.
1A3
» Quand je vis les DAnavas sans vie, tombés du ciel,
précipités par mes astras et l’arc Gândiva, je m'inclinai
de nouveau devant Çiva, le destructeur de Tripoura.
a Dès qu’il les vit parés d’ornenients célestes, que
l’astra de Roudra avait tout broyés, le cocher du roi des
Dieux en ressentit une joie profonde. 12,2.’)3 — 12,26A.
» Dès qu’il vit exécutée cette action impossible, ina-
bordable aux Dieux mêmes, Mâtali, le cocher de Çakra,
m’en félicita. 12,255.
» Joyeux, il me tint ce langage, joignant ses mains au
front : « L’action, que tu viens d’accomplir, était inexé-
cutable aux Démons et aux Dieux mêmes. 12,256.
» Cette œuvre était impossible au souverain des Dieux :
les Asouras et les Souras mêmes ne |X)uvaient détruire
cette grande ville aérienne. 12,257.
» Mais toi, héros, îu l’as broyée par ton héroïsme et la
foixie de ta pénitence. Depuis que leur ville est abattue et
les Dânavas immolés, toutes leurs femmes se sont enfuies
hors de la ville, troublées, les cheveux épars et jetant
des cris, comme de plaintives pygargues.
12,258—12,269.
U Elles sont tombées sur la surface de la terre, gémis-
sant sur leurs lils, leurs pères, leurs époux, baignées de
larmes, jetant des cris d’une voix malheureuse et gut-
turale sur leurs maris, qu'elles ont ]>erdus. 12,260.
» Les parures et les guirlandes échappées, elles se
frappent la poitrine. Elle ne brille plus, cette ville mal-
heureuse des Uànavas, plongée dans le chagrin, mourante
de peine et d’abattement, sa beauté éclipsée, ses époux
au tombeau I Cette ville, dont il était impossible de voir
la pareille et qui avait les formes de la ville des Gan -
LE MAHA-BHARAT V.
m
dharvas, la voilà donc comme un lac, d’où l'ou a enlevé
les serpents, comme une forêt aux arbres secs ! » Mâtali
m'eut bientôt conduit, du champ de bataille, moi, de qui
l'âme était joyeuse, au palais du roi des Dieux à la cons-
truction achevée. Ayant abandonné la ville d’or, victo-
rieux des grands .Asouras et des Mvàtakavatchas, je m'ap-
prochai de Çakra. Màtali fit entendre au roi des Dieux
avec détail toute cette histoire, comme elle était anûvée,
prince à l'éclatante splendeur ; la chute de la ville-d'or,
la destruction des moyens de la magie et la mort en ba-
taille des Nivàtakavatchas à la grande vigueur. A ce lan-
gage, l’adorable et fortuné Pourandara aux mille yeux me
dit, accompagné des Vents : « Bien ! bien ! » Ensuite,
quand il eut alfermi mainte et mainie fuis mon courage,
le roi des Dieux me tint avec les Immortels ces paroles
trés-düuces : « Tu as accompli dans le combat un exploit,
qui était au-dessus des Asouras et des Dieux. {De la
tiance 12,261 <1 ta stance 12,269.)
U Tu as fait une chose importante, fils de Prithâ, en
détruisant mes ennemis. L'n homme ferme, Dhanandjaya,
fera toujours ainsi dans le combat. 12,270.
» lin sage ne doit manquer jamais à détourner les as-
tres. Certes 1 les Rakshasas, les Dànavas et les Dieux ne
peuvent lutter avec toi dans un combat. 12,271.
U Tel il en est des Yakshas, des Asouias et des Gan-
dbarvas avec les serpents et la troupe des oiseaux ! Le fils
de Kounti, le vertueux Dharmaràdja gouvernera la terre,
conquise par la force de ton bras, enfant de Prithâ. »
U Saisissant la chose à propos, le roi des Dieux me tint
ce langage, à moi rassuré et que les flèches irritées avaient
laissé affranchi de blessures; 12,272 — 12.278 — 12,274.
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VANA-PARVA.
116
« Tu possèdes tous les célestes astras, Bbaratide. Nul
homme n’est capable de te vaincre sur la terre. 12,275.
» Bhtsbma, Drona, Kripa, Karna, Çakouni avec les
rois ne valent pas, mon fils, la seizième kalà de toi, quand
tu fais tête au combat. » 12,276.
» L'auguste Magbavat me donna cette armure, dont tu
me vois revêtu, cette cuirasse imbrisable et cette guir-
lande faite d'or. 12,277.
» Indra d’ajouter à ces dons la conque Dévadatta aux
grands sons, et d’ajuster lui-même à mon front cette divine
tiare. 12,278.
» Çakra me donna ces robes célestes, ces célestes pa-
rures, amples, éclatantes. 12,270.
n Comblé de tels honneurs, j’babitai là tranquillement,
sire, dans le palais pur d'Indra, avec les jeunes Gan-
dbarvas. 12,280.
I) Çakra me dit amicalement avec les Immortels : « Il
est temps, Arjouna, d’aller vers tes frères, qui entre-
tiennent ton souvenir. » 12,281.
» J’babitai ainsi dans le palais d’Indra, sire, cinq an-
nées, me rappelant la discorde, qu’avait engendrée le jeu !
» Ensuite, je vis ta majesté, environnée de mes frères,
sur le front de cette montagne, le pied du Gandbamâ-
dana. » 12,282—12,283.
(I Quel bonheur, lui répondit Youddhishthira, que tu
aies obtenu les divins astras! Quel bonheur, Dhanandjaya,
que tu aies pu te rendre favorable l’auguste roi suzerain
des Dieux? 12,284.
» Quel bonheur, fléau des ennemis, que tu aies vu en
personne l’adorable Sthanou avec Dévî I et que tu aies su
lui plaire dans ton combat avec lui I 12,285.
IV
10
m . LE MAHA-BHAMTA.
» Quel bonheur, éminent Bharatide, que tu aies con-
versé avec les gardiens du inonde! Quel bonheur que
nous croissions en puissance ! Quel bonheur, fils de Pri-
thà, que tu sois revenu 1 12,288.
» II me semble que tu aies vaincu aujourd’hui la terre
entière, divine, à la guirlande de villes, et réduit sous ta
puissance les fils mômes de Dhrilaràshtra. 12,287.
» Je désire voir ces astras célestes, Bharatide, avec
lesquels tu as immolé ces Nivâtak.avatchas, doués d'une
telle vigueur. » 12,288.
t Demain, au point du jour, lui répondit Arjouna, ta
majesté verra ces astras célestes, sans exception, avec
lesquels j’ai fait mordre la poussière à ces terribles Nivà-
takavatchas. >> 12,289.
Quand Dhanandjaya eut ainsi raconté ce qui lui ébût
arrivé, il passa là celte nuit, accompagné de tous ses
frères. 12,290.
Dès quelle se fut écoulée, \ouddhishtbira-Dharma-
ràdja, accompagné de ses frères, s'acquitta des fonctions
obligatoires après le lever. 12,291.
Puis, il .adressa ces paroles stimulantes à Arjouna, le
fils de sa mère à lui-môme ; « Montre-moi, fils de Kountl,
ces astras, avec lesquels tu as vaincu les Dànavas. 12,292,
Alors Dhanandjaya, à l'éclatante lumière, ce fils de
Pàndou, revêtu de la plus grande pureté, lui lit voir,
suivant la droite raison, ces astras célestes, sire, que lui
avaient donnés les Dieux. Le brillant Dhanandjaya,
monté sur son char de terre, qui avait la solidité du
bambou resplendissant, et pour ses roues, scs pieds, son
timon la montagne, couvert de sa divine cuirasse éblouis*
santé, le fils de Kountl aux longs bras, environné de
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' VANA-PARVA.
• U7
splendeur, tenant à la main son arc Gàndtva etDévadatta,
enfant des eaux, se mit à montrer, suivant l’ordre, tous
les astras célestes. A peine ceux-ci étaient mis en mouve-
ment que la terre, foulée aux pieds, fut ébranlée, que les
fleuves et la mer furent agités.
12,298— 12,204— 12,295— 12,293— 1S,2»7—12,2<>8.
Les montagnes se fendirent, le vent se déchaîna,
l’astre aux mille rayons cessa de briller, et le feu n’eut
plus de clartés. 12,299.
Les Védas des brahmesnejetèrent plus aucune lumière,
et les êtres animés, placés dans le sein de la terre, Dja-
namédjaya, se levant, oppressés, empêchèrent le fils de
Pândou ; et tous, joignant les mains aux tempes, trem-
blants, les visages déformés et brûlés par les asti'as, ils
conjurèrent Dhanandjaya. Alorales brahmarshis et ceux,
qui forment les parfaits maharshis, tous les êtres mobiles,
lesDévarshis et les plus éminents des habitants du ciel,
les Yakshas,les Rakshasas, les Gandharvas, les oiseaux et
tous les hôtes de l’air se tinrent eux-mêmes immobiles.
12,300—12,301—12,302—12,303—12,804.
Aussitôt l’ayeul suprême des créatures, tous les gardiens
du monde, l’adorable Mabâdéva avec les Ganas s’appro-
chèrent, et le vent, couronné de célestes et diverses
guirlandes, souilla de tous les côtés, puissant roi, près du
(ils de Pàndou. 12,305-12,306.
Excités par les Dieux, les Gandharvas, sire, enton-
nèrent différents hymnes, et les chœurs des Apsaras dan-
sèrent par troupes. 12,307.
Dans ce même temps, Nârada, mis en avant par les ^
Dieux, s’avança vers le fils de Prithà et lui fit entendre ce
langage : 12,308.
U8
LE MAHA-BHARATA.
« Arjouna, Arjouna, ne lance pas les astras célestes.
On ne doit jamais les employer,’ fils de Bharata, en des
lieux, qui sont piivés d'habitation. 12,300.
» Qu’on ne les décoche même jamais, si l’on n’est pressé
par le besoin, dans les endroits habités; car un grand
inconvénient, fils de kourou, est attaché à l’emploi de ces
astras. 12,310.
» 11 faut conserver, Dhanandjaya, ces astras puissants,
dignes du bonheur, pour le temps où ils seront néces-
saires : il n’y a pas de doute. 12,311.
» Non conservés, ils seraient pour la perte des üxiis
mondes : n’agis plus ainsi nulle part. 12,312.
» Adjâlaçatrou, tu les verras un jour dans le combat,
employés par le fils de Prithâ dans la destruction de ses
ennemis. » 12,313.
Après qu’ils eurent de cette manière empêché le Pri-
thide, tous les Dieux et ceux, qui s’étaient réunis avec
eux, s’en retournèrent comme ils étaient venus. 12,3li.
Dès qu’ils se furent éloignés, rejeton de kourou, les
Pândouides joyeux habitèrent dans cette forêt avec
Krishnà. 12,315.
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LE BOA.
I^anamédjaya dit :
« Quand ce guerrier, le plus grand de ceux, qui pus-’
sèdent un char, eut quitté, l’étude des armes terminée, le
palais du meurtrier de Vritra, que firent après cela les
Pàndouides réunis au héros Dhanandjaya? » 12,316.
Valçampâyana répondit :
Réunis dans ces bois avec Arjouna, semblable au Dieu
Indra, ces héroïques Indras des hommes vécurent sur
cette haute et belle montagne dans les maisons d’agré-
ment, que leur prêta le souverain des richesses. 12,317. ,
Admirant ces demeures incomparables et ces maisons
de jeu, ombragées par des massifs d’arbres, l’archer Ki-
rlti, rindra des hommes, allait çà etJà, toujours occupé
des astras. 12,318.
Possédant une habitation donnée par la faveur du roi
160
LE MAHA-BHARATA.
Valçravana, ils ne désiraient pas, sire, habiter chez les
mortels : leur temps s'écoulait heureux. 12,310.
Réunis avec le Pritbide, ils habitèrent là quatre années,
qui parurent un seul jour ; dix années précédentes se pas-
sèrent heureuses comme six pour ces Pàndouides habitant
au sein des forêts. 12,320.
Alors, le fils du Vent, le héros Djishnou, et les deux
vaillants jumeaux, semblables au roi des Dieux, qui tous
étaient assis auprès du monarque, ayant pris une résolu-
tion utile, dirent afliectueusement : 12,321.
« Nous désirons donner sa vérité à ta promesse : c'est
notre vœu le plus cher ; et nous parcourons ces bois sans
renoncer à tuer Souyodhana et ses adhérents. 12,322.
» La onzième année s'est écoulée depuis que nous habi-
tons ici, dignes du plaisir, mais voyant tous nos plaisirs
enlevés par Souyodhana : ce n’est qu’en trompant cet
homme au caractère abject, aux pensées viles, ce n’est
qu’en lui dérobant notre habitation, que nous pouvons
obtenir la tranquillité. 12,323.
a Par ton ordre, abandonnant les honneurs, nous errons
avec confiance dans les forêts : ti-ompés par le voisinage
de l’habitation, ils ne sauront pas que nous avons changé
de lieux, 12,32i.
a Habitant, secrètement ici, une année entière, enle-
vons le plaisir à ce plus méprisable des hommes et ren-
dons une inimitié, portant des fleurs et des fruits, à cet
homme, le plus vil des rois, à ce Souyodhana environné
de sa cour. Ensuite, ûbarmaràdja, habite la terre ! Tout
semblable qu'il est au Stvarga, ce lieu n’est pas moins ca-
pable de détruire, monarque des hommes, ceux, qui le
parcourent de leurs pas ; et ta gloire aux senteurs pures.
Digilizod
' VANA-PARVA.
161
61s de Bharata, périrait dans les mondes des êtres immo-
biles et mobiles! En possession du grand royaume des
éminents Pândouides, il est possible d'obtenir aussi les
cérémonies religieuses. 12,325 — 12,326 — 12,327.
I) Ce que tu as obtenu de Kouvéra est toujours pos-
sible, roi des hommes. Mets ta pensée, Bharatide, à la
mort des ennemis et à la répression des pécheurs. 12,328.
« Le Dieu même en personne, qui tient la foudre, sire,
ne supporterait pas ta vigueur terrible. Aux prises mêmes
avec les Dieux, Souparnakétou et Satjiaki, le petit-fils de
Çini, engagés dans la réussite de ton affaire, Dharma-
râdja, n’éprouveraient pas un instant de trouble. Il en est
ainsi de Krishna sans égal pour la force, et de moi, roi
des rois, si je me tourne au succès de ton affaire. Tel que
Krishna avec les Yadoiiides, tel je sois avec les héroïques
jumeaux, qui ne laissent jamais une chose imparfaite.
12,329—12,330—12,331.
» Ayant pour objet principal de faire naître le succès de
ton affaire, venus aux mains avec les ennemis, nous rétabli-
rons la paix. » Quand le iiiagnanime et très-excellent fils
de Dhariiia connut leur opinion, il dit adieu à ces habita-
tions, à ces rivières, à tous ces lacs et à tous les Raksba-
sas; puis Dharuiaràdja, à la force sans mesure, et qui
savait toutes les choses du devoir, fit un pradakshina au-
tour du palais de Vaîrravana. 12,332 — 12,333.
11 observait de nouveau la route, par laquelle il était
venu ; il contemplait de nouveau la montagne. Ensuite,
le magnanime à l'Ame pure désira voir la grande reine
des montagnes. 12,33â.
Son affaire consommée, accompagné de ses amis, les
ennemis vaincus, son royaume recouvré, son âme domp-
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162
LE MAHA-BHARATA.
tée dans la pénileace, il articula cette pensée : « Reine
des monts, je te vois pour la seconde fois ! » 12,335.
Le chef des Kourouides s'en allait par celte route avec
sa suite et les brahmes : Ghatautkatcba les portait en
troupes dans les cataractes de la montagne. 12,336.
Après que le grand rishi Lomaça les eut instruits à leur
départ, comme un pèie instruit ses fils, il s’en retourna
joyeux au séjour très-pur des habitants du ciel. 12,337.
Renseignés par Arshtiséna, les fils de Prithà, les plus
éminents des hommes, se mirent en route, contemplant
les tlrthas délicieux, les grandes forêts de pénitence et les
diOérents lacs. 12,338.
Ces exceUents Bharatides goûtaient la joie de vivre dans
une habitation paisible sur cette montagne sublime, ré-
sonnante de cascades, en commerce avec les éléphants
des régions éthérées, lesKinnaras et les volatiles. 12,339.
Les Bharatides éminents éprouvèrent une grande joie,
quand ils revirent le mont Kailâsa, cher à Rouvéra et
brillant comme un lac d’eau. 12,360.
Ces héros, qui avaient pour guirlandes les tapias de la
montagne virent çà et là des étables de chevaux, qui for-
maient des obstacles élevés à travers ce mont, de nom-
breuses cascades et de profondes collines. 12,841.
Ces guerriers les plus grands des hommes, tenant eu
main leurs cimeterres, marchaient joyeux, contemplant
ces grandes forêts et d'autres, peuplées d’éléphants, de
quadrupèdes et de volatiles. 12,342.
Les bois charmants, les rivières, les lacs, les grottes,
les cavernes de la montagne, ces habitations des plus
éminents des hommes étaient sans cesse éclairées par les
rayons de la lune. 12,343.
VANA-PARVA.
16S
Après qu’ils eurent admiré mainte fois des séjours inac-
cessibles et dépassé le mont Kallâsa aux formes inimagi.
nables, ils s'approchèrent de l'hermilage sublime, ravis-
sant à l’extrême, de Vrishaparvan. l'2,3Aé.
Dès qu’ils se furent réunis avec le roi et qu’ils eurent
reçu ses honneurs en échange de leur» hommages, ils se
mirent à vanter avec étendue, sans erreur, exactement,
cette habitation de Vrishaparvan dans la montagne.
Quand ils eurent demeuré une seule nuit dans son her-
fflitage très-pur, fréquenté des raaharshis et des Dieux,
ces héros de s’avancer vers la grande Vadarl et d’y mettre
leur habitation. De-là, toutes ces personnes à la haute
dignité s'approchèrent du lieu, où vécut Nàrâyana ; puis,
ils virent joyeux un lac aux lotus, aimé de Kouvéra, hanté
des Siddhas et des Dieux. 12,3é5— 12,3é6 — 12,3A7.
A la vue de cette piscine aux lotus, les chefs de tous
les hommes, ces fils de Pàndou s’y divertirent joyeux,
comme les brahmarshis aux corps sans tache, quand ils
sont parv'enus au Nandana. 12,3é8.
Aussitôt qu’ils eurent demeuré heureux un mois entier
dans la Vadarl, ces héros des hommes s’avancèrent suc-
cessivement d’une marche presque rapide et tous réunis
vers le royaume de Soubàhou, le souverain des Kiràtas.
Ils avaient traversé les Chinois, les Toushâras, les Da-
radas, et toutes les contrées du Koulinda, riche en pier-
reries, quand ces héros virent eniin la ville de Soubàhou,
lieu inaccessible de r Himalaya. 12,3à9 — 12,3d0.
A peine celui-ci eut-il appris que les fils et les petits-
fils de Pritbâ étaient arrivés dans ses terres, ce roi joyeux
se porta au-devant d’eux et les éminents Kourouides de le
féliciter. 12,351.
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164
LE MAHA-BHARATA.
Réunis avec le roi Soubàhou, et ses bardes, Viçoka 4
leur tête, avec les princes Mahéndraséna et leurs oflSders,
avec les principaux habitants de la ville, et ceux, qui
étaient honorés de hauts sièges, tous, ayant habité 14 une
seule nuit, prennent les cochers et les chars nécessaires,
abandonnent Ghatautkatcba et sa suite ; puis, ils s’avancent
vers la montagne, d’où sort l’ Yamounâ. I‘2,3ô2 — 12,363.
Quiuid ils furent arrivés sur cette montagne aux plateaux
blancs ou rouges, au surtout de neige, 4 la colonne victi-
maire Viçâkha, ces héros y mirent leur habitation. 12,334.
Cette grande forêt, hantée de volatiles, de sangliers et
de nombreux quadrupèdes, ressemblait au Tchattraratha.
Les fils de Prithâ habitèrent avec bonheur une année dans
ce bois, adonnés aux occupations de la chasse. 12,363.
L4, Vrikaudara, l’âine troublée par le délire de la peur,
trouva, dans une caverne de la montagne, un serpent,
que tourmentait la faim, aux forces immenses, aux formes
horribles, semblables à celles de la mort. 12,350.
Ici, était une ile (1). Youddhisbthira, le plus vertueux
des hommes vertueux, 4 la vigueur infinie, délivra le corps
de son frère tout enveloppé du serpent, contre lequel
Ventre-de-loup résistait en vain. 12,357.
Les Kourouides de passer dans ce bois la douzième année
entièrement écoulée. De cette forêt, semblable au Tchal-
traratha, flamboyants de beauté, associés 4 la pénitence,
ils s'en allèrent, livrés sans cesse au plaisir de la science
de l’arc, sur les flancs du Maroudhanvan. Conduits au bord
de la Sarasvatt par le désir d’une habitation, ils s’avan-
cèrent jusqu'au lac du Dwaitavana. 12,358 — 12,359.
(1) Ce bout de vers appartient tana doute à une autre rédaction.
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VANA-PARVA.
155
A peine les eurent-ils vus entrés dans le Dwaltavana,
ses habitants vinrent auprès d’eux. Us étaient unis à la
pénitence, à la répression des sens, aux bonnes mœurs, à
la contemplation : ils avaient en guise de coupe une toufîe
de gazon, ils broyaient avec la pierre ce qu’ils prenaient.
• Les arbres, qui ombrageaient la Sarasvatî, étaient les
figuiers vénimcux, les akshas, les raaùhitakas, les rotangs,
les jujubiers, les khadiras, les mimosas çirisbas, les vil-
vas, les ingoudas, les pilous, les samis et les karlras.
12,360—12,361.
Les fils du monarque des hommes passaient tranquille-
ment leur vie, marchant, pleins d’affection, sur les rives
de la Sarasvatî des Dieux, comme si elle eut été une cha-
pelle aimée des Yakshas, des Gandharvas et des ma-
harshis. 12,362.
Djanamédjaya dit :
« Comment, solitaire, ce serpent a-t-il pu inspirer une
crainte mortelle à ce Bhlma d’un effrayant courage, à qui
fut donné la vie de plusieurs myriades d’êtres? 12,363.
» Lui, de qui l’orgueil défia au combat le fils de Pou-
laslya, ce Dieu, qui départ les richesses ! Lui, qui ravagea
sa piscine des lotus 1 lui, qui extermina les Yakshas et les
Rakshasas! 12,364.
» Ce meurtrier des ennemis tomba dans l’infortune,
dis-tu ; il fut saisi de crainte : je désire entendre cette
histoire ; ma curiosité est extrême. »* 12,365.
Vatçampàyana répondit :
Tandis que ces terribles archers habitaient dans ce bois
aux nombreuses merveilles, après qu’ils furent arrivés,
sire, dans l’hermitage du saint roi Vrishaparwan,
Vrikaudara, ceint du cimeterre et tenant son arc à la
156
LE MAHA-BHARATA.
main, vint d'un mouvement spontané à ce bois délicieux,
fi^quenté des Gandliarvas et des Dieux. 12, $60 — 12,507.
U vit alors les sites charmants du mont Himâlaya, par-
courus des Siddhas et des Dévarshis, hantés par des
troupes d’Apsaras, 12,368.
Retentissants çà et là par les rugissements des lions et
les gazouillements des oiseaux, des tchakoras, des oies
rouges, des faisans et des kokilas, 12,369.
Plantés d’arbres chargés sans cesse de fruits et dellenrs
charmantes, au toucher frais : couverts d'épais ombrages,
le charme de l'âme et des yeux. 12,370.
Parcourant les rivières de cette montagne, pleines de
canards, roulant des eaux, semblables à des perles, on
pareilles aux pierreries et au lapis-lazuli, 12,371.
Ce guerrier à la vigueur immense allait, perçant les ga-
zelles de ses flèches acérées ; il parcourait à lâchasse dans
les endroits unis du Maroudbanvan ces bois de pins déva-
dàrous, pareils à des filets de nuages, où le sandal noir à
la taille élancée se mélmt au sandal jaune.
12,372—12,373.
Dans ce bois, l'illustre Bhlma aux longs bras, qui avait
autant de vies qu’une centaine de longs serpents, faisait
mordre par force la poussière au grand sanglier. 12,374.
Le vigoureux Bhlma à la v-aillance épouvantable abat-
tait çà et là les buffles, les sangliers et les gazelles.
Dans ce bois, ce héros à la grande force, qui portait les
existences de cent éléphants, la cuirasse de cent hommes
et qui avait le courage des tigres et des lions, arrachait
par sa vigueur et brisait les arbres : il faisait retentir les
bois et les contrées delà terre. 12,375 — 12,376 — 12,377.
Sans peur, broyant les sommets des montagnes et fai-
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VANA-PARVA.
167
saut parler ses écbos, il renversait les arbres et remplis-
sait de bruit toute la terre. 1*2,378.
Bhlma sans crainte, ayant long-temps mis un frein à
son orgueil, battant des mains, grinçant les dents, et
donnant une voix par ses paumes aux applaudissements,
abattait rapidement alors dans le bois à mainte reprise
les énormes éléphants, vastes animaux, et les lions à la
grande force. 1*2,379 — 12,380.
Au cri de Bhîmaséna, la crainte faisait déserter les ca-
vernes ; tantôt il courait, tantôt il s’arrêtait, tantôt il s' as-
séyait sur la terre. 1*2,381.
Désireux de gazelles, il marche sans peur dans ce bois,
rempli d’épouvante : le vigoureux Bhîmaséna, ce tigre
des hommes, s’avance à pied dans cette forêt, comme un
habitant des bois. Entré dans cette grande forêt, il en fait
résonner les profondeurs par des cris merveilleux.
1*2,38*2—12,383.
Doué du courage, que possède une grande âme, il
effrayait tous les êtres. A ce bruit de Bhlma, les serpents,
qui, habitaient les cavernes, furent épouvantés. 12,386.
Ceux, qui avaient une fuite rapide, excellaient sur les
autres, qui sortaient avec une démarche plus lente. Alors
Bhîmaséna à la grande force, semblable au plus excellent
des Immortels, vit un serpent, au vaste corps, l’effroi du
monde, parvenu à l’endroit le plus inaccessible de la mon-
tagne et qui couvrait de son corps toute la caverne ;
12,385—12,386.
Monstre à la force sans mesure, au corps immense,
remplissant la montagne, aux membres admirables,
resplendissant comme le turmeric par ses membres variés.
Léchant mainte fois les coins de sa bouche, les yeux en-
158
LE MAHA-BHARATA.
flammés d'un rouge extrême, il apparaissait avec ses
quatre dents proéiiiinentes et sa gueule semblable à une
caverne. 12,387 — 12,388.
Effroi de tous les êtres, pareil à Yama, le Dieu de la
mort, il se tenait comme menaçant par le poison de son
baleine. 12,389.
I..C serpent boa, violemment irrité, fond tout à coup
sur Bhlma et lui prend de force les deux bras. 12,390.
Alors, saisi par le reptile, Bhimaséna perdit soudain
l’esprit : en effet, par la grâce, qu’il avait reçue, Bhtma
possédait en ses deux bras la force, insoutenable aux en-
nemis, qui se trouve en dix mille grands sei-pents.
Le vigoureux fut donc réduit au pouvoir du serpent,
et, dans sa résistance, enchaînée, il ne put faire aucmi
mouvement. 12,391—12,392—12,393.
Saisi par le monstre, la raison de Bhimaséna aux longs
bras, aux épaules de lion, à la vie d'une myriade de ser-
pents, s’évanouit ; son esprit s’égara suivant les termes
de sa grâce. 12,39A.
Le héros fit un violent effort pour se débarrasser du
serpent ; mais il ne put jamais en repousser les replis.
Tombé sous la pui.ssance du reptile, le vigoureux Bht-
maséna de penser à la grande, à la prodigieuse force du
serpent. 12,395 — 1'’.,396.
11 dit au long reptile sur le ton de l’amour: « Dis-moi,
serpent I qui es-tu ? oh 1 le plus excellent des serpents, que
feras-tu de moi? 12,397.
» Je suis Bhimaséna, le fils de Pàndou et le frère puîné
de Dharmaràdja. Comment as-tu pu me réduire sous ta
puissance, quand j’ai une vie égale à celles d’une myriade
de serpents? 12,398.
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VANA-PARVA.
159
» J'ai abordé nombre de fois les lions à l’épaisse cri-
nière, les tigres, les budles, les éléphants, et je les ai
abattus dans le combat ! 12,399.
» Les Pannagas à la grande force, les Piçâtchas et les
Rakshasas n'ont pu eux-mêmes, ô le meilleur des ser-
pents, supporter la fougue de mes bras. 12,â00.
» Est-ce que la science et la force sont à toi ? Est-ce que
le don des grâces t'appartient ? J'ai beau résister, il faut
que je marche à ta volonté. 12,â01.
» La force des hommes n’est pas vraie, telle est mainte-
nant mon opinion, puisque tu as paralysé cette force im-
mense de moi. » 12,i02.
Tandis que le héros Bhtma aux eflbrts infatigables par-
lait ainsi, le grand serpent, qui l’avait saisi l’enveloppait
de tous les côtés. 12,AÛ3.
Le serpent, qui avait enchaîné ce guerrier aux longs
bras, enlaçant ces bras potelés, tint alors ce langage :
(I Ce senties Dieux, qui t’ont offert aujourd’hui à moi
comme un aliment pour apaiser ma faim; mais, par
bonheur, après un long temps, la vie des êtres humains
m’est encore agréable. 12,àOA — 12,â05.
» Il faut nécessairement que je te raconte, dompteur des
ennemis, comment cette forme de serpent me fut infligée.
Écoute, ô le plus excellent des hommes. 12,400.
» C’est la colère des maharshis, qui m’a plongé dans
cette condition : je te raconterai toute cette histoire dans
ce moment, où je désire arriver à la fin de cette malédic-
tion. 12,407.
U Le nom du saint roi Nahousha est venu probablement
à tes oreilles : il était üls et devait continuer la race
d’Ayou, un de tes précédents ayeux. 12,40S.
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160
LE MAHA-BHARATA.
» Je suis tombé dans celte condition par la malédiction
d’Agastya et pour le mépris, que j'ai fait des brahmes :
vois! c'était un sort, qui m'était réservé par le Des-
tin. 12,AOO.
» Si je ne te donne pas la mort, à toi, mon fils, de qui
la vue m’est extrêmement chère, vois I quelle règle ai-je
maintenant à suivre ? 1*2, élO.
» En effet, qui que ce soit, ou éléphant, ou buffle même,
tombé à la portée de ma prise, ne fut jamais relâché
par moi, 6 le plus grand des hommes, dans les jours,
où je rompais l'abstinence. 12,111.
U Tu ne fus pas saisi, ô le plus vertueux des Kou-
rouides, par un reptile seulement, né dans une matrice
d’animal. Cette grâce me fut accordée : 12,412.
U Au moment, où je tombai du char sublime et du
siège de Çakra, j'avais adressé ce langage au révérend et
au plus saint des anachorètes : « Fais promptement finir
la malédiction ! » 12,413.
Il Et le vigoureux solitaire, baigné de compassion, m'a-
vait dit : n Quelle que soit la révolution du temps, sire,
elle t’apportera la délivrance. » 12,414.
U Alors, je tombai sur la terre et la mémoire ne m'a-
bandonna pas, car mon Pourâna fut, comme il était arrivé,
conforme au souvenir. 12,415.
« Quiconque, sachant les divisions de la science, ré-
pondra aux questions, qui lui seront posées, te délivrera
de la malédiction; » ainsi m'a parlé le rishi. 12,416.
» Tout être animé, très- fort, supérieur même à tout
autre, une fois, sire, que tu l’auras saisi, perdra bientôt
son courage. » 12.417.
U J’entendis les paroles des brahmes cachés, pleins de
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VANA-PARVA.
161
compassion, au cœur desquels était née l’affection pour
moi. 12,Â18.
» Affligé de cette peine extrême et revêtu de cette forme
d’animal, prince à la grande splendeur, j’habite, désirant
la mort, l’inipur Niraya, » 12,410.
Bhimaséna, aux longs bras, lui fit cette réponse : « Je
ne suis pas irrité, grand serpent, et je n’ai point de re-
proche à m’adresser ; 12,420.
» Car un homme, s’il a ou non de la raison, ne doit
pas laisser son âme ouverte à l’arrivée ou au départ du
plaisir ou de la peine. 12,421.
» Quel effort de l’homme peut déjouer le destin? Je
pense que le destin est tout-puissant, et l'action de
l’homme inutile. 12,422.
» Jette les yeux sur moi, qui me confiais à la force de
mes bras et qui me vois maintenant ici tombé sans cause
dans une telle condition. 12,423.
» Mais ce n’est pas tant ma perte, que je plains aujour-
d’hui que l’abandon de mes frères dans une forêt et leur
chute du royaume. 12,424.
» Ce mont Himâlaya est d’un accès difficile, rempli
d’Yakshas et de Rakshasas ; troublés, mes frères tombe-
ront, en considérant mon sort. 12,425.
I) La nouvelle de ma mort leur enlèvera toute action ;
ces princes au caractère vertueux seront tués par moi, qui
suis avide de leur conquérir un royaume. 12,426.
» Cependant le vertueux Arjouna, instruit à manier
toutes le*s armes, inaffrontable aux Rakshasas, aux Gan-
dharvas et aux Dieux, ne se laissera pas tomber dans la
crainte 1 12,427.
» Ce héros aux longs bras, à la force immense, est
IV 11
168
LE MAHA-BHARATA.
capable, fùt-il seul, de renverser promptement de son
trône le roi des Dieux mêmes. 12,â2S.
» A plus forte rai.son le fils de Dhritarâshtra, qui pra-
tique un jeu criminel, qui est en haine au monde entier,
qui est livré à l’égarement du jeu. 12,429.
1) Je pleure le sort de ma mère, cette infortunée, qui
aime pa.ssionnénient ses fils ; elle, qui toujours nous a
prédit une grandeur éminente sur nos ennemis. 12,430.
» Comment ma perte ne pourrait-elle pas condamner à
la stérilité toutes les joies, que cette infortunée sans appui
avait fondées sur moi ? 12,431.
1) Nakoula et Suhadéva, ces jumeaux, qui obéissent aux
lois d’un gourou, bien protégés par la force de mon bras,
ont montré toujours la fierté des hommes. 12,432.
» Ils renonceront à l'action et, tout afiligés de ma perte,
leur courage et leur force seront brisées : c'est là mon sen-
timent. D 12,433.
Telles et nombreuses étaient les plaintes, que Ventre-
de-loup exhalait alors ; mais, enchaîné par le serpent, il
ne pouvait faire un seul mouvement. 12,434;
La respiration n'allait point à l’âme d’Vouddhishthira,
le fils de kountt, à la vue de cette infortune et à la pensée
de ce prodige. 12,435.
Placé au midi, un chacal tremblant gémissait des cris
effrayants et sinistres dans la plage enflammée de cet
hermitage. 12,436.
Une caille d’un aspect horrible, vomissant un sang
rouge et qui n’avait qu’un pied, qu’un seul œil et qu’une
aile, se montra, poussant des cris semblables à ceux de la
mort. 12,437.
Le vent souilla rauque et coun'oucé : tous les bruits
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VANA-PARVA. 16S
des* volatiles et des quadrapèdes étaient de mauvais au-
gure. 12,488.
« Val va ! » répétait à chaque instant derrière lui une
corneille noire ; et un tremblement agitait son bras
droit. 12,439.
Sou cœur et son pied gauche palpitaient sans règle : il
se fit dans l’œil gauche un changement de sinistre pré-
sage. 12,440.
L’intelligent Dharmarâdja, comprenant que c’étaient
les augures d’un grand péril, demanda, fils de Bharata,
à Draàupadî : u Où est Bhtma? » 12,441.
Pântchâli de lui répondre que Vrikaudara était sorti
depuis long-temps : a Ce héros aux longs bras, sire, est
parti, accompagné de Dhaâumya. » 12,442.
11 dit à Arjouna que la défense de Draâupadt lui était
confiée : il assigna Nakoula et Sahadéva aux brahmes.
Puis, ayant mis le pied hoi*s de cet hermitage, l’auguste
fils de Kountî se mit à la recherche de Bhîmaséna dans la
grande forêt. 12,443 — 12,444.
Il entre dans la région orientale et voit, marquée par
les vestiges du grand Bhîmaséna, la terre, qui nourrit les
troupeaux d’éléphants. 12,445.
Ensuite, ayant vu des milliers de gazelles et des cen-
taines de lions abattus dans la vaste forêt, le monarque
sentit qu’il entrait dans la route de son frère. 12,446.
Abattus par le vent des cuisses de ce héros, courant à
la chasse avec la rapidité du vent, les arbres étaient ren-
versés le long de sa route. 12,447.
Guidé par ces signes, il vit alors dans une forêt de la
montagne, remplie d’arbres sans feuilles et le plus en but
à la furie des vents', 12,448.
164
LE MAHA-BHARATA.
Dans un lieu inhospitalier et désert, plein d’ arbres épi-
neux, rempli d'arbustes à fruit au milieu des sables immo-
biles, dans un lieu inaccessible, entouré de précipices, il
vit l’homme, qui ne pouvait se remuer, empêché qu’il
était par le roi des serpetits. 12,ââ9.
Le juste Youddhisluhira, s’étant approché de lui, tint
ce langage à son frère chéri, entouré par les replis du
serpent : 12,450.
« Fils de Kountt, comment es-tu tombé dans ce mal-
heur ? Quel est cet immense serpent, dont le fantôme ne
jouit pas de la montagne ? » 12,451.
Quand le frère puîné vit Dharmarâdja, il raconta à son
frère aîné sa ciipture et toute son histoire. 12,452.
a Ce noble et grand être, dit Bhimaséna, m’a pris
comme un aliment. C’est un saint roi, nommé Nahousha :
dans sa mort il est comme vivant. » 12,453.
« Que mon frère à la valeur sans mesure soit relâché
par toi, seigneur : nous te donnerons une antre nourri-
ture, capable de calmer ta faim, reprit Youddhishlhira.' »
« Ce (ils de roi est tombé dans ma gueule comme un
aliment, répondit le serpent. Qu’il s’en aille en liberté?
Ce n'est pas mon avis ! Demain sera le tour de ta majesté.
» Voici quel est mon vœu, guerrier aux longs bras :
tout être, qui est venu dans mon domaine, doit servir â
mes aliments I Et tu es venu ainsi, mon fds, dans mon do-
maine. 12,454 — 12,455 — 12,450.
U Après un long temps ton frère puîné me fut donné
comme nourriture. Certes ! je ne le lâcherai pas ! Je ne
veux pas autre chose. » 12,457.
(I Si ton excellence est un Dieu, ou un Daltya, ou bien
un Ouraga, reprit Youddhishthira, dis-moi la vérité, ser-
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VANA-PARVA.
165
. pent; c’est moi, Youddhishthira, qui t’interroge. 12,458.
» Pourquoi faut-il que mon frère puîné soit dévoré par
toi, reptile? Quel plaisir auras-tu, serpent, soit de l’avoir
pris, soit de le connaître ? 12,459.
» Quelle nourriture te donnerai-je? Et comment amè-
nerai-je ta grandeur à délivrer cet homme? » Le serpent
de lui répondre : « Je suis le roi Nahousha, un de tes an-
cêtres, mortel sans péché. 12,460.
» Je fus le cinquième fils, roi des hommes, que Soma-
dâyou obtint dans ses désirs. J’ai acquis successivement
une souveraineté sans trouble sur les trois mondes par
mes sacrifices, ma pénitence, ma lecture et ma répression
des sens. Quand j’eus obtenu sur eux cet empire, l’or-
gueil s’empara de moi. 12,461 — 12,462.
» Un millier de brahmes portait ma litière. Enivré par
la folie du pouvoir, j’en vins à mépriser les brahmes.
» Je fus plongé dans cette condition par Agastya, sou-
verain de la terre ; mais dans cet état même, fils de
Pàndou, la connaissance ne m’abandonne point mainte-
nant par la faveur du magnanime Agastya. J’ai obtenu
ton frère puîné comme aliment dans mon sixième jour de
jeûne. 12,463 — 12,464 — 12,465.
» Je ne l’abandonnerai pas ; je ne veux pas autre chose.
« Mais si tu réponds aux interrogations, que je vais
t’adresser, » 12,466.
n Alors, je rendrai la liberté à Vrikaudara, ton frère. »
— «Parle à ta volonté, serpent, répondit Youddhishthira,
je vais satisfaire à tes questions. 12,467.
» J’essaierai si je puis te procurer du plaisir, mais ton
excellence sait que ce qui peut être enseigné est seule-
ment ici le domaine du brahme. 12,468.
166
LE MAHA-BHARATA.
» Quand je t’aurai entendu, roi des serpents, je te ren-
drai ma réponse. » — « Qui sera le brahme, sire ? dit le
reptile ; et quelle chose peut être enseignée, Youddhish-
thira? 12,ê69.
» Parle I et nous conclurons de tes paroles que tu es un
homme de haute intelligence. » Youddhishthira lui ré-
pondit ; « L’homme, Indra des serpents, où l’on voit la
vérité, l’aumône, la patience, un bon caractère, l’huma-
nité, la pénitence et la compassion, il faut ne pas oublier
que c’est un brahme. La science suprême, c’est Brahma,
serpent, qui est sans douleur et sans plaisir :
12,670—12,471.
U Ceux, qui sont allés à lui, ne connaissent pas les
regrets. Mais que sert à ton excellence de parler davan-
tage?» — «L’autorité, objecta le serpent, la vérité et
Brahma lui-même appartiennent aux quatre castes.
» On voit dans les çoûdras eux-mêmes, Youddhish-
thira, la vérité, l’aumône, l’absence de colère, l’humanité,
l’abstention du mal et la pitié. 12,472 — 12,473.
» Quant à cette science, qui est la non-existence de la
douleur et du plaisir, le pied est dépourvu de ces deux
choses ; il n’est pas autre : c’est ainsi que les objets me
paraissent. » 12,474.
.« Le c^actère, que tu penses voir dans les çoûdras,
n’existe pas, répondit Youddhishthira : un çoûdra ne
peut être un brahme ; ni un brahme ne peut être un
çoûdra. 12,475.
» Là, où tu verras ces choses, souviens-toi, serpent,
que c’est un brahme : là, où elles ne seront pas, cette
absence te dénote un çoûdra. 12,476.
» Tu as dit tout à l’heure : « La science n’existe pas!
VANA-PARVA.
167
Le pied est dépourvu de douleur et de plaisir : en est-il
autrement, il n’existe pas. » J 2,477,
» C’est ainsi que je pense : ce qui est dépourvu de
plaisir et de douleur n’existe pas, comme au juste milieu
du froid et du chaud, il n’existe ni chaleur, ni froidure.
» Ainsi, le pied, insensible au plaisir et à la douleur,
n’existe nulle part. Telle est mon opinion, serpent ; ou
bien elle est ce que pense ta grandeur. » 12,478-12,479.
« Si tu considères, sire, le brahme d’après les obser-
vances de castes, objecta le serpent, la famille alors n’est
rien et les œuvres, seigneur, en tel nombre qu’elles soient,
n’existent plus. » 12,480.
(I La famille est ici dans l’humanité, grand serpent 4 la
profonde sagesse, lui répondit Youddhishthira. Toutes
les castes, que tu mêles, sont la canise que tu voies mal :
c’est là mon sentiment. 12,481.
» ’fous les hommes engendrent toujours des enfants
dans toutes les femmes ; l’amour n’est qu’un mot : la
naissance et la mort sont égales dans les hommes. 12,482.
» Ce Véda et ce Pramâna, c’est nous, qui les honorons
par des sacrifices, disent les brahmes eux-mèmes. Qui-
conque sait que le caractère est le compagnon favori, voit
la vraie nature. 12,483.
» L’homme, en naissant à la vie, ne fut pas disposé
moralement d’après un accroissement antérieur, on dit
alors que la Savitrl est sa mère et son père est dit le pré-
cepteur. 12,484.
» Tant qu’il est l’égal d’un çoûdra, il ne prend pas de
naissance dans le Véda. Manou, fils de l'Être-existant-
par-lui-mëme, a exprimé une telle opinion sur lui dans
un distique mémorial : 12,485.
168
LE MAHA-BHiVRATA.
» Mais si, les castes satisfaites, le devoir n'existe pas,
l’homme fort, Indra des serpents, est vu comme de classe
dégradée, là, où l’on recherche maintenant une conduite
excellente. Je t’ai dit en ce qui précède, ù le plus grand
des serpents, ce qui concerne le brahme. »
12,486— 12,â87.
« J’ai entendu, Youddhishthira, lui répondit le ser-
pent, ton discours sur des choses ou sues ou qui sont à
connaître : comment puis-je après cela dévorer, ton frère
Vrikaudara 1 n 12,488.
« Telle est ton excellence, reprit Youddhishthira,
qu’elle est parvenue à la rive ultérieure des Vëdas et des
Védàngas. Dis-moi par quelle action nous pouvons arriver
à la voie supérieure. » 12,489.
<i En donnant deux vases de sacrifice, en disant des
choses aimables, repartit le serpent, en disant la vérité,
l’homme, qui trouve du plaisir à ne faire du mal à per-
sonne, arrive au Swarga : c’est mon opinion. » 12,490.
« Est-ce par l’aumône, ou par la vérité? répondit
Youddhishthira. Quel poids ressort de là ? 11 faut que la
pesanteur ou la légèreté soient assorties à l'innocence et
à l’amabilité. ■> 12,491.
s L’aumône, la vérité, le sens conforme à la nature,
l’abstention de nuire et l'amabilité, reprit le boa, la pesan-
teur ou la légèreté de ces choses est donnée par la gravité
de l'aifaire elle-même. 12,492.
■> La vérité, Indra des rois, est plus estimée que toute
contemplation tèfhe de l’aumône ; mais quelle que soit l'au-
mône, elle est plus estimée qu’une parole de vérité. 1 2,49S.
» Ainsi, héroïque prince de la terre, l’abstention de
mal est plus grande qu’une parole aimable, et cepen-
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VANA-P.VRVA.
109
dant que rechercbe-t-on ? Une parole aimable I
» Que cela soit ainsi : la considération de l'allai re, sire,
vient immédiatement après. Dis-moi autre chose, qui t'est
agréable : maintenant j'ai dit. » 12,&95.
« Gomment obtient-on la voie du ciel ? dit Youddhish-
thira. Comment un homme, qui a déserté son corps,
peut-il voir assuré le fruit des œuvres ? Parle-moi des
objets des sens. » 12,496.
s Trois chemins sont enseignés pour l’homme par ses
propres œuvres, lui répondit le serpent : l'humain, l’ha-
bitation dans le ciel et l'ètre, sous les formes d’animal,
qui est le troisième. 12,497.
» L’homme sans paresse va de ce monde-ci au Swarga
par des œuvres associées au mérite de ne faire aucun
mal à nul être animé , par l’aumdne et par les autres
vertus. 12,498.
» Aura-t-il à présenter des actions opposées, Indra des
rois, l’homme deviendra un animal ; et la distinction sera
dite ici, mon fils. 12,499.
Il Quiconque sera uni à l’amour et à la colère, qui-
conque aura pour suite la violence et l’avarice, déchu de
sa qualité d’homme, il renaîtra au sein d’un animal.
» Une existence distincte de la bète est disposée pour
l’homme, et c’est ainsi que des vaches, des chevaux et
d’autres animaux parviennent à la vie des Dieux.
12,500—12,501.
Il Telles sont les routes, que suit l’homme engagé dans
les alTaires ; mais le brahme se place de lui-méme par de
grandes observances. 12,502.
K L’homme fort, ipeine est-il né, jouit aussitôt des sens,
et l’âme, à peine reçue dans un corps, perçait aussitôt la
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170
LE MAHA-BHARATA.
saveur du fruit ; la connaissance du caractère des créatures
se prend, mon fils, par le contact avec elles. » 12,505.
« Dis-moi, sans trouble et suivant la vérité, serpent,
reprit Youddhishthira, quel .séjour il fait dans le son, le
toucher, les objets visibles, l’odorat et le goût. 12,505.
» Pourquoi ne prends-tu pas, .serpent d’une grande
intelligence, tous les sens à la fois? Ainsi tout ce qui a été
dit, 6 le plus grand des reptiles, se trouverait d’accord. »
it Cette substance de l’àme, répondit le serpent, qui
est douée de l’organisme d’un corps, qui habite au milieu
des actions, savoure les jouissances, conformément à la
règle. 12,505—12,506.
» L’intelligence, la pensée, la science de cette âme sont
des actes en relation avec la jouissance : écoute-moi,
éminent Bharatide. 12,607.
» Sortie du corps, l’ànie des êtres parcourt mentale-
ment l’un après 1’, autre, mon fils, tous ces sens, parce
' qu’elle se trouvait placée dans l’habitation des sens.
» L’àme de l’homme est disposée de cette manière, et
c’est pour cela, tigre des hommes, qu’on n'arrive pas du
premier coup à la comprendre. 12,508 — 12,509.
» L’âme est placée dans l’intervalle de l’un et de l’autre,
sourcil : elle enfante dans les diverses choses la pensée du
passé et de l’avenir. 12,510.
» C’est le temps futur, qui démontre aux sages la con-
naissance de l’âme : telle est, tigre des rois, la règle pour
la science de l’âme. » 12,511.
Il Dis-moi le caractère supérieur de l’âme et de la pen-
sée, demanda Youddhishthira; ceux, à qui l’àme suprême
est connue, regardent cette chose comme étant capi-
tale. » 12,512.
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VANA-PARVA.
171
« La pensée lut disposée par le miracle de m namance»
répondit le serpent, comme essentiellement attachée à
l’âme ; sache quelle s’appuie sur l’âme ; celle-ci sera tou-
jours le désir de la pensée. 12,513.
» La pensée naît de la cause, mais T âme est déjà née ;
il n’est pas de règle pour les qualités de la pensée, elle
aura les qualités de l’âme. 12,ôlâ.
» Voilà, mon fils, les caractères distinctifs de Tàme et
de la pensée. D’ailleurs, tu es savant en ces matières :
que pense donc ta majesté ? » 12,515.
« Oh 1 le mieux doué des êtres intelligents, reprit
Youddhishthira, ta pensée est heureuse : tu sais tout ce
qui est à savoir ; comment m’interroges-tu ? 12,516.
» Comment as-tu pu être le jouet du délire, toi, qui
savais tout et qui habitais le Swarga ? Un grand doute
me saisit, quand je pense à des choses ainsi merveil-
leuses. » 12,517.
« La prospérité enivre l’homme, répondit le serpent,
fût-il un héros, plein des plus hautes connaisvsances. Tout
homme, qui vit dans les plaisirs, y perd la tête : c’est
mon sentiment. 12,518,
» La folie du pouvoir me remplit de son ivresse, Youd-
dhishthira; je tombai et vins à résipiscence ; c’est un aver-
tissement, que je te donne ici. 12,519.
» Tu as accompli mon affaire, fléau des ennemis : tes
paroles, vertueux monarque, ont détruit la malédiction
bien affligeante, qui pesait sur moi. 12,520.
» Un jour, je parcourais le ciel, monté sur un char
céleste; j’étais plein d’orgueil et je ne pensais à rien autre
chose. 12,521,
» Tous les habitants des trois mondes, Pannagas, Bak-
172
LE MAHA-BHARATA.
shasas, Yakshas, Gandharvas, brabmarhis et DieuXt s’em-
pressaient de me présenter des tributs. 12,522.
M A l’être, sur lequel tombaient mes yeux, mon seul
regard enlevait promptement sa vigueur,- car il y avait
dans ma vue, souverain de la terre, une telle puis-
sance. 12,523.
» Un millier de brahmarshis portaient ma litière ; ce
moyen de transport fut la cause, sire, qui me jeta à bas
du pouvoir. 12,52A.
» Agastya fut dans ce moment frappé par moi du pied :
l’anachorète me dit alors avec colère : « Tombe, et
rampe 1 » 12,525.
» Aussitôt déchu des marques du pouvoir et précipité
de ce char sublime, je tombai et je sentis que j’étais de-
venu un serpent et que ma tête enfin touchait la terre.
a La fin de cette malédiction sera-t-elle bientôt? dis-je
au brahme en silence. Que le révérend, par sa grâce,
daigne pardonner à un insensé I » 12,52(5 — 12,527.
» Alors, plein de compassion, il me dit, tombé à ses
pieds : « Youddhishthira-Dharmaràdja est Thomme, qui
te délivrera de cette malédiction. 12,528.
» Une fois expié cet horiible péché d’orgueil, puissant
roi de la terre, tu obtiendras le fruit de la pureté. »
» L’étonnement me saisit à la vue de la force de sa
pénitence, à la vue de la vertu brahmique et maintenant
du brahmanat, avec lequel je t’ai fait venir en ces lieux.
12,529—12,530.
» La vérité, la répression des sens, la pénitence, l’au-
mône, l’abstention du mal envers tous les êtres et la per-
sistance dans la vertu sont toujours utiles à l’homme : ce
n’eat, sire, ni sa famille, ni sa race. 12,531.
VANA-PARVA.
173
» Voici Bhtmaséna, ton frère à la grande force, sain
et sauf I La félicité descende sur toi, puissant roi ! je vais
retourner au ciçl. » 12,532.
A ces mots, ayant rejeté son enveloppe de boa et revêtu
des formes célestes, le roi Nahousha reprit le chemin du
Tridaça même. 12,633.
Réuni à son frère Bhîmaséna et accorap-^gné de Dhaâu-
mya, le fortuné Youddhishthira-Dharmarâdja s’en revint
à l'hermitage. 12,53A.
Ensuite, il raconta suivant la vérité à tous les brahmes
réunis toute cette histoire. 12,535.
A ce récit, tous les brahmes, et ses trois frères, et
l'illustre Drâaupadt furent, sire, pleins d’une confuse
émotion. 12,636.
Tous ces brahmes saints, animés par le désir du bien
des Pàndouides et blâmant le caractère violent de Bhtma,
lui dirent à l’envi : « N’agis plus à l’avenir de cette ma-
nière ! » 12,537.
Les fils de Pândou, voyant le vigoureux Bhtma sans
crainte, en conçurent de la joie et passèrent le temps,
livrés à la galté. 12,538.
LES ENTRETIENS DE MARKANDÉTA.
Vatçainpâyana dit :
Tandis qu’ils habitaient là, naquit la saison, qui met
fin à l’été, le temps des pluies, apportant le plaisir à tous
les êtres. 12,639.
Des grues couvraient le ciel ; de grands et sombres
nuages enveloppaient l'atmosphère, et versaient alors
continuellement la pluie, soit le jour, soit la nuit. 12,660.
A la fin des chaleurs, les habitations par centaines et
par mille avaient des multitudes de splendeurs, qui rap-
pelaient le soleil éloigné et re.ssemblaient à de purs
éclairs. 12,511.
Arrosée par la pluie, la terre, jonchée de gazons nou-
veaux, pleine de serpents à la dent venimeuse, avait ses
chaleurs éteintes et ravissait tout à la ronde. 12,562.
Rien ne pouvait naître sur la terre ensevelie sous les
les eaux : les rivières couvr.aient également, et les champs
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VANA-PARVA.
176
planes, et les lieux inégaux, et les montagnes. 12,513.
Les fleuves à la grande vitesse, aux ondes agitées, sem-
blaient respirer : les régions voisines du Sindhou et les
bois resplendissaient à la fin des chaleurs. 12,511.
Les bois criaient ; on y entendait diflérents bruits de
volatiles, de quadrupèdes, de sangliers submergés par les
pluies. 12,515.
Les tchàtakas, les paons avec les troupes des kokilas
mâles, et les grenouilles orgueilleuses s’abattaient de tous
les côtés. 12,516.
L’heureuse saison des pluies aux formes très-diverses,
donnant une voix aux échos des nuages, se retirait de-
vant les Pândouides, qui marchaient dans les Maroudhan-
vans. 12,517.
La saison de l’automne aux fleuves d’eau limpide, aux
plateaux des montagnes semés de forêts et plantés de
bois secs, semblait se réjouir, pleine de cygnes et d’ar-
dées. 12,518.
Brillant de 'constellations pures, plein de volatiles et
de quadrupèdes, l’automne s’offrait heureux devant ces
magnanimes fils de Pàndou. 12,519.
Rafraîchies par des nuages et calmant leurs poussières,
les nuits paraissaient aux yeux resplendissantes de clair-
de-lune, de troupes de constellations et de planètes.
Les Pândouides virent les lacs et les rivières offrant un
aspect heureux, portant des ondes fraîches, ornées de
lotus bleus et rouges. 12,550 — 12,551.
Ils ressentaient de la joie à marcher le long de la Sa-
rasvatl aux tii-thas purs, dont les rives étaient garnies
de rotangs et dont les bords ressemblaient à l’atmos-
phère. 12,552.
176 LE MAHA-BHARATA.
Ces héros aux solides arcs avaient du plaisir à voir la
Sarasvatl rouler à pleins rivages des ondes prospères et
déployer ses eaux limpides. 12,653.
Leur nuit brillait très-pure. Tandis qu’ils habitaient lit,
Kârttika développait sa pleine lune, Djanamédjaya , le
quinzième jour de sa carrière. 12,554.
Tous les Pândouides, les plus vertueux des Bharatides,
célébrèrent cet yoga suprême avec des ascètes à la grande
âme, aux actes purs. 12,555.
Au commencement de la quinzaine obscure, accom-
pagnés de Dhaâumya, des cochers et des intendants sur
la cuisine , ils se mirent en route pour le bois Kâ-
myaka. 12,556.
Arrivés là, Youddhishthira à leur tête, les descendants
de Rourou s'acquittent des devoirs, que prescrit l'hospi-
talité, et s'y reposent avec Krishnâ et les troupes des soli-
taires. 12,657.
Un grand nombre de brahmes entourèrent de tous
cêtés les Pândouides, tandis qu'ils habitaient là en toute
sécurité. 12,558.
Un certain brahme, le cher ami d’Arjouna, lui dit :
« Çaâuri, le sage aux longs bras, à l'esprit éclau^, vien-
dra ici. 12,559.
» En effet, la nouvelle de votre arrivée en ces lieux,
continuateurs de Rourou, fut annoncée à Hari, et toujours
Hari fut désirant votre vue et s'occupant de votre bien.
» Mârkandéya aux grandes pénitences, de qui la vie
embrasse un grand nombre d'années et qui la passa dans
la lecture et la pénitence, viendra lui-même bientôt vous
voir. B 12,560 — 12,561.
Tandis que le soUtaire parlait ainsi, Réçava, le meilleur
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VANA-PAR^A.
177
des maîtres de chars, se montra, porté siir son char, attelé
de Çougriva et de Çalvya. 12,562.
Le fils de Dév.iki s’avançait, accompagné de Satya-
bhàinâ, comme Indra est accompagné par la fille de Pou-
loma : il était conduit par le désir de voir les plus ver-
tueux des kourouidcs. 12,563.
Descendu de son char, le sage Krishna, plein de joie,
se prosterna, suivant l’étiquette, devant Youddhishthira
d’abord ; ensuite, devant Bhima, le plus fort des hommes
forts. 12,56â.
Salué par les jumeaux, il honora Dhaâumya, il em-
brassa Goudâkéça et adressa des compliments à Draâu-
padl. 12,565.
Quand il vit son ami, le héros Phàlgouna, qui depuis
long-temps était de retour, le Dàçàrhain, dompteur des
ennemis, l’embrassa mainte et mainte fois. 12,566.
De même Draâupadi, la chère et royale épouse des
Pàndouides, embrassa Satyabhàmâ, la noble épouse bien-
aimée de Krishna. 12,567.
Tous les Pàndouides avec leur épouse, avec leur archi-
brahme, honorent Poundarlka et l'environnent de tous les
côtés. 13,568.
Quand il se fut réuni avec le fils de Prithâ, ce Dhanan-
djaya, la menace des Asouras, le sage Krishna de briller
comme le magnanime souverain des Bhoûtas en personne,
réuni avec Kârttikéya. 12,569.
Le guerrier, qui porte une guirlande pour diadème,
ayant dit au frère aîné de Gada, ce qui était conforme à
la vérité, que tout était couvert dans les forêts, lui de-
manda encore : « Comment se portent Soubhadrâ et
Abbimanyou?» 12,570.
IV
12
LE MAHA-BH.UIATA.
J 78
Le meurtrier de Madhou honora suivant la vérité, et le
fils de l’rithà, et Krishna, et l’archi-hrahme; il loua le
monarque Youddhishlhira, auprès duquel il s’assit.
« On dit, fils de Pàndou, que le premier devoir d’un
prince, qui a obtenu le royaume, c’est de faire pénitence
pour lui : c’est l’obligation propre d'un homme, qui
marche dans la droiture et la vérité : ce monde et l’autre
furent conquis par toi, sire, tjui observas régulièrement
tes vu'ux avant la lecture. Vous avez tous acquis la science
de l’arc complètement ; vous avez obtenu des richesses en
remplissant les devoirs du kshatrya et vous avez célébré
les antiques sacrifices. 12,571 — 12,572 — 12,573.
» Tu ne mets pas ton plaisir en de vils devoire; tu ne
fais rien par amour; l’ambition des biens ne te fait pas
abandonner le devoir ; tu es un roi d’une telle élévation
d’esprit! 12,574.
» L’aumône, la vérité, la pénitence et la foi, sire,
l’intelligence, la patience et la vérité ; telles sont les ver-
tus, auxquelles tu as dû l’acquisition des royaumes, des
richesses, de toutes les jouissances : ce fut toujours là,
fils de PrithA, ta volupté suprême. 12,575.
» Quand une troupe de gens des vils Kourouides vit
KrishnA malgré elle dans l’assemblée, quel homme autre
que toi, fils de Pàndou, eût supporté ce procédé d’une
conduite, que désapprouvait le devoir. 12,570.
» Toi, qui as le désir de toutes les choses heureuses,
tu seras bientôt sans doute le roi, juste protectetir des
créatures, et nous serons, nous! parvenus à comprimer
les Kourouides, si ta promesse obtient sou accomplisse-
ment. » 12,577.
Le tigre des Dàçàrbains dit à Dhaâutuya, à Bhlma, à
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VAN\-P.\RVA.
179
Youddhishthira, aux jumeaux et à Krishnâ : « Quel
bonheur! Kirîti joyeux, l’étude des armes terminée,
s’est heureusement réuni à vos excellences! » 12,578.
Le roi des Daçàrhains, accompagné deses amis, tint ce
langage à Krishnâ, la fille d’Yajnaséna ; « Quel bonheur !
tu l’éprouves au complet, maintenant que te voilà réunie
à Dhanaudjaya. » Krishna lui dit encore : 12,579.
« Tes enfants ont-ils un bon caractère, Krishnâ? l^e
plaisir de la science de l’arc est-il leur principal objet?
Tes fils, Yadjnasénî, marchent-ils dans le bien avec dë
vertueux amis ? 12,580.
» Ton père et tes frères les ont-ils invités, Krishnâ , à
partager avec eux le trône et le royaume? Ces enfants
n’obtiennent-ils pas le plaisir dans les palais et d’Yajna-
séna et de leurs oncles ? 12,581.
» Mettant dans le plaisir du Dhanour-Véda leur objet
principal, ont-ils déjà marché, le front heureusement
tourné au combat? Entrés avec eux dans la ville des
Vrishnides, tes fils, Krishnâ, désirent-ils cette cité. 12,582:
» Telle que tu veux, telle que la noble Kountî veut
imprimer en eux une bonne conduite, de même Soubha-
drâ le fait-elle aussi sans négligence elle-même. 12,583.
» Comme il fut pour Aniroudha, comme il fut pour
Abhimanyou, comme il fut pour Asounîtha, comme il fut
pour Bhînou, tel le vainqueur de Roukmi fut-il, Krishnâi
et le guide, et la voie pour tes fils? 12,58â.
» Digne d’être leur guide, est-ce le jeune prince Abi-
manyou, qui doit les diriger, ces héros sans paresse, dans
la conduite des chevaux et des chars, dans l’étude des
armes, dans la prise des boucliers, des épées et des mas-
sues? 12,585.
180
LE MAHA-BHARATA.
B Ayant terminé leur instruction et leur ayant donné
des armes suivant la règle, le meurtrier de Roukmi est-i!
content de la bravoure de tes fils et du courage d’Abi-
manyou? 12,580.
« Tes fds, A'ajnaséni, s’avancent-ils, après l’examen fait
de la conduite, qu’il faut tenir, et suivent-ils bien la
marche des chevaux, des chars, des éléphants, les uns
des autres. » 12,587.
Krishna dit encore à Dharmarâdja, aux guerriers des
Dàçàrhains, aux Andhakas et aux Koukouras : « Qu’ils
gardent fidèlement ton ordre, sire, et qu’ils tiennent ferme
là où tu le désires. 12,588.
» Que l’armée des Madhous, saisissant pour armes des
socs de charrue, s’avance rapide comme le vent fougueux
de l’arc, et quelle déploie ses efforts pour l’intérêt de ta
cause avec ses éléphants, ses chars, ses chevaux et les
guerriers, qui combattent sur les chars. 12,589.
»Que Souyodhana, le ülsde Dhritaràshtra, le plus grand
des scélérats, s’en aille avec ses parents, avec ses amis,
dans la route, Pàndouide, qu’ont foulée déjà Bhaâuma et
le souverain de Saàubha. 12,590.
» Reste, je le veux bien, Indra des hommes, fidèle à la
convention, que tu fis avec lui dans l’assemblée ; mais
que la ville des éléphants attende, avec les guerriers du
Daçârha, ta majesté, victorieuse de ses ennemis immolés!
» Ton ressentiment apaisé, tes péchés effacés, après que
tu te seras amusé à ton aise là où il te plaira, tu obtien-
dras ce beau royaume, qui a pour sa capitale célèbre la
ville des éléphants. » 12,591 — 12,592.
Quand le magnanime connut exactement l’opinion, que
le plus grand des hommes venait d’énoncer, Dharmarâdja,
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VANA-PARVA.
181
portant ses mains réunies au front, dit à Kéçava, son
éloge à la bouche et les yeux fixés sur lui : 12,593.
« Ta majesté. Dieu chevelu, est sans doute la voie des
Pândouides : les enfants de Prithâ se réfugient sous ton
secours. Tu étais au commencement des temps et tu survis
au temps, qui n'e.st plus. Ta majesté est le créateur et l'ou-
vrage : il n’est là-dessus aucun doute. 12,ô9i.
n Le temps s’est écoulé, et les fils de Pândou, excel-
lence, sont arrivés à la fin des douze années d’une vie in-
connue, entièrement écoulées dans les pays déserts.
» Telle est la pensée d’horauies, qui te sont toujours
dévoués. Les Pândouides, Kéçava, se tiennent dans la
vérité : les fils de Prithâ se mettent sous ta protection
avec leurs gens, lem's parents, leurs épouses et leurs
œuvres de charité. » 12,595 — 12,596.
Tandis que Dharmarâdja tenait ce langage au rejeton
de Vrishni, toul-à-coup se montra le vertueux Màrkandéya
aux grandes pénitences, riche de mortifications et chargé
de nombreux milliers d’années, inaccessible à la vieillesse,
immortel et doué des qualités de la grandeur d’âme et de
la beauté. 12,507—12,598.
11 apparut sous le poids des années tel que serait un
homme de vingt-cinq ans. Tous les brahmes et Krishna
avec les fils de Pândou d’bonorer ce vieux saint, que le far-
deau de plusieurs milliers d’années n’avait pu empêcher de
venir. Après qu’ils l’eurent combléd’homniages et qu’il se
fut iissis, plein de confiance, Kéçava dit, avec f assentiment
des brahmes et des Pândouides, au saint le plus vertueux
des rishis : « Les fils de Pândou et ces brahmes réunis,
Draâupadt, Satyabhâmà et moi, nous désirons entendre
ta sublime parole. Veuille bien nous dire, Màrkandéya,
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182
LE MAHA-BHARATA.
ces histoires pures et antiques, fondées sur les mœurs
honnêtes, éternelles, des rois, des femmes et des rishis. n
Pendant qu’ils étaient assis là, Nàrada, le Dévarshi, {De
la stance 1*2,699 à ta stance 12,603. )
La pureté même, vint, amené par le désir de voir Içs
fils de Pàndou. Tous ces hommes éminents, distingués
par l’intelligence, s’approchèrent de ce magnanime, sui-
vant ce que prescrivait la droite raison, avec de l’eau pour
se laver les pieds et un arghya. Quand le Dévarshi Nàrada
connut (pi’ils étaient disposés à entendre, il consentit avec
joie à donner la parole au pénitent Mârkandéya, et lui,
qui savait l’à-propos, ITmmortel dit en souriant :
1*2,604— 12,606— 12,606. ’
« Brahmarshi, mconte ce que désirent entendre les fils
de Pàndou ! » A ces mots, Mârkandéya, l’homme aux
grandes pénitences, répondit : 12,607.
« Prêtez-moi votre attention ; une longue narration vous
sera contée. « Sur ces paroles, les Pàndouides et les
brahmes d’accorder ce loisir au gi-and solitaire, voyant
que le soleil était encore au milieu du jour.
Le roi des Kourouides, le fils de Pàndou , voyant que
le grand solitaire avait le désir de parler, lui dit pour
l’exciter à produire sa narration : « Ta révérence, qui date
des anciens jours, sait les histoires de tous les ràdjarshis,
des magnanimes rishis, des Daityas et des Dieux. Tu ne
saurais manquer de servir et honorer notre opinion, re-
commandable par de longs désirs.
12,608—1*2,609—12,610—12,611.
» Voici le fils de Dévaki, qui est venu ici, amené par le
désir de me voir. A la vue de l’infortune, où je suis
tombé, et des prospérités de toutes les sortes, que mois^
VANA-PARVA. 18»
sonnent les coupables enfants de Dhritarâshtra, voici
quelle est ma pensée : « L’homme est l'auteur de son
œuvre bonne ou mauvaise. 12,612 — 12,613.
U Comment se fait- il que le souverain auteur de l'action
n’en recueille pas le fruit 7 Combien plus, lorsqu’il s’agit
du bonheur ou de la peine, 6 le plus grand des hommes,
qui disent le Védal 12,61â.
» Doit-il recueillir dans ce monde le fruit de ce qu’il a
fait ? üu est-ce, quand il a pris un autre corps ? L’homme,
dès qu’il a abandonné son corps, est-il recherché pour
ses actions bonnes ou mauvaises? 12,613,
» Est-il enchaîné à son œuvre dans cette vie même ou
après sa mort 7 La rétribution se fait-elle dans ce monde-
ci, ou dans l'autre? 12,616.
» Où restent, descendant de Bhrigou, les actions de
l’homme, quand il est mort? » Mârkaudéya répondit ;
(I Cette question, que tu m’adresses, est dans la vérité,
ô le meilleur des êtres, qui ont reçu la voix en partage.
a Tu sais tout ce qui peut être su, mais tu m’interroges
alin de t’assurer : je vais te répondre, l’esprit attentif
à ce point seul : écoute comment il se fait que l’homme
ne reçoit pas dans ce monde ou dans l’autre le bien ou le
mal. Les corps des premiers hommes furent créés purs et
sans tache. 12,617 — 12,618 — 12,619.
» Le créateur né avant eux ourdit les dilTérents fils des
devoirs. Cæs hommes primitifs étaient purs, ô le plus ver-
tueux des Kourouides : identifiés à Brahman, ils di-
saient la vérité ; ils étaient fermes dans leurs vœux et
leur pensée n’était pas stérile en fruit. Tous, ils mar-
chaient à leur volonté, égaux aux Dieux, sur la voûte du
ciel. 12,620—12,621.
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LE MAH\-BHARATA.
m
n Morts, ils revenaient ensuite d’eiix-mêmes ; tous les
hommes étaient libres de mourir, ils étaient libres de ren-
trer dans la vie. 12,6'22.
» Leur mort était courte, heureuse, sans maladie, sans
violence. Us voyaient une foule de Dieux et de rishis
magnanimes. 12,623.
» Ayant tous les devoirs sous les yeux, les sens domp-
tés, l’envie éteinte, ils avaient mille fils et vivaient plu-
sieurs milliers d'années. 12,624.
» Dans une autre phase dn temps, vécurent des
hommes, marchant sur la surface de la terre, attachés aux
corps, soumis & la colère et à l'amour, asservis aux
illusions de la magie, vaincus par la folie et la cupidité,
qui, coupables par des œuvres criminelles, tombèrent
dans le Niraya des bêtes. 12,625 — 12,626.
I) Séduits par de vains désirs, de vaincs pensées, une
vaine science ; ils s’étendirent de plus eu plus dans les
divers mondes. 12,627.
» Doutant de tout, ils étaient devenus une cause de
douleur, et des actions perverses signalaient ordinaire-
ment tous les côtés de leur vie. 12,628.
■> Auteurs de mauvaises familles, accablés de nom-
breuses maladies, cruels, sans aucune splendeur, ces pé-
cheurs ont une vie courte et voient pousser le fruit de
leurs mauvaises actions. 1 2,620.
a .Malade de tous les vains amours, athée, la pensée
folle, la route de l’homme mort, fils de Kountt, est celle,
que ses œuvres lui ont faites. 12,630,
B Où garde-t-on le trésor des actions de l’ignorant et
de l’insensé? Où se tient l’homme, qui goûte le fruit de
son œuvre, ou bonne, ou mauvaise, si elle est différente ?
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VANA-PARVA.
18S
» Me diras-tu. Voici ton miroir et ta discipline : écoute !
Cet homme, grâce au Dieu, qui fut le premier corps créé,
amasse un grand nombre d'actions bonnes ou mauvaises;
quand, au terme de la vie, il a quitté ce corps, semblable
à une chose détruite, il renaît aussitôt dans une matrice ;
il n’y a pas une existence intermédiaire, et l'action, qu'il
a faite, le soit alors comme son ombre.
12,631—12,682—12,683-12,684.
» Il porte son fruit et il naît, digne du plaisir ou de la
peine. L'homme, soumis au pouvoir de la mort, est vu,
sans qu'il reçoive rien, avec les yeux de la science, por-
ter de bons ou de mauvais caractères. Telle est, Youd-
dhislithira, la vo'm, qu'on appelle maintenant la voie des
hommes dépourvus d'intelligence. 12,635 — 12,636.
» Écoute après cela quelle est la voie supérieure des
savants. Les enfants de Manou qui ont cultivé la péni-
tence, voués à tous les Çàstras, 12,637.
U Aux vœux constants, aux paroles do vérité, mettent
leur plaisir dans l'obéissance à leur gourou, et doués d'un
bon caractère, appartenants à des familles pures, ils sont
patients, domptés, ils possèdent une vive lumière,
I) Ils sont tombés dans une noble matrice, et
portent communément des caractères purs, sages, grâce
à leurs sens vaincus, exempts de maladies, grâce à leur
pureté. 12,638—12639.
i> La crainte d'un petit dommage ne leur a pasenseigné
la violence. Les rishis magnanimes, de qui la pensée est
on Çâ.stra visible, sentent par les yeux de la science que
leur moi est eux -mêmes et non un autre, sitôt qu'ils sont
tombés dans une matrice, soit qu’ils s’y tiennent, soit
qu'ils naissent. 12,640 — 12,641.
LE MABA-BHARATA.
isa
» Après qu'ils ont obtenu cette terre, ils retournent,
grâce à leurs œuvres, dans le séjour des Dieux. Les
hommes, sire, obtiennent tantôt par le destin, tantôt par
la force, tantôt par leurs actions. Mettons dans cette opi-
nion un autre système d'investigation. Écoute maintenant
ceci, qui peut éclairer la question par ses points de ressem-
blance, ô le meilleur des êtres, qui sont doués delà parole.
» Cest, dans le monde des hommes, le souverain bien,
à mon avis, 'Vouddhishthira. Dans ce nior.de et non dans
l'autre, le bonheur est pour un seul ; dans l'autre monde
et non dans celui-ci, il est pour un seul ; dans ce monde et
dans l'autre, il est pour un seul ; il n'est pour un seul, ni
dans ce monde, ni dans l'autre. l2,6è2-12,6A3-)2,6Ai.
<> Ce monde n'est pas toujours à ceux, qui jouissent de
grandes richesses, qui se complaisent à parer leur per-
sonne d’ornements et qui mettent le bonheur dans les
plaisirs des sens. 12,ôi5.
» L'autre monde, et non celui-ci, appartient, meurtrier
des ennemis, à ces hommes, qui, absorbés dans la con-
templation, attachés à la pénitence, adonnés aux lectures,
dompteurs des sens, et travaillant à tuer la vie, font vieil-
lir lecorps. 12,646.
» Ce monde et l'autre vie appartiennent à celui, qui
pratique le premier devoir, et qui, ayant acquis des ri-
chesses dans le temps et obtenu des épouses, célèbre des
sacrifices. 12,647.
» Ce monde et non pas l'autre vie est à ces insensés,
qui ne s'elTorcent ni pour la science, ni pour la pénitence,
ni pour l'aumône, ni même pour donner l'être à un fils et
qui ne recherchent que les jouissances des sens. 12,648.
» Vous, seigneurs, qui êtes supérieurs en énergie et en
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VANA-PAUVA.
<87
courage, qui avez la force des Dieux, qui êtes revêtus de
tels corps, qui êtes venus du monde céleste sur la terre,
qui avez une science due à de bonnes lectures, et qui
êteschargés de soutenir l’affaire des Dieux, 12,6A9.
» Quand vous aurez accompli en héros de grands ex-
ploits, quand vous aurez, adonnés aux vertus de la répres-
sion des sens et de la pénitence, rassassié par une règle
supérieure les rishis, les Dieux et toutes les troupes des
Mânes, 12,650.
U Alors, devenus purs, vous obtiendrez ensuite pu* vos
œuvres les demeures élevées du Swarga pour votre habi-
tation ; et tu verras ta douleur actuelle, Indra des Kou-
rouides, se tourner en plaisir : n’en doute pas. » 12,661.
Les fils de Pândou dirent au magnanime Mârkandéya :
« Nous avons envie d'entendre la grandeur d’âme des
principaux brahmes : veuille nous la raconter. » 12,662.
A ces mots, le révérend aux grandes pénitences, Mâr-
kandéya à l’éblouissante splendeur, habile dans tous les
Çâstras, prit la parole en ces termes : 12,653.
« Le roi, chef de la race des Hathayains, était, vain-
queur des cités ennemies, un jeune prince fort, doué de
beauté, qui passait le temps à la chasse. 12,66A.
» Tandis qu’il errait dans les bois, entouié de plantes
grimpantes et d’herbes, il vit près de lui un anachorète,
qui portait une peau d’antilope noire pour vêtement supé-
rieur, 12,655.
U 11 fiappa dans cette forêt le solitaire, qu’il prit pour
une gazelle. A peine eut-il fait cette action qu’il en fut
pénétré de douleur, et que son âme fut saisie de cha-
grin. 12,666.
» Ce jeune roi de la terre aux yeux de lotus bleu se
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188
LE UAHA-BHARATA.
reodit aupi'ès des princes Ualbayoins aux âmes célèbres.
i> Il leur fit part de l’histoire, comme elle était arrivée,
et leur dit, mon fils, qu’il avait tué un anachorète, man-
geant des fruits et des racines. 12,657 — 12,658.
» A ce récit, à cette vue, leur âme fut consternée, et
tous, recherchant çâ et là, ils se disaient : « De qui était
fils ce solitaire ? 12,659.
» Us s’empressent d’aller à l’hermitage de Târkshya,
fils d’Arishthanémou, et, quand ils se furent prosternés
devant le magnanime anachorète aux vœux comprimés;
tous, ils se tinrent debout auprès de lui. Il reçut leur
hommage, et ceux-ci de lui dire : n Nous ne méritons
pas tas bons traitements, anachorète ; nous avons tué un
brahme par la faute de notre action I •> — « Comment,
répondit le brahmarshi, avez-vous tué ce brahme 7
12,660—12,661—12,662.
<1 Et où ? Parlez ! et voyez tous quelle est la force de
ma pénitence ! » Les princes aloi-s de lui raconter tout
entièrement suivant les circonstances. 12,663.
» Mais réunis, ils eurent beau chercher, pleins de con-
fusion et l’esprit égaré comme dans un songe, ils ne
virent point là cet anachorète, qui avait exhalé sa vie.
» Le mouui Târksbya leur dit alors : « Vainqueur des
cités ennemies, vive ce brahme, qui fut tué par vous !
12,664—12,665.
» Cest mon fils, doué, princes, de la force de la péni-
tence ! » (’Æux-ci , à la vue du saint, rappelé à ta rie,
tombèrent dans le plus profond étonnement. 12,666.
« Voilà une grande meneille 1 se disaient-ils : cet
homme était mort, roi de la terre, et le voici ressuscité 1
Comment fut-il rappelé à la vie? 12,667.
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VANA-PARVA.
18»
» Quelle est cette énergie de pénitence, grâce à laquelle
il est revenu vivant? Nous désirons l’entendre, si c’est une
chose, brahme, qui puisse être entendue par ttons ! »
» Le solitaire leur dit ; « La mort ne nous est pas supé-
rieure ; je vous en dirai la cause, princes, et sommaire-
ment les conséquences de la cause. 12,668 — 12,669.
» Nous connaissons la vérité, nous ne plaçons jamais
notre âme dans le mensonge, nous remplissons les devoirs,
qui nous sont propres, et la mort par conséquent ne peut
nous faire aucunement peur. 12,670.
» Nous disons toujours ce qu'il y a d'habile en ces
brahmes et ne révélons jamais leur mauvaise conduite :
la mort par conséquent ne peut nous faire aucunement
peur. 12,671.
» Après que nous avons nourri jusqu’à satiété les hôtes
et leurs serviteurs d'eau.t et d’aliments, nous mangeons
leur reste : la mort par conséquent ne peut nous faire au-
cunement peur. 12,672.
t> Nous sommes ]>lacides, domptés, voués à la patience,
livrés à l’aumône et à la purification dans les tlrthas : la
mort, en conséquence de notre habitation en ces lieui purs,
ne peut nous faire aucunement peur. 12,673.
a Oui! la mort ne peut nous inspirer aucune peur, à
nous, qui habitons ces lieux splendides. Que ceci, qui est
dans la mesure du peu, soit dit à vous, qui ne connais-
sez pas l’ambition. 12,67A.
P Retournez -vous-en tous de compagnie! Et n’ayez
aucune crainte de ce péché! » — «Qu’il-en soit ainsi, »
répondirent tous les rois, qui, après avoir honoré le grand
anachorète, s’en revinrent joyeux chacun à son habita-
tion. 12,675—12,676.
100
LE MAHA-BUARATA.
U Écoutez encore, dit Màrkaudéya, la magnanimité des
brahmes. 11 y eut ici un saint roi, nommé Vaiuya, consa-
cré pour un açva-inédha. 12,877.
U Atri, nous dit la renommée, entreprit d'aller le
trouver pour en obtenir des richesses. II ne leur donnait
pas sou approbation plus qu'à la manifestation du devoir.
» L'anachorète aux grandes pénitences, ayant pensé à
son dessein, désira s'en aller au bois de Vainya; il lit
appeler son épouse légitime et ses fils ; puis il leur dit :
12,678—12,870.
« Je veux obtenir sans violence un fruit nombreux,
dépassant les bornes. Approuvez que je m’en aille
promptement à ce bois, supérieur en vertus. » 12,880.
Il Son épouse, qui elle-même observait le devoir, lui
répondit : u Quand tu seras venu auprès du magnanime
Vainya demande-lui une grande richesse. 12,681.
U Ce roi saint, allant au-devant de tes sollicitations, te
donnera des trésors. Quand tu auras reçu, brahmarshi,
et accepté une richesse considérable, 12,682.
» Quand tu auras donné la joie à tes serviteurs et tes
fils, va alors où te conduiront tes désirs. C'est là certaine-
ment le premier devoir, ont dit les hommes instruits sur
les devoirs. » 12,683.
» Atri lui répondit ; u Vainya est attaché aux choses du
devoir, femme éminente ; il ne quitte point le vœu de la
vérité, m'a assuré le magnanime Gaâutama ; mais là ha-
bitent des brahmes, mes ennemis.- Par conséquent, je ne
me résous pas de faire, comme m’a dit Gaâutama.
a Ces hommes répéteraient, autrement quelle ne fut dite
par moi, ma parole heureuse, associée àl’intérêt, à l’amour
et au devoir, et la présenteraient comme un non-sens.
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VANA-PAKVA.
101
« J’irai le trouver, dame émineote, si ma parole te
plaît. Valnya me donnera des vaches et un amas considé-
rable de richesses. » 12,684 — 12,685 — 12,686—12,687.
» Sur ces mots, l'homme aux grandes pénitences se
hâta d’aller au sacrifice de Valnya. Arrivé dans la cha-
pelle de ses sacrifices, Atri de louer le souverain, 12,688.
» De lui rendre hommage avec des paroles de bon au-
gure et de lui dire : « iloi, tu es riche, tu es le maître, tu
es le premier roi sur la terre. 12,689.
» Les troupes des rishis te louent : nul autre n’est plus
habile que toi dans la science des devoirs. » Le rishi aux
grandes pénitences lui adres.sa irrité celte parole :
« Ne parle pas une seconde fois de cette manière, Atri,
lui dit Gaâutama. Ta science n’est pas attentive : seul ici,
Mahéndra le Pradjàpati nous adjuge la première place. »
12,690—12,601,
» Atri lui-mème, Indra des rois, répondit à Gaâutama :
U Le fameux Brahma est-il donc comme ludra le Pradjâ-
pati? 12,692.
» Tu perds la raison, le délire fait obstacle à ta science. »
— a Je sais, dit Gaâutama, que je ne suis pas en délire ;
c’est toi, qui perds la raison. 12,693.
» Tu loues le roi dans l’assemblée des hommes pour
obtenir de le voir ; tu ignores le premier devoir, et tu ne
sais pas en comprendre l'origine. 1 2,694.
» Tu es un enfant, un vieillard insensé par quelque rai-
son que ce soit! » Tandis qu’ils se disputaient ainsi, pla-
cés sous les regards des anachorètes, 12,695.
U Ceux qui étaient dans le sacrifice du roi, se deman-
daient : O Que veulent ces deux AomJnex? Par qui leur fut
accordée cette entrée dans l’assemblée de Valnya? 12,696.
102
LE MAHA-BHAR\T\.
» Pour quelle affaire sont-ils ici, parlantsàhautevoixTu
Alors Kanada, le fils de Kaçjapa, Ame de la plus haute
vertu, instruit dans tous les devoirs, 12,697.
» Annonça qu’il était survenu deux hommes, occupés à
se disputer; et Gaâutama dit aux assistants, les plus ver-
tueux des anachorètes : 12,698.
« Écoutez, 0 les plus saints des hommes, la réponse à
la demande, que vous avez faite sur nous deux. Atri vient
de dire ici : « Valnya est Brahma ! » ce qui a fait naître
en nous un grand doute. » 12,600.
» A ces mots, les magnanimes solitaires s'empressent
de courir, afin de briser leur doute, vers Sanatkoumâra,
versé dans tous les devoirs. 12,700.
» Quand il eut ouï ce langage d'eux, l’homme aux
grandes pénitences de leur répondre en ces termes, vrais
et conformes aux choses du devoir : 12,701.
O Le brahme doit rester uni avec le kshatrya et le. ksha-
trya avec le brahme : réunis, ils brûlent les ennemis,
comme le feu joint au vent. 12,702.
» l!n roi est la vertu célèbre, il est le maître des créa-
tures, il est Çakra, il est Çoukra, il est Brahma, il est
Vrihaspati. 12,703.
n Un roi est un kshatrya : c’est le maître de la terre,
c’est un suzerain, c’est un virâdj, c’est un pradjàpati ;
voilà en quels termes il est loué. A qui ne convient-il pas
del’honorer? 12,70â.
» Un roi est .salué de ces noms : « (i’est la matrice de
l’avenir, c’est le vainqueur dans les combats: c'est un
être joyeux, sans crainte, le guide au Swarga; c’est Ba-
bhrous le victorieux. 12,705.
> Cest la matrice de la vérité; il a la connaissance du
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VANA-PARVA.
193
passé, ii est l'institnteur de toutes les vertus; les rishis
effrayés par le vice ont déposé leur force sur le kshatrya.
» Le soleil au milieu des Dieux chasse l'obscurité dans
le ciel par sa lumière, de même un roi dissipe fortement
les vices sur la terre. 12,70ii — 12,707.
» Enfin la suprématie d'un roi est démontrée par l'au-
torité des Çâstras; il fut roi (1) par l'accomplissement
d'une vue supérieure; j'ai dit. o 12,703.
» Ensuite le magnanime roi au milieu de la brillante
assemblée de ses amis tint joyeux ce langage à Atri, qui
précédentmenl l'avait exalté : 12,709.
« Parce que tu m’as dit tout à l'heure ici, Bramarshi,
que j'étais le meilleur et le plus vertueux des hommes,
que j'étais sembhahle à tous les Dieux, 12,710.
» A cause de cela je te donnerai une richesse considé-
rable et variée, un millier de servantes, bien parées, au
teint d'azur, aux vêlements fins. 12,711.
i> Je te donnerai cent millions d'or et dix charges du
même riche métal. Tu sais tout, Bramarshi : tel est mon
sentiment. » 12,712.
B Lor3f)ue Atri honoré, l'homme brillant aux grandes
pénitences, eût reçu tous ces dons, il reprit le chemin de
sa demeure. 12,713.
» 11 donna joyeux celte richesse à ses fils, et, se vouant
d'une âme dévote â la pénitence, il entra dans la forêt.
» Écoute maintenant, héros, vainqueur des cités enne-
mies, un chant, que Sarasvatl récita au prudent anachorète
Târkshya, qui l'interrogeait. 12,71â — 12,715.
(1) Il y a trop de blanc ici dans le tette; une syllabe d'uu mot est tombée
sans doute; Je pense qu*U faut lire rarâdja.
IV
13
19A
LE MAHA-BHARATA.
a Le salut de l’homme est-il ici, noble dame? lui de-
manda Tàrkshya. Quelle action dois-je faire afin de ne
pas tomber de mon devoir? Dis-moi quelle est cette ac-
tion, femme aux membres distingués tous par la beauté :
instruit par toi, je n’abandotinerai pas le devoir. 13,710.
» Comment dois-je sa rilieraufeu? ou dans quel temps
dois-je lui rendre l’hommage? Qui empêchera le devoir
de périr? Dis-moi tout cela, éminente dame, afin que je
parco lire les mondes sans contracter de souillures. »
» A ces paroles, que le brahme lui adressait avec affec-
tion, Sarasvati de répondre en ces tenues utiles et joints
au devoir à cet obéissant Târkshya, mû par une pensée
subliiue et digne qu’on y jetât les yeux : 12,717-12,718.
ti L’homme, à qui l'Être suprême est connu, adonné
continuellement à la lecture, comme un lieu, qu'il aime ,A
parcourir, pur, sans négligence, atteint à la rive ultérieure
du monde des Dieux et y jouit avec les Immortels du
bonheur de savourer la volupté. 12,719.
» Là, sont des lacs, très-purs, vastes, délicieux, sans
chagrin, où les fleurs abondent, avec de beaux tirthas
sans vase, remplis de poissons, que dérobent à la vue
des lotus faits d’or. 12,720.
» Sur leurs rives habitent dans une profonde joie les
hommes vertueux, excités chacun de son côté par des
Apsaras, ornées de parures embaumées et bien pures aux
couleurs d'or. 12,721.
» Quiconque donne une vache, obtient le monde supé-
rieur; celui, qui donne un bœuf, passe au monde du so-
leil; celui, qui donne des habits, va dans le monde de la
lune; quiconque donne de l’or, obtient l’immortalité.
» Qui donne une vache à traire, bien luisante, bonne
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VANA-PARVA,
195
lutiëre, accompagoée de son veau heureux , protectrice
du Sàma-Véda, obtient de pas<ier dans le monde des Dieux
autant d’années qu'il y a de poils sur l’animal.
12,7-22— 12,723.
O Quiconque fait présent d’un bœuf de labour, jeune,
vigoureux, soumis au joug, d’une force immense, obtient
les mondes de l’homme, qui a donné dix vaches lai-
tières. 12,724.
» Celui, qui donne une vache Kapilà, avec des habits,
accompagnée d’un vase à traire fait en cuivre et de riches
vêtements, e.xtérieurs, sa vache, devenue une Kàmadouh
par telles ou telles qualités, récompense l’homme géné-
reux. 12,725.
» Pour le don de cette vache existe un fruit, égal au
nombre de ses poils; et le donateur fait traverser l’enfer
à ses dis, à ses petits-lils et à toute sa race jusqu’à la
septième génération. 12,726.
» Les mondes des richesses deviennent faciles à acqué-
rir pour celui, qui donne en présent honorifique à son
brahme une vache laitière aux belles cornes durées, bril-
lante d’huile de sésame, accompagnée d’un vase à traire
fait en cuivre et de riches vêtements. 12,727.
» Un présent de vaches fait traverser, comme un navire
poussé par le vent au rivage ultérieur de la grande mer,
le Naraka otiscur, douloureux, fermé par les Dàoavas, à
l’homme, que ses œuvres y ont entraîné. 12,728.
» Quiconque donne une vierge en mariage au brahme,
ou lait au brahme le présent de la terre, ou pratique l’an-
mène suivant la règle, obtient les mondes de Pourandara.
Il L’homme dompté et de bon caractère, qui, piendant
sept années, consacre une offrande au feu, purifie lui-
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196
LE MAHA-BHARATA.
même par ses œuvres, Târkahya, sept de ses descendants
et sept de ses ancêtres, de qui la vie a précédé la
sienne. » 12,729 — 12,7S0.
U Quel était, lui demanda Târkshya, cet antique vœu
de l’agniholra. Dis -le moi, femme aux belles formes;
qu’instruit à tes leçons, je connaisse maintenant ici cet
ancien vœu de l’agnihotra. » 12,731.
» Sarasvati répondit :
Cl Que le sacrifice soit offert par un pandit, qui n’est
pas impur, qui a la main sûre et qui n’ignore pas les Vé-
das; car les Dieux, qui aiment la pureté et la vie, rejettent
l’offrande d'un homme, qui manque de foi ! 12,732.
n Qu’un brahme ignorant ne célébré pas le sacrifice
dans l’offrande aux Dieux ; un tel homme a jadis versé en
vain le beune clarifié dans le feu; un brahme ignorant est
sans précédent, fut-il dit : un homme tel, Târkshya,
n’offrira point l’aguihotra. 12,733.
» Mais les hommes, qui sacrifient, maigres, pleins de
foi, mangeant les restes de l’oblation et voués au vœu de
la vérité, obtiennent le monde des vaches et voient le ciel
vrai, suprême, aux senteurs pures. » 12,73â.
< Ma pensée flotte dans cette alternative, dit Târkshya,
ou tu es une âme, née dans le ciel, ou tu es une intelli-
gence, qui a profondément pénétré dans la création des
choses, ou tu es une science divine : en conséquence, je
te demande, éminente dame aux belles formes, qui es-tu? u
n Je suis venue, répondit Sarasvati, dissiper le doute
des principaux brahmes sur l’aguihotra; placée dans la
nature, je fai dit exactement cette chose vraie d’après
l’intime union, que j'ai arec elle. » 12,735 — 12,730.
(I 11 n’ existe personne, reprit Târkshya, semblable à
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VANA-PAHVA.
lOT
toi ; tu briHes outre-mesure comme une Çrl ; tu portes une
beauté céleste, infiniment aimable, et une science divine! »
n Je suis auguicntée, ô le meilleur des hommes, par
les choses excellentes, qu’on apporte dans les sacrifices ;
et de-là, brahmc, je reçois une grande beauté.
12,787—12,738.
» La perfection de toi-même en beauté et science di-
vines vient des choses, bois, fer ou terre, qui s’y trouvent
employées : sache-le, sage! » 12,739.
>1 Tàrkshya dit alors :
« Les solitaires célèbres, estimant que cette beauté est
la plus grande, s’y consument d’efforts. Dis-moi la déli-
vrance suprême, la plus élevée, affranchie de chagrins,
dans laquelle entrent les hommes, distingués par l’intelli-
gence. 12,740.
» Les yogas sont en grand nombre ; je ne sais pas quel
est le premier, celui, qu’on appelle l’antique et le su-
prèuie. » — « Les anachorètes savants en Védas, répon-
dit Sarasvati, sans chagrins, affranchis des passions, riches
en pénitences, attachés à la lecture, arrivent par des yo-
gas de vœux purs à cette délivrance célèbre, antique, su-
prême, la première des premières. .Vu milieu d’elle parait
un vaste bambou à l’odeur pure, aux mille branches.
12,741—12,742.
O De ses racines jaillissent des rivières extrêmement
limpides, qui roulent une eau de miel. 12,743.
» De grands fleuves sur un lit de sable coulent d'une
branche à l’autre. La vase est du miel ; les branches sont
toujours de chair avec des gâteaux de rix frit. 12,744.
i> C’est là que les Dieux avec Indra et la troupe des
Vents, Agni à leur tête, ont célébré les plus excellents sa-
198
LE MAH\-BHA.RATA.
criiices. Cette racine est à mes yeux la première. » 1 2,716.
Le Pindouide alors dit au brahme Màrkaiidèya : « Ra-
conte-moi riiisloire de Manou, le lils de Vivasvat.' » 12,74rt.
Màrkandéya lui répondit :
K Le lils de Vivasvat, sire, fut un maharshi d'une grande
dignité; il possédait, tigre des hommes, une .splendeur
égale à celle du Pradjâpaii. 12,717.
» Manou surpassait et sou père et .son aïeul en force, en
courage, en beauté et surtout en pénitence. 12,718.
» Ce roi des hommes pratiqua une immense, une atroce
pénitence sur la grande Vadart, se tenant sur un seul pied,
les bras levés en l’air. 12,711».
i> 11 cultiva dix mille (1) années une douloureuse péni-
tence, la tête en bas et sans cligner les yeux. 12,760.
I) Un jour, au milieu de sa pénitence, un poisson dit
au poiteur de djatâ, qui était venu avec son valkala
mouillé sur les bords de la uier : 12,751.
« Révérend, je suis un petit poisson ; les plus forts
m’inspirent de la crainte : veuille donc me protéger,
homme aux vœux constants. 12,752.
I) Les poissons vigoureux font toujours leur principale
nourriture du poisson faible : telle est la règle éternelle,
qui fut établie pour nous. 12, *753.
U Veuille donc me sauver au milieu de cette multitude
de dangers, où tu me vois nécessairement plongé. Je te
paierai la recounaissance du service rendu. » 12,755.
» A ce langage du poisson, le lils de Vivasvat, Manou,
ému de compassion, prit dans sa main le petit habitant
des eaux. 12,755.
(1) Lea premicreâ lettres sont enlevées; mais l’u, qui est roalé, marque
snfQiammeQt qu*on a dû mettre ayoutan, dix mille.
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VANA-PARVA.
199
» Manon, le fils de Vivasvat, transporta le poisson
dans une belle eau et le jeta dans une jarre de terre aussi
brillante que les rayons de la lune. 12,756.
» Le poisson, infiniment bien traité comme un fils,
s’accrut là : son père adoptif lui montrait surtout le cœur
d’un Manou. 12,757.
» Après un long temps, il devint très-grand, de ma-
nière que cette jarre n’était plus suffisante pour le con-
tenir. 12,758.
» Quand il revit Manou, il dit : « Allons, révérend !
donne-moi actuellement une autre place. » 12,759.
» Le bienheureux Manou retire le poisson de cette jafre
trop étroite^ et le transporte dans un grand lac. 12,700.
» Il le jeta là, vainqueur des cités ennemies, et le pois-
son s’y accrut encore pendant un grand nombre d’an-
nées. 12,761.
n Ce lac s-’étendait sur deux yodjanas plus un de lon-
gueur, et le poisson aux yeux de lotus bleu ne put même
s’y trouver à l'aise. 12,762.
» Il lui était impossible, monarque des hommes, dè
faire dans ce lac un seul mouvement ; quand le poisson
revit Manou, il tint donc ce langage à l’anachorète :
« Transporte-moi, vertueux homme, dans les eaux de
l’épouse chérie de la mer; là, j'habiterai la Gangà ; ou
fais, mon père, ce que tu penses. 12,763 — 12,765.
O Car il me faut rester sans reproche dans l’instruction,
^ue j'fli reçue. J’ai obtenu ici, grâce à toi, anachorète
sans péché, un accroissement prodigieux.' » 12,765.
» .\ ces mots, le vénérable sage de transporter le pois-*
son, et l’immortel Manou le jeta lui-mème dans le fleuve
du Gange. 12,706. • >
200
LE M/IHA-BHARATA.
» Le poisson s'accrut encore là un certain temps, domp-
teur des ennemis, et, quand il revit Manou, il lui adressa
ces paroles : 12,7ft7.
« Ha grandeur, auguste maître, m'empêche de faire
un mouvement dans cette Gangâ même : porte-moi, sans
balancer, dans la mer ; sois, révérend, favorable à mes
paroles. » 12,708.
» Manou donc retira de ses mains le poisson des eaux
du Gange, le porta dans la mer, et l'y abandonna, fils de
Pritbà, en toute liberté. 12,769.
» Ce poisson d'une grandeur extrême, que Manou de-
vait porter au gré de ses désirs, fut alors voituré par lui
avec une douceur infinie dans l’odorat et le toucher.
» Après que Manou l'eut jeté dans la nier, il tint à
l’anachorète ce langage en .souriant : 12,770 — 12,771.
« Révérend, c'est à toi surtout que je dois tout mon
salut ; le temps des événements est arrivé ; écoule-moi
donc! 12,772.
» Un déluge universel viendra bientêt, éminent saint,
couvrir entièrement cette terre des êtres immobiles et
mobiles. 12,773.
» Le voici arrivé maintenant ce temps de l'épouvantable
cataclysme des mondes : je t’avertis eu conséquence, car
il est pour toi du plus grand intérêt 12,774.
» De sauver les êtres animés et inanimés, ce qui se
meut et ne se meut pas. La voici arrivée, l'époque infini-
ment terrible de toutes ces catastrophes! 12,775.
» Il te faut cobstruire un navire solide et muni de bons
câbles. Embarque-toi là avec les sept grands rishis, émi-
nent anachoiète. 12,770.
Il Fais charger dans ce vaisseau, bien conservées sui-
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VANA-PARVA.
201
vant les catégories, toutes les semences, comme les
brabmes les ont jadis indiquées. 12,777.
I) Tiens-toi sur ton navire et attends-moi, ami du peuple
anachorète ; je viendrai, pénitent : une corne, que je por-
terai alors, me fera connaître à toi. 12,778.
« C'est ainsi que tu dois faire: je te dis adieu, et je
m'en vais. Sans moi, ces grandes eaux te seraient impos-
sibles à traverser. 12,779.
» Maître, tu ne dois pas mettre en doute cette parole
de moi. » — « C’est ainsi que je ferai ! >> fut-il répondu
par lui au poisson. 12,780.
» Et, s’étant donné mutuellement congé, ils s’en al-
lèrent. Ensuite, le solitaire, ayant pris avec lui toutes les
semences, comme lui avait dit le poisson, se laissa flutter
dans son heureux navire, héroïque dompteur des ennemis,
sur la mer aux grandes vagues. 12,781 — 12,782.
» Manou de penser au pois.son, maître de la terre, et,
connaissant sa pensée, le poisson de se présenter aussitôt,
armé d'une corne. A la vue de l'animal cornu, haut comme
une montagne, sous les traits, qu'il avait annoncés lui-
même, et nageant dans l'océan des eaux, Manou passa
dans cette corne, sur la tète du poisson, un lien fait d’une
corde; et, ainsi enchaîné, tigre des enfants de Manou,
l’aquatique animal tira le vaisseau avec une grande rapi-
dité au milieu de l’onde salée, et lit traverser aux rishis
la mer en navire.
1 2,783—12,784—1 2,785—12,786—12,787.
» Agité par les grands vents dans le vaste réceptacle
des eaux, le vaisseau dansait en quelque sorte sur les
vagues et menaçait, pour ainsi dire, sous les coups des
eaux. 12,788.
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202
LE MAH V-BHAR ATA.
» II vacill»it, tremblant comme nne femme ivre ; et
rien, vainqueur des cités ennemies, n'apparaissait plus
aux regards, ni la terre, ni les plages du ciel, ni les
plages interméfliaires. 12,78$).
» L’aimosplière, le ciel, tout n’était qn'eau, éminent
Bharatide. Tandis que le monde émit ainsi, plein de ce
déluge, on ne voyait que les sept risliis, Manou et le pois-
son. Celui-ci sans paresse, sire, tira le navire de nom-
breuses séries d’années dans celte accumulation des eaux.
Ensuite il amena, fils de Kourou, l'euibarcation vers nne
cime de l’Hiraavat, qui se dressait au-dessus des eaux, et
là il dit avec lenteur aux rishis en souriant :
12,700— 12,791— 12,7$)2— 12,798.
O Attachez pour un peu de temps le navire à cette
pointe de rHimavat! » A l’audition de sa parole, les rishis
s’empressèrent d'amarrer leur vaisseau à ce piton de l’Hi-
maliya ; et c’est de là que cette haute pointe de l’Hima-
vat fut nommée l’Attache-du-vaisseau.
12,704—12,798.
» Sache, fils éminent de Bharata et de Kountt, que je
t’ai maintenant raconté cette histoire. Quand il était avec
les saints, le pois.son leur dit encore : 12,790.
A Je suis Brahma le Créateur, au-dessus duquel il
n'existe rien. Je vous ai sauvé de ce danger sous la forme
d’un poisson. 12,797.
» Manou doit créer de nouveau tous les êtres, les Dieux,
les Asouras et les hommes, ce monde entier, ce qui se
meut et ne se meut pas. 12,798.
Il Cne terrible pénitence fera paraître son énergie, et,
par ma faveur, le délire n’ entrera point dans cette créa-
tion des êtres. • 12,790.
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• VANA-PARVA.
20Î
.» A peine eut-il articulé cea paroles, le poisson entra
aussitôt Hans l'invisibilité. Le fils de Vivasvat, Manou lui-
même, désireux de créer les êtres, sentit le trouble dans
son âme, et se prépara à cette création par une grande
pénitence. Associé avec elle, Manou se mit donc en per-
sonne à créer véritablement tous les êtres. C'est ainsi que
me fut raconté cet antique Pourâna, nommé le Poisson.
12,800—12,801—12,802.
» Je t’ai narré cette légende, qui elTace tous les péchés.
L’homme, qui saurait écouter sans cesse cette histoire de
Manou depuis le commencement, heureux et tous ses dé-
sirs comblés, irait dans le monde entier. »
12,803— 12,80â.
Dharmarddja-Youddhishthira, doué de modestie, inter-
rogea de nouveau l'illustre M<àrkandéya : 12,805.
0 Tu as vu , grand anachorète , plusieurs milliers
d’yougas conduits à leur fin : il n’existe donc ici même
aucun être vénérable par l’âge, qui suit égal à toi,
» Si ce n’est le magnanime Brahma, assis au plus haut
des deux. Il néxiste pas d'homme égal à toi par l’âge,
anachorète, le plus versé dans les Védas. 12,806-12,807.
a Dans ce monde, qui n’est pas le ciel, et qui est privé
de la présence des Dànavaset des Dieux, toi seul, brahme,
tu restes auprès de Brahma dans la scène du déluge,
U Quand le déluge a cessé et que le père suprême des
créatures s’est réveillé, toi seul ici, brahmarshi, tu vois
en vérité le Paraméshihi créer les êtres des quatre classes,
nne fuis les plages intermédiaires devenues le séjour des
vents et les eaux diluviennes rejetées çà et là.
1 2,808-^12,800—12,810.
» Tu te rends favorable par une méditation assidue.
20i
LE MAHA-BHARATA.
A le plue vertueux dee brahmes, le gourou du inonde en
personne, le père suprême de tous les êtres. 4 2,81 1 .
» Nombre de fois, bralime, tu as montré ce que tu étais,
et entré dans une terrible pénitence, tu y as vaincu des
sages. 12,812.
» On le célèbre à jamais comme semblable au corps de
NârAyana. Une fois l'adorable ouvrier de Vishnou fit avec
toi le vol céleste d'une boucle-d'oreilles à Brahma aux
formes ravissantes: et se montra jadis, grâce à toi, égal
aux deux plus habiles à travailler les ornements de pier-
reries. 12,813—12,814.
e Par conséquent, la dissolution des êtres, la mort et
la vieillesse, qui détruit les corps, n’entrent jamais en toi,
par la grâce du Paraméshthi. 12,816.
» Quand rien ne survit, ni le soleU, ni le feu, ni le
vent, ni la lune, ni l'atmosphère, ni même la terre;
» Lorsque ce monde n'est plus qu’une mer, que les
êtres immobiles et mobiles ne sont plus, que la troupe des
Asouras et les Dieux ont trouvé leur fin et que les grands
Ouragas ont péri, 12,810 — 12,817.
» Toi seul, lu restes à côté de Brahma, le souverain de
tous les êtres, l’âme sans mesure, dormant son sommeil
dans son palais de lotus bleus et rouges. 12,818.
» Tout ce qui a vécu avant fut sous tes yeux, ô le plus
grand des brahmes ; je désire donc écouter cette histoire,
qui a pour substance la cause de tout. 12,819.
» Tu as souvent joui de ce tpeciarle. Il n'est rien que
tu ne connaisses, ô le plus grand des brahmes, dans tous
les siècles et dans tous les mondes. » 12,820.
Mârkandéya lui répondit :
« Eh bien I je vais te faire ce récit, après que j'aurai
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VANA-PARVA.
205
d’abord offert mon hommage à l'Être-existant-par-lui-
raême, l'homme anti(|ue, immortel, éternel, 12,82i.
» Indistinct, très-subtil, la qualité et qui est en même
temps l'absence de la qualité. Ce Djanârdana à la robe
jaune, tigre des hommes, est le créateur et le destructeur;
auguste, il fait les êtres, il en est l'àme. On l'appelle la
grande, l'inconcevable merveille, le pur,
12,822—12,82?.
U L’Être, celui, qui n'a pas eu de commencement et
qui n'aura pas de Hn, l'univers immortel, iuipérissable.
Ce créateur n'a pas été créé ; il est même la source de
l’énergie. 12,82A.
■> Les Véclas eux-mêmes ne savent pas ce que cet
homme sait : toutes les merveilles d'ici-bas sont finies en
lui, 6 le plus vertueux des rois. 12,825.
» Depuis le commencement Jusqu'è la destruction du
monde entier, il s'est écoulé, tigre des hommes, quatre
mille ans : c'est ce qpie l’on nomme l'âge Krita. 12,826.
» La Sandhyà lait autant de centaines et le Sandhyànça
est de la même quantité. Trois mille années forment ce
qu'on appelle ici l’âge Trétâ. 12,827.
» La Sandhyà est en pareil nombre de centaines ; en-
suite, vient le Sandhyànça. Deux milliers d'années sont
la mesure de l'àge Dwàpara. 1 2,828.
« La Sandhyà contient deux cents années et le San-
dbyànça est de même quantité. Un millier d'années est
destiné à l'âge nommé Kali. 12,829.
B La Sandlii après ce temps est de cent années et le
Sandhyànça vient ensuite. Sache que la Sandhi et le San-
dbyànça ont une égale mesure. 1 2,830.
» L’àge Kali terminé, le siècle Krita reprend sou
206
LÉ MAHA BHARATA.
cours : ces douce mille ans portent le nom d'Youga.
» Cette limite de mille ans est appelée uii jour de
Brahma : l'univers roule çà et là dans le palais de ce
Dieu. 12,831— 12, 8Î2.
» Les sages n’ignorent pas, tigre des hommes, que la
destruction des mondes ariive, éminent Bharatide, à la
fin d’un yoiiga, où peu de chose reste surrivant. 12,833.
U Au terme des mille années, tous les hommes disent
communément la vérité ; dans ce temps est observé , fils
de Prithà, le précepte des sacrifices, le précepte de l’au-
mône, le précepte des vœux. Quand cet youga est passé,
les brahmes se mêlent des occupations du çoûdra ; ils
gagnent des richesses comme coudras ; ils ont cessé les
sacrifices et les lectures, et vivent même, exempts de
tromperies, avec les fonctions du kshatrya.
12,8.34—12,835—12,836.
» Dans l’àge Kali, on verra les brahmes manger de
tout : les brahmes ne murmurent plus la prière, et les
çoûdras, mon fils, sont adonnés à sa récitation. 12,837.
» Alors, dans le monde pervers, on voit apparaître,
souverain des enfants de Manou, ce symptôme de la dé-
cadence ; de nombreux rois barbares dominent sur la
terre. 12,838.
» Ils châtient à tort ; les hommes vicieux se livrent à
des paroles menteuses ; on a pour maîtres, sire, des An-
dhras, des Qakas, des Soulindas, des Yavanas, des Kâm-
bodjes, des héros Vàhlikas et des Abhlras. Il n'est alors
pas un brahme, qui accomplisse son devoir.
12,889—12,840.
» Les kshatryas et les valçyas ont cessé leurs fonc-
tions ; ils sont d’une vie courte, monarque des hommes ;
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VANA-PARVA.
207
leur force u’est que faiblesse, leur courage et leur énergie
sont très-minces. l'2,Sél.
» Us ont peu de vigueur, ils sont petits de corps, ils
disent peu la vérité ; les campagnes sont de vastes déserts,
les régions infestées de serpents et de carnivoras. 12,8A2.
» Arrivés à la fin de cet yoiiga, on voit des çoùdras,
qui récitent induenient les Védas, adressent aux Dieux
f interjertion Bho 1 et récitent ce qui est la merveille du
brahme. 12,8A3.
» A la fin de cet youga, souverain des hommes, les
animaux sont nombreux : toutes les odeurs ne sont point
assorties à l’odorat, et les goûts ne sont pas njariés à des
sensations agréables. Les créatures en grand nombre ont
de petits corps, tigre des enfants de Manou ; elles man-
quent de mœurs honnêtes et d’un bon caractère.
« A la lin de cet youga, les femmes, sire, cultiveront
la beauté de leur visage, les hommes seront exces-sivement
durs et les brahmes manierout le trident de Çiva.
n A la fin de cet youga, les femmes seront des courti-
sanes achevées. Les vaches, monarque des hommes, don-
neront peu de lait. •I2,8è4 — 12,845 — 12,840 —12,847.
>> Les arbres auront peu de Heurs et peu de fruits : ils
seront chargés de sinirtres corneilles. Les brahmes rece-
vront les présents des rois souillés, souverain de la terre,
par le meurtre d’un brahme et dont les ordres ne seront
point obéis. Ils seront aveuglés par la folie de l’ambition
et environnés de frivoles hypocrites. 12,848 — 12,840.
1) Tous les lieux seront fouillés par des brahmes voleurs
sous prétexte de mendier l’aumône, et les chefs de mai-
sons, roi de la terre, eflrayés par la crainte des lourds
impôts, oseront commettre des vols. 12,860.
•208
LK MAHA-BHARATA.
» Les brahmes, cachés sous les formes mensongères
de l’hermile, s’occuperont de commerce et porteront en
vain les ongles et les cheveux de l'ana< horhe. 12,851.
» Les novices, entraînés par l’amour des biens, buvant
des liqueurs et souillant la couche de leur maître, porte-
ront des inœurs légères au milieu des hermitages. 12,852.
» Ils désireront leur accroissement dans ce monde par
le sang et la chair. A la fin de cet youga, tigre des enfants
de Manou, les hermitages, vantant la nourriture acceptée
chez autrui, regorgeront d’une foule d'hérétiques: et
l’adorable Pâkaràsana ne versera pas les pluies dans leur
saison. 12,853 — 12,85â.
)) Aucune semence ne pousse convenable et l’homme
ne peut obtenir la pureté, Bharatide, parce qu’il se com-
plaît à faire du mal. 12,855.
» Alors on veiTa surabonder à l’excès les fruits du vice.
Si l’homme est doué de vertus, maître vertueux de la
terre, il faut penser que sa vie est courte, car la vertu
n’existe là nulle part. Les gens pour l’ordinaire achètent
les denrées chez des marchands trompeurs.
12,856—12,857.
» Les hommes de commerce sont ingénieux en fraudes :
on évite les plus vertueux des hommes, on aime à ac-
croître les plus criminels. 12,85$.
U On laisse la vertu dans sa faiblesse ; mais le vicieux
sera puissant. Les plus .vertueux des enfants de Manou
vivent peu de temps et sont pauvres. 12,859.
» A la (in de cet youga, ceux, qui abandonnent le de-
voir, jouissent d’une longue vie et de la richesse : à la fin
de cet youga, ceux, qui désertent le devoir, agissent dans
les promenades des villes avec des moyens criminels ; et
vana-parva.
200
ceux, qui possèdent peu de iortune, ont la fierté des riches.
12,800—12,861.
» En jouet aux mœurs des scélérats, le,s hommes, sire,
pleins de présomption, désirent s'enlever l'un à l'autre la
richesse confiée à la foi publique (1). 12,802.
« Cela n'est pas ! » disent-ils, car les hommes vivent
sans pudeur. Des oiseaux, des quadrupèdes, des carni-
vores, mangeurs de chair humaine, dorment couchés dans
les promenades des villes, au pied même des tchattyas; et
les femmes, sire, portent sept ou huit ans un enfant dans
leur sein. 12,863 — 12,86A.
U Un enfant naît à des hommes de douze ans : on a des
cheveux gris dès la seizième année. 12,865.
» La perte de la vie arrive bientôt pour, ces enfants de
Manou. Les jeunes gens, de qui la vie est ainsi coupée,
grand roi, ont le caractère des vieillards. 12,866.
» Ce qui est le caractère des jeunes gens se trouve, à
plus forte raison, dans les vieillards : perverties dans
cette société, les femmes sont honorées, quand elles ont
trompé leurs époux. 12,867.
Égarés par de mauvais caractères, ils s’accouplent avec
des serviteurs et même avec des bêtes : les femmes, qui
ont des héros pour époux, roi des hommes, commettent
des unions adultères, 12,863.
s Et se livrent aux embrassements des autres, tandis
que leur époux vit encore. Pendant cette fin des mille
années et pendant que s’opère cette diminution de la vie,
règne une grande sécheresse, qui dure beaucoup d’an-
I) Le telle j orle simpiemeut : /a rtrArttv
IV
là
210
LE MAHA-BHARATA.
nées. De là, il résulte que la faim ravit la furce aux êtres
animés. 12,869 — 12,870.
B C’est là ce qui contribue surtout, maître du globe, à
verser la destruction sur la terre. Toute l’eau est bue
alors dans les rivières et dans les plaines marines par les
sept rayons enflammés du jour ; ce qui est bois ou ce qui
est herbe a son principe humide desséché. 12,871-12,872.
» On voit donc tomes ces choses, éminent Bharatide,
réduites en monceaux de cendres. Ensuite le feu s'élève,
accompagné du vent : il pénètre au sein de la terre, qui
s’ offrait naguère embellie par les Adityas : perçant le globe,
il entre dans les demeures infernales, et, consumant le
mondé des Nàgas et tout ce qui est ici-bas, il inspire une
vaste crainte aux Yakshas, aux Dànavas et aux Dieux.
12,87îi— 12,874—12,875.
» 11 détruit en un instant l’univers par sa base, maître
de la terre, vent orageux et le feu allumé dévorent des
centaines et des milliers de vingt yodjanas ; l’incendie
allumé consume le monde entier, avec les Raksh.isas, les
Ouragas et les Yakshas, avec les Gandharvas, les Asouras
et les Dieux. Alors, semblables à des troupeaux d’élé-
phants et parés de guirlandes d’éclairs,
12,876—12,877—12,878.
B De grands nuages à l’aspect merveilleux s’élèvent au
seiii de l’air, les uns sont azurés, comme des lotus bleus,
les autres ressemblent à des nélumbos rouges. 12,879.
B Voici des nuées pareilles à la fleur du mésua, en
voilà, qui sont jaunes : celles-ci sont comme le turmeric,
celles-là comme les œufs de la corneille ; 12,880.
B Voilà des nuages semblables aux pétales du kamala,
en voici, qui ressemblent au vermillon ; les uns offrent les
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VANA-PARVA.
211
formes de la plus grande ville, on dirait que les autres
sont des troupeaux d’éléphants. 12,881.
a Celle-ci est l’image du iwir collyre, celle-là d’un
monstre marin. Ces nuées s’élèvent, revêtues avec des
guirlandes d’éclair. 12,882.
a Sous des formes épouvantables, elles font tout réson-
ner à leur terrible fracas. Toutes ces nuées, puissant roi,
de remplir la voûte du ciel. 12,883.
a Toute cette terre avec ses apparences de forêts et de
montagnes en est encombrée ; elle est submergée par la
masse de leurs eaux. 12,884.
» Stimulées du Paraméshthi, ces nuées horribles, ton-
nantes, ont bientôt inondé la terre de tous les côtés.
a Versant l’onde à torrents, elles remplissent le globe ;
elles éteignent le feu terrible, sinistre, tout chargé d’épou-
vantes. 12,885 — 12,886.
B Envoyées par le magnanime Dieu, ces nuages rem-
plissent douze années la terre de leurs eaux dans cette
grande infortune. 12,887.
a L’océan, le ciel, fils de Bharata, ont franchi leurs
rivages ; les montagnes fendent les eaux, la terre est ca-
chée sous les ondes. 12,888.
a Les nuages, qui errent de tous les côtés rapidement
et qui enveloppent la voûte du ciel, disparaissent enfin
eux-mêmes, frappés par la fougue du vent. 12,889.
» Ensuite l’Être-existant-par-lui-même, le Dieu pre-
mier, qui a pour demeure un lotus, qui porte un vête-
ment rouge, éteint dans le sommeil (1) ce veut épouvan-
table. 12,890.
(I) SwapHi, écrit le texte ; mais pA^iyrom mài'utam exige le verbe à U
212
LE MAHA-BHARATA.
» Dans ce monde, qui n'est plus qu'une mer, où toutes
les créatures immobiles et mobiles ont péri, qui est privé
de ses Yakshas et de ses Rakshasas, où la troupe des
Asouras et les Dieux ne vivent plus; dans ce monde sans
homme, sans bête ravissante, sans aucun arbre, sans
atmosphère, j'erre çà et là, seul survivant (1).
12,891—12,892.
B Et, tandis que je parcourais cette eau effrayante, qui
n'est partout qu’une mer, où je ne voyais pas un seul
être, je tombai, û le plus grand des princes, dans le
trouble de l’esprit. 12,893.
» Après que je fus allé sans paresse, bien long-temps,
souverain des hommes, nageant au milieu de ces eaux,
j’éprouvai de la fatigue et ne trouvai nulle part un asile.
B lin jour, monarque de la terre, je vis dans ce profond
amas d'eau un figuier indien immense et d’une grandeur
extrême. 12,894 — 12,895.
a Sous les branches étendues de cet arbre et sur un
palanquin recouvert d’un tapis céleste, 12,896.
» Je vis assis un enfant, puissant roi, avec de grands
yeux de lotus éptinoui et un visage, qui ressemblait à la
lune ou à la fleur de nélumbo. 12,897.
B Alors je fus saisi d’un profond étonnement, souverain
de la terre : « Comment ce jeune enfant, me dis-je, peut-
il être ici couché dans ce monde, qui a subi la destruc-
tion ? a 12,898.
forme causale. Le limple a donc seite signification inconnue aux Diction-
oairet, ou c'est ici une licence.
(1) Le texte porte avec une voyelle longue d/uUa; il le trompe ; le sens
exige^ avec on a bref ou privatif, ahaia.
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VANA-PARVA.
213
» Mais, tandis que je pensais ainsi, je n'observais pas
cet enfant selon l'esprit de mes lectures , quoique je susse
bien, monarque des hommes, ce qui a été, ce qui est et ce
qui sera. 12,809.
» Il était semblable en couleur à la fleur de lin, il portait
un çrlvatsa pour ornement ; il me parut alors comme une
habitation de Laltshm! en personne. 12,000.
» Cet enfant aux yeux pareils à la fleur du lotus, paré
d'un çrlvatsa et qui flamboyait de lumière, me tint ce lan-
gage, qui me fit plaisir à entendre : 12,901.
Il Je sais que tu es fatigué et que tu désires le repos,
Hârkandéya. Reste ici, autant que tu le voudras, fils de
Bhrigou. 12,902.
U Entre dans mon corps, ô le plus vertueux des soli-
taires, et restes-y. Oh ! j'ai disposé cette habitation pour
toi, et je t'accorde ma faveur. » 12,903.
» A peine cet enfant m'eut-il ainsi parlé, fils de Bharata,
que je sentis en moi un grand dédain pour une vie longue
et humaine. 12,00A.
» A l'instant cet enfant ouvrit sa bouche, et, malgré
moi, par l'eflet du destin, j'entrai dans son corps par la
voie, que m'offrait sa bouche elle-même. 12,905.
» Aussitôt que je fus entré dans son ventre, j’y vis la
terre entière, pleine de villes et de royaumes, 12,906.
» La Gangâ, le Çatadrou, la Stlà, l'Yamounâ, la Kaâu-
çikl, la Tcharmanvati, la Vétravatt, la Tchadrabhâgâ, la
Sarasvatl, 12,907.
>1 Le Sindhoo, la rivière Vipâçâ, la Godàvart, le lac aux
lotus, Vasvaukasàrà, Bharatide, et la Narmadâ, 12,90$.
* La rivière Tàmrâ, la Vénâ aux limpides eaux, qui rou-
21A
LE MAHA-BHARATA.
lent le bonheur, la Souvénâ, la Krishnavénâ, et le grand
fleuve Irâmâ, 12,909.
» La Vitastâ, puissant roi, la grande rivière Kovérî, le
Çona, tigre des hommes, la Viçalyâ, le Kimpourousha :
» Ces rivières et d’autres, qui circulent sur la terre, je
les ai vues dans le ventre du magnanime. 12,910 — 12,911.
» Je vis encore l’Océan, habité par des monstres aqua-
tiques, ce trésor de pierreries, meurtrier des ennemis, cet
immense réceptacle des eaux. 12,912.
» J’y vis aussi le ciel, resplendissant par les rayons
du soleil et de la lune, flamboyant d’étoiles, oflrant une
splendeur égale au soleil ou au feu. 12,913.
» J’y vis pareillement la terre, sire, embellie de ses
forêts : des brahmes célébraient de nombreux sacrifices.
» Des kshatryas agissaient, monarque des hommes,
attachés à toutes les observances religieuses ; les vaîçyas
s’y occupaient du labourage suivant la droite raison.
12,914—12,915.
» I.ÆS çoûdras, se complaisant dans l’obéissance aux
brahmes, allaient et venaient, sire, dans le ventre du
magnanime. 12,916.
» Je vis là, et l’Himalâya, et le mont Hémakoûta ; je vis
même le Nishadha et le Swéta, avec ses mines d’argent.
D J’y vis encore le mont Gandhamàdana, le Mandara,
tigre des enfants de Manou, et le Mla, cette haute mon-
tagne. 12,917 — 12,918.
» J’y vis le Mérou, montagne d’or, le Mahéndra et le
Vindhya, la montagne élevée. 12,919.
» Je vis là, et le Malaya, et le mont Pâripâtra. Ces
grands soutiens de la terre et d’auües, en aussi grand
VANA-PARVA.
215
nombre qu'ils existent, je les vis dans son ventre, tous,
ornés de pierreries. Je vis, aussi, monarque des enfants de
Manou, et des lions, et des tigres, et des sangliers.
12,920—12,921.
Il Tandis que, me promenant, je contemplais tous ces
grands êtres, qui circulent sur la terre , souverain du
monde, 19,922.
» Et qu'entré dans son ventre j'allais à tous les points
de l'espace , je vis Çakra et les autres dieux , et tous les
chœurs célestes, 12,923.
» Les Sàdhyas, les Roudras, les Adityas, les Gouhyakas,
les Mânes, les Serpents, les Nâgas, les Souparnas, les
Vasous et les deux Açwins, 12,925.
a Les Gandharvas et les Apsaras, les Yakshas et les
rishis, les troupes des Daltyas et les Dânavas, mouarque
de la terre, et les Kâléyas, 12,925.
a Les fils de Sinhikà et d'autres, qui sont les ennemis
des Dieux : toutes les choses enfin , que j’avais vues dans
le monde, ou mobiles, ou immobiles, je les vis toutes, sire,
dans le ventre du magnanime enfant alors que, faisant
des fruits ma nourriture, auguste roi, je parcourais ce
monde entier. 12,926 — 12,927.
U Je passai cent années et plus dans son corps, et je ne
trouvai nulle part la lin de ce corps. 12,928.
» Toujours courant, toujours occupé de cette pensée,
je n'arrivai pas à trouver où Unissait le corps de ce magna-
nime. 12,929.
» Alors je me réfugiai suivant les rites, sire, en œuvres
et en pensées sous la protection de ce Dieu le plus grand,
le donateur des grâces. 12,930.
» Et je sortis â l'instant, ô le plus grand des hommes,
21«
LE MAHA-BHARATA.
avec la rapidité du vent, de la bouche ouverte de ce ma-
gnanime. 12,031.
U Lui, qui avait ab.sorbé le monde entier, il se tenait
encore, tigre des enfants de Manou, sous la branche du
figuier indien. 12,932.
U Je revis là assis, éblouissant d'une splendeur sans
mesure et sous le déguisement d’un enfant, cet être, qui
portait le caractère du çrlvatsa. 12,933.
» Ensuite cet enfant, paré d’un çrlvatsa, revêtu d’une
robe jaune, lumineux et d’une grande splendeur, me dit,
joyeux, en souriant : 12,93à.
^ Toi, qui es resté dans mon corps, ê le plus vertueux
des solitaires, te voilà maintenant reposé : c'est tout ce
que j’ai à te dire, Màrkandéya. » 12,935.
n Au même instant, une vue nouvelle se manifesta en
moi ; je vis que j’étais délivré et que la connaissance
m’était revenue. 12,93tt.
» Je pris ses deux pieds adorés, bien formés, bien
égaux, aux plantes rouges, brillants par les doigts doux
et colorés; je les mis sur ma tête avec effort; et, m’étant
approché avec dévotion, je fis modestement l'andjali à cet
être d’une force outre mesure, de qui j’avais vu la puis-
sance infinie. Ce Dieu aux yeux de lotus, ne venais-je pas
de le voir comme l’àme des créatures?
12,937—12,938—12,989.
U Je lui fis l’adoration et, les mains réunies au front, je
lui dis ces mots : n Dieu, je désire te connaître, toi et
cette sublime illusion de ta grandeur. 12,940.
> Entré dans ton corps par ta bouche, j’ai vu, adorable,
toutes les choses entièrement rassemblées dans ton ventre.
» Ce monde des choses immobiles et mobiles, les Nà-
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VANA-PARVA.
217
gas, les Gandharvas et les Yakshas« les Raksbasas, les
Dânavas et les Dieux, tous, puissant Dieu, ils étaient con-
tenus dans ton ventre. 12,9/11 — 12,9/12.
» Grâce à toi, la mémoire ne m'a point abandonné, j’ai
couru sans cesse dans ton corps, pendant que j’y habitais,
et j’en suis sorti, malgré moi, par un effet de ta volonté,
Dieu très-auguste. Je désire te connaître. Divinité aux
yeux de lotus, toi, qui es irréprochable. 12,9A3-12,94/1.
» Pourquoi ta grandeur, ayant absorbé ce monde, se
tient-elle sous les traits d’un enfant visible? Veuille bien
me raconter cela entièrement. 12,9â5.
» Poiurquoi tout ce monde est-il renfermé dans ton
corps. Dieu sans péché? Et combien de temps veux-tu
qu'il y reste, dompteur des ennemis? 12,9/16.
» Je désire avec une envie de brahme entendre ces
choses entièrement, souverain des Dieux, aux yeux de
lotus, avec étendue, suivant la vérité. 12,9/17.
■ » Cette demande, que je t’adresse, auguste maître, elle
est grande; elle est au-dessus de la conception. » A ce
langage de moi, le fortuné Dieu des Dieux à la vaste
splendeur, le plus éloquent des êtres, doués de la parole,
me répondit ces mots, en me caressant : 12,9/18-12,9/19.
« J’en conviens, brahme : les Dieux mêmes ne me con-
naissent pas dans la vérité; mais, par amitié pour toi, je
vais te dire comment je procède à la création. 12,950.
» Tu es fidèle au culte des Mânes, Brahmarshi, et tu
t’es mis sous ma protection ; c’est pour cela que je me
suis montré visiblement à toi. C’est une grande leçon des
Védas, qui t’est donnée ici. 12,951.
» L’eau intellectuelle fut, dit-on, avant les eaux maté-
rieltes : cette œuvre d’intelligence fut opérée par moi ;
218
LE MAHA-BHAfiATA.
c’est pour cela que je m’appelle Nàrâyaua ; ce fut toujours
ma route. 12,952.
» Je suis ncmmé Nârâyana : ma naissance est éternelle,
et n’aura jamais de fin ; je suis le créateur et le destructeur
de tous les êtres, ù le plus grand des brahmes. 12,953.
n Je suis Vishnou, Brahma et Çaltra, le souverain des
Dieux ; je suis le roi Kouvéra et le monarque des morts,
Yama. 12,95 A.
• Je suis Çiva, et Soma, et le Pradjàpati, fils de Ka-
cyapa; je suis Dhâtri et Vidhâiri; je suis le sacrifice, 6 le
plus grand des brahmes. 12,955.
a Feu est ma bouche, la terre est mes pieds, la lune
et le soleil sont mes yeux ; le ciel est ma tête, l'atmosphère
des points de l’espace est mes deux oreilles ; ma sueur est
la source des eaux. 12,950.
» Le ciel et ses plages sont mon corps, le vent est placé
dans ma respiration. C’est par moi que des brahmes nom-
breux, magnifiquement récompensés de présents honori-
fiques, célèbrent des centaines de sacrifices. 12,957.
» Rangé dans le culte des Dieux, les docteurs en Védas
m’offrent des oblations. Partout, sur la terre, les Indras
des kshatryas, les princes, qui désirent le Swarga, et les
valçyas, qui veulent conquérir le monde, m’honorent de
sacrifices. Sous la forme de Çésha, c’est moi , qui sou-
tiens cette terre, qui a pour limites les quatre mers et
pour ornements le grand Handara et le mont Mérou. Ja-
dis, revêtant le corps d’un sanglier, je retirai par ma vi-
gpieur, brahme, ce monde, qui était submergé sous les
eaux. Sous la forme du feu sous-marin, ô le plus vertueux
des brahmes, je suis Agni.
12,958—12,969—12,960—12,901.
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VANA-PARVA.
2iO
» Je bois les eaux accrues et je les revomts. Le brahme
est ma bouche, le kshatrya est mes bras, les valçyas sont
mes cuisses, 1 2,962.
» Les çoùdras sont mes pieds. Je les énonce suivant
l’énergie et suivant l’ordre. Le Rig-Véda, le Sàma-Véda,
l’YadJour-Véda et l’Atharva même sont émanés de moi et
rentrent dans moi. Les Yatis aux Ames bien gouveniées,
désireux de connaître, plongés dans le calme des sent,
affranchis de haine, de colère et d'amour, exempts de dé-
sirs, libres des souillures du péché, pleins d’énergie, sans
orgueil, ne perdant jamais la science de l'Ame suprême,
et les biahmes méditatifs me servent sans cesse. Je suis
le feu, qui s'allume (1) ; je suis le vent, qui s’élève (2).
12,963—12,964—12,966—12,966.
Il Je suis le soleil, qui se lève (3) ; je suis Agni, qui
s’embrâse (4). Ces clartés, ô le plus vertueux des brahmes,
que l'on voit briller sur la voûte du ciel sous la forme
d'étoiles, sache que ce sont les pores de ma peau. Toutes
ces mers aux mines de pierreries, sache encore que c’est
mon habitation répandue sur les quatre plages, ma couche
et mon palais. Je les ai parfaitement distribuées pour le
succès de la chose, que les Dieux ont à faire.
12,967—12,968—12,969.
» L'amour, la colère, la joie, la crainte et la folie même,
sache, très-vertueux anachorète, que toutes ces affec-
tions, ce sont mes poils. 12,970. ,
(1— 3— ^4) Samwtriakatf qui manque à tous les Lexique» et tons lee
Dictionuaires, et dont il faut par conséquent dema’ider l’explication aux
racines saMj préposition conjonctive, jointe à un dérivé du verbe van, esH
ou /trrj.
220
LE MAHA-BHARATA.
» Les hommes obtiennent le fruit de la bonne action,
qu'ils ont faite. Ma loi a disposé au milieu des êtres ani-
més la vérité, l'aumône, l'austère pénitence, l'absence de
mal envers toutes les créatures. Ceux, qui jouissent du
bonheur dans mon corps, n'agissent pas volontairement,
car leur intelligence est dominée par moi. 12,071-12,972.
» Ils lisent convenablement le Véda et célèbrent diffé-
rents sacrifices. Les brahmes obtiennent une récompente,
s'ils ont vaincu la colère et sont d'une âme pacifiée.
X II est impossible de l'obtenir, docte anachorète, aux
hommes, souillés par de mauvaises œuvres, sous l'empire
de la cupidité, vils, misérables et privés d’àme.
12,973—12,974.
U Sache donc qu'un riche fruit est réservé aux hommes
méditatifs et qu'il est bien difficile aux insensés d'atteindre
à la route, foulée par ceux, qui vivent absorbés dans la
contemplation. 12,975.
a A chaque fois, Bharatide, qu'il y a un affaiblissement
dans la vertu et que le vice s'élève, alors je me crée moi-
même et je deecends sur ta terre. 12,976.
a Les Daltyas, attachés à nuire, ne doivent pas être
mis à mort par les plus vertueux des Dieux : il en est ainsi
des Rakshasas, quand ils se rendent formidables dans ce
monde. 12,977.
a Alors, je nais dans les maisons des hommes aux bonnes
œuvres, et, entré dans un corps humain, je plonge tout
dans la mort. 12,978.
» Quand j'ai créé les êtres immobiles, les hommes, les
Rakshasas, les Ouragas, les Gandharvas et les Dieux, je
me retire en moi-mëme par une illusion de ma nature.
» Lorsque le temps de l'action est revenu, je me crée
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VANA-PARVA.
221
un corps inimaginable, et j'entre en des membres humains
pour lier et imposer des limites. 12,979 — 12,980.
» Ma couleur est blanche dans l’âge Krita; jaune dans
l'âge Trétâ; elle est rouge, quand l’âge üwâpara est ar-
rivé, et noire dans l’âge Kali. 12,981.
n Trois destinées attendent le vice en ce temps-là. Une
fois qu’on' touche aux jours de la mort, le temps devient
chargé d’épouvantes. 12,982.
» Seul alors je détruis entièrement les trois mondes
avec les êtres immobiles et mobiles, moi, âqui trois routes
sont ouvertes, moi, qui suis l’âme de tout, et qui apporte
le plaisir à tout l’univers. 12,983.
» Puissant d’une force infinie, allant partout, sans fin,
doué d’un grand pas, moi seul Hri.shikéçâ, j’apporte une
confuse révolution du temps, qui détruit tous les êtres et
qui enlève tous les mondes. Ainsi fut convenablement
disposée , 0 le plus vertueux des anachorètes, cette âme
de moi. 12,98A — 12,985.
» Qui que ce soit parmi toutes les créatures ne me con-
naît, Indra des brahmes ; les fidèles m’honorent de toutes
les manières dans tout le monde. 12,930.
» Toute chose quelconque, que tu as acquise en moi,
elle a, brabme, la nature de la douleur ; mais tout ce que
tu as vu dans le monde d’êtres immobiles et mobiles , est
pour ton salut, hermite sans péché, et pour le lever de
ton bonheur. Cette âme de moi fut disposée de toutes ma-
nières pour donner la vie à tous les êtres. 12,987 — 12,988.
» La moitié de mon corps est l’ayeul suprême de tous
les mondes ; mais l’autre moitié est appelée Nârâyana et
porte la massue, le tchakra et la conque. 12,989.
8 Ame de l’univers, frappant de stupeur tous les êtres.
•222
LE MAHA-BHARATA.
je dors, brahmarshi, aussi long-temps que dure la révolu*
tion de mille yougas. 12,990.
» Ainsi, û le plus vertueux des solitaires, tu restes ici
tout le temps que j’y suis moi-même sous la forme d’un
enfant, moi, qui ne suis pas un enfant, et tandis que
Brahma ne se réveille pas. 1*2,991.
» Il faut que je t’accorde une grâce sous la* forme de
Brahma, moi, que tu as satisfait plus d’une fois , chef des
brahmes, honoré par une foule de hrahmarshis. 12,992.
» Quand tu vis l’univers n’être plus qu’une mer et
perdu avec tous ses êtres immobiles et mobiles, je sentis
que cette vue te troublait : alors je fis paraître le monde à
tes yeux. 12,993.
» Lorsque tu es entré au milieu de mon corps et que tu
vis le monde entier, tu ne le reconnus pas dans ton éton-
nement. 1*2,994.
U Ensuite , je te fis sortir de ma bouche rapidement. Je
me suis raconté à toi, brahmarshi, moi, que ne connais-
sent, ni les Asouras, ni les Dieux. 12,995.’
B Tant que cet adorable Brahma aux grandes péni-
tences ne se réveillera point, reste ici, confiant et tran-
quille, éminent brahme. 12,996.
» Puis, quand il sera, cet ayeul suprême de tous les •
mondes, sorti du sommeil , je créerai les corps , ê le plus
grand des brahmes, seul et sans aide : 1*2,997.
« L’air, la ten'e, la lumière, le vent, l’eau, et les autres
êtres, immobiles et mobiles, qui sont dans ce monde-ci. b
B Quand il eut ainsi parlé, ce Dieu, la plus grande des
merveilles, disparut, mon fils, et je vis ces créatures avec
leurs formes diverses et variées. 12,998 — 12,999.
B Telle fut cette merveille, dont je fus le témoin, arrivée
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VANA-PARVA.
223
la fin de cet youga, ô le plus éminent des Bharatides, le
plus ferme de ceux» qui soutiennent le devoir. 13,000.
» Ce Dieu aux grands yeux de lotus, que je vis jadis
80m la forme dun enfant y c’est c-e tigre des hommes,
Djanârdana, ton ami. 13,001.
» Grâce au don de sa faveur, la mémoire ne m’aban-
donne point; j’ai une longue vie, fils de Kountl, et la
mort à ma volonté, 13,002.
» Ce Krishna, le descendant de Vrishni, est l’auguste,
le premier homme, Hari, à l’âme inconcevable, aux longs
bras, qui semble se jouer dam ses transformations.
» C’est Dhâtri et Vidhàtri, c’est le destructeur éternel
des êtres, c’est le Dieu à la poitrine ornée du çrîvatsa,
c’est Govinda, c’est Prabhous, c’est le chef des Pradjâ-
patis. 13,003 — 13,00â.
» A peine eus-je iVi vu ce premier des Vrishnides, il vint
à mon souvenir que c’était Vishnou, le premier Dieu, qui
n’avait pas eu de naissance, le Pourousha, le Dieu à la
robe jaune. 13,005.
» Mâdhava est le père et la mère de toutes les créatures.
Allez, taureaux des Kourouides , implorer le secours de
cet être secourable. » 13,006. .
Après que Mârkandéya eut parlé de cette manière, les
fils de Prithâ et lès jumeaux, ces deux éminents Bhara-
tides, firent tous, accompagnés de Draâupadl, l’adoration
à Djanârdana. 13,007.
Et celui-ci, digne d’honneur, tigre des hommes, les
exaltant suivant la règle, loua ces princes avec un éloge
de la plus grande tendresse. 13,008.
Youddhishthira, le fils de Kountl, interrogea de nou-
veau le grand anachorète Mârkandéya et lui demanda
221
LE M AHA-BHARATA.
quelle devait être la route suivie dans l’empire du monde :
« Nous avons entendu ta sainteté nous dire une chose
admirable, fils de Bhrigou, anachorète, le plus éloquent
des hommes, ce qui arriva au commencement de l'youga,
sa naissance et sa fin. 13,000 — 13,010.
» Mais cet âge Kali excite encore ma curiosité : restera-
t-il quelque chose au milieu de ces devoirs troublés 7
» Quelle sera en ce temps la vaillance des enfants de
Manou ? De quels aliments se nourriront-ils ? De combien
d’années sera leur vie ? Quels seront leurs habitations ou
leurs vêtements à la fin de cet youga? 13,011 — 13,012.
» Quelle limite du temps faut-il atteindre avant que
l’âge Krita revienne? Parle avec étendue, anachorète : ce
que tu dis ici, est admirable. » 13,013.
A ces mots, le grand rishi, le plus vertueux des ana-
chorètes, reprit la parole, inspirant la joie au héros des
Vrishnides et aux fils de Pàndou ; 13,01A.
« Écoule, sire, ce que j’ai vu et entendu jadis, et ce
dont j’ai joui, grâce àla faveur du Dieu des Dieux. 13-,015.
» Écoute-moi, éminent Bharatide, te raconter l’histoire
à venir du monde entier, quand sera venu l’âge du péché.
O Dans l’âge Krita, la vertu sans déguisement, sans
tromperie, est, au milieu des hommes, un taureau entier
de tous ses membres et qui se tient sur ses quatre pieds ,
13,010—13,017.
» Blessée à un pied par le vice, la vertu n'a plus que
les trois autres membres dans l’âge Trétà ; et, mêlée avec
le vice dans l’âge Dwâpara, on dit quelle n’a plus que
deux pieds. 13,018.
» Le vice alors se tient , dominant sur les mondes avec
ses trois membres. Quand arrive l’âge de l’ignorance.
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VANA-PARVA.
226
6 le plus vertueux des Bbaratides, la vertu ne vient plus
que sur un pied vers les hommes. C’est ainsi que dimi-
nuent, suivant les âges, ûls de Pàndou, la splendeur, la
force, l’intelligence, le courage et la vie des hommes.
Ecoule-moi : les kshatryas, les hrahmes , les valçyas et
les çoùdras, hommes, qui font un commerce de la vertu,
Youddhishthira, marchent alors dans la vertu affublés de
travestissements. Des hommes ignorants et présomptueux
détruisent la vérité dans le monde.
13,019—13,020—13,021—13,022,
1) Leur vie est abrégée par la perte de la vérité , et la
brièveté de leur vie les empêche d’acquérir la science.
» La cupidité envahira par l’ignorance les hommes,
privés de science, et les insensés, abandonnés à l’avarice
et à la colère, s’attacheront à l’amour. 13,023 — 13,02A.
» Nourrissant des inimitiés, ils se désireront mutuelle-
ment la mort : les brahmes , les kshatryas, les valçyas
seront confondus les uns avec les autres. 13,025.
» Les çoûdras, qui manquent de la pénitence et de la
vérité, seront leurs égaux : les derniers seront au milieu,
et ceux, qui sont au milieu , seront les derniers : c’est in-
dubitable. 13,026.
» Tel sera le monde, quand arrivera la fin de cet
youga : on aura des haillons au lieu de riches vêtements,
et le koradoûsha (1) sera le pain des riches. 13,027.
» A la fin de cet youga, les hommes auront pour enne-
mies leurs épouses; ils vivront de chair et de poissons; les
vaches n’étant plus, ils trairont des chèvres et des brebis.
A la fin de cet youga, les hommes, qui ont toujours été
(1) Patpaium frvmentaceum.
IV
15
226
LE MAHA-BHARATA.
fermes dans leurs vœux, s’adonneront eux-mémes à l’ava-
rice. 13,028—1.1,029.
» A la fin de cet youga, les enfants de Manou se vole-
ront mutuellement et se nuiront l’un à l’autre : ils seront
des athées et par conséquent on ne les entendra plus mur-
murer la prière. 13,030.
» A la fin de cet youga , ils planteront avec la houe des
plantes annuelles sur les rives du fleuve , et recueilleront
peu de fruits de leur peine. 13,031.
» Les hommes, qui ont toujours eu des vœux fermes,
dans le divin çrâddha, se mangeront ici les uns les autres,
adonnés à la cupide avarice. 13,032.
Il A la fin de cet youga , le père mangera son fils et le
fils mangera son père : il n’y aura plus de bornes dans les
nourritures. 13,033.
» Les brahmes, critiquant le Vùda, n’observeront pas
leurs vœux ; égarés par la dispute, ils ne sacrifieront plus,
ils ne brilleront plus d’oblations ; 13, 03 A.
» Aveuglés par la contestation, ils mettront leurs désirs
en des précipices ; ils feront la culture dans un abime ; ils
attelleront aux limons des vaches laitières. 13,035.
n Les hommes mettront sous le joug des veaux âgés
d’un an : le père donnera la mort à son fils, et le fils â son
père. 13,030.
» Celui, qui parle beaucoup sans crainte, n’encourra
point de blâme ; devenu pécheur, ce monde et tout ce
qu’il renferme sera communément pour ces misérables
et leurs parents, sans œuvre, sans sacrifice, sans joie et
sans fête. 13,037 — 13,038.
» Appuyés sur leur bien petite force et leur peu de
courage, livrés aux délires de l'avarice, les hommes enlè-
veront les richesses à des veuves. 13,039.
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VANA-PARVA.
227
» Embrassant les œuvres de la tromperie, les enfants
de Manou, satisfaits de leur aumône en paroles, accepte-
ront les méchants pour amis. 1 8,040.
» Les rois insensés, ignorants et présomptueux, excités
à leur mort mutuelle, se provoqueront, fds de Kountl,
avec une pensée criminelle. 13,041.
» A la fin de cet youga, les kshatryas seront les épines
du monde; ils ne protégeront pas; ils seront cupides, or-
g-ieilleux de vanité et d'arrogance. 13,042.
U A la fin de cet youga, ils n'auront de plaisir que dans
le châtiment : on les verra maintes fois, envahissant les
richesses et les épouses des hommes vertueux, en jouir,
sans miséricorde, malgré leurs larmes. Personne ne de-
mande une jeune fille : une jeune fille n’est donnée à per-
sonne. 13,043 — 13,044.
» La fin de cet youga arrivée, on prendra de soi-même;
la fin de cet youga arrivée, les rois eux -mêmes, l’âme
égarée, non satisfaits de leurs biens, raviront par tous les
moyens les richesses d’autrui. Tout le monde, c’est indu-
bitable, deviendra pécheur. 1 3,045 — 13,046.
» La fin de cet youga arrivée, une main volera l’autre;
les hommes ignorants et présomptueux détruiront la vé-
rité dans le monde. 13,047.
» Les vieillards auront les pensées des jeunes gens, et
les jeunes gens auront l’esprit des vieillards : le poltron
vantera son courage et les héros auront le langage des
poltrons. 13,048.
» La fin de cet youga arrivée, les hommes n’auront
plus de confiance les uns dans les autres : l'youga d'une*
seule pièce sera tout entier livré au délire de l’avarice.
» Là, s'accroît le vice et n’a point lieu la vertu : on ne
228
LE MAHA-BHABATA.
fait aucune différence, monarque des hommes, entre les
brahines, les ksliairyas et les vaîçyas 13,049 — 13,050.
» A la fin de cet youga, le monde sera alors composé
d'une seule classe : le père ne pardonnera pas à son fils,
ni le fils ,4 son père. 13,051.
U Les femmes dans la destruction du monde ne ren-
dront pas l’obéissance à leurs époux : à la fin de cet youga,
on se réfugiera dans les lieux où l’orge est la nourriture,
où le blé sert d’aliment. Les hommes et les femmes, mo-
narque des hommes, auront des mœurs libres.
13,052—13,053.
» La fin de cet youga arrivée, on ne se supportera pas
l’un l’autre; et l’univers tout entier, Youddhishthira, de-
viendra pécheur. 13,054.
» Dans ce temps, les enfants de Manou ne rassasieront
point les Dieux de leuis offrandes : personnelle sera l’au-
diteur de nul .autre; qui que ce soit ne sera le directeur
spirituel de personne. 13,055.
» Le monde sera plein d’une obscuiàté formidable, sou-
verain des hommes; la plus longue vie sera alors de seize
années. 13,066.
IJ La fin de cet youga arrivée mettra un terme à la vie :
une jeune fille deviendra mère à cinq ou à six ans. 13,057.
Il Les hommes auront des enfants dès l’âge de sept ou
de huit années. La femme aura alors un époux, sire, et
l’homme à cet âge aura une femme. 13,058.
» A la fin de cet youga, tigre des rois, la joie ne vien-
dra point sur la terre : les liiigas seront inutiles, servant
à peu de choses; l’action de nuire prévaudra. 13,059.
» A la fin de cet youga, personne ne donnera à per-
sonne : les campagnes auront des tridents sur les chambres
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VANA-PARVA.
220
hautes des maisons, les brahmes manieront le trident de
Çiva, et les femmes auront pour arme leur chevelure à la
fin de cet youga. Dans ce dernier temps, les hommes au-
ront des mœurs barbares, épouvantables en toutes les
affaires, ils mangeront de tout : il n’y a là aucun doute. A
la fin de cet youga, le désir des richesses, ô le plus ver-
tueux des Bharatides, poussera tout homme à tromper en
toute chose au temps de l’achat et de la vente. On fera
même des sciences par ignorance, et des cérémonies, nées
du seul désir, auront lieu à la fin arrivée de cet youga.
Tous les hommes se livreront, quand cet youga amènera
sa fin, àdes œuvres cruelles de leurnature et se calomnie-
ront les uns les autres. Ils détruiront, sans éprouver une
seule émotion, les jardins et les arbres. {De ta stance
13,060 à ta stance 13,066).
» Les hommes dans le monde seront tourmentés par
l’incertitude de leur existence : ils seront dominés, sire,
par la cupidité. 13,006.
U On tuera les brahmes pour jouir de leurs biens, et,
soupirant, talonnés par la crainte, aflligés par les çoû-
dras, les brahmes erreront sur cette terre, sans y trouver
de protecteur, ('.et youga sera abrégé alors que les hommes
seront cruels, brahmes, méchants pour les êtres animés,
détruisant leur vie. Les plus saints des brahmes, efl'rayés
comme des corneilles, tremblants, courant, en proie aux
voleurs, toujours accablés par les plus mauvais rois de la
pesanteur des impôts, demanderont un asile, continua-
teur de la race de Kourou, aux rivières, aux montagnes,
aux précipices ; enfin, déposant la fermeté, souverain de
la terre, dans cet épouvantable fin de l’youga, serviteurs
des çoùdras, ils vaqueront à dilférentcs œuvres. Les çoù-
230
LE MAHA-BHARATA.
dras prêcheront le devoir et les brahmes se fieront leurs
disciples. {De la stance 13,067 à ta stance 13,073.)
» Ils seront les auditeurs, et le seront sous l’autorité :
ainsi ce monde sera changé depuis le haut jusqu’en
bas. 18,073.
» On adorera des charniers et l’on négligera les Dieux.
Les çoûdras, an terme de l’youga, ne serviront pas les
brahmes. 13,074.
» Dans les hermitages des maharshis , dans les collèges
des brahmes, dans les maisons des Dieux et les tchaityas,
dans les habitations des Nâgas, la terre portera les mar-
ques des charniers et ne sera pas ornée par les temples
des Dieux. Quand périra l’youga, tels seront les signes de
la fin de l'youga. 13,075 — 13,076.
» Lorsque les hommes se montreront sans cesse cruels,
déserteurs du devoir, mangeurs de chairs, buveurs de
liqueurs spiritueuses, alors sera détruit l’youga. 13,077.
n I.orsque la fleur devra le jour à la fleur, sire, et que
le fruit, qui suit la fleur, devra le jour au fruit, alors,
puissant roi, sera détruit l’youga. 13,078.
i> Indra versera ses pluies hors de la saison, quand l’âge
du monde finira, et les cérémonies des hommes seront
alors sans aucun ordre. 13,079.
» Les çoùdras engageront des animosités avec les
brahmes, et la terre sera bientôt remplie par des troupes
de barbares. 13,080,
I) La crainte du poids des impôts chassera les brahmes
»ux dix points de l’espace ; et les campagnes, ennuyées
de faire un labourage sans récompense, seront indiffé-
rentes à toutes les saisons. 13,081.
s Des hommes, qui vivent de fruits et de racines, n’oc-
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VANA-P/VKVA.
231
cuperont pas les hermitages ; et c'est ainsi que dispa-
raîtront les barrières dans ce monde troublé par les
soucis. 13,082.
» Les disciples, coupables d’offense, ne restent pas
fidèles aux instructions, et le trésor d’un précepteur est
une chose, de laquelle on se moque, aussitôt qu’on l’a
reçue. 13,083.
» L’envie d’acquérir des richesses enverra les parents
joints aux amis en pays étranger : la desti'uction de tous
les êtres arrivera à la fin de l’youga. 13,084.
» Les plages n’auront pas de lumière (1), les constel-
lations seront sans aucune splendeur; les étoiles n’au-
ront que des présages sinisties et les vents seront tous
contraires. 13,085.
» De nombreuses chutes de météores inspireront un
grand effroi, et le soleil brûlera, accompagné de six autres
soleils, 13,086.
» Ce seront partout des bruits confus et une rougeur
inaccoutumée du ciel : Râhou cachera le soleil et chacun
de ses levers se fera dans l’obscurité. 13,087.
» La fin de cet youga arrivée, l’adorable Dieu aux mille
regards versera la pluie, quand ce n’en sera point la sai-
son, et les semences ne pousseront pas. 13,088.
» Les hommes, trouvant leur plaisir dans les larmes,
diront sans cesse des choses cruelles ; et les femmes ne
resteront pas fidèles à la parole de leur époux. 13,089.
» Les fils, à la fin de cet youga, tueront leur père et
leur mère; et les femmes, s’appuyant sur leurs fils, trem-
peront les mains au sang de leur mari. 13,090.
(1) Il faut éYÎdemmeiit ici l’a privatif; il manque au texte.
2S2
LE MAHA-BHARATA.
» Râhou s’approchera du soleil, puissant roi, avant
d’atteindre à ses nœuds, et le feu, à la fin de cet youga,
flamboiera de tous les côtés. 13,0^1.
» Sollicitant de l’eau, de la nourriture, un logis, les
voyageurs n’en pourront obtenir et, de partout exclus, ils
seront forcés de coucher sur la route. 13,092.
» La fin de cet youga arrivée, le souille des vents, les
corneilles, les serpents, les oiseaux, les quadrupèdes et
les volatiles ne crieront que de sinistres augures. 13,098.
» I.a fin de cet youga arrivée, on verra les hommes
abandonner leurs parents, leurs amis et les gens de leur
suite. 13,09Â.
» La fin de cet youga arrivée, ils demanderont succes-
sivement un asile aux villes, aux cités, aux plages et à
tous les pays. 13,095.
a Gémissant tour à tour ces paroles lamentables :
« Hélas ! mon père ; hélas I mon fils ; » ils parcourront la
terre. 13,096.
» Quand cette fin de l’ youga, plein d’une multitude
confuse, aura terminé sa révolution, le inonde ensuite
abondera d’un peuple nouveau^ reconnaissant les brahmes
pour la première des castes. 13,097.
» Dans un autre intervalle du temps, recommencera de
rechef pour l’accroissement du monde une destinée libre-
ment favorable. 13,098.
» Quand le soleil et la lune, Toushya et Vrihaspati se
rencontrent dans un seul et même groupe, alors ce fait a
lieu. 13,099.
» Pardjanya versera les pluies dans la saison et les
constellations jetteront de la lumière : les planètes dé-
criront leur pradakshina et suivront un cours fortuné.
VANA-PARVA.
23S
» La protection, l’aumône bien régli'e, la santé, l'ab-
sence de maladies reparaîtront. Alors, excité par le temps,
s’élèvera le brahrae Kalkt, surnommé la-gloire-de-Vish-
DOu, personnage d’une grande vigueur et d’une haute
énergie d’intelligence, né dans une maison piiredebrahmes
et dans un village bien famé. 13,100 — 1 3,101 — 13,102.
1) De sa pensée sortiront tous les chars, les armes, les
guerriers, les Aèches et les cuirasses. 13,103.
» Il naîtra un roi, victorieux par la vertu et monarque
du monde entier : il attirera la faveur céleste sur ce
monde, rempli de noucenux êtres. 13,104.
» A peine aura-t-il paru, ce brahme enflammé, d’une
vaste intelligence et mettant fin ^ la destruction, il abré-
gera, il fera revenir en arrière tout l’youga. 13,105.
» Le brahme, environné de ses pareils, immolera les
troupes entières de ces vils Mlétchas survenus. 13,106.
» Puis, quand il aura donné la mort ^ ces brigands,
par la main des brahmes, il préparera, suivant les rites,
cette terre pour le grand sacrifice de l’açva-médha.
B Après qu’il aura établi les bornes fixées par Svayam-
bhou, cet être à la gloire sainte, aux œuvres pures, en-‘
trera dans la forêt délicieuse. 13,107 — 13,108.
» Les enfants de Manou, habitants du monde, imite-
ront sa bonne conduite, et la destruction des brigands par
les brahmes assurera le bonheur dans l’âge Krita. 13,109.
» Lorsqu’il aura établi des peaux d’antilope noire, et,
dans les pays vaincus, des lances en fer, des tridents et
des armes, le plus excellent des brahmes, Kalkl, loué par
les princes des brahmes et lui-même portant une haute
estime aux plus grands, parcourra la terre, faisant tou-
jours son plaisir de la mort donnée aux brigands.
LE MAH V-BHARATA.
» Il plongera en bien grand nombre les voleurs dans la
mort, en dépit des gémissements déplorables : o Hélas! ma
mère, mon père ou mon fils! » 13,110 — 13,111 — 13,112.
» Cet âge Ki'ita obtenu, il y aura, Bbaratide, extermi-
nation du vice et accroissement de Is vertu, et les hommes
s'occuperont de leurs aflaires. 13,113.
> Dans l’âge Krita, il y aura des hermitages, des tchal-
tyas, des habitations auprès dos lacs, divers étangs de
lotus, des temples consacrés aux Dieux, des sacrifices et
des cérémonies variées. Les brahmes seront vertueux et
les anachorètes seront des pénitents. 13, lié — 13,116.
a Les hermitages, qui étaient occupés jadis par des
hérétiques, auront alors pour habitants des êtres fidèles à
la vérité ; toutes les choses, ou semées, ou plantées, vien-
dront à leur accroissement. 13,116.
V Tout portera son fruit, Indra des rois, dans toutes
les saisons; les hommes trouveront leur plaisir dans
l'aumône, l’obéissance à leurs vœux et la répression des
sens. 13,117.
» Les brahmes seront adonnés aux sacrifices et au mur-
mure des prières, ils mmeront la vertu, et la joie sera
avec eux ; les rois défendront cette terre avec l’arme de ta
justice. 13,118.
» Dans l’âge Krita, les vaiçyas trouveront du charme à
s’occuper de leur profession, les brahmes aux six choses,
propres à leur état, les ksbatryas au déploiement de la
valeur. 13,110.
B Les çoûdras se complairont dans l’obéissance aux
trois castes premières : tel est le devoir, qui te fut racouté,
fils de Pândou, pour l’âge Krita, pour le siècle Trétâ et
pour l’âge Dwàpara, dans le dernier temps de l’youga.
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VANA-PARVA.
I
2S5
Je connais le nombre des yougas du monde entier.
13,120—13,121.
» Me souvenant du Poorâna, qui est nommé le PowAna
du Vent et qui est loué par les sages, je t’ai narré tous
ces événements, et passés, et futurs. 13,122.
» J'ai donc vu nombre de fois et foulé, moi, à qui fut
accordée une longue vie, les routes du monde, et je te les
ai racontées ainsi. 13,123.
» Écoute, Atchyouta, avec tes frères, pour dissiper le
doute, que tu as sur le devoir, ces miennes paroles et
d’autres encore. 13,12é.
» Tu dois t’atteler toi-même sans cesse au char du de-
voir, t le plus vigoureux des hommes, qui soutiennent la
vertu; car l’âme du juste, sire, obtient le bonheur, et dans
ce monde, et dans l'autre vie. 13,125.
» Écoute la belle parole, que je vais te dire, mortel sans
péché : « 11 ne faut mettre jamais le brahme dans ton
mépris. 13,126.
U En effet, le brahme pent détruire les mondes dans sa
résolution irritée, o Quand le roi sage, à la grande splen-
deur et le plus vertueux des Kourouides, eut entendu ce
langage de Mârkandéya, il fit cette noble réponse : « Dans
quel devoir me faut-il rester, anachorète, pour bien dé-
fendre les créatures? 13,127 — 13,128.
» De quelle manière dois-je vivre afin de ne pas tomber
du devoir, qui est propre à ma condition ?» — « Sois mi-
séricordieux, bon pour toutes les créatures, sans médi-
sance, pur. 18,129.
» Dis la vérité, sois doux et dompté, complais-toi dans
la défense de tous les êtres; suis la vertu, abandonne le
vice, honore les Mânes et les Dieux. 13,130,
236
LE MAHA-BHARATA.
» Triomphe convenablement par l'aumône de ce qne la
folie a pu faire contre toi. Loin de toi les sentiments d’or-
gueil : vis toujours dans la dépendance. 13,131.
» Quand tu aura.s vaincu toute la terre, sois heureux et
réjouis-toi! Tel est le devoir présent et à venir, qui s’élève
pour toi. 13,132.
» Il n’est rien sur la terre dans les choses passées ou
futures, qui te soit inconnu ; ne mets donc pas en ton cœur
de chagrin, quant à cela, mon fils. 13,133.
X Les sages sous le poids môme du temps, ne s’aban-
donnent pas au désespoir. Ce temps, guerrier aux longs
bras, est une épreuve pour tous les habitants du ciel.
Les sages se livrent-ils au désespoir, mon fils, quand
ils y sont excités par le temps? Tu ne dois pas mettre ici
un doute sur les paroles, que je t’ai adressées, mortel sans
péché. 13,134—13,135.
» (’ai-, si tu doutais de ma parole, ce doute entraînerait
pour toi la perte du devoir. Tu es né, ô le plus grand des
Bliaratides, dans une illustre famille, issue de Kourou.
» Va dans tout cela en œuvre, en pensée, en parole. »
Youddhishthira lui répondit : « Ce langage, sorti de ta
bouche, ô le plus vertueux des bralimes, a ravi mou oreille.
» J’exécuterai de tous mes efforts, seigneur, les ordres
de ta sainteté. 11 n’est en moi, ni avarice, ni crainte, ni
envie. 13,136—13,137—13,138.
U Je ferai, certes, tout ce que tu m’as dit, seigneur! »
A peine eurent-ils entendu les paroles du sage Màrkan-
déya, les fils de Pàndou joyeux, sire, associés au guerrier,
qui maniait l'arc (jârnga, et tous les principaux des
brabmes, qui étaient là rassemblés, ayant ouï cette bril-
lante narration du vénérable saint, furent émerveillés
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. VANA-PARVA. * ‘
2S7
qu’il leur eût confié ce Pourâna. 13,13P-lS,iûO-13,l41.
« Djanamédjaya dit :
« Veuille raconter encore cette grandeur d’àme des
brahmes et ce que Màrkandéya, aux grandes pénitences,
dit aux fils de Pândou. » 13,142.
Vaiçampàyana lui répondit :
« Veuille bien raconter encore la grandeur d’âme des
brahmes, » dit le fils de Pândou à Mârkandéya. 13,143.
» Écoutez donc ce que lui raconta le pénitent, cette his-
toire des brahmes, inouie jusqu’alors. 13,144.
(1 11 y avait dans Ayodhyâ, dit-il, un prince continua-
teur de la race d’Ikshwâkou et nommé Parikshit. Un
jow\ il s’en fut à la chasse. 13,14ô.
» Monté sur un cheval, il poursuivit une gazelle, qui
l’entraina loin. 13,146.
» Dans sa route, il rencontra la fatigue : il était vaincu
par la faim et la soif, quand il vit dans un certain endroit
une partie de bois épaisse et obscure. 13,147.
» Il y entra, et ses yeux trouvèrent au milieu de cette
portion de forêt un lac extrêmement . délicieux. Il s’y
plongea avec son cheval. 13,148.-
» Sans défiance, il jeta des filamens de lotus devant le
cheval, sa monture, et s’étendit sur la rive du lac aux né-
lumbos. 11 était couché là, quand il entendit un chant,
plein de douceur. 13,149.
») A peine l’eut-il entendu qu’il pensa : « Je ne vois pas
ici une route d’hommes; de qui peut donc être cette voix,
qui chante? » 13,150.
. » 11 vit une jeune vierge d’une rare beauté, admirable,
recueillant des fleurs et chantant. Sa récolte la coiiduisit
près du roi. 13,151.
2S8
LE MAHA-BUARATA.
» Celui-d dit : « A qui e»-to, fille cbarmaote? Ou c|ai
es-tu? » Elle répondit : « Je suLs une vierge! » Elle noble
ehastewr : a Je suis amoureux de toi. » 13,152.
« La jeune fille dit : « Je me donnerai, si je puis obte-
nir de toi une condition ; autrement, non !» Le roi de-
manda quelle était cette condition, et elle répondit :
R C’est qu’il ne faut pas mettre l’eau sous mes yeux (1). »
« Soit ! » reprit le souverain, qui l’épousa, et, le ma-
riage fait, il s’ébattit, plein d’une grande joie, et, sans
donner de ses nouvelles, il demeura avec sa nouvelle
épouse. Tandis que le roi habitait là, son armée y vint,
suivant sa trace. 13,153 — 13,1 5A.
» L’armée se tint, environnant le monarque, assis, et
celui-ci, salué par elle, s’en revint avec la jeune femme,
portée sur une litière de retour. Il rentra dans sa ville,
où il vécut avec elle isolément. 13,155.
U Pendant qu’il restait là près d’elle, personne ne pot
le voir, et son ministre, le premier de ses compagnons,
fut réduit à interroger les femmes, qui faisaient cortège à
son épouse : 13,156.
R Quelle affaire y a-t-il ici? » et ces femmes de loi
répondre ; 13,157.
« Nous regardons l’eau comme une merveille inconnue.
Qu’on n’apporte pas d’eau ici ! nous fut -il défendu. »
Alors ce ministre fit exécuter un bois sans eau, avec de
grands arbres, ayant tous des racines, des fleurs et des
fruits en abondance. Au milieu et sur un côté était une
lie, faite avec une multitude de perles, bien dérobée aux
yeux et baignée par des eaux, qui en léchaient le marbre.
(1) Voyez U note à It page tuWanle.
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VANA-PARVA.
2S9
Il s’approcha do roi en particulier et lui dit : 13,158.
« Voici un grand bois sans eau : Allons! amuse-toi
ici ! » 13,160.
» Le monarque à sa parole entra dans ce bois avec la
reine. 13,160.
» Un jour qu’il folâtrait avec elle dans cette forêt déli-
cieuse, il entra, fatigué, tourmenté par la soif et la faim,
sous un berceau d'atimouktakas; et, entré là avec son
épouse, il vit cette Ile faite de marbre, sans aucune souil-
lure, toute remplie d'eau. 13,161.
» Charmé de sa vue, il s’arrêta avec la reine sur son
rivage. 18,162.
(I .liions I dit-il à son épouse, descends dans l’eau de
cette lie. » Elle, obéissant à cette invitation de son époux,
elle descendit sur l’ile, plongea dans l’eau, mais elle ne
revint pas à la surface. 13,163.
» Iæ roi eut beau chercher, il ne la retit pas. 11 fit
écouler toute l’eau, qui environnait l’île, et vit une gre-
nouille au bord d’un trou (1). Irrité, le roi donna cet
ordre : « Qu’on s’occupe en tous lieux de donner la mort
aux grenouilles. Quiconque aura besoin de me voir, qu’il
s’approche, mais qu’il prenne d’abord comme présent à
m’olTrir une grenouille morte! » 13,16â — 13,165.
» Tandis que l’on brassait l’épouvantable mort des
grenouilles à tous les points de l’esp.ace, la crainte fit ir-
ruption dans elles, et, frappées de peur, elles coururent
(I) L'âutearici préTeoir que cette grenouille était la
princesse même, épouse du roi. Il ne nous a pas dit aussi la raison de cette
défense : « Ne me fais pas Toir l’eau! » C'était dans la crainte qu'elle ne
fut repriae à 1a vue par sa nature de grenouille.
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2âO LE MAHA-BH VBATA.
annoncer l'histoire au souverain des grenouilles. 13,166.
» Alors, ce roi des grenouilles, ayant rev&tu le costume
des pénitents, vint trouver le monarque et, s'étant ap-
proché, lui dit : 13,167.
U Ne descends pas, sire, sous le pouvoir de la colère: '
arcorde-nous ta bienveillance et ne veuille pa.s donaer la
mort aux innocentes grenouilles! » Ici, l'on place deux
çlotas. 13,168.
« Ne désire pas tuer les grenouilles! Retiens ta colère,
Atchyouta! L'accroissement des richesses est perdu pour
les hommes ignor.auts. 18,160.
» Ne t'engage pas avec ces promesses : quand tu les
auras obtenues, tu déposeras ta colère! C'est assez pour
toi d'avoir commis une injustice : que ferais-tu de ces
grenouilles immolées? » 13,170.
U Au monarque amphibie, qui lui présentait ce mes-
sage, Parikshit, l'àme assiégée par le chagrin de son
épouse bien-aitnée, répondit en ces termes : 13,171.
O Aon / Je ne pardonnerai point cela : je les tuerai ! Mon
épouse fut dévorée par ces bêtes aux âmes méchantes. Je
dois frapper de mort les grenouilles : sage, ne veuille
donc pas m'empêcher. » 13,172.
» Quand il eut reçu cette parole, le roi des grenouilles
reprit, l'àme et les sens troublés : « Pardonne, sire ; on
m'appelle Ayoush, le roi des grenouilles : j'ai une fille,
nommée Souçobbanâ. 13,173.
» Elle a un mauvais caractère : elle trompa jadis des
rois en grand nombre. » 13,l7â.
a Qu'importt ! ia suis amoureux d'elle, répondit le roi!
donne-la-nioi pour femme ! » Le père la donna donc au
roi et lui dit: a Souviens-toi d'obéir à ce roi! » 13,175.
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VANA-PARVA.
2M
• Quand il eut ainsi parlé, il maudit sa fille avec colère ;
« Parce que tu as trompé des rois en grand nombre, à
cause de cela et par le caractère de ta fausseté, tes fils à
naître iie seront pas des brahmesi a 13,176.
Il Dès qu'il eut reçu la jeune fille, le cœur enchaîné par
les qualités de la volupté, qu'il trouvait en elle, le roi
salua Ayoush, lui rendit de grands honneurs, et d'une
voix, que la joie fal.sait balbutier, comme s'il eut obtenu
l'empire des trois mondes, lui dit : « C'est une faveur, que
tu m'accordes ! u Aussitôt que le roi des grenouilles eut
donné sa fille, il s'en retourna comme il était venu.
Il Après un certain temps, il naquit au roi du sein de
cette femme trois jumeaux : Çala, Dala et Bala. Suivant
l'observance, le père sacra l'ainé de ses fils, Çala, sur le
trône, et ce prince, qui avait l’ame ferme dans la péni-
tence, SC retira dans la forêt. Un jour, Çala se livrait à la
chasse, et, poursuivant une gazelle, il se précipitait sur
elle avec son char. 13,177 — 13,178.
I) 11 dit à son cocher : u Conduis-moi promptement I »
A ces mots, le cocher répondit au roi : 13,179.
« Ne prépare pas un lien ! Il t'est impossible de prendre
celte gazelle, eusses-tu même les deux (^dmt/ai attelés à
ton char. » Le roi dit au cocher : « Raconte-moi ce que
sont les Yàmyas, ou je te tue. » A ces mots, effrayé d'un
côté par cette menace du roi, et craignant de l'autre une
malédiction de Vàmadéva, le cocher garda le silence. De
nouveau, levant son cimeterre, le roi dit : u Raconte vite,
ou je vais te tuerl » Épouvanté par cette colère du roi, le
cocher répondit enfin que les Yàmyas étaient deux che-
vaux, rapides comme la pensée, qui appartenaient à Yâ-
madéva. 13,180.
IV
18
2i2
Lü MAHA-BHARATA.
B 11 parlait encore, quand le roi lui cria : n Marche
vers rherinitage d? Vâinadéva! n Arrivé là, il dit au saint :
« Révérend, une gazelle, que j'ai blessée, fuit pour
sauver sa vie ; veuille me confier les Vàmyas. » — « Je
ne puis te refuser les Vàmyas, répondit le rishi ; mais,
quand ta majesté aura terminé son affaire, il faut me ren-
voyer aussitôt les Vàmyas. » Il reçut les chevaux, prit
congé du saint, et s'avança vers la gazelle sur son char,
attelé des Vàmyas ! n Marche ! dit-il au cocher. De telles
perles de chevaux ne doivent pas être attelées au char
des brahtncs. Il ne faut pas les rendre à Vàmadéva. » .A
ces mots, il atteignit la gazelle, rentra dans sa ville et
plaça les chevaux dans les écuries de son gynœcée.
13,181—13,182.
« Ce jeune fils de roi, pensa l’anachorète, s’amuse; et,
maintenant à la tête d’un attelage fortuné, il ne me ren-
voie pas mes chevaux : malheur, hélas! » 13,183.
I) Quand il eut roulé un mois entier ces pensées dans
son esprit, il manda l’un de ses disciples et lij dit ; «Vas,
fils d’Atri, et dis au roi : « Si tu n’en as plus besoin, ren-
voie les Vàmyas à mon maître. » 13,184.
U Lejeune hennite partit, il remplit sa commission, et
le roi de lui répondre : o Cet attelage est digne des rois;
les brahrnes ne méritent pas des perles d’une telle ri-
chesse. Quel besoin les brahrnes ont-ils de chevaux?
Allons! va-t-én! » 13,185.
Il Le disciple revint et rendit à son maître ces paroles
désagréables : l’âme enveloppée de colère, Vàmadéva
s’en fut Ini-inème trouver le roi, et l’invita à restituer les
chevaux ; mais le roi ne les donna jias. 13,186.
« Donne-moi, prince, les Vàmyas, dit Vàmadéva, car
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VANA-PARVA.
2i3
ton affaire est terminée : il m’est impossible de vivre sans
mes deux chevaux. Prends garde que Varouna ne te lie
de son effrayant lacet. Brahma n’habite-t-il pas au milieu
du ksbatrya? » iS,187.
» Des hœufs bien dressés, doux et domptés, Vàmadéva,
sont l'attelage, destiné aux brabmes, répondit le roi. Vas
avec eux, grand rishi, où l'amour, où les désirs portent
un tel homme que toi. » 13,188.
« Les désirs, qui sont au cœur d’un homme tel que
moi, prince, reprit Vàmadéva^, le portent dans l'autre
monde ; mais, dans celui-ci, cet attelage me convient,
sire, à moi et ^ ceux, qui sont de ma condition, n 13,189.
<1 Fais-toi conduire par quatre ânes; vas avec eux, dit
le roi : mais des mules excellentes, des chevaux, qui ont
la vitesse du vent, sont l’attelage du kshatrya : les Vâ-
myas sont à moi, sache-le, dit le roi, ils ne t’appartiennent
pas. » 13,190.
n C’est par un vœu épouvantable du brahme, dit-on,
c’est par lui, sire, que tu vis, hélas! répondit Vàmadéva.
Puissent quatre Yâtoudhânas, aux corps de fer, aux formes
terribles, grands, bien formidables, armés de tridents
acérés, désirant ta mort, te traîner à mon ordre en quatre
parties!» 13,191.
B Puissent, les mains armées d’épées et de lances ai-
guës, reprit le roi, puissent, excités par ma voix, ceux,
qui te connaissent, Vàmadéva, comme un brabme, qui
tue en paroles, en esprit et en œuvres, t’abattre mort ici
même avec ton disciple! » 13,192.
(I Tu as emmené ces Vâmyas, qui sont â moi-même,
sire : « Je te les rendrai,» a.s-tu dit; c’est àcette condition
que tu les as reçus de moi, repartit Vàmadéva; rends-
LE MAHA-BHARATA.
2&A
moi promptement ces deux chevaux, les Vâmyas, si tu
veux conserver ta faculté de vivre. » 13,193.
« La chasse n’a pas été faite pour les brahmes, lui ré-
pondit le roi ; je ne te parle plus, car désormais c'est une
chose contraire à la vérité; mais, puissé-je obtenir les
mondes purs, brahme, aussi vrai que je méprise ton ordre
entierl » 13,194.
« Les ordres des brahmes, sire, ne sont-ils pas en
paroles, en esprit ou en œuvres? dit Vâmadéva : ainsi, le
sage, qui imite Brahma par la pénitence, est le plus ver-
tueux des vivants. » 13,195.
» A peine Vâmadéva, sire, eut-il achevé de parler ainsi,
des Rakshasas aux formes épouvantables s'élevèrent, et,
sur le point d’étre frappé de leurs mains armées de tri-
dents, le monarque alors dit ces parole-s à haute voix :
« Si Ikswâkava même, si Dala, brahme, si les hommes,
soumis à mon empire, m'en lol/iiiiaient eux-mêmes, je
ne rendrais pas les Vâmyas de Vâmadéva; car les hommes
de ton espèce ne sont pas de vrais justes 1 »
13,19e— 13,197.
» Tiindis qu’il parlait ainsi, le roi de la terre, frappé
des Tâtoudhânas, quitta promptement la terre. A la nou-
velle que le monarque n’était plus, Ikshwâkava de sacrer
Dala sur le trône. Alors, à son départ, Vâmadéva lui-
même adressa au roi Dala ces paroles : « 11 faut donner
aux brahmes, sire, ce qui est ordonné par toutes les lois,
» Si tu crains de commettre une injustice, monarque
des hommes, hâte-toi de me rendre, à l’instant même, les
Vâmyas. n A cfts mots de Vâmadéva, le prince dit avec
colère à son cocher : 13,198 — 13,199 — 13,200.
« Apporte-moi une flèche bien prise, aux formes admi-
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VANA-PARVA.
215
râbles, imprégnée de poison : que ce Vâmadéva blessé
gise à terre, contemplé par ses chevaux, avec les appa-
rences de la douleur! » 13,201.
K Je sais que tu as un fils, repartit Vâmadéva, âgé de
douze ans, né de ta royale épouse et nommé Çyénadjit :
excité par mes paroles, hâte-toi de le tuer par la main de
tes amis avec des flèches aux formes épouvantables. »
» A ces mots du saint, le prince fut tué dans le gynce-
cée : la flèche â la dévorante splendeur fut lancée, etDala
à son bruit articula ces paroles : 13,202 — 13,203.
0 Princes d’Iksbwâkou, je vais faire une chose, qui ne
peut manquer de vous plaire : je vais donner une mort
violente à ce brahme ! Qu'on m’apporte une seconde flèche
â la splendeur dévorante. Voyez, maîtres de la terre, quelle
est ma vigueur! » 13,205.
« Tu veux lancer pour moi cette flèche aux formes
épouvantables, imprégnée de poison, reprit Vâmadéva;
mais tu ne peux, roi des enfants de Manou, ni la déco-
cher, ni seulement la mettre à la corde! » 13,205.
« Princes d’ikshwàkou, dit le roi, voyez! je suis para-
lysé! je ne puis, ni lancer ma flèche, ni donner la mort â
cet homme! Eh bien! je lui pardonne : que le révérend
Vâmadéva conserve la vie! » 13,206.
a Quand tu auras touché avec cette flèche ta royale
épouse, observa fanachorète, tu seras délivré de cette
faute. » Ce que le monarque ayant fait, la princesse dit
ces mots à l'bermite : 13,207.
« De même que je serai appliquée à redire chaque jour
ce crime, Vâmadéva, de même que je rechercherai tou-
jours la vérité auprès des brahmes, ainsi puissé-je, brahme,
obtenir les mondes purs! .> 13,208.
246
LE MAHA-BHARATA.
< Choisis une grâce, dame aux yeux charmants, reprit
Vâmadéva, qui couvre de sa pro ection la faïuille royale;
je te l’accorde. Sois propice à tes parents et à ce royaume
immense d’ikshwàkou, princesse irréprochable. » 13,209.
« Voici la grâce, que je choisis, révérend, dit-elle : que
mon époux soit délivré de son péché. Pense avec faveur à
mon fils et â ses parents : telle est, éminent brahme, la
grâce de mon choix. » Quand il eut ouï ces paroles, le
roi des solitaires, héros des Kourouides, répondit à cette
sensible mère : « Qu’il en soit ainsi ! » 13,210.
» La joie alors entra dans le cœur du roi, et, s’étant in-
cliné avec respect, il rendit les Vâmyas. » 13,211.
Les saints, les brahmes et Youddhishtbira firent â Mâr-
kandéya de nouvelles demandes : « Rishi, est-ce que
Vaka eut une longue vie? » Et l’anachorète de répondre â
tous : « Le râdjarshi aux grandes pénitences, Vaka eut
une vie très-longue-, il n’y a pas un doute â mettre lâ-
dessus. » 13,212.
Quand il eut, rejeton de Bharata, entendu ces mots,
Youddhishthira-Dharmarâdja, le fils de Kouotl, avec ses
frères, interrogea l’hermite : 13,213.
« Vaka et Dâlbya étaient deux rishis magnanimes, qui
vécurent, dit-on, une longue vie : ils étaient amis du roi
des Dieux; ils étaient estimés par les mondes. 13,214.
» Voilà, révérend, mon désir : raconte-moi dans la vé-
rité cette liaison de Vaka et de Çakra, qui fut mêlée de
douleur et de plaisir. » 13,215.
Màrkandéya dit alors :
a Après que fut terminée la guerre, effroi du monde,
entre les Asouras et les Dieux, Indra fut créé le souverain
des trois mondes. 13,216.
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VANA-PARVA.
247
» Indra versait au temps propre les pluies bienfaisantes,
accroissement des fruits : les créatures sans maladies,
pleines de vertu, faisaient du devoir leur principal but.
Il Chaque être se réjouissait et restait dans les devoirs
de sa condition : le meurtrier de Bala, (.iatakratou, le roi
des Dieu.x, monté sur Alràvata, était heureux lui-même,
sire, de voir toutes les créatures dans la joie. Celles-ci
voyaient avec bonheur 13,217 — 13,218—13,219.
» Les différents hermitages, les divers fleuves char-
mants, les villes dans l’abondance, les villages et les
campagnes, 13,220.
» Les rois, habiles au gouvernement des peuples et qui
marchaient dans le devoir, les puits, les places, où l’on
distribue les eaux, les viviers et les lacs, 13,221.
Il Habités par des brabmes éminents, nombreux, mar-
chant d’un pas égal dans la vertu. Ensuite, Çatakxatou,
sire, descendit sur l’aimable terre. 13,222.
» Là, dans une région fortunée, charmante, ombragée
de beaucoup d’arbres, sous une plage délicieuse de l’orient
et voisine de la mer, sire; 13,223.
» Là, dis-je, il vit une enceinte ravissante d’hermitages,
fréquentée des volatiles et des gazelles, et, dans ce cercle
enchanteur, le roi des Dieux aperçut Vaka. 13,224.
n Celui-ci eut son cœur comblé de joie à la vue du sou-
verain des Immortels, qu’il honora avec de l’eau pour se
laver les pieds, un siège, le présent d’un arghya, des ra-
cines et des fruits. 13,225.
» Le roi du Tridaça, le meurtrier de Bala, le donateur
des grâces, s’étant assis à son aise, adressa cette ques-
tion, sire, à Vaka : 13,226.
« Anachorète sans péché, toi, qui es né depuis cent
LE MABA-BHAUATA.
ns
mille ans, dis-moi, brahme, quelle souffrance attend les
hommes, qui vivent une longue vie. » 13,227.
Vaka répondit :
a Habiter avec des gens, qui déplaisent, être sans amis,
vivre avec des personnes vicieuses ; c’est la commune
douleur des hommes, qui vivent trop long-temps, 13,228.
» Perdre son épouse et ses fils, ses parents et ses amis,
être dans la dépendance des étrangers : est-il rien de plus
affligeant? 13,220.
» Ceux, qui vivent long-temps, voient naître dans leur
famille des gens mal nés, ils voient périr dans leur fa-
mille des gens de la plus belle nature; ils vivent avec eux
et ils s'en voient séparés. 13,230.
» Voilà ce qui est sous tes yeux mêmes. Dieu Çatakra-
tou : tu voit comment arrive la destruction des familles,
qui de grandes deviennent petites. 13,231.
Il Les Rakshasas, les Ouragas, les hommes, les Gan-
dbarvas, les Dânavas et les Dieux obtiennent l’infortune
par leur famille : est-il rien de plus affligeant? 13,232.
» Ceux, qui sont nés d'une bonne race, s'affligent de se
voir soumis à la puissance des gens mal nés : les pauvres
sont méprisés par les riches : est -il rien de plus affligeant?
Il On voit cet esprit injuste se développer beaucoup
dans le monde : les hommes dépourvus de science, ne les
voit-on pas affligés par des savants habiles?
13,233—13,234.
» La condition de l'homme ici-bas se montre comme
un état de peine, auquel est attaché beaucoup de dou-
leur. » — Il Dans le sens contraire, homme vertueux, vé-
néré par les troupes des Dévarsbis, dit Indra, 13,236.
» Dis-moi, brahme, quel plaisir est réservé à ceux qui
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VANA-PARVA.
2â9
virent long-temps, » — « L'homme, qui fait cuire dans sa
maison k la dixième ou la douzième heure un plat de lé-
gumes, sans recourir à de mauvais amis, répondit Vaka,
est-il un sort plus heureux que le sien? Autour de lui,
on ne compte pas ses jours, on ne dit pas qu’il est un
grand mangeur. 13,236 — 13,237.
» Le plaisir habite même la maison de l’homme, Indra,
qui fait cuire un plat de légumes ; cet aliment est acquis
par sa force et non en recourant jamais à autrui. 13,238.
» 11 vaut mieux manger un fruit ou un légume dans
son heureuse maison que de vivre, environné de splen-
deur dans la maison d'autrui, mais continuellement en
but au mépris. Ce choix est celui des gens de bien. Mais
honte soit à l'homme, qui désire manger, comme un chien,
la nourriture d'un autre; c'est un Raksbasa. Est-il rien
de plus heureux qu’un brahme éminent, qui, après avoir
donné la nourriture aux hôtes, à tous les êtres et aux
Mânes, mange les restes de l'oilrande? Il n’est au monde,
Çatakratou, nulle autre chose purifiée plus éclatante que
de ne manger jamais avant d'avoir présenté la nourriture
à ses hôtes. Un fils obtient pour sa récompense autant de
mille vaches, que le brahme a toujours mangé de gâteaux
funèbres et de riz bouilli. Tous les péchés, qu’il a com-
mis depuis l'enfance, sont pour sûr effacés. (De la ttance
13,239 à la stance 13,2â6.)
» En effet, l'eau est à peine arrivée dans la main do
brahme, qui mange, honoré de son présent, qu'elle arrose
ces péchés de sa liquide influence et vous les fait traver-
ser dans un instant. » 13,2ô6.
» Après qu’il se fut entretenu avec Vaka, qui lui rn-
250
LE MAHA-BHARATA.
conta ses brillantes narrations et d’autres en grand nombre,
le roi des hOtes célestes lui dit adieu et s'en retourna au
ciel. » 13,2â7.
Les nis de Pândou adressèrent de nouveau ce langage à
Hârkandéya, qui venait de raconter les hautes destinées
des brahmes : <i Nous désirons maintenant qtu tu nous
dises la magnanimité des kshatryas. » Le grand rishi
Màrkandéya répondit : « Écoutez donc maintenant la
grandeur d'àme des kshatryas. 13,2&8.
» Un roi, nommé Souhotra, fut un des rejetons de Kou-
rou. 11 fut trouver les grands rishis, et vit en face de lui
Çivi, fils d'üuçlnara, qui, monté sur son char, l’empô-
chait d’avancer, to deux rois, s’étant rencontrés, l’un et
l’autre égaux d’âge, ils se rendirent l’hommage; mais,
sachant qu’il y avait entre eux une ressemblance mutuelle
de qualités, ils ne voulurent pas s’accorder la route ni l’un
ni l’autre. Alors Nârada apparut : « Qu’est-ce que cela?
dit-il. Vos majestés restent ici, se fermant le passage
l’une à l’autre ! » 13,2it).
» Tous deux alors dirent à Nârada : « Adorable, ceux,
qui ont fait précédemment des actions, et les autres nous
ont enseigné que la route appartient aux plus distingués
ou à l’homme puissant. Nous avons de l’amitié l’un pour
l’autre; mais l’excellence exige de l’attention; et il y a
doute ici quel est le plus grand ou quel est le plus petit »
A ces mots, .Nârada leur récita ces deux çlokas (1) :
K Dur avec le doux et doux avec le dur, fils de Kourou,
vertueux avec l’homme vicieux : comment le juste n'ob-
(i) Ces çlokas sont évidemment de» intrusions postérieures à la formation
du poème.
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/ VANA-PARVA.
251
tieodrait-il pas en faveur du juste? 13,250 — 13,251.
U Qu'il fasse une chose cent fois; l’investigation n' existe
pas entre les Dieux. Le fils d'Ouçlnara dut à son carac-
tère excellent d’être le souverain de la terre. 13,252.
» Qu’il triomphe de l’avare par sa générosité, du men-
teur avec un langage de vérité, de l'homme aux actes
emportés par la patience, et du vicieux par la vertu, a
» Vos majestés sont grandes toutes les deux : que le
plus grand de vous cède la route maintenant à l’autre 1 ce
sera en donner la preuve. » Après ces mots, Nârada garda
le silence. 13,253 — 13,25A.
I) A peine eut-il entendu ces paroles, le rejeton de Kou-
rou décrivit un pradakshina autour de Çivi, lui céda le
chemin et, quand il l’eut exalté par de nombreux actes,
continua .sa route. » Voilà, dit Nàrada, ce qui prouve
l’excellence du roi. 13,255.
» Écoutez autre chose! Le roi Nahousha, fils d’Yayati,
était assis sur le trèue, environné des habitants de sa ca-
pitale. Un brahme, qui mendiait pour son gourou, s’ap-
procha et lui dit : <i Oh ! roi, il faut, d’après une conven-
tion , que je mendie pour mon gourou !» — « Que ta
sainteté dise elle-même ce qu'elle désire, » lui répondit le
roi. 18,250.
« Ln homme, seigneur, que l’on sollicite, fera naître
dans ce monde des vivants une inimitié profonde. Je t'a-
dresse cette demande, sire : comment ta majesté donnera-
t-elle ce qui est maintenant mon désir? » 13,257.
« Quand j’ai donné une chose, je ne la vante pas, dit le
roi ; quand j'ai donné une chose, sans qu’on la demande,
je ne veux plus i[u’on m’en parle; lorsque j’ai promis une
chose, qu’il est possible d’obtenir et que je l’ai donnée, je
•262
LE MAH4-BHARATA.
suis parfaitement heureux. Je te donne un millier de
vaches ; car cette demande brahmique ne m’est pas désa-
gréable : mon âme n'est pas irritée de ta demande et je
ne regrette jamais ce que j'ai donné. » 13,258 — 13,260.
» A ces mots, le roi donna au brahme un millier de
vaches, et le brahme obtint les mille bêtes. » 13,260.
Le fils de Pândou adressa ces nouvelles paroles à Uàr-
kandéya : « Parle-nous encore de cette magnanimité det
kthatryas. » 13,261.
ü Grand roi, lui répondit Màrkandéya, il y avait deux
souverains, nommés Vrishadarbha et Sédouka : ils se
plaisaient à suivre la voie d'une bonne politique; ils
étaient habiles en toutes les armes, principales et secon-
daires. 13,262.
» Sédouka n’ignorait pas le vœu de l’oupànçou (1), qui
liait Vrishadarbha depuis son enfance : « 11 ne faut pas
faire l'aumône au brahme avec un vil métal. » 13,263.
» l'n certain brahme, l’esprit orné par la lecture et les
Védas, ayant donné sa bénédiction à Sédouka, lui de-
manda une aumône pour son gourou : 13,266.
a Que ta majesté me donne un millier de chevaux ! »
Et Sédouka répondit au brahme : 13,266.
« 11 m'est impossible de te les donner pour ton gourou !
» klais va trouver le roi Vrishadarbha, il connaît les
plus hauts devoirs : demande-lui une aumône, brahme.
11 te la donnera, car il a fait le vœu de l'oupânçou. »
» Le brahme s’en alla donc en la présence de Vrisha-
darbha et lui demanda un millier de chevaux ; mais ce roi
le frappa avec un fouet. 13,266 — 18,267 — 13,268.
(i) Voyez le petit lodei au commeacemeDt de ce Tolume.
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VAN\-PAUVA.
■263
« Ponrquoi me frappes-tu, lui dit le brahme, moi, qui
suis innocent? » 13,‘2<t0.
» A ces mots, le roi dit à l’anachorète, qui le maudis-
sait : « Brahme, qu'cst-ce? Tu maudis un homme, parce
qu’il ne te donne pas! Cet acte est-il d’un brahme? »
« Roi des rois, lui répondit le brahme, je fus envoyé en
ta présence par Sédouka ; je suis venu mendier sur sa
parole, et je t’ai demandé une aumône! » 13, *270-13, 271.
« Je te donnerai au milieu du jour, lui dit Vrishadar-
bha, le revenu royal, qui me sera présenté aujourd’hui :
comment le mépris, qu’on a fait d’un homme, frappé avec
le fouet, n’aurail-il pas son châtiment? » 13,272.
» A ces mots, il donna au brahme une grandeur cares-
sée par la fortune (l) ; il lui donna encore cette aumône
de mille chevaux du plus haut prix. 13,273.
» Ces légendes nées des Dieux sont venues sur la terre
au roi Çivi, le fils d’Ouçinara. » — « Eh bien! nous dési-
rons entendre parler de ce Çivi !» — « Qu’il en soit donc
ainsi! répondit le brahme. Qii’.lgni et Indra occupent le
champ de ma narration ! 13,27A.
» Agni sous la forme d'un pigeon et Indra, ayant re-
vêtu celle d’un faucon, avide de chair, abattirent leur vol
près de Çivi (2). 13,275.
» Le pigeon descendit au sein même du monarque, as-
sis sur un trône céleste. 13,270.
(I) Datvasika, doat nous sommes forcés de demander le sens aux élé-
ments : daîva et sieik dans le silence des Lexiques et Dictionnaires^ en
même temps que nous faisons dériver outpatlin de out et de pai, non de
pad»
(3) Nous retombons dan« les épisodes précMents; mais U ne faut pas
chercher de la régularité daob ce poème, formé de plosieurs couches, dif-
férentes d’égee et de treditions.
26A
LE MAHA-BHARATA.
» L’archi-brahme dit au roi : « Effrayé par le faucon,
cet oiseau, aiui de l’existence, s’est réfugié vers ta ma-
jesté pour conserver sa vie. 1.3,277.
I) Être temporaire, il est bon qu’un prince fasse des
grâces; accorde- lui son pardon : la mort d’un pigeon est
une horrible chose! » 13,278.
Il Épouvanté par ce faucon, dit au roi le pigeon, je me
réfugie, ami de l’existence, vers ta majesté pour sauver
ma vie. Touchant tes membres des miens, devenu, pour
ainsi dire, un anachorète mendiant, je te confie mon exis-
tence. 13,279.
» Sache que je suis un brahmatchâri, cultivé par la
lecture, doué de pénitence et de répression des .sens; que
je ne dis rien, qui déplaise à mon instituteur, et sache
que, doué de telles qualités, je suis innocent. 13,280.
1) ,Ie dis les Védas, je pense aux Védas, j’ai lu tous les
Védas syllabe par syllabe. Moi, qui suis un e.xcellent don
pour un brahme versé dans les Védas, ne veuille pas me
livrer en proie à ce faucon : je ne suis pas un pigeon, n
Ensuite l’oiseau carnassier dit au roi : 13,281.
CI La succession régulière des choses m’a donné cette
habitation parmi les êtres ; dés le commencement de la
création, je vis de ce pigeon. Donne-le-nioi, sire, et ne
me fais p.is obstacle. i 13,282.
(I Qui a jamais entendu, reprit le roi, une telle voix,
accoutumée, éminente, formée par un oi.scau? Un pigeon,
qui parle, et ce faucon, qui répète sa voix ! Tous deux vous
savez comment : que le bien soit! 13,283.
I) Quiconque livre à un ennemi le suppliant, qui se ré-
fugie épouvanté vers lui, n’obtient pas lui-même le salut
au temps, où il le désire, la pluie ne tombe pas sur scs
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VANA-PAUVA.
25:>
champs dans la saison, et les grains, qu’il a semés au
temps propre, ne germent pas. 13,28â.
» On peut toujours conjecturer la même chose au sujet
des êtres nés petits : les Mânes ne font pas leur habitation
chez l’homme, qui a livré un animal effrayé, suppliant, à
son ennemi, et les Dieux ne reçoivent pas son offrande.
/) Il obtient une nourriture stérile et tombe bientôt du
monde céleste, le malheureux, qui livre à son ennemi
l’aniuïal effrayé, suppliant, et les Dieux avec Indra lancent
sur lui la foudre. 1 3,285 — 13,286.
» Qu’on fasse cuire un bœuf avec du riz bouilli et qu’on
te l'apporte, ou que les Çivisli faucon, traînent des ali-
ments pour toi dans l’endroit où tu prends tes plus grands
ébats. » 13,287.
« Je ne désire pas un bœuf, répondit le faucon, ni une
autre nourriture plus fine, sire, que ce pigeon; il m’a été
donné comme aliment par les Dieux : abandonne-le-moi
i\ présent, si tu veux empêcher la mort des faucons. »
« Qu’on apporte ici le bœuf entier pour toi, dit le mo-
narque : que mes hommes voient! qu’ils amènent près de
toi ce don, que je t’offre, moi, dominé par la crainte ; ne
fais pas de mal à ce pigeon. 13,288 — 13,289.
» Je t’abandonne ma vie, mais non cet oiseau, que je
ne dois pas livrer. Ne sais-je pas, .faucon, que c’est un
animal innocent? Ne fais point ici de violence, mon ami :
tu n’auras jamais ce pigeon. 13,290.
» Les Çivis favorables me loueront pour cette action
avec des paroles bienveillantes : dis-moi la conduite amie,
que je dois tenir, faucon ; je ferai ce que tu me diras. »
« Détache de ta cuisse droite, sire-, un poids égal de
chair à celui du pigeon, reprit le faucon ; grâce à lui, ce
256
LE MAHA-BHARATV.
pigeon sera sauvé, et les bêtes de proie loueront cette ac-
tion : voilà ce qui peut m’être agréable. » 15,291-13,292.
» Le monarque alors coupe de sa cuisse droite une
boule de sa chair et la met dans la balance; mais le pi-
geon était encore plus lourd. 13,293.
» Il en coupa une autre, et plus lourd encore était le
pigeon. 11 tranche ainsi tout son corps et il en pose tous
les morceaux dans la balance; mais toujours le pigeon
l’emportait par le poids. 1 3,295.
» Enfin, il monte lui-même dans la balance. Elle ne
fut plus contraire, sire. A la vue de cette différence : o II
est sauvé ! » s’écria-t-il. Aussitôt le faucon disparut et le
roi dit : 13,295.
« Que les Çivis connaissent le pigeon ! Je t’adresse cette
demande, oiseau : quel est ce faucon? Jamais athée sem-
blable n’eût fait une telle chose. Que ton excellence ré-
ponde à ma question, a 13,296.
a Le pigeon dit :
« Je suis le llamboyant Vaiçvànara, qui a la fumée pour
drapeau; et ce faucon est l’époux de Çatchi, qui tient la
foudre à sa main. Eh bienl nous sommes venus ici pour
te connaître, amenés par le désir d’éprouver l’éminent
Saâuraihéya. 13,297.
B Ce morceau de chair, que ta majesté s’est tranché
avec son épée et qu’elle a donné pour me sauver, sire, je
fais de lui une luarque prospère, éclatante, aux senteurs
pures, ayant la couleur de l'or. 13,298.
» De ton Qanc naîtra un homme, irés-estimé des brah-
marshis, illustre et vaillant protecteur de ses sujets : il
aura pour nom Kapotaroma. 13,299.
» Ton corps obtiendra pour fils ce Kapotaroma, jeune
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VANA-PARVA.
257
iwusse de l’arbre de Çivi, éminent parmi les i-ois, éblouis-
sant par la gloire : tu verras de tes yeux ce grand béros
des Saâurathas. » 13,300.
Le fils de Pândou dit à Mârkandéya : « Raconte-noas
encore la magnanimité de ces hommes. » — Et Mârkan-
déya poursuivit : « Tous les rois étaient venus à l'açva-
médha, que célébrait Asbtaka, le Viçvamitride. 13,301.
» Il y avait ses frères, Pratarddana, Vasoumanas et
Çivi, le fils d'Ouçlnara. Le sacrifice terminé, il s’avança
avec un char et ses frères vers Nàrada, qui s’approchait.
Alors, quand ils se furent inclinés devant lui, ils dirent :
« Monte sur ton char! » 13,302.
« Oui! » reprit-il, et, montant sur son char, il dit, seul
avec eux, à Nàrada le Dévarshi : « Sois-moi favorable!
j’auraisle désir d’interroger ta sainteté surquelque chose. »
« Interroge ! » lui répondit le rislii : « Ces princes, dit
Asbtaka, sont doués de toutes les vertus ; nousdevonsen-
trer, seigneur, tous les quatre dans le séjour éminent du
Swarga. Qui de nous en descendra ?» — « Asbtaka, qui
me parle, en descendra, » reprit le messager des Dieux,
13,305—13,304.
n Quelle en sera la cause 7 » demanda l’autre. Le saint
répondit: « Tandis que j’habitais dans la maison d’Ash-
taka, il me promena çà et là sur un char, et je vis plusieurs
milliers de vaches, différentes par la couleur. A qui ces
vaches sont-elles? « lui demandai-je. 13,305.
« Elles furent créées par moi, » telle fut sa réponse. 11
se glorifie donc en ces vaches: il descendra du ciel à cause
de cela. — « Resteàtrois ; qui maintenaiiten descendra?»
» Pratarddana ! » dit le rishi divin. — « Quelle sera ici
la cause? » — « Tandis que j’habitais dans la maison
IV 17
258
LE MAHA-BHARATA.
de Pratarddana, il me promena çà et là sur un char.
13,^06—13,307.
» Un brahme vint alors et lui dit : « Que ta majesté re-
tourne sur ses pas, et me donne un cheval pouraumOne I »
— « Je te le donnerai ! » lui répondit le roi, en se hâtant.
« Qu’il me soit donné à l’instant même ! reprit le brahme,
en précipitant ses mots. Et, cela dit, le roi lui donna le
cheval du côté droit. 13,308.
♦
» Vint un autre brahme, qui avait besoin d’un cheval ;
il en fit la demande ; le roi de lui donner le cheval du côté
gauche et de continuer sa route. Un nouveau brahme se
présente avec le même besoin d’un cheval : le monarque
se hâte de délier son troisième cheval, et lui donne cette
bête. 13,309.
» 11 poursuit son chemin. Un autre brahme vient et lui
expose le besoin, qu’il avait d’un cheval. « Je te le donne-
rai! » dit le roi, qui avait déjà passé le demandeur.
« Doune-le-moj dans l’instant 1 » répondit le brahme en
mots précipités. Le monarque donne le cheval, attaché
au timon du char et, quand l’autre eut reçu le don : « Grâce
aux brahmes, s’écria-t-il, il ne me reste rien maintenant ! «
» 11 a donné, mais il en a fait un reproche : il descendra
pour cette parole. » — « Reste à deux : qui de ces deux
va descendre? » 13,310 — 13,311,
« Vasoumanas descendra! » fitlerishi. « Quelle en sera
t *
la cause? » demandèrent-ils. Et Nàrada de raconter:
« Venu dans la maison de Vasoumanas, je la parcourais.
» J’entendis un mot: «Salut! » je m’approchai pour
en connaître la cause, et ce mot répété : « Salut !
salut ! ») me fit voir des brahmes, montés sur un char de
fleurs. 13,312 — 13,313. ,
VANA-PARVA.
259
» Jelouai ce char, elle roi médit : o Ce char fut loué par
Bhapavat lui-niéme ! C’est le char de cet admirable Indra I»
n Cn jour, je m'avançai vers lui de nouveau ; et je de-
mandai pour la seconde fois : quelle était la cause de ce
char. 13,314—13,315,
« Est-il bien à Bhagavat? » lui dis-je. « Oui ! » répon-
dit le roi ; je répétai : n Salut ! » pour la deuxième fois.
« Oui ! c’est Bhagavat lui-môuie, qui l'a fait ainsi, » me
dit le roi. De nouveau, j’articulai pour la troisième fois le
mot : « Salut ! » Un char de fleurs apparut ,aus.sildt, et ce
monarque, m’ayant honoré comme un Dieu, me montra
aux brahmes, et dit ces mots : » — 13,316.
(1 Bhagavat ne fut-il pas obligé de prononcer le mot :
Il Salut! » un grand nombre de fois, avant de produire ce
char de fleurs? » Pour cette parole d’offense, Vasoumanas
descendra des deux ! » 13,317.
«Reste à un seul! Qui maintenant descendra? » Et
Nârada reprit la parole ; 13,318.
« Que Çivi y monte, il faudra que j’en descende. »
« Pour quelle raison ? « dit celui-ci. — « Parce que je ne
suis pas semblable à Çivi. En effet, un brahme vint trou-
ver Çivi et lui dit : 13,319.
« Çivi, j'ai besoin de nourriture. » Et Çivi de répondre:
U Que dois -je faire ? Que la sainteté commande ?» 13,320.
» Et le brahme lui dit: « Tu as un lils, nommé Vrihad-
garbha ; il faut me le donner: appréto-le-moi ! 13,321.
» Apporte-moi cette nourriture; j’attends! » Le mo-
narque alors tua son fds, l’apprêta, l’ass-aisonna suivant
la règle, le mit dans un plat, et, l’ayant pris sur la tête,
il chercha le brahme. 13,322.
» Tandis qu’il s’occupait de cette recherche, quelqu’un
260
LE M\HA-BHA1UTA.
lui dit : O Ce brahroe est entré dans ta ville ; il brûle avec
colère ton palais; il incendie la maison, où l’on garde, tes
trésors; il incendiela maison, où l’on conserve tes armes;
il incendie les écuries de les chevaux, et les étables de tes
éléphants. » 13,.12S.
» A celte nouvelle, le visage de Çivi ne changea pas.
11 entre dans sa ville, et dit au brahrae: « llévérend, la
nourriture est apprêtée ! » Celui-ci ne répondit point un
seul mot et resta, le visage baissé d'étonnement. 13,324.
» Çivi de se rendre le b.ahmc favor;d)le et de lui dire:
B Mange ! révérend ! » Le brahme contempla Çivi un ins-
tant. 13,325.
a Mange cela toi-même ! » dit-il. « Oui ! » répondit
alors Çivi, sans aucun changement d'àme ; il honora le
brahme et, levant le crâne, .s'apprêta à le manger. 13,326.
« Mais le deux fuis né lui prit la main et lui dit : a Tu
as vaincu la colère ; il n'est rien (jue tu ne sois prêt à .sa-
crifier pour les brahmes! » et celui-ci honora l’homme
vertueux. 13,327.
» Pendant que Çivi le contemplait, il vit son fils môme,
qui SC tenait devant lui, tel qu’un enfant des Immortels,
bien pai é, doué d’une céleste odeur ; maisdéjà le brahme,
qui avait disposé toutes ces choses, venait de s'évanouir
aux yeux. 13,328.
» C'élait le créateur, qui, caché sous ce déguisement,
s’en était venu mettre lui-même le saint roi à l'épreuve.
Çuand il eut disparu, les ministres dirent au roi : « Quelle
est cette cho.se, que tu as faite? Que désirais-tu obtenir,
toi, qui connaissais l'iitrorilé de relie nclioiil » 13,329.
CI Je n'ai pas donné à cause de la gloire, ni pourledésir
des biens, ni pour l’ambition des jouissances. .Ma route
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VANA-PAUVA.
261
n’est pas suivie par les hommes v icieux : c’est ainsi cpie je
fais tout. 13,330.
» Les hommes de bien se placent toujoui's du côté où
est l'éloge ; c’est donc l’éîoge, qu’il faut chercher : tel est
mon sentiuient. » Voilà quelle fut la sublime hauteur de
vertu du grand Çivi : je la comi.ais exactement. -> 13,331.
Les l'ishis et les (ils de Pàndou interrogèrent de nouveau
Màrkaiidéya : « Exi.ste-t-il queh(u’un né avant toi ? »
Et celui-ci leur dit ; « la; saint roi, nommé Indra-
dyoumna et tond;é du ciel, après qu'il eut épuisé la ré-
compense de ses vertus, détruit assurément ma gloire. Il
s’est apiu’Oché de tuoi : n Que ta majesté, dit-il, me
reco.'inaissc. » 13,332 — 13,333.
» Je lui répondis : « Nous n’avons jamais suivi la même
route, ni habité la même m.aison. Je ne sache pas que
nous ayons jamais commencé des relations, ni pour fa-
mille, ni pour elTorts communs, ni pour affaire, ni pour
une indisposition de mon corps : nous commençons au-
jourd'hui nos premières liai.sons. u 13,33â.
» Il me dit: « E.st-il un autre plus vieux que toi? » Je
lui répondis : « 11 est,' certes ! un hibou, qui se nomme
Pràvârakarna, et qui habite sur l’Ilimàlaya; il est plus
vieux que moi. Je ne >nis prtvs’il connaît ta majesté; une
longue route sépare l’Himavat de ce pays, et c’est là
qu’il habite. I) 13,335.
» Alors Indrndyoumna se métnmor phase, U devient mon
cheval, et me transporte auxlieux, où demeurait lehihou :
O Ton excellence me reconnaît-elle? » lui demanda le roi.
» L’oiseau réfléchit un instant et lui répond : >i Je ne
connais pas ta seigneurie. » A ces mois, le .saint roi Indra-
dyounma tient de nouveau ce langage au hibou :
LE MaHA-BHARATA.
•2(i2
n Est-il quelqu’un né avant ton excellence? » V ces
paroles, l’autre dit : « Assurément ! 11 est un lac, nouimé
Indrndyoumna, où habite un héron, que l’on ap])elle Nâ-
dljangha. Cet oiseau est plus âgé que moi : demandc-lui. »
Aussitôt Indradyoumna ayant pris ce hibou et moi, nous
transporta au lieu, où vivait ce héron, nommé Nàdijangha.
» Interrogé par nous s’il connaissait ce roi Indra-
dyoumna, l'oiseau réfléchit un moment et nous répond ;
«4e ne connais pas ce roi Indradyoumna I » Ensuite à
notre question; « Est-il un être plus ancien que toi? » il
répondit : « Oui, certes ! une tortue, qui a nom Akoûpâra,
demeure au fond du lac : elle est plus âgée que moi. De-
mandez-lui si par hasard elle a connu ce roi. »
i 3,336— 13,337— 13,3.’18— 1.3,339.
» Le héron nous donna des renseignemenissur la tortue
Akoûpâra: « Nous avons résolu d’interroger sa sei-
gneurie sur quelque chose, eh bien ! marchons! « Indra-
dyoumna et le héron parlaient encore, quand la tortue,
émergeant de ce lac, vint auprès du lieu, où nous étions.
Arrivée sur la rive du lac, elle est interrogée par nous:
«Ta seigneurie connaît-elle ce roi Indradyoumna? »
» Elle songe un instant et, les yeux baignés de larmes,
le coeur troublé, tremblante, et la connaissance presque
égarée, elle porte les mains jointes au front et dit:
«Comment ne le reconnaîtrais-je point ici? 11 a dressé
mille fois des colonnes victimaircs avec des bûchers I
13,340—13,341.
» Ce lac fut creusé par des vaches, qu’il a données en
présents aux brahmes, et qui ont passé p.ar ici. .Si je
l’habite, c’est pour cette raison. « 1 3,342.
» A peine la tortue avait-elle achevé toutes ces paroles.
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VAN\-P\RVA.
26S
que soudain un char céleste apparut du monde des Dieux.
On entendit ces paroles à la louange d’Indradyomnna:
« Tu as célébré le Swarga ; obtiens la place, qui te fut
propre, héros illustre ; viens sans trouble ! » 13,S43.
Ici viennent des çloltas. « Le bruit de cette œuvre sainte
touche le ciel et la terre : ce bruit est aussi fort que la voix
d'un homme. 13.SAA.
n On redit la honte de tout être, qui tombe dans les
mondes infériem-s, aussi long-temps que le bruit s’en pro-
longe. 13,3A6.
» Que l'hoinme soit donc environné de bonnes œuvres
pour l'éternité, et qu’abandonnant la pensée du v'ice, il se
tourne à la vertu. » IS.SAd.
» Dés qu’il eut ouï toutes ces choses, le roi dit : « Reste
ici jusqu’à ce que j’aie fait obtenir un séjour convenable à
vous deux, honorable* vieillards. » 1S,3A7.
U Quand il eut fait accorder à moi et au hibou Pràvà-
rakarna un domicile assorti, il s’éleva sur le char céleste
au lieu, dont il était digne ; et c’est ainsi que j’ai pu jouir
du spectacle des choses, qui s’ offrent dans une longue vie. »
Telle fut la narration, que Mârkandéya raconta aux fils de
Pândou. 13, SAS.
U Allons ! c'est une brillante légende, que tu viens de
nous réciter là, dirent les fils de Pândou : ce roi Indra-
dyoumna tombé du ciel !... » — u Mais qui fut restauré dans
sa place!» interrompit Mârkandéya. — <> Submergé dans
leNaraka, reprit le fils de Dévaki, le saint roi s’est élevé à
la surface de cette infortune, et a reconquis 1e Swarga. »
Après que le puissant roi des Pândouides eut entendu,
racontée par le vertueux Mârkandéya, cette histoire du
pieux monarque Indradyoumna, rétabli dans le ciel, il
LE MAHA-BHARATA.
2dâ
interrogea de nouveau le solitaire : « Dans quelles con-
ditions l’aumône doit-elle être donnée, grand anachorète?
13,349—13,350—13,351.
» Tu connais le monde d'Indra, dévoile-le à moi, qui
suis un homme. Comment est-il possible de manger le
fruit des œuvres dans l’état de maître de maison, dans
l’enfance, dans la jeunesse et même dans le vieux âge? »
— « Il y a quatre naissances vaines et seize aumônes inu-
tiles, répondit Mârkandéya. 13,352 — 13,353.
» De l’homme, qui n’a pas de fils, de l’homme, déchu
de sa famille, de celui, qui fait cuire pour un autre que
lui-même, et mange les aliments d'autrui, ces trois nais-
sances ne portent aucun avantage. 13,354.
« On mange sans fruit dans la maison, où habite le men-
songe. On ne doit pas donner ce qui est disposé pour un
autre à l'homme tombé de son élévation. 13,355.
n L’aumône est vaine, si elle est faite à un brahme dé-
chu et voleur : il en est de même à un gourou sans vérité,
4 un prêtre de village ingrat et vicieux. 13,356.
» On donne sans fruit à quiconque vend les Védas, h
l’homme, qui fait cuire les aliments d’un çoùdra, à de
mauvais brahmes, à l’époux d’une çoùdrl. 13,357.
g On ne doit pas donner à des femmes, ni à un chasseur
de serpents, ni à des serviteurs : telles sont les seize au-
mônes sans fruit. 13,358.
» Celui qui donne, enveloppé par la qualité tamas, don-
nera par crainte ou par colère. Un enfant de Manou a-t-il
fait l’aumône aux brahmes, suivant leur place dans
la vieillesse, l’homme, dès le sein de sa mère, où il est
encore enfermé, mange toujours cette aumône entière-
ment. 11 faut donc en toutes les conditions, prince, accorder
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VANA-PARVA.
206
aux brahmes des aumônes sur toutes les choses par le
déair d'entrer dans la route du Swarga. » — «Placés dans
les présents de toutes les quatre classes, demauda Youd-
dhishtira, 13,359—13,360—13,301.
» Par quelle principale chose les brahmes traversent-
ils et font-ils traverser l’océan du monde? » — « Ils le
traversent et le font traverser sur un navire, qu’ils com-
posent avec les Védas, répondit Màrkandéya, par la prière
A voix basse, les mantras, le sacrifice, la lecture des Védas.
Ceux, qui satisfont fes brahmes, contentent aussi les
Dieux. 13,362—13,363.
» Ils obtiendront le monde du Swarga par la voix des
brahmes. Mouiant, privé de souille, le corps envahi par le
phlegme et les autres humeurs, tu iras au monde de l’éter-
nelle pureté, il n'y a aucun doute, par tes hommages aux
Dieux et aux Mânes, par ta révérence à l’égard des
brahmes. 13,366 — 13,365.
» 11 te faut honorer, il te faut nourrir de tous tes efforts
au temps du Çrâddha les brahmes sans reproche, qui ont
envie de s’élever au Swarga. 13,366.
» Excepte avec soin l’homme de mauvaise famille, le
fils bâtard de la veuve, le fils de la femme adultère, ceux,
qui sont lépreux, trompeurs, allligés de vilains ongles, et
les soldats.
» De même que le feu brûle une offrande funèbre, com-
posée d’un bois méprisé, chacun des hommes employés
dans un Çrâddha, muets, aveugles, sourds, et antres,
» Doivent y faire tous leurs fonctions, mêlés à des |>er-
sonnes, qui sont allées à la rive ultérieure des Védas.
Écoute ceux auxquels, Y'ouddhishthira, il faut donner l’au-
mône. 13,367—15,360—18,369.
2«6
LE MAHA-BHARATA.
» L'homme, qui sait tous les Védas, ne doit pas manquer
de faire un présent au brahme puissant, qui peut sauver
le donateur lui-même. 13,370.
» Que lebrahme puissant arrache donc aux flots du péché
le donateur lui-même. Ni le beurre clarifié, ni les sacri-
fices, ni les fleurs, ni les parfums ne réjouissent les feux,
autant que la nourriture donnée aux hêtes. Ainsi, consacre
entièrement tes efforts à nourrir des hôtes.
» Ceux qui donnent, sire, de l’eau pour se laver les
pieds, de l'eau à la racine des arbres, une lampe, des ali-
ments, une maison, ne vont jamais à la mort.
13,371—13,372—13,873.
» Apporter des bouquets aux Dieux, nettoyer les restes
d'un brahme, le servir dans sa toilette, frotter ses membres:
B Chacune de ces fonctions, ôle meilleur des rois, l’em-
porte sur le don même d'une vache. On est délivré par le
présent d'une vache Kapilà: il n'y a pas le moindre doute.
13,374—13,376.
» Ainsi, qu’il donne une vache Kapilà bien parée au
brahme savant, mais pauvre, au deux fois né, n>aitre de
maison, à celui, qui a pour charge d’entretenir le feu per-
pétuel et sacré, 13,376.
» Réduit à servir, accablé de la charge d’une épouse et
de ses fils. 11 faut donner, fils de Bharata, à de telles per-
sonnes, qui ne sont pas riches. 13,377.
» Quel mérite y a-t-il avec les riches, ô le plus vertueux
des Bharatides? Ils sont une exception ! une seule vache
doit être la récompense d’un seul, non jamaisde plusieurs.
Mise en vente, elle détruitune famille de trois générations;
elle ne .sauve ni le «lonateur, ni le brahme, non pas môme
celui-ci. 13,378—13,379.
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VANA-PARVA.
207
» Quiconque donne un cent de souvarnas d’or brillant
à un brahme pur et de bonne race, cet aumône fait de lui
un homme, qui donne sans cesse. 13,380.
B (Ætui, qui donne un taureau vigoureux, soumis au
jour, agrandit les lieux étroits, et va dans le monde du
Swarga. 13,381.
» Quiconque fait présent de la terre à un brahme savant,
atteint la réalisation de tous ses désirs. 13,382.
» Les hommes, qui ont les membres rompus dans la
route et les pieds couverts de poussière, demandent à
celui, qui donne la nourriture, et l'implorent sur la terre.
« Le sage, qui réclamera des aliments pour ces gens
ainsi accablés par la fatigue, sera dit égal à l’homme, par
qui la nourriture est donnée : il n’y a là aucun doute.
» Ainsi, mettant de côté toutes les aumônes, distribue
de la nourriture, car il n’est point ici-bas un fruit de vertu
égal et *1 admirable. 13,383—13,384 — 13,385.
» Celui, qui donne proportionnellement àses moyens un
ali ment préparé au brahme, celte action l’ élève jusqu’ à par-
tager le monde du Pradjâpati. 13,386.
» La nourriture est une chose distinguée ; il n’est rien
au-dessus d’elle : le créateur est appelé nourriture, il est
estimé l’année. 13,387.
B Or, l’année est le sacrifice, tout repose sur le sacrifice ;
par conséquent, tous les êtres immobiles et mobiles.
B La nourriture est donc ce qu’il y a de plus distingué;
ainsi l'avons-nous appris. 13,388 — 13,389.
B Ceux, à qui sont ces lacs aux grandes eaux , ces étangs,
cespuits, ces habitations, n’envoient pas une seule protes-
tation à Yama, quand d’ur.e voix douce on a donné
l’aumône de la nourriture. 13,390.
268
LE MAHA-BHARATA.
» L’homme, qui donne au brahme d’un vertueux ca-
ractère le blé, nommé la richesse conquise par la fatigue,
contente beaucoup la terre, qui exsude, pour ainsi dire, la
sueur de ses ricliessos. 13,391.
» Celui, qui donne des aliments, vient d’abord ; celui,
qui parle selon la vérité, marche immédiatement après;
celui, qui vient ensuite, est celui, qui donne sans qu’on de-
mande : ces trois espèces d’hommes marchent d’un pas
égal. >. 13,392.
Excité par la curiosité, Youddhishthira, avec ses frères
puînés, interrogea denouveau le magnanime Mârkandéya,
sur la route, qui sépare le monde humain du monde
d’ Yama : o Comment, sous quelle autorité, par quelle ma-
nière les hommes accompliront-iiscette traversée? l)is-le-
moi, grand anachorète ?» Et Mârkandéya de lui répondre :
O Je te raconterai le devoir, sire, le plus vertueux des
hommes vertueux, question pure, louée des rishis, le plus
grand de tous les mystères ; quatre-vingt-six mille yodja-
nas, monarque des hommes, séparent le monde humain
et le monde d’Yama. Le ciel est sans eau, l’aspect n’oiïre
que d’épouvantables cavernes, pas un arbre n’y répand
son ombrage; on n’y voit ni eau, ni habitation,
13,393—13,394—13,395—13,396—13,397.
» Où puisse se reposer de ses fatigues l’homme brisé
parla roule. Les messagers d’Yama, les exécuteurs de
ses ordres y mènent de force les hommes, les femmes et
les autres êtres, qu’on appelle animés sur la terre. Les
présents de formes diverses, faits aux brahmes, y sont
traînés par des chevaux et autres bêtes de somme ; les
hommes suivent la roule ; ceux, qui ont donné une
ombrelle, marchent abrités du soleil par une ombrelle.
VANVPARVA.
209
» Ceux, qui ont donné des alinients, vont rassasiés :
ceux, qui n’en ont point donnés, s'y traînent alTaniés ;
ceux, qui ont donné des habits, marchent vêtus ; ceux, qui
n’en ont point donnés, ont le corps tout nu.
13,398—13,390—13,400—13,401.
» Ces hommes, qui ont donné de l'or, s’avancent A leur
aise, bien |)arés ; ceux, qui ont donné de la terre, font
route paisiblement, bien raasasiés de toutes les choses dé-
sirées. 13,402.
» Les hommes, qui ont donné des fruits, poursuivent
cette carrière sans douleur ; ceux, qui ont donné une inai-
.son, voyagent très-doucement, montés sur des chars.
» Les hommes, qui ont donné de l’eau, marchent, l’âme
joyeuse, sans éprouver la soif ; ceux, (|ui ont donné une
lampe, cheminent tranquillement, illuminant la route.
13,403-13,404.
» Ceux, qui ont donné une vache, font le voyage en
paix, délivrés de tous leurs péchés; ceux, qui ont jeûné
tout le mois, s’avancent sur des chars, traînés par des
cygnes. 13,405.
» Ceux, qui ont jeûné, ne mangeant que six en six jours,
ont des chars, attelés de paons ; celui, qui a passé trois
jours, ne faisant qu’un seul repas, sans manger dans l’in-
tervalle, fils de Pândou, les mondes sans maladies sont
assurément son partage. Il y a dons les eaux des qualités
célesles,elles versent le plaisir au inonde des morts.
a La rivièie, nommée i’oushpodakâ, f eau-des-fleitrs,
est disposée là pour eux : ils y boivent une eau fraîche et
semblable à l’ambroisie. 13,400 — 13,407 — 13,408.
» Mais ceux, qui ont fait des œuvres mauvaises, n'ont
à boire que les eaux du Poûya ou du Put. Ainsi, grand
270
LE MAHA-BHVRATA.
roi, cette excellente rivière satisfait tous les désirs.
» Honore donc tes hôtes suivant la règle, Indra des rois.
En efl'et, le brahme honoreracommeun hôtel homme, qui,
brisé par la route et ses pieds couverts de poussière, sol-
licite un don de nourriture, et qui entre, conduit par
l'espérance, dans la maison du donateur.
13,409—13,410—13,411.
» Tous les Dieux avec les Vasous, suivent les pas de
l’homme, qui entre. S’il est honoré, ils s’en réjouissent;
s’il est repoussé, ils s'enfuient désespérés. 13,412.
» Honore donc ton hôte suivant la règle, Indra des rois ;
mais déjà ou t'a dit cela cent fois : pourquoi désires-tu
l’entendre de nouveau ? » 13,413.
B De nouveau et toujours, je désire entendre contée par
toi, auguste et vertueux, répondit Youddhishthira, cette
narration pure, qui tient aux devoirs. » 13,414.
Hàrkandéya reprit :
« l'icoute toujours avec attention, sire, sur l’opportunité
du devoir, cette narration dite par moi et qui efface tous
les péché.s. 13,415.
» Une vache Kapihâ étant donnée, voici le fruit, qui
reste au plus beau des nélumbos, ô le plus vertueux des
Bharatides, employé au lavement du pied des brahmes.
» Les àlàties boivent l’eau par les pétales du lotus aussi
long-temps que la terre est mouillée par l’eau, qui slille
des pieds du brahme. 13,416 — 13,417.
» l.es feux sont ras.sasiés par la salutation, Çatakratou
par le siège, les Mânes par la pureté des pieds, et le Pra-
djâpati par la nourriture et les autres choses. 13,418.
» Dans le teaups qu’on voit les pieds et la tète du veau,
c’est alors que d’une âme dévote on doit donner la vache.
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VANA-PARVA.
271
U Quand, venu à l'air, on voit le veau tenir encore à la
matrice, et que la vache n’a pas mis bas toute sa géniturj,
regardez alors la vfiche comme si elle étiiil la terre.
U Le dbnn/eur est exalté, Youddhishthira, dans le monde
du Swarga autant de milliers d'yougas qu'il y a de poils
sur la vache et sur le veau. 13,419 — 13,420 — 13,421.
• Quiconque, lui ayant couvert le nez d’or, donnerait
une vache à lait noire, avec de belles cornes, arrosée
d'huile de sésame, et décorée avec toutes les pierres fines,
» Et quiconque ayant reçu le don, en ferait de nouveau
un présent à quelque vertueux brahme, fils de Bharata,
savourerait le fruit des fruits aussitôt qu’il l’aurait donnée.
13,422—13,423.
i> Ce serait donner par-là, il n’y a aucun doute, la teree
elle-même avec ses quatre limites, avec la mer et ses caver-
nes, avec les foiéts, les eaux et les montagnes. 13,424.
■> Le brahme, qui mange un plat mis sur ses genoux (1),
est un brahme, qui peut sauver sans mot dire. 13,425.
U Et les autres brahmes, non spécifiés, buvant et ne
buvant pas, qui murmurent, comme il convient, la Sanhi-
tâ, sont toujours capables de sauver. 13,426.
a lin brahme savant est digue de toute chose quel-
conque, offrande aux Mânes, oblation aux Dieux. Donner
à un brahme instruit et vertueux, c’est comme le beurre
clarifié, qu’on verse dans la flamme du feu. 13,427.
» Les brahmes, qui frappent avec le trait de la colère,
ne sont pas des brahmes : ce sont des soldats armés de
flèches. Les brahmes tueraient avec la colère, tels que le
Dieu de la foudre extermina les Asouras. 13,428.
(1) Littéralement : un piat mis entre ses genoux et ses bras.
272
LE MAHV-BHARATA.
» Je t'ni raconté cette narration, homme sans péché, tetle
que les solitaires, habitant la furél Natmishn, qui ont vain<
eu la colère, la crainte, le chagrin, et de «jui les péchés
sont elTacés, ne sont plus des hommes ici -bas, sire,’ une
fois qu’ils ont pu l'entendre. » 13,A29 — 13,430.
Youddhishtliira lui demanda :
» Quelle sera la purification, qui donnera au brahme
une pureté continuelle? Voilà ce que j’ai envie d’entendre,
anachorète à la grande science, le plus vertueux des
hommes vertueux. » 13,431.
O purification de la parole, lui répondit Mârkandéya,
la purification par les œuvres et la purification par la na-
ture niëiiie de l’eau. Quiconque possède ces trois purifica-
tion, est un habitant des cieux : il n’y a là aucun doute.
» Si le brahme, soir et matin, honore l’arrivée et le
départ de la lumière, en récitant à voix basse la divine
puiilicatrice, cette Gâyatrl, la mère des Védas, alors, pu-
rilié par cette médiatrice céleste, et tous ses péchés effa-
cés, il n’est pas même accablé sous le poids de la terre,
jointe à scs mers. 13,432 — 13,433.
I) Tous les météores effrayants quelconques, le soleil et
les autres, nais.sent pour lui dans le ciel, bons, propices et
toujours de plus en plus favorables, 13,434.
» Tous les mangeurs de chair, épouvantables, aux formes
horribles, aux grands corps, ne peuvent ni suivre, ni
vaincre le plus grand des brahmes. 13,435.
» Il n’est rien dmis (es afjlirtioiis du monde, qui soit
la faute du brahme, iiiparl’cnseignementdeslivressaints, •
ni par la célébration du sacrifice, ni par une autre céré-
monie, où il reçoit des présents : le brahme est égal au feu
allumé. 13,436.
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VANA-PARVA.
273
» Ignorant des Védas ou versé dans la sainte écriture,
noble ou vil, on ne doit jamais faire mépris d'un brahme
comme du feu, caché sous la cendre. 13,A37.
n Tel que, dans un cimetière, le feu à la vigueur flam-
boyante n'est pas souillé : tel, instruit ou non, un brahme
est toujours une grande Divinité. 13,é38.
» Les villes, qui sont privées des plus grands brahmes,
ne resplendissent pas, malgré leurs palais aux formes di-
verses, les portes arcadées et les remparts. 13,AS9.
» Le lieu, où sont des brahmes riches de science, doués
de bonne conduite, savants et pénitents, c'est lui, qui
mérite à bien dire le nom de ville. 13,AiO.
>> Là, où sont des brahmes instruits, fils de Prithâ, que
ce soit une forêt ou même un parc de vaches, là est, dit-
on, la ville, et ce doit être un lieu de pèlerinage. 13,ààl.
» Quiconque va trouver un roi protecteur ou un brahme
pénitent, et leur fait hommage, est délivré au même instant
de ses péchés. 13,àà'2.
I) Se baigner en des tlrthas saints, célébrer ce qui poriGe,
s’entretenir avec les gens de bien, sont des choses louées
dans la bouche des savants. 13,àA3.
H Les sages pensent que leur purification s'opère tou-
jours par l'eau d'une parole bien dite et purifiée par l'en-
trevue des bons. li,ààà.
» S'appuyer sur un triple bâton, garder le silence,
porter ses cheveux en djatâ et la tonsure, se revêtir d’un
valkala ou d’une peau de gazelle, observer la chasteté, se
baigner, entretenir le feu perpétuel, habiter au bois, mor-
tifier son corps : toutes ces actions sont faites en vain, si
votre âme n’est pure. 13,445—18,448.
U Se priver d’aliments n’est pas une chose difficile ; il
IV 18
27â
LE MAHA-BHARATA.
est aisé de vivre sans manger : ce qui est beaucoup plus
difficile, Indra des rois, c’est d’opérer un changement dans
l’âme de ceux, qui vaquent à la purification de l’œil et des
six autres organes des sens. Les m.agnanimes, qui ne com-
mettent aucun |)écli6 en pensée, en œuvre, en parole, en
esprit, SB consument par le feu de la pénitence. Ce n’est,
ni la mortification du corps, ni la compa.ssion-pour ses pa-
rents, qui peut rendre blanc le corps d'un homme couvert
de péchés. 13,âA7 — 13,448 — 13,449.
» L'attention à ne faire aucun mai est réputée comme
pénitence, mais la privation d'aliments n’est pas dite une
pénitence. Le solitaire, qui se tient dans sa maison, est
toujours paré de sa pureté. 13,4.‘iO.
'< Le miséricordieux est, durant toute sa vie, alfranchi
de tous ses péchés ; on ne .se piirilie pas des œuvres crimi-
nelles par le jeûne et les autres abstinences. 13,431.
» L’homme, qui est composé d’un oiigueul de chair et
de sang, s’exténue en ne mangeant pas : quand il a fait
cette œuvre inoiiie, il .abandonne son tourment et rien
autre chose. 13,452.
n Le feu ne brûle pas les œuvres du mortel, qui est
privé d'àmc; elles s’en vont par la pureté seule. Ce qui
purifie les jeûnes, 13,453.
» Ce n’est, ni de manger des fruits et des racines, ni
de garder le silence, ni de se nourrir du vent, ni de se faire
sur la tête une tonsure, ni de mettre son siège dans une
place llexueuse, 13,454.
» Ni de porter le djatà, ni de coucher sur la terre pré-
parée pour un sacrifice, ni de jeûner perpétuellement, ni
même de servir le feu , 13,455.
i> Ni d’entrer au sein de l’eau, ni de dormir sur la
VANA-PARVA.
276
dure. On laisse par la science ou par l’œuvre les maladies,
la vieillesse ou la mort, et l’on obtient une région supé-
rieure : c’est ainsi que, brûlées par le feu, on ne voit plus
repousser les semences. 13,Aô6 — 13,467.
U L’âme n’est plus jointe aux soucis consumés par la
science ; et ces choses, séparées de l’âme, périssent, telles
qu’une muraille de bois, il n’y a pas de doute, ou comme
des écumes au milieu de la grande mer. Si la moitié
d’un çioka ou même un çluka entier détruit la cause,
par laquelle l’homme obtient une âme, ce tigre de tons
les êtres, il en est, qui par des centaines et par des milliers
d’autres vers, que distinguent les pieds d’un çioka, ont
combattu victorieusement pour la dualité. La confiance
est le signe de la délivrance. Qu'on dise : » Ce monde
n’est pas, ni l’autre non plus I » — « 11 n’y a pas de plai-
sir dans l’incertitude de l’âme ! n
13,458-13,469—13,460-13,461.
» Ont dit les vieillards, qui possèdent la science. La con-
fiance, je U répète, est le signe de la délivrance. L’utilité
d’une connaissance complète des Védas est une chose re-
connue. 13,462.
» Que l’homme tremble devant les Védas, comme de-
vant l’incendie d’une forêt : abandonnant donc une pensée
vaine, réfugie-toi sous les Védas et la loi. 13,468.
n Tu désires arriver par des raisons à la connaissance
de la nature, qui est en relation avec la triple Divinité Oui :
mais il est impossible que la pensée touche â son but par
la contrariété de l’accomplissement. 13,464.
a 11 faut savoir par un effort d'attention que ce Véda
est antérieur aux Védas, que le Véda est son corps ; que
le Véda est la vérité même ; que l’âme est paresseuse à
276
Lü MAH.4-BHARATA.
comprendre qu'elle en est un abrégé, et que, dans ce qui
mérite d’étre connu, c'est là ce qu'il faut connaître.
U La vie des Dieux et les bénédictions des œuvres, c'est,
dit-on, le Véda ; la force «les êtres incorporés s’épanouit
dans le monde à la faveur des organes des sens. Que
l'homme donc s’abstienne du jeûne, caria privation de
nourriture est un empêchement h la demeure céleste de
l’ânie. 13,465— i8,â66—13,/167.
» L’arrivée au Swarga naît de la pénitence ; en jouir
provient de l'aumône : sachez que la délivrance est fille
de la science, et que le bain pris dans un tirtha cau.se l' ef-
facement des péchés. » 13,468.
A ces mots, Indra des rois, Youddhûhthiru à la haute
renommée de lui répondre ainsi ; « Uévérend, je désire
entendre quelle est la maniéré la plus élevée de l'aunidne ? »
<i Écoule, roi des rois, dit Màrk.andéya, ce quetudé^res
connaître, le devoir de l’aumône : ce fut toujours, sire,
l’objet de mes désirs en raison de son importance. Les
mystères de l’aumône ressortent des Védas et de la loi. A
l’ombre de son auteur, le çràddha fait germer çà et là des
semences dans l’oreille des Dieux.
13,469-13,470-13,471.
a Quand on a donné une richesse, arrosée pour la vie,
elle ne périt point ici-bas, maître de latcrre, eût-elle vécu
même dix myriades de kal|)as. 13,472.
» Quicomiue, ayant offert tous les sacrifices, donnera
l’hospittilité à un vaîçya, le lleuve lui apporte des produits
admirables, et le Dieu des pluies se jiromène dans ses
champs. 13,478.
» Dana l’infortune, donnez-vous au br-ahme le lait et les
doua impérissables, vous êtes .sauvés de vos grandes
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VANA-PAHVA. ■ I
277
fautes, commeun navire l’est par un grand timon. 13,A7A.
» L'auDiôiie faite dans un |>arvan est double ; elle est
décuple au commencement d’mie saison ; elle est •'gale en
valeur à cent, dans la nouvelle année ; elle vaut à l’infini
au temps des étjuinoxes. 13.A75.
U Le donateur mange avec quatre-vingt-six bouches
l’aumône iiiqiéris^able, rpi’il a faite au jour de la demi-
année, ou pendant l’équinoxe, ou dans une éclipse du
soleil et de la lune. 13,A70.
» On dit assurément que l’aumône est décuple au com-
mencement des saisons, qu’elle est centuple dans, les
premiers pas de la lumière, qu’elle vaut mille fois dans
un jour d’éclipse, et que le fruit à manger est impéris-
sable au temps des équinoxes. 13,A77.
» Quiconque donne la terre, jouit de la terre ; quiconque
donne un moyen de transport, s’avance, monté sur un
char. 11 goûte, en revenant au monde, tous les plaisirs
qu’il a su procurer aux brahmes. 13,A78.
» L’or fut le premier fils d’Agni, la terre est née de
Vishnou, les taureaux sont les enfants du soleil ; au&si,
les trois mondes seraient-ils à celui, qui donnerait de l’or,
des bœufs et de la terre. 13,A79.
I) L’aumône de nourriture est la principale, l’étemelle,
la véritable dans les trois mondes : combien plus en est-il
après cette rie 1 Kn conséquence, les hommes aux pensées
distinguées répètent que l’aumône est au premier rang
dans les mondes. » 13,480.
Quand le roi eut appris de la bouche du vertueux Mâr-
kandéya, puissant rejeton des lîharatides, que la restau-
ration du saint roi Indradyoumna au ciel s’était opérée de
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278
LE MAHA-BHARATA.
cette manière (1), Youddhishthira d’interroger le soli-
taire, qui avait amassé des trésors de pénitence et vécu
une longue vie sans souillure : i 3,é81 — 13,A82.
« Tu connais, 6 toi, qui sais le devoir, les Rakshasas,
les Dânavas et les Dieux, les diverses races des rois et les
familles immortelles des rishis. 13,A83.
» Rien de ce qui existe dans ce monde n'est ignoré de
toi, é le plus grand des brahmes ; tu sais, anachorète, les
célestes narrations des Rakshasas, des Onragas et des
hommes, 13,i8i.
n Des Apsaras, des Kinnaras, des Yakshas, des Gan-
dharvas et des Dieux : je désire, ô le plus vertueux des
hrahmes, entendre dans la vérité cette histoire du sage
nommé Koubalâçwa : comment l’invincible Ikshwàkou est-
il devenu Dhoundoumâra par un changement de son nom.
» J’ai envie de connaître dans la vérité, ô le plus ver-
tueux des Bbrigouides, comment fût changé ce nom du
sage Kouvalàçwa. » 13,i83 — 13,i86 — 13,487.
Sur ces paroles d’Youddbishihira, le grand anachorète
Mârkandéya se mit à raconter, fils de Bharata, la légende
de Dhoundhoumâra : 13,488.
O Eh bien ! écoute, sire ; je vais te raconter cette ver-
tueuse légende de Dhoundhoum&ra. Écoute, Youddhish-
tbira, comment le nom d'Ikshwàkou-Koubalâçwa, le
maître de la terre, fut changé en celui de Dhoundhou-
mâra : écoute cela, maître de la terre. 13,489 — 13,400.
» 11 fut, Bharatide, mon fils, un maharshi célèbre,
(l) Cette transition nous semble attester évidement que tout ce qui
précède et sépare l’épisode d’indradyoumoa est une intrusion d'un âge
postérieur.
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VANA-PARVA.
279
nommé Outanka : il avait, rejeton de Kouroa, son hermi-
tage dans les charmants Maroudhanvans. 13,A91.
a L’auguste Outanka, désirant se concilier Vishnou,
entreprit une douloureuse pénitence, qui dura beaucoup
d'années. 13,492.
» Bhagavat satisfait .se montra lui-mème à sa vue ; et le
rishi, s’inclinant à cet aspect, le célébra par différents
éloges: 13,493.
« C’est de toi. Dieu, lui dit-il, que sont nés tous les
êtres, immobiles et mobiles, les hommes, les Asouras et
les Dieux. 13,494.
» Tu es Brahma et les Védas ; tu as créé toi-même tout
ce qu’il faut connaître. Dieu à la grande splendeur : le ciel
est ta tète ; la lune et l’auteur du jour, ce sont tes yeux.
» Le vent est ta respiration, le feu est ta splendeur,
Atchyouta : tes bras sont tous les points de l’espace ; ton
ventre est le grand océan. 13,493 — 13,496.
» Les montagnes sont tes cuisses. Dieu, meurtrier de
Madhou ; l’atmosphère est tes jambes : tes pieds sont la
divine terre ; et les poils de ton corps, ce sont les plantes
annuelles. 13,497. ■>
» Indra, la lune, Agni, Varouna, les grands Ouragas,
les Asouras et les Dieux te servent, inclinés, et t’exaltent
par diverses louauges. 13,498.
» Tous les êtres sont remplis de toi, maître du monde ;
les maharshis à la force immense, al)sorbés dans la con-
templation, de chanter ton éloge. 13,499.
» Es-tu satisfait, le monde est heureux ; es-tu irrité,
une crainte glaçante le pénètre : toi seul, ô le plus grand
des hommes, tu dissipes les terreurs. 13,600,
» Tu apportes le plaisir à tous les êtres, hommes et
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•280
LE MAH\-BHARATA.
.Dieux : tu as enlevé, Dieu, à Bali^ les trois inondes en trois
pas. 13;ô01. '
» C’est toi, qui as fait l’extermination des grands Asouras :
«grâce à tes exploits, les Dieux sont allés de leur pied à la
béatitude éternelle. 13,502.
• » Tu as vaincu dans ta colère. Dieu à l’éclatante lu-
mière, les rois des Daîtyas. Tu es le créateur et l’extermi-
nateur de tous les êtres, qui sont ici-bas de tous les cétés ;
.s’étant concilié ta faveur, les Dieux augmentent partout
• leur plaisir. » 13,603.
U Ainsi loué par le magnanime Outanka, Vishnou-
Risblkéça lui dit : « Je suis content ! choisis une grâce. »
« C’est une grâce suffisante pour moi, répondit Outanka,
.d’avoir pu contempler Hari, l’homme éternel, divin, au-
.guste, le créateur du monde. » 13,60A — 13,505.
. « Je suis content, reprit Vishnou, de ton âme paisible et
de ta piété ; mais il faut que tu reçoives une grâce de moi,
- brahme, fût-ce malgré toi. » 13,506.
» Gratifié en ces termes d’une faveur, Outanka joignit
ses mains, ô le plus vertueux des Bharatides, et fit le choix
d’une grâce: 13,507.
« Si tu es content de moi, révérend, de qui les yeux res-
. semblent au lotus bleu, que ma pensée se maintienne
toujours dans le devoir, dans la vérité, dans la répression
des sens. 13,508.
• » Que ma piété l’entretienne sans cesse auprès de toi,
seigneur. » Le bienheureux Vishnou répondit ; « Ma grâce
fei'a tout cela en toi, brahme. 13,509.
» La conteoiplation profonde, qui t’unit aux habitants
du ciel, paraîtra, et tu accompliras même la grande affaire
des trois mondes. 13,510..
• VANA-PARVA.
2S1
» Pour arriver à la destruction des mondes, un grand
Asoura, nommé Dhoundhou, pratiquera une épouvantable
pénitence: écoute ! voici qui le détruira. 13,511.
_ » Un roi à la grande vigueur, Ikshvàkou l’invincible,
surnommé Vrihadaçwa, sera, mon fils, le maître de la
terre. 13,612.
» 11 aura un fils pur, dompté, qui portera le nom de
Kouvalâçwa. Ce prince sublime s'élèvera à ma puissance
de contemplation, et, docile à ton ordre, il donnera la
mort à Dhoundhou, brahniarsbi, et méritera le nom de
Dhoundhoumàra. » Quand il eut parlé ainsi, Vishnou
disparut. 13,513 — 13,515.
» Après la mort d’ikshwâkou, sire, Çaçàda obtint cette
terre : c'était un roi, de qui l’âme s’élèvait à la plus haute
vertu et qui habitait Ayodhyà. 13,515.
» Le fils de Çaçàda portait le nom du vigoureux Kakout-
shta : il fut sans péché, et Prithou naquit de cet homme
sans péché. 13,616.
» Prithou eut pour lils Viçvagaçwa, qui fut le père
d’Adri : celui-ci donna le jour à Youvanàçwa, qui eut pour
son fils Çrâvas. 13,517.
B Sachez que ce dernier fut le père de Çràvastaka, par
qui fut bâtie la rille de Çràvastl. Le fils de Çi'âvastaka était
le puissant Vrihadaçwa ; 13,518.
B Et le fils de celui-ci est célébré sous le nom de Kouva-
lâçwa ; vingt mille et un fils étaient les enfants de Kouva-
lâçwa. 13,519.
» Tous, ils furent habiles dans les sciences, vigoureux,
bien terribles ; ainti Kouvalâçwa surpassait tous scs pères
en vertus. 13,520.
» Suivant la coutume, Vrihadaçwa, son père, sacra sur le
282
LE MAHA-BH.UIATA.
trône Kouvaliçwa, qui était, roi puissant, un héros de
qualités supérieures. 18,521.
» Quand il eut donné des épouses à ses fils, le dompteur
des ennemis, le maître de la terre, le sage Vrih.Tdaçwa se
retira, pour la pénitence, dans le bois des mortifications.
« Le plus grand des brahmes, Outanka, continua MAr-
kandéya, entendit parler du saint roi Vrihadaçwa, qui
s’était confiné dans une forêt ; 13,522 — 13,523.
» I.’ anachorète à l’éclatante splendeur, à l’âme sans
mesure, étant venu trouver le plus grand des rois, le plus
habile de tous ceux, qui savent les astras, chercha à l’en
détourner. 13,524.
n Daigne exercer la protection, lui dit-il, qui doit être
faite aujourd’hui par toi, sire : puissions-nous vivre sans
trouble par la grâce de ta majesté. 13,525.
» Défendue par ta magnanimité, sire, la toire sera af-
franchie de crainte : ne veuille pas aller dans les forêts.
» Le grand devoir est vu dans la protection des créa-
tures, et non dans cette vie d’un bois : n’aie pas une telle
pensée. 13,526 — 13,527.
» Le devoir n’est, certes ! point là où on ne le voit pas tel
qu’il fut exercé jadis par les radjârshis pour la défense
des créatures. 13,528.
» C’est au roi de protéger ses sujets, veuille donc les
protéger : je ne puis cultiver, sire, la pénitence sans
trouble. 13,529.
» Près de mon hermitage, dans les plaines des Marou-
dhanvans, la mer, pleine de sable, est appelée Oudjjâlaka.
» Grande de plusieurs yodjanas, elle couvre plusieurs
yodjanas de ses Ilots. Là, habite le terrible roi des Dâ-
navas, à la vigueur immense, épouvautable, l’horrible
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VA^A-P\RVA.
283
Dhoundhou, le fils de Madhou et de Kattabha. Ce monstre
à la force sans mesure demeure, sire, au sein de la terre.
18,530—13,531—13,532.
U Quand tu l’auras tué, grand roi, alors tu pourras aller
dans la forêt. 11 est couché, libre maintenant d’une ef-
frayante pénitence, qu’il a cultivée pour la perte des
mondes. 13,533.
n Car, depuis qu’il a obtenu cette grâce du suprême
ayeul de toutes les créatures, il ne peut être mis à mort
d’aucun cêté, pour la ruine des mondes, sire, ni pour la
ruine des Immortels, ni par les Rakshasas, les Nàgas, les
Yakshas et les Gandharvas, ni par les Daltyas, ni même
par les Dieux. 13,531.
» Détruis-le, que l’être absolu t’assiste ! ne mets pas
ailleurs ta pensée ! tu recueilleras une gloire immortelle,
grande, impérissable et certaine. 13,535 — 13,536.
» La fin de l’année est arrivée depuis que ce cruel
exhale sa respiration, enfoui dans le sable, où il dort.
a Le vent de son haleine, sire, excite un vaste tremble-
ment de terre ; elle vacille avec ses forêts, ses eaux et ses
montagnes. 13,537 — 13,538.
» Lne semaine entière, celte épouvantable commotion
de la terre, avec une flamme mêlée de fumée, d’où jaillis-
saient des étincelles, a ému les routes du soleil. 13,539.
» A cause de cela, il m’est impossible, Indra des rois,
de rester dans mon hermitage. Tue-le donc par le désir du
bien des mondes. 13,550.
» Après la mort de cet Asoura cruel, les mondes iront
bien ; et tu es capable de cet exploit : c’est mon senti-
ment. 13,551.
» Tu marches, ayant obtenu une i'orce, qui est égale à
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284
LE MAHA-BHARATA.
celle de Vishnou (1). Une grâce, maître de la terre, me
fut jadis accordée parce Dieu. ‘13,542.
« La vigueur iiiênie de Vishnou, m’ a-t-il dit, entrera
dans le souverain inaiïrontable, qui donnera la mort à ce
grand et terrible Asoura. n 13,543.
» Prends donc, Indra des rois, cette force difficile à
supporter sur la terre, et renverse à tes pieds ce Daltyaà
la valeur épouvantable. 13,544.
» 11 est certainement impossible d'exterminer avec une
force petite, défenseur de la terre, ce Dlioundhou à la
force immense, au bout même de plusieurs centaines
d’années. » 13,545.
» \ ces mots, l’invincible et saint monarque, joignant
ses mains, ô le plus vertueux des Rourouides, répondit à
Outanka en ces termes : 13,546.
(I Cette visite de toi ne sera pas vaine ici, brahme, : j’ai
un fils, révérend, nommé Kouvalâçwa. 13,547.
» Il a de la fermeté, il exécute promptement les choses,
il n’a pas d’égal en vigueur sur la terre : environné de ses
fils, qui sont tous des héros avec des bras semblables à
des massues, il accomplira, il n’y a aucun doute, tout ce
que tu désires. Laisse-moi, brahme ; j’ai maintenant dé-
posé les armes. » 13,548 — 13,549.
O Qu’il en soit .ainsi ! » lui fut-il répondu par cet ana-
chorète à la splendeur sans me.sure ; et, quand il eut
indiqué son fils au magnanime Outanka : «Fais avec lui!»
et, ce disant, il retourna dans la forêt sublime. » — » Qui
était ce Dattya unique à la grande vigueur, i-évérend aux
riches mortifications 7 demanda Youddhishthira.
(I) 11 y a dans la pbruc une hypallage, changement ou renvereemeul de
contlrudion.
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VANA-PARVA.
28i>
» De qui était-il ou le fils ou le petit-fils ? Voilà ce que
j’ai eiivio de savoir. Je n'ai jauiais entendu parler, saint
pénitent, d'un Daily a, qui eut une aussi grande vigueur.
13,660—13,551—13,552.
U Je désire entendre toute cette histoire en détail, ré-
vérend à la grande science, et d'une manière conforme à
la vérité. » 13,553.
« Écoute, sire, lui répondit Màrkandéya, toute cette
histoire racontée en détail, savant monarque, etd' une ma-
nière assortie à la vérité. 13,55i.
» Ce monde était perdu, fils de Bharata, et n'était plus
qu'une seule mer avec tous les êtres immobiles et mo-
biles ; aucune des créatures n'était plus. 13,555.
» Vishnou, que les anachorètes parfaits nomment la
cause de la naissance, l'auteur du monde, l'impérissable,
l’éternel, le souverain de tous les mondes; l'adorable Vish-
nou dormait, dans le temps de son sommeil, au sein des
eaux, sur le corps immense du serpent Çésha àla vigueur
infinie. 13,556 — 13,557.
» Le créateur du monde, l’adorable Atchyouta-Hari
tenait toute celte terre embrassée avec le grand corps du
serpent. 13,558.
» Tandis que le Dieu était plongé dans le sommeil, un
lotus céleste, qui avait une splendeur semblable au soleil,
jaillit de son nombril, et dans le calice, pareil en éclat au
père du jour, naquit le suprême aïeul des créatures,
Brahma en [>er.sonne, l'ancien des mondes, aux quatre
Védas, aux (juatre formes, aux quatre visages,
» InaOrontable par sa puissance, à l'héroïsme, à la force
immense. Quelque temps après, deux Dânavas, les plus
distingués par la vigueur, 13,55'.> — 13,56ü — 13,561.
286
LE MAHA-BHARATA.
>> Madhuu Pt Kattabha, virent l’auguste Hari, A lagrande
splendeur, couché dans ce lit céleste, sur le corps du ser-
l>eut, 13,562.
» Qui, grand de plusieurs yodjanas, étendaitsa longueur
sur plusieurs yodjanas. X la vue du Dieu, portant la
tiare et le diamant Ivaàustoubha, vêtu d'une robe jaune,
» Flamboyant de beauté, de splendeur et des charmes
de son corps, oITrant un aspect semblable à une merveille
et tel qu’un millier de soleils ; à la vue même de l’aïeul su-
prême des créatures dans son lotus, dont ses yeux imitaient
la couleur, un étonnement inexprimable saisit Madhou et
KaiUibha. 13,563—13,564—13,565.
» Ils inspirèrent de l’effroi à Brahma d'une vigueur in-
finie, et, nombre de fois épouvanté par eux, l’illustre
Brahma d'agiter la tige du lotus : ce mouvement réveilla
Kéçava du sommeil. Govinda vit les deux Dànavas, excel-
lents par la force, 13,566 — 13,567.
» Et leur adressa ce langage : « La bienvenue soit à
vous. Génies vigoureux ; je vous accorde la plus éminente
des grâces : vous faites naître ma satisfaction. » 13,568.
« Cæs Démons au grand orgueil, à la grande force, se
moquent de Rishtkéça, et répondent de compagnie, puis-
sant roi, au meurtrier de Madhou : 13,569.
Il C'est à toi de nous demander une grâce. Dieu, ré-
pondirent-ils sans balancer ; nous sommes donateurs de
grâces : demande, et nous t’accorderons une grâce ! »
O J’accepte la grâce, reprit Rhagavat ; et voici, héros,
celle, que je préfère. Vous êtes doués de vigueur, et il
n’existe pas un homme, qui soit votre égal en force.
13,570—13,571.
» Consentez, d vous, qui avez un courage infaillible, àce
VANA-PARVA.
287
que je puisse vous donner la ii>ort : voilà cette grâce, que
je veux obtenir pour le bien des mondes. » 13,572.
U Jamais, répondirent Madhou et Kaitabba, jamais,
avant ce jour, une chose fausse n’est sonie de notre
bouche dans les matières indifférentes ; combien plus dans
un sujet sérieux î Sache, ô le plus grand des hommes, que
nous mettons notre plaisir dans le devoir et la vérité.
B Nous n’avons pas notre égal [tour la force, pour les
formes physiques, poi.r la beauté, ni |)our la placidité:
nous surpassons tout en vertus, en pénitence, en auméne,
en répression des sens, en qualité sattwa, en bonté de
caractère. 13,573 — 13,57â.
« Une grande infortune. Dieu chevelu, est tombée sur
nous : venge-tüi et fais ce tjue tu as dit ; car il est impos-
sible de surmonter le temps ou ta destinée. 13,575.
B Nous désirons seulement que tu fasses une chose, au-
guste Dieu : c’est que tu nous donnes la mort dans un lieu
à découvert, ô sublime et le plus excellent des Souras.
B Nous obtiendrons ainsi l’avantage de renaître tes fils.
Divinité aux yeux charmants: que celte grâce nous soit
accordée ; sache cela, ô le plus vertueux des Immortels.
13,576—13,577.
n Accédera nos vœux ne sera pwint faire un mensonge, b
— U Oui I reprit le bienheureux Bhagavat ; je ferai ainsi,
el loul ce f)He vous demandez sera accompli! b 13,578.
B Govinda réfléchit un moment :1e meurtrier de Madhou
ne put trouver un espace, qui ne fut couvert, ni sur la
terre, ni dans le ciel. 13,679.
B Le plus grand des Dieux ne vit alors que ses cuisses,
qui fussent à découvert, et l'immortel à l’immense re-
nommée coupa, sire, les deux tètes de .Madhou et de
288
LE MAHA-BHARATA.
Kaitabha sur elles avec le traiichant acéré de son disque.
13,580—13,581.
» Le Démon nommé Dhouudhou, le respieudissont lils
de ces deux, à la grande valeur, à la grande force, se li-
vra, puissant roi, à une rigoureuse pénitence. 13,582.
0 11 se tint sur un seul pied, maigre, voué continuelle-
ment à la répression des sens. Brahma satisfait lui accorda
une grâce supérieure ; et voici ce qu’il choisit : 13,588.
« Que ni les Rakshasas, les Gandbarvasoules serpents,
ni les Yakshas, les Dânavas ou les Dieux ne puissent me
donner la mort: voilà de quelle grâce je fais le choix. »
« Qu’il en soit ainsi ! va 1 » lui dit le suprême aïeul des
créatures; et l’anachorète, ajaut touché de sa tète les
pieds du Dieu, s’en alla. 13,584 — 13,585.
» Après qu'il eut reçu cette grâce, Dhoundhou, invin-
cible par sa valeur et sa force, se rappela la mort de scs
pères, et courut aussitôt nuire à Vishnou. 13,580.
Il Victorieux des Gandharvas et des Dieux, Dhoundhou,
dans sa colère, tourmenta cruellement plus d’une fois
Vishnou et tous les Immortels. 13,587.
» Il vint à cette mer pleine de sable et nommée Ouddjâ-
laka, et, parvenu dans ce lieu, seigneur des Bharatides, le
cruel ensuite opprima parsaforcel'hermitaged'Outanka.
Caché dans le sable, enfoncé dans le sein de la terre,
•I Dhoundhou, le lils, épouvantable par sa puissance, de
Madhou et de Kaitabha, y resta couché, réfugié sous la
vigueur d'une forte pénitence, pour la destmction des
mondes. 13,588—13,589—13,590.
» Sa respiration envoyait des étincelles de feu dans le
voisinage de l'hermitage d’Outanka. Eu ce même temps,
escorté de sa cavalerie et de son armée, accompagné d’Ou-
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VANV-PARVA.
289
tanka, le maître de la terre, Kouvalâçwa, qui broie les
ennemis, s’avança, Bharatide, protecteur de la terre, envi-
ronné de ses vingt-et-un mille fils, tous remplisde vigueur.
rt Vishnou, l’auguste Immortel, entra dans lui avec toute
sa force, grâce aux conjurations d’Outanka, par le désir
du bien des mondes. 13,591 — 13,592 — 13,593 — 13,594.
» Pendant la marche de cet invincible, on grand bruit
de voix éclata dans les deux : « Le voilà ce fortuné héros,
à qui l’on ne peut donner la mort : il deviendra aujourd’hui
Dboundhoumâra ! » r enl-à-dire ta mon de Dhoudhou.
n F.es Dieux l’inondèrent de tous les côtés avec des fleurs
célestes, et les tambours des Dieux résonnèrent d’ eux-
mêmes, sans qu’une main les frappât. 13,595 — 13,596.
» Dans la marche de ce roi sage, le vent souffla d’une
fraîche haleine, dissipant la poussière de la terre, et le
souverain des Dieux répandit sa pluie. 13,697.
» On vit les chars des Dieux, Youddhishthira, se ras-
sembler au sein des deux, lâ, où se tenait le grand Asoura
Dhoundhou. 13,598.
» Attirés par la curiosité, les maharshis, accompagnés
des Gandharvas et des Dieux, contemplèrent ce terrible
combat de Dhoundhou et de Kouvalâçwa. 13,599.
U Nârâyana y vint lui-même avec son énergie, rejeton
de Kourou. Bientôt arrivé dans ces lieux, environné de ses
fils, le roi maître de la terre, Kouvalâçwa fit creuser la
mer. Quand ils eurent, pendant sept jours, fouillé dans
cette grande mer, les fils de Kouvalâçwa aperçurent enfin
ce Dhoundhou â la grande force. Son vaste corps, enfoui
dans le sable, était épouvantable.
13,(500—13,601—13,602.
» Il flamboyait de splendeur, éminents Bharatides, à
IV 19
290
LE MAHA-BHARATA.
l’instar du soleil. Dhoundhou se tenait alors , tigre des
rois , couvrant toute la région occidentale ; il était
endormi , et son éclat était égal à celui du feu ou de la
mort. Environné de tous les côtés par les fils de Kouva-
làçwa, 13,603—13,604.
» Ils fondent sur lui, armés de flèches acérées , de
pilons, de moushalas, de pattiças, de massues, de traits
barbelés, de cimeterres aigus, reluisants. 13,605.
U En but à leurs coups, le Uémon à la grande vigueur
se lève avec colère, et dans sa fureur, il dévore leurs
armes diverses. 13,606.
» Sa bouche , semblable à un volcan sous-marin ,
vomissait du feu : il consuma par sa splendeur tous les
fils du monarc|UP des hommes. 13,607.
U 11 détruisit, pour ainsi dire, les mondes en un instant,
par le feu de sa bouche i rri tée, comme jadis l’ augu-te Kapila,
tigre des rois, consuma dans sa colère les filsdeSagara : ce
fut une chose merveilleuse. Quand ce feu irrité eut dévoré
ses fils, le puissant maître de la terre, Kouvalàçwa, ô le
plus vertueux des Bharatides, s'approcha du magnanime
réveillé , semblable à un second Koumbhakarna.
13,608—1 3,609—13,610.
» Il répandit l'eau à torrent de son corps; ce royal Dé-
monetsallamme, puissant roi, burent cette onde. 13,611.
B Maître de vertus sur-humaiiies, il éteignit ce feu par
l’eau et par des moyens surnaturels. Ensuite, il consuma,
Indra des rois , pour la sécurité de tous les mondes, ce
Daîiya à l'énergie cruelle avec r.astra de Brahma. L'ne
fois que le saint roi eut brûlé de ce charme, comme
un autre souverain des trois mondes , le grand Asoura,
ce meurtrier des ennemis, cet ennemi lui-mème des Dieux,
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VANA-PARVA.
2«1
alors Kouvalâçwa, le magnanime roi, l'héroïque guerrier,
fut nommé Dhoundhoumâra, en souvenir de cette mort
donnée à Dboundhou. Tous les Tridaças joyeux unis aux
matiarshis : « Choisis une grâce ! » lui dirent-ils ; et, réunis-
sant les mains, le roi s’inclinant, au comble de la joie,
répondit en ces termes :
13,612— ■13,613— 13,614— 13,615— 13,616.
Il Qu’invincible aux ennemis ; je puisse donner des
richesses aux principaux des brahmesj que Vishnou m’ac-
corde son amitié ; que je ne fasse aucun mal à tous les
êtres ; que mon plaisir continuel soit dans le devoir et
mon habitation éternelle dans le Swarga! » — o Qu’il en
soit ainsi I » fut-il répondu au roi par les Dieux satisfaits,
les rishis , les Gandharvas et le sage Outanka. Après
qu’ils se furent entretenus avec lui et qu’ils l’eurent
comblé de bénédictions, 13,617 — 13,618 — 13,619.
» Les Dieux et les Maharshis de retourner en leurs
habitations. Il ne lui restait plus, Vouddhishthira , que
trois fils : 13,620.
» Drithâçwa , Kapilâçwa et Tchandrâçwa. C’est avec
eux, royal et bien vertueux Bharatide, que fut continuée la
race des magnanimes Ikshwâkides , ces monarques â la
splendeur infinie. C’est ainsi que tomba sous les coups
de ce terrible Kouvalâçwa, 13,621 — 13,622.
» Ce Démon appelé Dhoundhou , fils de Madhou et de
Kaîtabha , et c’est ainsi que fut donné à ce roi le nom de
Dhoundhoumâra. 13,623.
» Il consen’a désormais les qualités réunies avec le
nom. Je t’ai raconté entièrement cet épisode, sur lequel
tu m’as interrogé. » 13,624.
L’homme juste, par les œuvres de qui sera propagée
292
LE MAHA-BHARATA.
cette I(^gende de Dhoundhoum&ra, ou qui entendra récitée
dans les parvans cette sainte aventure de Vishnou, aura
des enfants, une longue vie, des dignités, et, libre de
soucis, il n'aura aucune crainte des uialadies.
13,625— 13,6-26— 13,627.
Ensuite le plus vertueux des Bharatides, le roi Youd-
dhishthira d'interi’oger Màrkandéya à la grande splendeur
sur une question du devoir bien difficile à connaître.
« J’ai en\ie, révérend bralnue , d’entendre dans la
vérité racontée par ta bouche la magnanimité sublime
des femmes, ce devoir si délicat. 13,628 — 13,629.
» Car tu as fait passer sous mes yeux, ô le plus
vertueux des brahmes, les Dieux, le soleil et la lune, le
vent, la terre et le feu lui-iuômc, 13,630. .
B Le père et la mère, et le gourou , fils de Bhrigou , et
les autres choses, très-vertueux révérend, que les Dieux
ont disposées pour noire bien. 13,631.
» Le respect est dd à tous les gourous ainsi qu'aux
épouses fidèles. L’obéissance des femmes vouées au culte
du nœud conjugal me paraît bieu difficile. 13,632.
» Que ta sainteté veuille me dire la magnanimité des
épouses fidèles .'i leur époux. Des femmes, qui se main-
tiennent dans la pen.sée de leur mari comme dans celle
d'un Dieu et qui retiennent leur âme, mortel sans péché,
après qu’on y at renfermé les organes des sens, cela me
semble extrêmement difficile, révérend auguste 1
I) Obéir à son époux, comme s'il était un père ou une
mère : je ne connais rien d'aussi difficile, brahrae, que cet
efl’rayant devoir des femmes. 13,633 — 13,635 — 13,635.
» Les épouses d'un vertueux caractère, qui, toujours
prisant leur époux à l’égal d’un père ou d’une mère, sont
VANA-PARVA.
298
restées fidèles à ce sentiment, ont fait, certes ! une chose
bien difficile, brahme. 13,636.
» Les épouses fidèles à leur époux, celles, qui disent tou-
jours la vérité, et celles, qui portent un fruit dix mois dans
leur sein : 13,637.
» Est-il rien de plus admirable ? Lorsqu’elles ont achevé
le temps de la gestation, et couru les plus grands risques,
elles éprouvent une douleur incomparable. 13,638.
» Elles enfantent nos fils avec beaucoup de peine, et les
nourrissent avec un grand amour, éminent et auguste
brahme. 13,639.
» Elles restent en but au mépris dans toutes leurs an-
goisses, et n’en remplissent pas moins toujours leurs pé-
nibles fonctions : voilà mon sentiment. 13,6à0.
» Dis-moi dans la vérité, brahme, la conduite des
magnanimes kshatryas attachés au devoir. 11 est bien dif-
ficile de l’acquérir, ce devoir, aux méchants ! 13,6àl.
» Je désire entendre de ta voix, révérend fidèle à tes
vœux, la réponse à cette question, vertueux Bhrigouide,
le plus instruit des hommes, qui savent répondre aux
questions. » 13,642.
ft Eh bien ! reprit Mârkandéya, je vais répondre entiè,-
rement à ta demande, d’une solution bien diflicile : écoute,
ô le plus vertueux des Bharatides , ma parole de vérité.
» Les uns donnent, pour l’importance. Te premier rang
à la mère ; les autres donnent ce rang au père : la mère
fait une œuvre difficile ; elle fait grandir ses enfants.
13,643—13,644.
» Les pères sollicitent des fils par la pénitence, les sa-
crifices aux Dieux, l’obéissance aux brahmes, la patience,
et même en recourant aux moyens de la magie. 13,645.
LE MAHA-BHARATA.
20A
» Quand ils ont obtenu ainsi, avec beaucoup de peine,
ce fils d’une acquisition difiicile, ils sont continuellement
tourmentés par cette pensée ; « Que sera- t-il ? i 13.646.
» Le père et la mère, Bharatide, espèrent dans leur
fils, assurément! la renommée, la gloire, la puissance, une
postérité et même le devoir. 13,647..
« Le père et la mère se réjouissent continuellement,
Indra des rois, de l'enfant vertueux, qui promet de cou-
ronner leurs espérances. 13,648.
» Dans ce monde et dans l'autre, ils auront par lui une
gloire immortelle ; le devoir sera toujours accompli : ils
ne manqueront ni de sacrifices et de toutes les obsèques,
ni de çrâddha, ni de jeûnes. 1 3,649.
» L’épouse, qui obéit à son époux, fait ainsi la conquête
du Swarga. Après ce chapitre, écoute maintenant, sire,
écoute avec attention, Youddhishthira, la conduite sou-
mise des épouses fidèles àleur mari. 13,650 — 13,661.
» Jadis vécut un certain brahme éminent, lisant les
Védas, ascète, riche de pénitences, au vertueux caractère
et nommé Kaâuçika. 13,652.
I) Le meilleur des brahmes, il avait In les Védas, les
Oupanishads et les Védângas. 11 se tenait sans cesse à la
racine d’un arbre, feuilletant les Védas. 13,653.
» Une grue vint se percher sur cet arbre, et de-là elle
lâcha ses excréments sur le brahme. 13,654.
» Celui-ci irrité, vomit des imprécations contre elle ;
il était dominé par une violente colère, et, dans ce moment,
il vit la grue. 13,655.
» L’oiseau, maudit par le brahme, descendit sur le sol
de la terre. Quand il vit l’infortunée en has, hors d’ elle-
même, abandonnée de son âme, 13,656.
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VANA-PARVA.
295
» Le brahme, saisi de compassion, la plaignit : « Poussé
par la force et la passion delà colère, j’ai fait, se dit-il, une
chose, que je ne devais pas faire! u 13,657.
» Quand il eut articulé ce.s mots nombre de fois, le sage
s’en alla mendier au village ;il y parcourut, éminent Bha-
ratide, les familles pures du lieu. 13,658.
» Un jour, il entra dans une maison, où déjà il était
venu auparavant ; «Donne-moi!» dit-il. A celte demande,
une femme répondit: « Attends ! » 13,669.
» La maîtresse du logis se mit à nettoyer un vase, et
pendant ce tenips-l.A, éminent Bharatide, entra toul-à-coup
son mari, extrêmement acc.ablé par la faim. A la vue de
son époux, la femme vertueuse d’abandonner le brahme.
» Elle donna à son mari de l’eau pour se laver les pieds,
de l’eau pour se rincer la bouche, un siège, et la femme
aux yeux noirs s’empressa, inclinée, autour de son époux.
IS'.edO— 13,661— 13,662.
» Elle lui servit de la nourriture, des aliments, des mets
agréables, et, sans cesse occupée de son mari, elle man-
geait, Youddhishthira, ce qu’il dédaignait. 13,663.
» Étudiant la pensée de son époux, elle regardait son
époux comme un Dieu ; et d’reuvre, d’esprit, de parole,
elle courait à son mari, sans mettre ailleurs sa pensée.
» L’embrassant de toute son âme, elle se complaisait
dans l'obéissance à son mari, et pure, habile, de bonnes
mœurs, elle donnait tous ses désire au bien du maître de
la maison. 13,664 — 13,665.
» Elle recherchait sans cesse ce qui était bon pour son
époux,, son beau-père, sa belle-mère, les serviteurs, les
hôtes e’rTes Dieux. 13,666.
» Ayant l’obéissance pour le principal objet de tous ses
296
LE MAHA-BHABATA.
moments, tenant ses organes des sens toujours comprimés,
elle vit enfin ce brahme, qui restait là, attendant une au-
méne. 13,667.
» Alors, scs souvenirs se réveillant, la vertueuse femme
aux beaux yeux demeura toute confuse, et elle accomplit
sa prome.sse, 6 le plus excellent des Bharatides. 13,668.
» Le brahme illustre, ayant reçu l'aumône, sortit :
« Qu'est-ce que signifie cette chose, belle dame 7 pensa-t-
il ; tu m’as dit : o Attends ! » 13,669.
» Tu ne m'as pas renvoyé, après m’avoir opposé un
refus ! » Dans ce moment, l’honnête femme, voyant le
brahme consumé par la colère et comme flamboyant de
splendeur, lui tint ce langage, que précédait un mot flat-
teur : Il Veuille me pardonner, savant brahme ; mon époux
est pour moi une grande Divinité. 13,670 — 13,671.
O II est venu, harassé de fatigue, accablé par la faim ;
ses volontés sont obéiespar moi !» — « Il n’est personne
plus vénérable que les brahmes, lui répondit l'anachorète;
peiises-tu que ton époux mérite plus de respect? 13,672.
U En restant fidèle au devoir du maître de maison, tu
as méprisé les brahmes. Indra lui-même s’incline devant
eux : combien plus sur la terre un simple enfant de Manou !
» Orgueilleuse, tu ne connais pas les brahmes ! .N'as-tu
jamais entendu ces mots; « Les brahmes, semblables au
feu, pourraient consumer la terre elle-même ! »
13,673—13,674.
(I Je ne suis pas une grue, chef des brahmes, lui repar-
tit la femme : abandonne ce courroux, homme riche en
mortifications! Que feras-tu de moi dans ta colère, avec
cet œil irrité ? 13,675.
» Je ne méprise pas les brahmes intelligents, pareilsaux
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VANA-PARVA.
M7
Dieux : veuille me pardonuer cette faute, brahme sans
péché. 13,676.
» Je connais l'énergie et la magnanimité des sages
brahmes : l’océan aux ondes salées fut mis à sec dans leur
colère. 13,677.
I) Je connais ce que peuvent ces ascètes contemplatifs,
aux mortifications enflammées, de qui le feu de la colère
n’est point apaisé aujourd’hui même dans la forêt Dan-
daka. 13,678.
» Le mépris des brahmes conduisit le cruel et dur Và-
tApi sous le pouvoir du rishi Agastya, qui digéra ce
grand Asoura. 13,679.
» On cite de nombreux exploits des brahmes magna-
nimes : grande est leur colère, aussi grande est leur bien-
veillance. 13,680.
» Daigne me faire grâce en cette offense, brahme:
l’obéissance à mon époux est le devoir, qui m’est agréable.
» Dans toutes les aflaires des Dieux mêmes, mon époux
est une Divinité supérieure : puissé-je entièrement, ô le
plus grand des brahmes, accomplir mon devoir à l’égard
de lui. 13,681—13,682.
» Vois quel est le fruit de l’obéissance à son époux I En
Il effet, j’éjaûs une grue, et, consumée par toi dans un moa-
1] veinent de colère, voici, brahme, ce que j’ai appris.
a La colère est un ennemi placé dans le corps des en-
fants de Manou, 6 le plus grand des brahmes : quiconque
renonce à la folie et à la colère, les Dieux le reconnaissent
pour un brahme. 13,683 — 13,6SA.
» Quiconque dit ici-bas la vérité, satisfait son gourou
et ne répond pas au mai, qu’on lui fait, par le mal, les
Dieux le reconnaissent pour un brahme. 13,685.
298
LE MAHA-BHARATA.
» Quiconque est pur, adonné an devoir, a v»ncu les
organes des sens, se complaît à murmurer les prières et à
mettre la colère et l’amour sous sa puissance, les Dieux le
reconnaissent pour un brahme. 13,686.
» Quiconque regarde le monde comme Ini-mème, con-
naît le devoir, et trouve intelligent son plaisir en tous
les devoirs, les Dieux le reconnaissent pour un brahme.
j> Quiconque lit ou fait lire, sacrifie ou fait sacrifier, ou
donne suivant ses facultés, les Dieux le reconnaissent pour
un brahme. 18,687 — 18,688.
» Quiconque, étant brahmatchâri, lit déjà les Védas, 6
le meilleur des brahmes, et n’appcrte aucune négligence
à murmurer la prière, les Dieux le reconnaissent pour un
brahme. 13,689.
» L’âme, qui n’a pas le mensonge pour agréable, célé-
brera la vertu des brahmes et la vérité de leurs paroles.
» Réciter la prière, se dompter, conserver la droiture,
réprimer les organes des sens, on dit que c’est le devoir
éternel du brahme, 6 le plus vertueux des brahmes.
13,690-18,691.
B I.es hommes, par qui le devoir est connu, disent que
le premier devoir est dans la droiture et la vérité : le devoir
immortel et difficile à connaître consiste dans la vérité.
0 Que le devoir ait pour autorité la sainte écriture : b
telle est la maxime des anciens : mais .souvent le devoir, ô
le plus grand des brahmes, apparaît d’une subtilité
extrême. 13,692 — 13,693.
B Ta révérence est vertueuse, elle est pure, elle se com-
plaît à réciter la prière ; mais tu ne connais pas le devoir
dans sa vérité : tel est, révérend, mon sentiment.
B Si tu ne sais pas quel est, brahme, le premier des
VANA-PARVA.
299
devoirs, va à la cité de Mithilà, et là interroge le chasseur-
des-devoirs. 13,694 — 13,695.
» Docile à son père et à sa mère, organe de la vérité,
vainqueur des sens, Vyâdha, c’est-à-dire, le chasseur, doit
habiter Mithilà, il te dira quels sont les devoirs. 13,696.
» Ensuite va, Brahma te bénisse ! où te conduira ton
désir, ô le plus grand des brahmes. Veuille me pardonner,
anachorète irréprochable, tout ce que j’ai dit en dépassant
les bornes. 13,697.
n Quiconque suit la vertu doit respecter la vie des
femmes. » Le brahme lui répondit : « Je suis content ; la
félicité descende sur toi ! Ma colère s’est envolée, dame
charmante. 13,698.
» Si tu as fait quelque chose outre la mesure, c’est toi
seule, qui le blâme : mon bonheur est extrême. Salut ! je
m’en vais : je ferai ce que tu dis, jolie femme. » 13,699.
» 11 prit congé d'elle, et Kaàuçika le plus vertueux des
brahmes s’en alla vers sa maison, en s’adressant des re-
proches à lui-même. 13,700.
» Pensant à ces choses merveilleuses, qu’une femme lui
avait dites entièrement eUp-même, il se blâmait ; il était
comme s’il eût commis une faute. 13,701. ‘
1) 11 songeait comment il obtiendrait le sentier délicat du
devoir, qui lui était propre : « Ce doit être par la foi ; je
vais donc à Mithilà. 1 3,702.
» Vyâdha, cet homme dompté, qui sait les devoirs, ha-
bite là ; je vais y aller et j’interrogerai sur le devoir cet
homme riche de pénitences. » 13,703. *
I) Cela dit, il roulait dans son esprit le discours de cette
femme : « Les paroles de Valàkà, pensait-il, étaient
pleines de confiance, justes et brillantes ! » 13,704. . i
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300
LE MAHA-BHARATA.
» Il partit donc pour Mithilâ, conduit par la curiosité :
il franchit des forêts, des villages et des villes. 13,705.
» U arrive à Milhilà, défendue alors par le roi Djanaka ;
elle était remplie de chaussées, resplendissante, pleine de
fêtes et de sacrifices. 13,700.
■ 11 entra dans cette ville enchanteresse, brillante de
portes arcadées, de palais, de remparts, de chambres
élevées sur les terrasses et résonnante d’une fouie de
chars. 13,707.
» Elle était ornée de fleurs nombreuses, sillonnée de
grandes routes bien distribuées, encombrée d’une multi-
tude d’armes, d’éléphants, de chars et de chevaux.
» Le brahme, en la traversant, vit cette cité pleine d’un
peuple joyeux et bien nourri, retentissante de fêtes conti-
nuelles et des récits de nombreuses histoires.
» Il demanda Dbarma-Vyâdba, les brahmes de l’indi-
quer. 11 alla et il le vit, placé dans un cercle d’instruments
destructeurs. 13,708 — 13,709. — 13,710.
» L’a-scète offrait en vente des viandes de buffles et de
gazelles : le brahme se tint isolément des acheteurs, à
cause de la confusion, où jetaient sa naissance et son état.
n Dès que celui-ci voit le brahme arrivé, il se lève avec
empressement tout à coup, et, mettant sa personne à part,
il va au lieu où l’autre se tenait. 13,711 — 13,712.
« Je m’incline devant toi, révérend, dit le chasseur \ la
bienvenue te soit donnée, 6 le plus grand des brahmes !
Je suis un chasseur, à ton service (1): que ferai-je?
Donne-moi tes ordres. 13,713.
Il Je sais tout ce que t’a dit une chaste épouse : u Va à
(1) Bhadran têi*
VANA-PARVA.
301
Mithilâ I O et les raisons, qui te conduisent ici. » lS,71i.
» Quand il eut entendu ces paroIe.s, le brahme futtrès-
étonné : « Voilà une seconde merveille ! » pensa-t-il.
« Ne peux-tu quitter ce lieu ? » demanda-t-il au chas-
seur, et celui-ci répondit : « Allons à ma demeure, s’il te
plaît, révérend ! » 13,716—13,716.
« Volontiers ! » reprit le nouvel arrivant ; et le chasseur,
mettant le brahme devant lui, s’en revint à sa maison.
B Entré dans cette habitation charmante, le plus grand
des brahmes y fut honoré d’un siège ; il reçut de l’eau
pour se laver les pieds, de l’eau pour se rincer la bouche.
13,717—18,718.
» Et commodément assis, il dit à ce chasseur : « Ce
métier ne me .semble point assorti à ton excellence.
» Je souffre beaucoup, mon ami, de te voir e.xercer un
état si horrible ! » — h Cest un métier accoutumé dans
ma famille, répondit le chasseur: et l’origine en remonte
à l’aïeul de mon père. 13,719 — 13,720.
» Ne veuille pas concevoir de ressentiment contre moi,
brahme, si je vis dans ces fonctions, qui me sont propres.
Ce métier fut disposé jadis par le créateur, qui ne sortit
pas de son devoir. 13,721.
» J’ obéis avec attention à deux vieux auteurs de mes
jours, d le plus grand des brahmes ; je dis la vérité, je ne
médis de personne et je fais l’aumône suivant mes fa-
cultés. 13,722.
B Je mange les restes de mes serviteurs, des hôtes et
des Dieux ; je n’ai de mépris pour qui que ce soit et je ne
déblaterre pas contre un homme plus fort que moi.
B Le métier, qu’on e.xerce, ôle plus grand des brahmes,
soit les lois, que le créateur lui a données jadis : l’agricul-
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S02
LE JUHA-BHARATA.
ture, l'élève et l'entretien dee troupeaux, le commeroe,
sont les professions de ce monde-ci. 13,723 — 13,724.
» Sache qu’il y a trois systèmes de métiers ; le monde
repose sur eux : les arts manuels sont pour le voûdra, l'a-
griculture et te négoce regardent le vaiçya, le châtiment
est dit l'œuvre des kshatrya.s. 3,725.
» La continence, les prières, la pénitence et toujours la
vérité sont les choses du brahme. Le roi gouverne avec
justice, et les sujets se complaisent dans leurs fonctions.
U I.e prince joint au prix de leurs œuvres tous ceux,
quels qu’ils soient, qui font des actions contraires à la
justice ; car il faut toujours trembler devant les rois ; ils
sont les maîtres suprêmes des sujets. 13,72(5 — 13,727.
» Les rois empêchent la fraude, comme on arrête la ga-
zelle avec des flèches. La fraude, elle n’existe pas, brah-
marshi, dans ce royaume de Djanaka ! 13,728.
« Les quatre castes se complaisent dans leurs attribu-
tions, ê le plus grand des brahmes ; et le roi Djanaka
soumet au châtiment le criminel, fût-il son fils lui-même.
11 ne contriste pas l'homme vertueux, et ce monarque,
servi par ses espions, voit tout avec équité.
» L'élévation, le royaume, le châtiment appartiennent
aux kshatryas : les rois espèrent toujours de leur devoir
accompli une élévation plus grande.
13,729—13,730—13,731.
» Le souverain est ici le protecteur de toutes les castes.
Je ne tue pas de ma main, brahmarshi ; mais je ne cesse
pas de vendre un seul jour les sangliers et les buflles tués
par lin autre ; et moi, observant les saisons de l'année, je
ne mange pas de ces viandes. 13,732 — 13,733.
« Je suis tous les jours dans le jeûne, eije ne prends un
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VANA-PARVA. 808
aliment que la nuit : ainsi, l’homme, qui parait sans carac-
tère, en a un, où il reste attaché. 13,73ù.
» Ainsi l'hoinnie, qui semble aimer le mal des êtres ani-
més, est un homme vertueux. Les Indras des rois causent
par leurs incantations un grand trouble dans le devoir.
» Le vice existe : de là vient la confusion des êtres. Les
hommes naissent horribles, nains, bossus, ayant de grosses
tètes, eunuques, aveugles, sourds, les yeux louches : la perte
des sujets vienldu vice des rois. 13,735 — 13,730 — 13,787.
» Ce roi Djanaka étend sur tous les sujets les regards
de sa justice; il répand ses faveurs sur toutes les créa-
tures, et met toujours son plaisir dans les devoirs d'un roi.
» Les hommes, qui me louent, et les hommes, qui me
blâment, je les satisfais tous également avec ce métier
bien exercé. 13,738 — 13,739.
«Les princes donnent à ceux, qui vivent de leurs œuvres,
les moyens d'en exercer la profession ; mais les hommes
domptés, au caractère élevé, n’ont aucun désir. 18,740.
» Je fais l’aumône de nourriture suivant mes facultés,
ma patience est de tous les instants, mon devoir est con-
tinu, et je rends toujours à tous les êtres l’hommage, que
je reçois d’eux. 13,741.
I) Les vertus des mortels se tiennent dans l'homme par
une grâce du ciel et non pas autrement. Qu’il évite les pa-
roles inutiles, qu’il fasse toujours, sans qu’on le demande,
ce qui peut être agréable. 13,742.
» Qu’il ne s’écarte jamais de la vertu, ni par amour, ni
par crainte, ni par haine. Qu’il ne se réjouisse pas à
l’excès dans le bonheur, et qu’il ne s’afflige pas immodé-
rément du malheur. 13,743.
>> Qu’il ne perde pas l’esprit dans les difficultés des
1
i.
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LE MAHA-BHAR\TA.
soi
choses et qu'il n’abandonne jamais le devoir. S'il est oc-
cupé d'un eaiïaire quelconque, il ne doit pas alors se
mettre à une différente. 13,7ii.
» Qu’il s'attache lui-même à la chose, qu’il juge excel-
lente : qu'il ne rende pas le mal pour le mal, et qu’il soit
toujours bon. 13,765.
a Si l'homme, après avoir tué un criminel, désire com-
mettre lui-même un crime, c’est une mauvaise action, qui
appartient à de cruels pécheurs, 13,746.
Il Ceux qui, sans foi dans la vertu, se rient des pei-sonnes
pures et qui pensent : « Ce n’est pas de la vertu ! » ces
gens périront, il n’y a aucun doute. 13,747.
» lin méchant est continuellement rempli de vent, i
comme un grand soufflet ; il faut que cet esprit vain
soit inspiré des ignorants et des orgueilleux. 13,748.
» Son âme le met en évidence, comme le soleil fait voir
la forme du jour ; le sot ne brille pas dansle monde, parce
qu’il n’y sait faire que l’éloge de lui seul. 13,749.
» L’homme savant brille, fût-il dépourvu même ici-bas
de splendeur. Il ne dit aucun mal de qui que ce soit au
moude et il a fait ainsi l’éloge de lui-même, o 13,750.
» On ne voit sur la terre aucune illustration qui noit
née des vertus. L'homme, .affligé par la pensée d’un acte
contraire à la loi, qu’il a commis, est délivré de son péché.
Il II ne faut pas que je fasse cela une seconde fois ! » dit
l’homme; et il est délivré ici-bas d’une seconde faute par
le sentiment, qui le fait parler, 6 le plus grand des plus
énainents brahmcs. Telle est celte tradition, qu’on voit çà
et là circuler sur les devoirs. 13,751 — 13,752.
» Ignorant d’abord, l'homme a-t-il commencé par com-
mettre des fautes, il les ellàce ensuite par le vertueux carac-
VANA-PARVA.
305
1ère, dont il est doué. La vertu chasse des hommes, sire (1) ,
les péchés, qu'ils ontcommis sur la terre par inadvertance.
» L'homme, qui s'est souillé d'une faute, en vain pen-
sera : « Je ne suis point ainsi ! » car il est vu par les Dieux
et par l'homme intérieur, qui ala conscience de lui-même
et qui, dans son désir du bien, rempli de foi et sans envie,
révèle les fautes des bons, comme les taches d'un habit.
» L’homme, qui, coupable d’une faute, revientà la ver-
tu, est délivré de tous ses péchés, comme la lune d’un
grand nuage. 13,753 — 13,754 — 13,755 — 13,756.
1) Tel que le soleil qui, s'élevant dans les deux, com-
mence par dissifter les ténèbres, l’homme efface tous ses
péchés en s’approchant du bien. 13,757.
» Sache, ô le plus grand des brahmes, que la cupidité
est la demeure, où habitent les fautes : les hommes avares,
peu instruits, sont accessibles au désir de commettre le
péché. 13,758.
» Les vices sous les apparences de la vertu, ce sont des
puits cachés sous les herbes. On trouve chez ces hpmme$
eux la répression, les purifications, la prière h voix basse,
qui s’appuyent sur les devoirs : toutes le» formes existent
assurément chez eux, mais la bonne conduite est bien
difficile à acquérir. » 13,759.
Le brahme à la grande science d’interroger Dharma-
Vyâdha : « Comment acquerrai-je une bonne conduite, ô
le plus éminent des brahmes? 13,760.
» Je désire le savoir, s’il te plaît, ôle plus vertueux des
hommes vertueux : dis-le-moi exactement et suivant la
vérité, Vyàdha, homme à la haute intelligence. » 13,761.
(1) L'auteur oublie que ton ioterlocuteur s'adretse à uu brahme.
V -H 20
306
LE MAHA-BHARATA.
« Le sacrifice, l'aumône, la pénitence, les Védas et la
vérité, ô le plus vertueux des brahmes, lui répondit Vyà-
dha, ces cinq choses sont continuelles, dans les hommes,
que distingue une bonne conduite ou le hiirti.
« Lorsque les fidèles ont mis sous leurs pieds l’amour,
la colère, l’orgueil, l’avarice et le mensonge, et qu’ils
disent avec satisfaction : « Voilà le devoir! » ils sont ré-
putés des çishtas. 13,7ti2 — 13,7(33.
n Ou ne connaît point au-dehors la conduite de ces
hommes livrés à la prière et au sacrifice ; la défense des
bonnes mœurs est le second caractère du çishta. 13,704.
1) L’obéissance au gourou, la vérité, l’absence de la co-
lère et l’aumône, ces quatre choses, brahme, sont conti-
nuelles dans les hommes, que distingue une bonne conduite.
» ('«lui, qui a réglé son âme et l'a cédée toute entière à
la bonne conduite, obtient un état de vie, qu’il est impos-
sible d’acquérir d’une autre manière, 13,765 — 13,760.
» La vérité est l’oupai ishad du Véda, la répression des
sens est l’oupanishad de la vérité, l'aumône est l’oupa-
uishad de la répression des sens ; ces trois choses sont
continuelles dans une bonne conduite. 13,707.
» Ceux, qui invectivent contre les devoirs, sont des
hommes livrés au délire de leurs pensées : la foule, qui les
suit, encombre la route .sans issue, où ils marchent.
» Mais les çishtas bien réprimés, dévoués à l'aumône et
aux Védas, entrés dans le chemin du devoir, s’y adonnent
à la vertu et à la vérité. 13,708 — 13,769.
i> Les hommes doués d’une bonne conduite .s'élèvent à
line pensée supérieure ; et, sans cesse attacbé.s au senti-
meni d’un gourou, ils tiennent leurs yeux fixés surlejuste
et l’utile. 13,770.
» Laisse là ces athées, qui ont rompu les bornes, gens
Diflll)zedj)v Gooale
VANA-PARVA.
307
cruels, placésdans la pensée du crime et recherchant la
science; fréquente les hommes vertueux. 13,771.
» Traverse ce fleuve, qui a pour eau les cinqorganes des
sens, qui est rempli des crocodiles de l’amour et de la
cupidité, et, te construisant un vaisseau fait avec la ferme-
té, franchis les écueils de la naissance. 13,772.
» Qu’un grand devoir, amassé successivement, composé
de méditation et de pensée, revête, comme une robe
blanche, une bonne conduite daos Ja.passipn du bien.
» Ne pas nuire à qui que ce soit est une parole vraie,
supérieure, utile à tous les êtres ; ne pas nuire est le pre-
mier devoir; il repose sur la vérité. 13,773 — 13,774.
» Quand le monde fut établi dans la vérité, procéda le
cours des choses : ce qu'il y a de plus important, c’est
la vérité ; elle réside dans la bonne conduite ou le
çùhlAuhûra. 13,775.
» Les bonnes mœurs sont le devoir des gens de bien,
et les gens de bien portent le caractère des bonnes mœurs :
l’homme, qui est suivant la nature, mange le fruit de sa
nature. 13,77(5.
» Le criminel, qui ne sait pas se gouverner lui-même,
se vautre dans l’amour, dans la colère et dans les autres
péchés : un commencement, qui est conforme à la droite
raison, porte déjè le nom de devoir. 13,777.
I) Mais les mauvaises mœurs sont nommées le vice. Tel
est l’arrêt du çishta. Ceux, qui évitent la colère et la médi-
sance, qui sont libres d’orgueil, qui sont affranchis d’en-
vie, qui sont doués de la droiture et sans pa.ssion, sont des
çishtàichàras. Les hommes intelligents, purs, riches dans
les trois Védas, qui ont une bonne conduite, qui sont do-
c'iles à leur gourou, et qui ont vaincu leurs sens, sont des
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308
LE MAHA-BHARATA.
çishtâtchâras. L’imperfection de ces hommes aux bonnes
œuvres, qui n'ont pas déserté la vérité, dont il est difficile
d'égaler les actions pures, est effacée par leurs œuvres
mêmes. Les hommes intelligents, pleins de foi, exempts
d’orgueil, honorant la personne des brahnies, vont au
Swarga, s’ils considèrent d’un œil juste ce devoir em-
preint de bonne conduite, merveilleux, antique, immortel
et vrai. 13,778—13,779—13,780—13,781 — 13,782.
» Les gens de bien, doués d'une bonne conduite et des
Védas, sont les hôtes du Swarga. La vertu première, or-
donnée par le Véda, la seconde, enseignée par les Traités
du devoir, et le çishtàichâra des hommes dociles sont le
triple caractère du devoir. Le bain, pris dans les tirthasde
la science, donne de la satisfaction. 13,783—13,784.
» La patience, la vérité, la droiture et la pureté font
voir les bonnes mœurs. Pleins de miséricorde pour tous les
êtres, se plaisant toujoursà ne faire aucun mal, les hommes
de bien, amis des brahmes, ne disent jamais une parole
amère. Les çishtas, réputés les principaux, doués de la
droite raison, signalés par les vertus, qui désirent le bien
du monde entier, connaissent le moment de la maturité
dans l’accumulation du fruit des œuvres bonnes ou mau-
vaises. 13,785 — 13,78Ü — 13,787.
» Les hommes de bien, généreux, purs de péchés, qui
font de leurs sens un partage équitable, qui répandent leurs
faveurs sur des infortunés, sont entrés d.ins une bonne
route, où ils ont fait la conquête du ciel. 13,788.
» Les çishtas, estimés les principaux, remplis de com-
pa.s$ion pour tous les êtres, pleins de pénitence et riches
en connaissance des Védas, sont vénérables à tous.
» Sollicitant l’aumône, attentifs aux souffrances de leur
VANA-PARVA.
S09
lerame et de leurs serviteurs, ils obtiennent les mondes
paisibles et la félicité ici-bas. 13,789 — 13,790.
» Les gens de bien, réunis avec les gens de bien, qui
voient, et la marche du monde, et le devoir, et le bien d'cux-
raémes, donnent au-delà de leurs facultés. 13,791.
» Les hommes vertueux, qui vivent de cette manière,
s’accroissent des années éternelles. L’absence du niai, une
. parole de vérité, Thumaniié, la droiture, la modération, la
pudeur, la patience, la placidité, la répression des sens et
le manque d’orgueil ; voiUi quelles sont leurs vertus. Sages,
pleins de fermeté, compâtissants pour tous les êtres, sans
colère et sans haine, les gens de bien sont les témoins du
monde. Les hommes vertueux ontdit qu’il existait pour les
hommes vertueux trois routes au séjour suprême.
» L’homme de bien ne nuira jamais, il fera l’aumône,
il dira toujours la vérité, il sera de tous les côtés rempli
de compassion, il connaîtra les infortunes.
\ 3,792—13,793—13,794—13,795.
» Les magnanimes çishtâtchâras, de qui le devoir est
bien résolu, marchent ici très-satisfaits ; puis, ils entrent
dans le monde supérieur des hommes, qui soutiennent le
devoir. 13,796.
» Lne parole exempte d’injures, la patience, la placi-
dité, le contentement, un langage affectueux, l’absence de
colère et d’amour, sont la constante pratique du çish-
tâtchâra. 13,797.
» Les œuvres conformes au Véda sont la route suprême
des gens de bien : les hommes fidèles. au devoir habitent
continuellement le çishtàtchâra. 13,798.
» Considérant les différentes marches du monde, ô le
. plus élevé des brahmes, et montés sur le palais de la
810
LE MAHA-BHARATA.
science, ils sont délivrés de grandes alarmes. 13,790.
» Les péchés ne sont très-souvent, 0 le plus grand des
plus grands brahmes, que l’excès des vertus. Je t’ai narré
tout cela suivant la science et comme je l’ai oui dire,
brahme, en plaçant au premier rang la qualité du çishtâ-
tchira.» 13,800— -13,801.
i> Dharma-Vyâdha dit encore à ce brahme, Youddhisb-
thira : n Le métier, que je fais, est sans doute horrible.
» Il est difficile d’échapper à la force du Destin, qu’on
s’est prép.-»ré d’avance; et cette faute du métier est souvent
celle du péché, que l’on a commis jadis. 13,802-13,803.
» J’ai renfermé mes efforts dans l’obstacle, que m’oppo-
sait cette faute ; car dans un coup, que le Destin a frappé
d’abord, brahme, le meurtrier n’est qu’un instrument.
» Nous sommes devenus un simple instrument dans
cette affaire, ô le plus grand des brahmes : le devoir sera
donc ici dans le service, çue je rends à tous, en donnant à
manger ces animaux tués, dont je vends la chair. Les
herbes annuelles et les plantes rampantes, les bestiaux,
les volatiles et les quadrupèdes servent pour les hommages,
que l’on rend aux Mânes et aux Dieux, pour la noun'iture
des hôtes et de la f.imillc : ils sont devenus aujourd’hui les
aliments du monde : ainsi fut dit p.ir les Vëd,as.
1 3 , 804— 1 3, 805— 1 3 , 806—13 ,807.
» Le roi Çivi, fils d’Ouçînara, s'gnalé par sa patience,
est parvenu au ciel difficile. <à atteindre, û le plus ver-
tueux des brahmes, en livrant sa propre chair pour ali-
ment. 13,808.
» Deux mille bestiaux furent tuéschaque jour, brahme,
avant cette époque, dans la cuisine du roi Rantidéva.
» Tous les jours, on abattait deux mille bœufs, carRan-
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VANA-I'ARVA.
3i1
tidéva faisait continuellement l'aumône de nom riture avec
cesviandei. 13,809 — 13,810.
» I.a gloire de ce monarque était incomparable : on im-
molait sans interruption des bestiaux, dit-on, au sacrifice
du quatrième mois. 13,811.
» Les feux aiment la chair, c’est un mot du Véda : aussi
les brahmes abattaient continuellement des animaux dans
les sacrifices. 13,812.
» Ornés des prières, ces hommes se sont élancés vers le
Swarga. Si les feux n’avaient pas aimé la chair dans les
jours antérieurs, personne, ôle plus vertueux des brahmes,
ne ferait aujourd’hui sa nourriture de la viande. Sur la terre
même, la règle permit aux hermites de manger la chair.
» L’homme, qui mange toujours, après qu'il a donné ce
qu’il doit aux .Mânes et aux Dieux, ne commet pas de faute
pour les choses, qu’il mange, suivant la règle et selon le
çrâddha. 13,813—13,814—13,815.
» De cette manière il ne mange pas de chair, nous disent
les Védas. Le brahmatchàri, qui prcndjine épouse dansla
saison, est un brahme. 13,816.
» Après avoir délibéré sur ce qui est vrai et sur ce qui
est faux, appelons ici la règle. Sous l'impulsion puis.sante
d’une malédiction, le roi Saàudâsa mangea des hommes:
que dois-je en conclure ? « 11 fit, dira-t-on, ce qu’il devait
faire ! » Je n’abandonne pas mon devoir, 6 le plus grand
des brahmes. 13,817 — 13,818.
» Ce métier fute.xercé avant moi, je lésais ; donc, je vis
de ce uiéîîérnr y a vice, paralt-il, quand un homme dé-
serte son œuvre. 13,819.
B Aimer ses occupations, c'est accomplir le devoir : telle
est la décision. Le métier fut disposé avant nous, il ne
quitte pas un instant le mortel. 13,820.
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812
LE MAHA-BHARATA.
» Voici la règle, qui fut enseignée nombre de fois parle
créateur, dans le doute d’une chose à faire : « Êtes-vous
engagé dans une alTaire désagréable, il vous faut consul-
ter la science. » 13,821.
» Comment ferai-je une bonne action ? Comment évi-
terai-je le mépris? Faites plusieurs fois en vous-même l’in-
vestigation de cette affaire désagréable. 13,822.
a Je me complais sans cesse dans l’aumêne, dans un
langage conforme à la vérité, dans l’obéissance à mon
gourou, dans l’hommage rendu aux brahmes, et dans le
devoir. 13,823.
» Je m’abstiens des paroles hautaines ou injurieuses, 6
le plus grand des brahmes. L’agriculture est une chose
excellente, pense-t-on ; mais l’abstention de faire aucun
mal est dite sut^rieure. 13,824.
» Les hommes, en labourant avec des charrues, tuent
une grande multitude d'êtres endormis sur la terre, et
d’autres animaux vivants en grand nombre : que t'importe
cela? 13,825.
O Le blé, les semences, le riz et toutes ces autres choses,
que l'on dit vivre sur la terre, ô le plus grand des brahmes,
que t’importe cela? 13,826.
» Les hommes, s’étant rendus maîtres des bestiaux, les
tuent et les mangent : ils coupent- les arbres et les herbes
annuelles. 13,827.
» Il y a de nombreuses existences, brahme, et dans es
arbres et dans les fruits : il y en a même un grand nombre
dans l’eau :-que t’importe cela? 13,828.
» Toutes ces choses ne sont-elles pas occupées, brahme,
par des êtres animés, qui ont pour aliments d’autres êtres
animés ; les po'issons dévorent les poissons : que t’importe
cela? 13,829.
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VANA-PARVA.
SIS
» Souvent, 6 le plus vertueux des brahmes, les animaux
font l\£uerre aux animaux ; les êtres animés se mangent
les uns les autres : que t’importe cela ! 13,830.
» Les hommes écrasent sous leurs pieds de nombreux
êtres vivants, qui marchent sur la terre et rôdent çà et là:
que t'importe cela, brahme? 13,831.
» Assis ou couchés, à leur escient ou sans le savoir, ils
tuent des êtres vivants plus d’une fois : que t’importe cela?
» Cette atmosphère entière et la terre sont dévorés par
des êtres vivants; ils se nuisent mutuellement sans en
avoirconnaissance ; que t’importe cela? 13,832 — 13,833.
« .Ibstenez-vous du mal à autrui ! » C’est un mot, qui
fut dit Jadis en dérision par les hommes. Qui sont dans ce
monde, ô le plus vertueux des brahmes, les êtres, qui ne
nuisent pas aux vivants 7 13,8ttl.
» Ayant roulé souvent celte pensée en eux-mêmes: «Il
n’est personne, qui ne fasse du mal ! » les yatis se plaisent à
n’en pas faire. 13,833.
» S’ils causent du mal, ils s'efforcentau moins de l’atté-
nuer. Les hommes, qui naissent dans une famille remar-
quable par de grandes qualités, 13,830.
» Ne rougissent pas, quand ils ont fait les actions les
plus épouvantables. L’ennemi ne voit pas d’un œil satis-
fait son ennemi, ni l’ami son ami, progresser par les
voies légitimes. Les parents ne se réjouissent pas de la
fortune, que leurs parents ont acquise. 13,837 — 13,838.
» Des insen.sés, orgueilleux de leur vaine science, mé-
prisent leurs gourous mêmes. On voit, 6 le plus vertueux
des brahmes, beaucoup de choses contraires dans ce
monde. 13,839.
U Que t’importe de voir ici le vice associé à la vertu ? Il
31i
LE MAHA-BHARATA.
est possible de dire beaucoup de choses différentes sur les
matières du vice et de la vertu ; 13,840.
U Mais quiconque sc complaît dans scs attributions,
obtiendra sûrement une grande renommée. » 13,841.
Ÿ Mârkandéya dit :
« Dharma-Vyàdlia, le plus vertueux de tous les hommes
vertueux, adressa de nouveau, Youddhishlhira, ce langage
habile au plus éminent des brahmes : 13,842.
O Le devoir a pour autorité l'Écriture, c'est le précepte
des vieillards. La route du devoir est délicate ; elle se di-
vise en plusieurs branches, elle n’est pas voisine. 13.843.
1) Dans le mariage et pour sauver sa vie, le faux estf |
bjâmable : que la vérité soit avec le faux et que le faux .
même ressorte de la vérité. 13,844.
» La vérité est ce que veut le bien des êtres au-delà de
toute mesure : tel est le précepte. Le devoir est marqué
d'opposition ; vois la ténuité du devoir. 13,845.
» L'homme obtient nécessairement le fruit de l'oeuvre
bonne ou mauvaise, qu'il a faite, excellent brahme : il n'y
a là aucun doute. 13,84<3.
1) .\rrivé dans un lieu difficile, l'ignorant vomit de vio-
lents reproches contre les Dieux : il ne discerne pas les
malheurs, qui viennent do son action. 13,847.
1) Le sot, le méchant ou l'inconstant, ù le plus vertueux
des brahmes, ne manque jamais d'arriver à l'effet con-
traire de ses actes agréables ou fâcheux. 13', 848.
» 11 n’est sauvé ni par le courage, ni par la bonne con-
duite, ni par la science : il faut qu’il obtienne son désir,
suivant ce qu’il a désiré. 13,84h.
I) Parce que le fruit des oeuvres ne dépend pas du cou-y
rage, on voit des honunes intelligents, habiles, domptés,'*
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VANA-PARVA.
SIS
vertueux, qui, abandonnés de leurs œuvres, ne produisent
aucun fruit. Un autre, sans cesse occupé de nuire aux
autres, ne, s'en élève pas moins. 13,850 — 13,851.
» Livré à tromper le monde, il vil dans une paix con-
tinuelle. La fortune visite chacun des hommes, qu’il soit
immobile ou même assis. 13,852.
» Vaquant aux œuvres, il ne parvient pas aux choses,*'
qu’il devrait obtenir. Après qu’ils ont sacrifié aux Dieux
et pratiqué la pénitence, des enfants, opprobre de leur
famille, et qu’une mère a portés dix mois dans son sein,
naissent à des pères malheureux et qui ont désiré des fils.
D’autres viennent au monde, sollicités avec de grands
vœux, pour consumer les provisions, les grains, les ri-
chesses amassées par leurs pères. Les travaux des hommes
enfantent des maladies : il n’y a là aucun doute.
» Us sont agités par les soucis, comme de viles gazelles
par les chasseurs. Tels que ceux-ci arrêtent desantilopes,
ils sont arrêtés par des maladies combattues avec des mé-
decins habiles, experts, et des simples, qui repoussent la
mort. Quant aux aliments, qu’ils voudraient manger,
empêchés par une maligne dyssenterie,
13,853—13,854—13,855—13,866—13,8,57.
» Us ne peuvent prendre aucune nourriture : vois donc,
Ô le plus vertueux des hommes vertueux ! Un grand
nombre d’autres, qui ont la force des bras, sont aiUigéspar )
la douleur. 13,858.
n Le mal leur interdit les aliments, et l’on ne crie pas : ,
« Ce monde est assiégé par le chagrin et la folie ! L’un /
est renversé plus d’une fois par le cours du fleuve, l’autre \
est emporté par sa force violente. Les hommes ne (
mourraient pas, ils ne vieilliraient pas, ils seraient tous ]
S16
LE MAHA-BHARATA.
au comble de tous les désirs, ils ne subiraient pas des
choses désagréables, s'il était gouverné. » Tout homme
s’efforce de s’élever au-dessus du monde.
» Il y tend de toutes ses forces, mais il n’en est pas comme
il veut. Beaucoup de gens naissent sous des constellations
également propices. 13,859 — 13,800 — 13,801 — 13,802.
(,! » Mais on aperçoit une grande inégalité dans les œuvres,
qui s’y trouvent jointes : tous les hommes ne sont donc p.as
libres de saisir eux-mêmes ce qu'ils veulent, ôle plus ver-
tueux des brahmes. 13,803.
» On voit ici-bas des gens vils, que les œuvres font
prospérer ; et « la vie est éternelle, » comme nous l’avons
appris des Védas. 13,80A.
» Le corps n’est pas sûr dans ce monde-ci pour tous les
1 êtres animés, et, le corps une fois mort, il s’ensuit la
y perte de l’être physique. 13,805.
» Mais l’âme, attachée par le lien des œuvres, suit une
marche différente. » — « Comment l’âme, ô le plus savant
des hommes versés dans les œuvres, est-elle impérissable ?
interrompit le brahme. Voilà ce que je désire connaître
dans la vérité, 6 le plus éloquent des êtres doués de la
parole. » 13,800.
)> Dharma-Vyâda répondit :
<1 L’âme ne meurt pas dans la séparation du corps, n 11
est mort, » dit-on : c’est un non-sens des ignorants.
L’âme détachée du corps continue sa marche. Elle est
séparée du corps, quant aux cinq sens. 13,807.
» Dans ce monde des enfants de Manou, un homme ne
mange pas l’œuvre, qu’un autre a faite : il mange le fruit
de l’action, dont il est auteur lui-même. L’œuvre ne périt
pas avec le corps, 13,808.
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VANA-PARVA.
317
» En effet, des hommes an caractère bien vertueux re-
naiisent vertueux ; des hommes à l’esprit bas commettent
des actes criminels. L’homme, revenant ici à la vie, renaît,
occupé aussitôt par la force de ses précédentes œuvres. »
« Comment natt-il dans une matrice? demanda le
brahme. On comment les naissances de l’homme pur ou
impur se font-elles? Comment se dirige-t-il, très-vertueux
' Yyâda, vers des actions saintes ou coupables ? »
• — 13,869—13,870.
« Considérez cette chose dans son union avec les céré-
monies, qui précèdent la conception, répondit le chasseur.
Je t’en parlerai, ô le plus grand des brahmes, avec con-
cision, en peu de mots. 13,871.
i> Quand l’assemblage cor;)s est complet, les hommes
renaissent, le bon dans une sainte mère, le méchant au
•sein d’une pécheresse. 11 sera pour des actions pures, s’il
est Dieu, ou pour des œuvres mêlées de bien et de triai,
s’il doit être un homme. 13,872.
» Le pécheur, qui descend ici-bas en de viles matrices,
erre sans cesse au milieu des maux stupéfiants de la nais-
sance, de la vieillesse et de la mort. 13,873.
» L’homme, victime des fautes, qu’il a commises, par-
court des milliers de mères brutes, et descend même au
Naraka. 13,S7è.
» Les âmes roulent, attachées par le lien de leurs
œuvres, et l’homme est affligé après samort pour telle ou
telle action, qu’il a faite. 13,875.
» Il lui arrive de renaître dans une matrice impure à
cause de l’obstacle, qu’il trouve en ses vices. Ensuite, il
ramasse un grand nombre de nouvelles actions ; 13,876.
» 11 est tourmenté de nouveau pour elles, comme un
318
LE MAHA-BHAHATA.
malade, qui a mangé un alimentinsalubre (1). Un homme
qui n’a jamais connu l'afUiclion et n’a goûté que le plaisir,
est sans cesse en proie à la douleur. 13,877.
U A cause de son lien, où il ne cesse pas d’être attaché,
et pour la rétribution de noiirclle.f œuvres, il tournoie dans
le monde comme un tchakraet subit une foule de misères.
» S’il est libre de son lien et que ses œuvres l’aient ren-
du pur, il procède alors, ô le plus vertueux des brahmes,
par le coiumencenient de la contemplation et de la péni-
tence. 13,878 — 13,870.
» L’homme obtient par des actions nombreuses de
savourer le fruit des mondes supérieurs. S’il est délivré
de son lien et que ses œuvres l’aient rendu pur, il obtient
les mondes du juste, où, une fois entré, il ne connaît plus
l’alHiction. Une autre a-t-il une conduite blâmable et
fait-il le mal, il ne va pas jusqu’à l’extrémité du mal.
Il Que l’homme s’efforce donc toujours do faire le bien
et qu’il évite le mal. Celui, qui n’est pas médisant et qui
garde le souvenir des bienfaits, goûte des plaisirs excel-
lents; il obtient l’utile et le juste avec le Swarga. 'felle
est dans ce monde et dans l’autre vie, la conduite du sage,
orné de rerius, comprimé, dompté, à l’ânie retenue : qu’il
vive avec l’équité des gens de bien, et qu’il s’acquitte des
sacrifices, comme un çistha.
13,880—13,881—13,882—13,883—13,884.
» Qu’il désire observer une conduite, qui ne donne
aucun souci au inonde. Les çishtas connaissent les Çàstras;
ils sont versés dans le Tantra. 13,883. .t|
>
(l) Bhùuk1u:â jtaihjam, dit le texte. 11 est éTideot que rapostrophe est
oubliée eatre les deux motsy et qu'il faut lire : bhouklwd 'pathyam.
VANA-PARVA.
319
» L'adoration est le devoir particulier du sage dans ce
monde des œuvras ; il n’est pas né d’uii sang mêlé, il se
complaît dans le devoir, il observe le devoir. 13,88(5.
» Il arrose avec les richesses amassées en suivant ce
devoir, ô le plus vertueux des bralunes, les racines de la
chose, oit il voit des qualités, 13,887.
» Ainsi, il acquiert ràme du juste, sa pensée est sereine,
et, content par le cercle de ses aiuis, il jouit, d.ms ce
monde et dans l’autre vie, du son, des qualités tactiles,
des choses agréables pour la forme, des parfums et des
ttlimcnis, qu’il désire. 11 obtient l’empire, excellent
anachorète : voilà ce qu’on appelle le fruit du devoir.
13,888—13,889.
» Quand il a obtenu ce fruit du devoir, il n'est pas
encore saiisliiit, et, ne se trouvant pas rassasié, il tombe
avec l’œil de la science dans le mépris de soi-mème.
» L’homme, qui possède l’œil de la science, ne donne
pas son approbation à la faute ; il s’eu détourne, s'il vous
plait, et n'abandonne pas le devoir. 13,890—13,891.
» Ayant vu que ce monde est la destruction même, il J
s’elTorce de renoncer à tout ; il tente de parvenir à laf
délivrance, mais non par des moyens, qui sortent de \
moyens secondaires. 13,892.
» Ainsi, il acquiert l'humilité, il abandonne les .actions
criminelles, il devient même vertueux, et il arrive à
l'airranchissement suprême. 13,893.
I) Les pénitences, la placidité, la répression des sens :
voilà les racines de la délivrance ; c’est par elles, qu’il
obtient la réalisation de tous les vœux, qu’il a caressés
dans son âme. 13,89à.
« Par la répression des sens, par la vérité, en se
/
320
LE MAHA-BHARATA.
domp'ant soi-mème, il parvient au prem'er rang du
brahme, ô le plus vertueux des régénérés. » 13,803.
Cl Quels sont, demanda le brahme, ces organes, qui
sont appelés des sens, mortel aux vœux comprimés?
Comment doit-on procéder à la répression des sens? Et
quel est le fruit de celle répression ? 13,896.
» Comment obtient-il cette récompense des sens com-
primés, ô toi, le plus vertueux des homme.s, qui soutien-
nent la vertu ? Je désire connaître ce devoir dans la
vérité : écoute ma prière. » 13,897.
» ces paroles du brahme, Dharma-Vyâdha lui répondit
en ces termes ; écoute cela, Youddhishthira, souverain
des hommes : 13,898.
« Chez les enfans de Manou, la première impulsion de
l’âme se porte vers l’envie de connaître. Quand cette
ronuniiwiflnrcestobtenue, 6 le plus vertueux des brahmes,
l’âme est affectée de désir ou d’aversion. 13,899.
» Elle dirige là ses efforts, elle entreprend un vaste ou-
vrage, elle désire faire l’expérimentation des odeurs,
des formes et de toutes les choses désirées.
» Ensuite, naît l’amour ; après lui, vient la haine ; puis,
le désir de posséder ; bientôt après, succède le dégoût.
13,900—13,901.
» Dominée par l’avarice, frappée d’amour et de haine,
sa pensée ne naît pas d’abord dans le devoir ; elle fait le
devoir comme en dissimulant. 13,902.
» L’intelligence marche dans le devoir avec artifice,
elle approuve l’utile avec artifice, elle se complaît ici en
des richesses, que fait prospérer l’artifice ; de-là, en
vain retenu par des amis et des savants, 6 le plus grand
des brahmes, l'homme désire commettre le péché.
V.\N\-PARVA.
321
» L' interrogez-vom, 11 vous donue une réponse qui
semble conforme aux Védas, et que les Védasn’ autorisent
pas. Le vice, qui naît des fautes de l'amour, se monstre
avec trois formes ; 13,903 — 13,904—13,905.
» 11 pense le mal, il dit le mal, il faitlemal. Entré dans
le vice, toutes les bonnes qualités de l'homme s'éva-
nouissent. 13,900.
U Eng.igé dans le péché, son amour de la solitude, sa
^ disposition 4 l'amitié s'en vont. Par-là, il obtient ici
l'infortune, et, dans l'autre monde, il est malheureux.
» 11 devient donc ainsi vicieux. Écoute-moi te raconter
le* avantiigen, gui airomptigneiil l'acquisition delà vertu.
L'homme, qui, aidé par le savoir, commence par consi-
dérer ces conséquences des fautes, est h,abile ; qu'il soit
dans l'infortune ou dans la itrospérité, son habitation est
toujours la vertu. Cette première entrée dans le devoir
fait briller son âme au milieu des devoirs. »
13,907—13,908—13,909.
« Tu dis une chose vraie, assortie au devoir, interrom- 1
pit le brahme, et telle que n’existe pas un autre pour la I
dire. Tu es à mes yeux un bien excellent rishi, qui a la |
majesté d’un Dieu. » 13,910.
n Les brahmes vertueux, continua le vendeur de chair,
sont toujours des pères, de qui les bras atteignent ce qui
est devant devant eux. Ln homme intelligent doit faire,
(le toute son âme, ce qui leur est agréable dans le monde.
n Je te dirai ce qui leur est agréable, ôleplus vertueux
des br.^bmes , quand j’aurai fait mon adoration aux
brahmes, à la science, dont Brahma est la source....
Écoute-moi. 13,911 — 13,912.
» Brahman, qui estl’essence même des grands éléments,
i\ 21
(C
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322
Li: MAHA-BHAIL\TA.
a conquis tout cet univers entièrement, de tous les côtés.
11 ne doit pas y avoir un autre système que celui-là.
» L'air, le vent, le feu, l’eau et la terre sont des élé-
ments primaires : le son, le toucher, la forme, le goût et
l'odorat sont des qualités. 13,913 — 13, 91 A.
» Toutes ces qualités sont mutuellement les enveloppes
lesunesdesautres;toutescesqualités, celles-ci avant, celles-
là après, dérivent par ordre de trois qualités primordiales*
U La sixième est ce qu’on nomme l’attention, la ré-
flexion est dite la septième; ensuite vient l’intelligence;
après celle-ci, l’amour de soi-même. 13,915 — 13,916.
» Ces cinq organes des sens procèdent eux-mèmes des
qualités radjas, sattwa et tainas ; ce groupe de dix-sept
n’a qu’une connaissance indistincte. 13,917.
*. i> 11 y en a vingt-quatre, dit-on, avec toutes les choses
des sens bien enveloppées de netteté et de confusion : telle
est la qualité faite de choses distinctes et indistinctes.
» Je t’ai expliqué tout cela : pourquoi désires-tu en
apprendre davantage? » 13,918 — 13,919.
I) A ces mots de Dharma-Vyàdha, le brahme fil une
question nouvelle, fds de Bharata, et l’autre se mit à ra-
conter de nouveau, une narration, qui accrut la joie de
son âme. 13,920.
O 11 y a, dit-on, cinq éléments primaires, ô le plus ver-
tueux des hommes vertueux, reprit le brahme ; dis-moi
les qualités de chacun des cinq en particulier. » 13,921.
« La terre, l’eau, la lumière, le vent et l’air, répondit le
vendeur de chair, sont tous excellents par leurs qualités:
je vais te dire quelles sont les qualités de chacun.
» La terre a cinq qualités, brahme ; l’eau en a quatre ;
trois sont les attributs de la lumière ; l’air et le vent n’ont
VANA-PARVA.
323
pour eux deux que trois qualités. 13,922 — 13,923.
» Le son, le toucher, la forme, le goût et l’odorat : voilà
cinq qualités. Elles sont les plus excellentes de toutes, et
elles appartiennent à la terre. 13,024.
» Les qualités, que je te dis être celles des eaux, ô le
plus grand des brahmes, .nnachorète aux vœux constants,
sont le toucher, le son, la forme et le goût. J 3,925.
• M Le son, le toucher et la forme : voilà trois qualités,
qui .appartiennent à la lumière. Le son et le tact se trouvent
dans le vent, et le son dans l’air. 13,92tt.
» Ces quinze qualités, brahme, existent dans les cinq
éléments ; et les mondes consistent dans tous ces éléments.
» Ces qualités ne se nuisent pas entre elles, brahme,
et le concert en résulte. Alors que les êtres immobiles et
mobiles ont parcouru une existence soumise aux sens, le
mortel obtient de la mort un autre corps : tous les êtres
naissent tour-à-tour, et meurent successivement.
13,927—13,928—13,929.
» On voit çà et là des métaux, composés des cinq élé-
ments : tout ce monde des créatures immobiles et mobiles
en est couvert. 13,930.
» Tout ce qu’on appelle le distinct est créé par les or-
ganes des sens : ce qui est au-dessus des sens, où l’on ne
peut atteindre que par des inductions logiques, sache que
c’est l’indistinct. 13,931.
» Dès que l’homme, qui porte ces organes des sens, en
reçoit, comme siennes, les impressions du son et des autres
qualités, il en est impérieusement affecté. 13,932.
» Il voit que l’homme lui-même s’étend dans ce monde
même : il examine alors attentivement les êtres avec la
connaissance du meilleur et du pire. 13,933.
LE MAHA-BHARATA.
S2A
» L'intime union de lui, quinefait qu’un avec l’être su-
prême, et qui voit en soi tous les êties et toujours dans
toutes les conditions, ne peut être acquise avec le péché.
» L’énergie, qui a surmonté la jieine de l’esprit, est
l’es ence même de la racine de la science ; la lumière de
la marche du monde est le chemin suivi pour aller à la
science. 13,934 — 13,935.
» L’intelligent Bhagavat dit à Vishnou, l'être sans com-j
mencement ni fin, toujours impérissable, sans corps, etç^
qui n’a rien de semblalile dans le monde : 13,936.
U Toutes les questions, que tu m’as adressées, brahme,
sont les racines de la pénitence : on pratique la pénitence,
en comprimant ses organes des sens, et non pas autrement.
i> Des sens dépend tout ce <|ui concerne le SwargaetJe
Naraka; comprimés ou relâchés, ils conduisent l’homme,
soit au Swarga, soit au Naraka. 13,937 — 13,938.
I) C’est la règle entière de l’unirication, tant que l’on
est revêtu des organes des sens ; à cette racine tiennent
entièrement le Naraka et le salut. 13,939.
n Les appétits des sens vous mènent sans aucun doute
à la faute ; si on les comprime, on obtient la béatitude.
1) Quiconque pai vient à dominer les sk organes, qui
se meuvent sans cesse en lui-même, n’est jamais souillé
par les vices : d’où viendrait à l’homme, victorieux des
sens, les infortunes, desquelles on gémit? 13,940-13,941.
’ » Le corps de l’homme est regardé comme son char ; il
' en est, dit-on, le cocher ; ses chevaux sont les organes des \
i sens. Le sage, sans négligence, tel que le maître d’un
' char, va au bonheur avec ces chevaux bien dressés, ha- '
biles et de noble sang. 13,942.
U L’homme intelligent, qui sait bien retenir les rênes
VANA-PARVA.
325
\aux six organes des sens, réunis en lui pour son malheur,
/est un excellent cocher. 13,943,
» Qu’il use de sa fermeté pour les sens, comme pour les
chevaux, lancés sui- les routes, et il obtiendra certaine-
ment la victoire dans la conduite du char. 13,944.
» Mais celui, de qui l’ànie obéit aux sens dans leur
marche, cette soumission emporte son âme, de même qu’un
navire est emporté sur les eaux par le vent. 13,945.
» Quiconque lit avec résolution les Védas, gagne le
fruit de la méditation avec les six organes, dont le délire
vous trouble dans l’acquisition du fruit. » 13,946.
Mârkandéya dit :
A Tandis que Dharma-Vyâdha parlait ainsi de C ârtie
subtile, le brahme, plein d’attention, lui fit de nouvelles
questions sur les qmlités du subtil. 13,947.
« Réponds ici exactement, suivant la vérité, à mes
questions, demanda le brahme, sur ce qu’il en est au juste
des qualités dé sattvva, de radjas et de tamas. » 13,948.
» Vyâdha lui répondit ;
« Eh bien ! je vais te dire ces choses, sur lesquelles tu
m’interroges ; écoute de ma bouche quelles sont, chacune
à part, ces qualités. 13,949.
» Le tamas est l’essence elle-même de l’ignorance ou du
vice ; le radjas donne le stimulant aux qualités ; et le sat-
twa est dit ici ce qu’il y "a de mieux, à cause de l’abon-
dance des lumières. 13,950.
» L’homme, qui appartient à cette qualité tamas, est
insensé, paresseux, colère, plongé dans l’ignorance,
adonné au sommeil ; il n’a point de pensée, il est mal sen i
parles organes des sens, il est enveloppé d’obscurité.
V Le ministre, qui est sans envie, et le chef des hommes
V
326
LE MAHA-BHARATA.
a-t-il commencé son discours, s’il y montre, brahmarshi,
■ de l’envie, de l’orgueil, de l’ignorance, il appartient à la
qualité radjas. 13,951 — 13,952.
« Mais l’homme sage, ferme, dompté, sans colère, sans
médisance, sans envie, qui abonde en lumière, est inspiré
de la qualité sattwa. 13,953.
U Le savant, qui est doué de cette qualité, est-il péni-
blement affecté de la marche du monde ; il méprise, dès
qu’il s’en aperçoit, cette marche du monde, qu’il est im-
portant de connaître. 13,964.
» D’abord, il entre dans la forme première de l’homme
sans passion ; l’amour de soi-même est doux en lui, et ce
qui est sincérité lui sourit. 13,956.
» Ensuite, toutes ses guerres intestines se calment l’une
l’autre, et il n’existe plus aucun danger pour lui nulle part,
f» S’il naît d’une mère çoûdrî et se maintient dans les
qualités du bien, il obtient de renaître vaîçya ; ensuite,
il gagne la condition de kshattrya. 13,956 — 13,957.
» Y passe-t-il sa vie dans la droiture, il naît dans la
classe du brahme. Je t’ai raconté entièrement quelles sont
les qualités : que désires-tu entendre de nouveau ? »
^ » Le brahme dit alore :
« Comment le feu, mêlé à l’élément de la terre, prend-
il un corps ! Comment Anila ou le vent remplit-il entière-
ment les intervalles ? » 13,968 — 13,959.
» Cette question fut adressée par le brahme, Youd-
dhishthira, reprit Mârkandéya, et Vyàdha se mit à ra-
conter de nouveau à ce magnanime régénéré : 13,960.
« Le feu va se placer dans la tête, d’où il conserve le
' corps; le souille se meut, agissant, et dans la tête, et
dans le feu. 13,961,
VANA-PARVA.
327
» Tout ce qui est, ce qui fut et ce qui sera consiste
dans le souille. Nous honorons celte production de Brahma
comme le plus grand des éléments. 13,9C2.
» Cet être est l’ànie de tous les êtres, c’est l’esprit
suprême, éternel ; c’est la grande connaissance intérieure,
individuelle f c’est pour tous les êtres l’objet présenté aux
sens. 13,063.
» Ainsi tout ici-bas est conservé par le souille vital : il
va dans chacune de ses voies suivant l'air digestif.
Il 11 se retire vers le feu à l'anus, qui est à la rac'me du I
ventre : il porte aux dehors les excréments, l’urine, et I
devient le crepitut. 13,064 — 13,063.
n 11 est seul dans ces trois choses ; la détermination,
l’action et la force. Les hommes, qui connaissent l’ame
suprême, disent qu'il est l’éructation. 13,066.
» Le vent est dans tous les corps, il pénètre dans
chaque vide : on l’appelle vyâna, l'air, qui circule dans
tout le corps des hommes, 13,067.
» Le feu s’étend dans les humeurs, il est mis en actipn
par le vent ; il parcourt, donnant le mouvement aux
humides, aux principes du corps, et il active la circulation.
» L’état languissant des trois humeurs est produit par
l’état morbide du souille vital : sache que le feu est le .
calorique ; c’est lui, qui digère ou cuit la nourriture dans ^
le corps des hommes. 13,968 — 13,060.
_ a Le souille de vie et le crepüus vont de compagnie au
milieu de l'air digestif et de l’éructation : mêlé avec eux,
le feu échauffe convenablement t estomac, sou récep-
tacle. 13,970.
a Dans le corps, l'extrémité de l’anus est connue sous
le nom de goûda ou. le fondement ; de lui, naissent les
328
LE M\HA-BHAR\TA.
courants des humeurs dans tous les souffles vitaux des
hommes. 13,071.
« La respiration dissémine partout l’activité du feu : à
Textrémité du fondement, elle est repoussée et, revenue en
haut, elle donne un stimulant au feu. 13,972.
» Le récipient des viandes est au-dessus du nombril, le
récipient des aliments digérés est au-dessous : tous les
souffles vitaux du corps se maintiennent au milieu de
l’ombilic. 13,973.
I) Toutes les veines partent du cœur, en haut, en bas, de '
travers, et, stimulées par les dix souffles vitaux, elles
portent les breuvages et les vivres dans toutes les parties
du corps. 13,974.
» Telle est la route des yogis, par laquelle marchent
avec attention les sages à l’esprit égal, victorieux des
inquiétudes et qui ont su faire de leur âme le chef de leur
conduite. 13,975.
» Le souffle de vie et la respiration s’étendent ainsi dans
tous les hommes. L’âme, qui est composée d’atômes, porte
en soi-même onze sentiments. 13,97(5.
Il Sache quelle a un corps, elle apparaît toujours dans
la victoire même sur les œuvres : le feu est simultané-
ment dans elle comme le feu placé dans une chaudière.
I) Sache que c’est l’âme, qui toujours obtient la victoire
elle-même dans les yogisetqui se maintient dans eux avec
son caractère divin, comme la goutte d’eau dans un lac.
13,977—13,978.
» Sache que c’est l’ârae, qui toujours obtient la victoire
dans r unification ; apprends que les qualités radjas,
sattwa et tamas sont l’essence même d? la vie. 13,979.
» Sache que la vie est une qualité de ràme, et que
VANA-PARVA.
SSO
Tâme est ainsi une partie de l'âme universelle. 13,980.
1) On dit que la qualité de la vie est et sans intel-
ligence ; elle se meut, et donne le mouvement à tout :
aussi, les sages disent-ils que l’âme est supérieure et
qu’elle a créé les sept mondes. 13,981. n
» Ainsi, l’âme desétre^pparait dans tous les êtres : les [
savants la voientavec leur intelligence supérieure et subtile.
» Grâce à la pensée, elle détruit les œuvres bonnes e*
mauvaises; celui, qui a su mettre en soi la sérénité de
l’âme, jouit du bonheur à l’inrini. 13,982 — 13,983.
, » Le signe de cette grâce, c’est quand, rassasié, il dort i
I en paix, comme une lampe, heureusement allumée, éclaire '
I à l’abri du vent. 13,984.
» Dans la seconde moitié de la nuit, il applique conti-
nuellement sa pen.sée, et, sa nourriture obtenue, il se voit
lui-même en soi-même. 13,985.
» 11 se voit à la clarté de son esprit comme à la lueur i
d’une lampe allumée; et, quand il a vu, brahme, que lui- I
même n’est pas autre que l’âme universelle , il est alors
délivré. 13,080.
n II a fait par tous les moyens la coercition de la colère
et de l'avarice, (’.ette pénitence pure est jugée un pont
\ jeté pour traverser les mondes. 13,987.
>1 Que l’homme sauve toujours à la faveur de cette
grâce la pénitence de la colère , le devoir de l’envie , la
science de l’orgueil et de l’infamie. 13,988.
» L’humanité est le premier devoir , la patience est la
plus grande des forces, la science de l'ânieest laplusémi-
I nente des sciences , le vœu de la vérité est le premier des
vœux. 13,989.
» Un mot de vérité est ce qu’il y a de plus excellent :
330
LE MAHA-BHARATA.
la science dans la vérité sera toujours salutaire : cet infini,
le bien des êtres, on l'estime la plus grande des vérités.
Il L'iiooime désintéressé , de qui tous les commence-
ments ne sont pas liés par l’espérance et qui a tout sacrifié
dans son abandon , est un homme intelligent.
13,990—13,991.
» Aussi n’est-il pas nécessaire qu’un gourou lui parle
et lui donne ses conclusions : ce brahme sait que l’yoga,
qui mérite le nom d’yoga , consiste dans la séparation.
. U 11 ne fait du mal à aucun être ; il marche , tenant la
I route de la bienveillance, et, dans cette ligne de vie, où il
lest entré, il n’exerce d’hostilité contre qui que ce soit.
13,992—13,993.
» La pauvreté, la privation d’espérances, le parfait
contentement, la consistance, tout cela est d’un ordre
très-élevé ; mais la science de l’âme est toujours la
plus haute science. 13,99i.
Il Qu’il abandonne sans chagrin sa famille , et qu’em-
brassant un état immobile dans ce monde et dans l’autre,
il soit engagé ferme de pensée dans son vœu. 13,995.
» Il faut qu’un solitaire soit continuellement dans la
pénitence, dompté, maître de son âme, attaché à vaincre
ce qui n’est pas encore vaincu, et insensible au milieu des
désirs. 13,999.
n Le détachement du bien et du mal est la seule aifaii-e
immédiate du brahme ; il n’a qu’un pas à faire, dit-on,
pour saisir le bonheur. 13,997.
1) L’homme , qui tout â la fois abandonne le plaisir et
la peine, obtient l’infini, brahme, et va dans la route, où
n’entrent pas les alTections. 13,998.
Il Tu as entendu entièrement , û le plus vertueux des
VANA-PARVA.
3S1
brahmes, ma réponse à toutes les demandes, que tu m’as
adressées : que désires-tu entendre par-dessus ces choses 7 n
» Quand Dharma- V j &dha eut ainsi raconté entièrement
le devoir et la délivrance, continua le narrateur, lebi-ahme
au comble de la joie lui dit : 13,999 — 1A,000.
<1 Ta sainteté vient de m’exposer toutes ces choses sui-
vant la convenance; certes, on ne voit rien ici dans les de-
voirs, qui ne soit connu de toi. » 1A,001.
« Vois , 6 le plus grand des brahmes , lui répondit
Vyâdha, celui, qui est le devoir à mes yeux, l’homme, à
qui je dois cette perfection. 14,002.
Il Lève-toi, révérend! Entre vite dans l'intérieur de ma
maison : tu>es digne de voir, brabme vertueux, ma mère
et mon père ! » 14,003.
I) A ces mots , entrant avec lui , il vit , éclatante de
splendeur, une maison composée de quatre pièces, jolie,
au plus haut point ravissante. 14,004.
» Semblable au palais des Dieux , les Divinités la fré-
quentaient avec plaisir; elle était encombrée de sièges et
de couches, elle était parfumée de senteurs exquises.
» Assis sur les plus dignes des sièges et vêtus de robes
blanches, le père et la mère de Vyâdha étaient là en grand
honneur, devant des aliments préparés, et dans la plus vive
satisfaction. 14,005 — 14,006.
Il A leur aspect, Dharma-Vyâdha se prosterna, la tête
à leurs pieds. « Lève-toi! lui disent les deux vieillards;
lève-toi ! que le devoir te protège! 14,007.
Il Nous sommes contents de ta pureté : obtiens une
longue vie , la voie désirée , la science et le sacrifice de
l’ordre le plus élevé. 14,008.
U Nous avons toujours été bien traités par toi, qui es
332
LE MAHA-BHARATA.
un vertueux fils , au temps convenable : il n’existe parmi
les Dieux, mon fils, aucune autre Divinité pour toi.
» Tu es doué de la répression des sens, grâce aux soins
des brahmes. L’aïeul de ton père et même ses bisaleux
sont contents de toi : honore-nous toujours, mon fils, par
la répression de tes sens. Il n’est rien, que tu négliges en
œuvre, en pensée, en parole, et môme en obéissance.
14,009—44,010—14,011.
n De même que le Djamadagnide et Kàma ont bien ho-
noré leurs vieux parents, de même ne voit-on pas en toi
maintenant une pensée différente. 14,012.
» Tu as fait tout ce qu’ils ont fait eux-mêmes ; et leurs
qualités sont encore supérieures en toi, mon fils, n Ensuite
Dharina-Vyâdha leur présenta le brahme. 14,013.
» 11 fut accueilli par eux avec un souhait de bien-
venue. L’bermite rendit aux deux vieillards ses hommages
en échange des leurs, et demanda s’ils jouissaient de
la prospérité dans leur maison avec leurs fils, avec leurs
domestiques ; si la bonne santé était ici toujours la com-
pagne de leurs deux personnes. 14,014—14,015.
« Le salut règne ici partout dans notre maison, bi*ahme,
et parmi la classe de nos serviteurs, lui répondit le vieux
couple. Ta révérence est-elle arrivée sans obstacle en ces
lieux?» 14,010.
« Oui ! » leur dit-il, rempli de joie. Dharma-Vyàdha,
ayant fixé les yeux sur le brahme, lui tint ce langage :
a Mon père et ma mère sont mes plus grandes Divi-
nités ; ce qu’on doit faire envers les Dieux, révérend, je le
fais à leur égai’d. 14,017 — 14,018.
» De même que tous les trente-trois Dieux, Çatakratou
à leur tête, méritent les hommages du monde entier, de
VANA-PARVA.
S38
même ces deux vieillards sont dignes des miens. 14,010.
<1 Tels que, daus les sacrWices, les brahmes offrent des
présents aux Uieux ; ainsi fais-je sans paresse à l'égard de
cxs bons rieilUirds. 14,020.
» Mon père et ma mère sont l’un et l’autre ma Divinité
suprême : je cherche à leur plaire continuellement, brah-
me, avec des présents de fleurs, de fruits et de pierreries.
» Ces deux auteurs de mes jours sont pour moi ce que
les sages nomment les feux : les sacrifices, les quatre Vé-
das, brahme, ils sont tout pour moi 1 14,021 — 14,022.
» C'est à cause d’eux que j'ai le souille de l'existence,
une épouse, un fils, des amis : je rends continuellement
l'obéissance à ces vénérables, accompagné de mon épouse
et de mon fils. 14,023.
Il Je les baigne moi-mème, ô le plus grand des brah-
mes ; je leur lave les pieds ; ils reçoivent de ma main la
nourriture. 14,024.
Il Je leur adresse une parole aimable , j’évite une
fuipression fâcheuse : ce qui est même de travers, je le
fais droit pour eux. 14,025.
» S.idiant l'importance du devoir, j’obéis à sa loi, 0 le
plus vertueux des brahmes; et, sans paresse, je pratique
sans cesse l’obéissance. 14,026.
U 11 y a cinq gourous pour l’ homme, qui désire l’exis-
tence, 6 le saint des brahmes : son père, sa mère, le feu,
son âme et son instituteur spirituel. 14,027.
» Quiconque se maintiendra entièrement, fortuné brah-
me, dans ces cinq honorabilités, aura les feux toujours
bien séparés. 14,028.
» Tel est l’éternel devoir de l’homme, qui est dans
l’état de maître de maison. » 14,029.
vCi«r
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88è
Lü MAHA-BHARMA.
» Quand il eut présenté au brahme ces deux vieillards,
son père et sa mère, le vertueux Vyâdha reprit en cet
termes la parole adressée à son hôte : 14,030.
O Tu me regardes comme une personne, de qui la vue
est assurée ; et j’admire la force de ta dévotion en ce que
tu donna.s confiance à une épouse, qui est dévouée à l'o-
béissance conjugale, domptée, adonnée à la vérité, quand
elle te dit : « Vas à Mithilâ ! Vyâdha doit habiter là, il
t’exposera les devoirs. » 14,081 — 14,032.
« Je me rappelle la parole de cette femme chaste, vé-
ridique, opulente de bonnes mœurs, lui répondit le
brahme, et j’estime, homme juste, ferme en tes vœux, que
tu es rempli de vertus. » 14,033.
« Cette dame chaste a vu entièrement, reprit Vyâdha,
il n’y a nul doute, éminent, ôle plus vertueux des brahmes,
ce qu’elle t’a dit sur moi. 14,034.
» Inspiré d'une pensée bienveillante pour toi, je vais te
montrer ce que tu fus jadis, brahme : écoute ma parole,
mon fils ; je te dirai ce qui est .salutaire pour toi. 14,035.
» Tu as trompé, éminent brahme, ton père et ta mère :
ils ne t’ont pas renvoyé, mais tu es sorti de leur maison,
non blâmé par eux. 14,036.
» Tu as fait cette action inconvenante pour arriver à la
prononciation des Védas, et ces deux sages vieillards sont
devenus aveugles du chagrin, que tu leur as causé.
» Va regagner leur bienveillance : ne néglige pas ce
devoir: tu es un magnanime ascète, de qui le devoir fit
toujours le plaisir. 14,037 — 14,038.
>) Toute cette science, que tu veux acquérir, est sans
profit pour toi. Hâte-toi de te les rendre favorables: crois-
er;; moi, brahme, ne veuille pas agir d’une autre manière.
lir,ili7Çd‘5yX^OOgle
VANA-PARVA.
3S5
» Va-t-en maintenant, brahmarshi, je t’ai dit sur quoi le
salut repose !» — « Tout ce qui fut dit par ta sagesse, reprit
le brahme, est sans doute la vérité. li,0S9 — 14 ,0i0.
» Je suis enchanté de toi. Que le bonheur descende sur
ta sagesse, homme, que les qualités, les bonnes mœurs
et le devoir accomp.ignent !» — « Tu es semblable à un
Dieu, repartit Vyâdha, toi, qui es dévoué au devoir antique,
étemel, céleste, inaccessible aux insensés. Rends-toi, sans
tarder, 0 le plus vertueux des brahines, en présence de
ton père et de ta mère ; acquitte-toi promptement des
hommages, qui leur sont dus. Cela excepté, je ne vois
d'aucun cété nul autre devoir à remplir. »
H C'est le bonheur, qui m’a conduit ici, ré|K>ndit le
brahme ; c’est lui-méme, qui fut l’auteur de ma réunion
avec toi. Des hommes tels, qui exposent le devoir, sont
difficiles à obtenir dans le monde.
14,041—14,042—14,043—14,044.
» Il n'existe pas, dans un millier d’individus, un senl
homme, qui soit ai/m versé dans le devoir. Je suis en-
chanté de toi, en vérité : sur toi descende la félicité, 0 le
plus grand des hommes! 14,045.
» J’étais aujourd’hui tombé dans le Naraka, ta sagesse
m’en a retiré ; il en devait être ainsi, homme sans péché,
puisque tu as été vu par moi. 14,040.
» De même que, tombé, le roi Yayâti fut sauvé par les
vertueux fils de sa fille, ainsi moi, un brahme ! 0 le plus
excellent des hommes, je fus sauvé p.ir ta sagesse.
» Je rendrai, suivant ta parole, l'obéissance à mon père
et à ma mère. Un méchant n’enseigne pas à connaître la
distance, qui sépare le vice et la vertu. 14,047-14,048.
» Le devoir immortel et difficile à connaître, on le trouve
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386
LE MAHA-BHAftATA.
Imême dans une matrice de çoûdra. Je pense que tu n'es
pas un çoûdra ; mais il doit exister une cause, qui t’a fait
en)brasser cette condition de çoûdra, où tu es par la na-
ture de tes fonctions. Je désire la connaître, homme à la
(^ande sagesse, selon ce qui en est naturellement.
» Raconte-moi tout, d'une âme soumise, suivant mon
désir et selon la vérité. « — « Je ne dois pas manquer â
la profession du brahme, ô le plus vertueax de cet ordre,
lui dit Vyàdha. lâ,0âd — 14,050 — 14,051.
* Écoute ce qui m’est arrivé dans le corps, dont j’étais
précédemment revêtu. Jadis, je fus un brahme et fils du
plus grand des brahmes. 14,052.
» J’étais appliqué à l’étude des Védas, fort instruit, par-
venu à la rive ultérieure des Védàngas; et c’est par me.s
propres fautes, brahme, que je suis tombé dans cette con-
dition. 14,053.
» Un certain roi, livré à l’exercice de l’arc, était mon
ami, et j’étais, brahme, le plus adroit à manier l’arc de
toute sa cour. 14,054.
a Dans ce temps, le monarque sortit pour la chasse,
accompagné des princijtaux de ses guerriers et environné
de ses ministres. 14,055.
» Là, après que j’eus abattu un nombre considérable de
gazelles non loin d'un hermitage, je décochai, û le plus
vertueux des brahmes, une flèche malheureuse. 14,056.
» Ce trait aux nœuds droits blessa un rishi, qui, tombé
sur la terre, parla et fit retentir les échos de ses cris.
Il Je n'ai commis d’offense à l’égard de personne,
i’icriail-il: par qui cette mauvaise action a-t-elle été
faite? » Moi, seigneur, pensant que f twuig frappé une
gazelle, j’accourus sur le lieu à la bâte. 14,057 — 14,058.
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VANA-PARVA.
5S7
« Je vis un rishi, que ce dard aux nœuds droits avait
blessé : mon cœur fut vivement ému de cette action, que
je n’aurais pas dû faire. IA,059.
U Je dis à ce brahme aux terribles pénitences, qui gé-
missait, étendu sur le sol de la terre : « J'ai lancé ma
flèche, sans savoir que tu était là. 1A,060.
» Veuille me pardonner tout 1 » C’est ainsi que je parlai
au solitaire ; et le rishi, plein de colère, me répondit en
ces termes : 1A,061.
«Tu seras up cruel vyâdha, c’est-à-dire, un chasseur,
et tu prendras naissance dans le sein d’une çoûdrt! » c’est
ainsi, brahme, qu’il me parla.
» Ainsi maudit par l’anachorète, 0 le plus grand des
plus excellents brahmes, je le suppliai eu ces mots ;
« Sauve-moi ! — 14,063.
1) J’ai fait aujourd’hui cette action par ignorance ; veuille
me la pardonner toute entière, sois-moi favorable, révé-
rend. » 14,064.
O La malédiction ne sera pas d’une autre manière;
il en sera sans doute ainsi, reprit le rishi ; mais, par hu-
manité, je fais maintenant un peu de bienveillance à ton
égard.
» Renaissant dans une matrice de çoûdra, tu connaîtras
le devoir; tu rendras l’obéissance due à tou père et à ta
mère. 14,065 — 14,066.
» Tu obtiendras par cette obéis.sance la grandeur et la
perfection ; lu garderas le souvenir de ta précédente nais-
sance et tu monteras au ciel, i 4,067.
U Au terme révolu de cette malédiction, tu seras de
nouveau un brahme. » Cest ainsi que jadis je fus mau-
dit par ce brahme à la splendeur flamboyante. 14,068.
22
IV
338
LE MAflA-BHAKAÏA.
1) Il m'accorda sa bienveillance, (t le meilleur des
hommes, et je retirai la flèche de sa blessure. 14,069.
» Je le portai à son herniitaf;e, et il ne fut pas séparé
du souffle de l'existence. Je t'ai raconté entièrement ce
que j'ai été dans une vie antérieure. 14,070.
Il 11 faut que j'aille bientôt dans le ciel, ô le plus grand
des brahmes. » — n Les hommes, répondit celui-ci, ob-
tiennent ainsi le bien et le mal dans la vie : tu ne dois pas en
prendre de chagrin, homme <4 la grande intelligence. Tu
remplis des fonctions certainement pénibles, parce que tu
connais le mystère de ta naissance, ô toi, qui es sans cesse
livré au devoir et qui sais la vraie nature des choses du
monde. La faute attachée à ces actions, homme instruit,
est celle de ta naissance.
» Après un certain espace révoln de temps, tu seras un
brahme, di.s-tu ; mais je t'estime dès ce moment un
brahme : il n'y a là aucun doute.
14,071—14,072—14,073—14.074.
» Un brahme savant, s'il est un hypocrite, un artisan
de mauvaises œuvres, un homme placé hors de ses fonc-
tions en des œuvres, où il y a matière à pécher, sera l'égal
d'un çoùdra. 14,075.
I) Mais le çoùdra, qui est continuellement appliqué au
devoir, .4 la vérité, à la répression des sens, je le regarde
comme un brahme; il est brahme par sa manière de vivre.
» Il obtient sur la terre, par la faute de ses œuvres, un
chemin inégal, effrayant : je pense, moi 1 que sa faute se
trouve effacée et qu'il ressemble à toi, ô le plus grand des
hommes. 14,07(5 — 14,077.
» iNe veuille pas en concevoir de chagrin. Les hommes,
tels que tu es, adonnés sans cesse au devoir, et qui savent
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VANA-PARVA.
SS»
ubéir h la marche du monde, ne connaissent pas les
troubles de l'âme. » 1A,078.
« Que l'homme guérisse les peines de l'âme par la
science, reprit Vyàdha, et les maux du corps par les
simples : c'est là en effet la pouvoir de la science. Qu'on
n’aille point à l'égalité d'humeur avec des amusements
frivoles. 14,079.
» Les hommes d'une iutelligence étroite sont enchaînés
aux peines de l'esprit, par l'éloignement de ce qu'ils
aiment et la présence de ce qu'ils n'aiment pas. 14,080.
» Toutes les aéatures sont unies aux qualités, ou elles
en sont séparées, et ce n'est pas une occasion de chagrin
pour un seul. 14,081 — 14,082.
» A la vue d'une pereonne bien douée, 77îffi.» non enviée,
on se détourne promptement de la vertu. On la venge du
dédûin, si l’on examine les choses dès le commencement.
» Ri n ne sert à l'homme de se plaindre; il est tour-
menté : voilà tout ! Les sages, qui renoncent tout ensemble
au plaisir et à la douleur, croissent en félicité. Les igno-
rants n'ont pas le contentement de l'âme pour leur prin-
cipal objet ; les vrais savants parviennent seuls à posséder
une âme satisfaite. 14,083 — 14,084.
» Il n’est pas de fin au déplaisir ; le saint contentement
est le plaisir suprême. Ceux, qui ont fait leur chemin, ne
s’ affligent pas, car ils voient derant eux la route absolue.
» Il ne faut pas jeter fâme dans la consternation, qui
est le plus grand des poisons : elle tue ceux, de qui la
science est imparfaite, comme le serpent en colère tue un
enfant. 14,08.â — 14,086.
» II n’existe pas de bien poud’homme dépourvu d’éner-
gie, que la crainte surmonte à son premier pas fait.
340
LE MAHA-BHARATA.
\
» On ne voit pas le fruit d’une œuvre faite par con-
trainte. <}uiconque descend au mépris de soi-môme, ne par-
vient pas à faire quelque chose* de beau. 14,087 — 14,088.
» Que l'homme jette mèuie les yeux sur un moyen pour
l’affranchissement de la douleur ; qu’il se mette à l’œuvre
sans gémir, et que délivré, il soit heui'eux. 14,089.
» Ceux, qui ont acquis la science et qui sont parvenus
au plus haut point de l’intelligence, ne tombent pas dans
l’affliction, une fois qu’ils ont pensé à la non-existence des
■ • êtres, car ils voient devant eux la voie suprême. 14,090.
» Placé ici-bas, où j’attends le moment, je ne m’afflige
point, et, appuyé sur ces exemples, je ne me laisse pas
toniber dans le découragement, brahme savant et ver-
tueux. » 14,091.
« Tu as acquis la science, répondit le brahme, tu es
doué d’intelligence, et ta pensée est vaste ; je ne déplore
pas le sort de ta sagesse ; tu connais le devoir, et tu es
rassasié de science. 14,092.
» Je te fais mes adieux : salut à toi 1 Que le devoir te
protège I II faut mettre ses soins dans le devoir, ô la plus
forte des colonnes, qui soutiennent le devoir ! » 14,093.
« Bien 1 « reprit Vyàdha, ses mains réunies au front ;
et, quand il eut décrit autour de lui un pradakshina, le
saint brahme se mit sur sa route. 14,094.
» Arrivé chez lui, le brahme, bien instruit sur les
devoirs, sut rendre, .suivant la convenance, à sou vieux
père et k sa vieille mère, l’obéissance à tous les degrés.
» C’est ainsi que j’ai répondu entièrement, Youddhish-
thira, mon lils, à toutes les questions, que tu m’as adressées
sur le devoij', ô le plus vertueux des hommes vertueux.
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VANA-PARVA.
m
» Dbarma-VyAdha t'a raconté, pieux roi, la magnani-
mité de l'épouse chaste, la grande âme du brahoie et
l'obéissance, que l’on doit à son père et à sa mère. »
O Tu m'as narré, 6 le plus verlueux des anachorètes et
le plus instruit des hommes, qui savent tous les devoirs,
répondit Youddhishlhira, celte légende sublime des ver-
tus, qui est plus que merveilleuse. 14,01)7 — 14,098.
» s'est écoulé pour moi, comme uu instant,
par le plaisir de t'entendre ; et l’audition de cette magni-
fique légende ne m’a, certes ! point rassasié encore. » -*•
Alors qu’il eut ouï cette brillante narration, assortie au
devoir, Dharmarddja interrogea de nouveau le rishi Màr-
kandéya en ces termes : 14,090 — 14,100.
« Cximment le feu est-il allé au bois ? Comment jadis
Augiras fut-il honoré? Comment dans la chiite du feu,
ce radieux, devenu Agni, a-t-il porté l'olTrande aux Dieux?
» Si Agni est un de ta nature, on voit qu’il e.st multiple
par les elTets. Je désire, adorable, être éclairé sur tout
cela. 14,101—14,102. .
» Comment Kârtikéya est-il né ? Comment fut-il le fils
d'Agni ? Comment est-il né de Çivaetdela Déesse Gangâ?
Comment fut-il nourri par les Pléiades? 14,103.
U Rempli de curiosité, je désire connaître cela suivant
la nature et selon la vérité, anachorète à la grande lu-
mière, le plus vertueux des enfants de Bhrigou. » 14,104.
O On raconte ici même, dit .Vlàrkandéya, cet antique
itihâsa, qu'Agui courroucé s’en était allé dans le bois pour
s’y livrer à la pénitence ; 14,105. ,
n Que le révérend Angiras avait pris la place du feu
même, qu’il échauffait par sa lumière et qu’il chassait
l’obscurité. 14,100.
LE MAHA-BHARATA.
S«2
I) Avant lui, Angiras avait embrassé, guerrier aux longs
bras, une pénitence supérieure, et, retiré dans un hermi-
tage, le solitaire d’une haute vertu surpassait le feu même.
» Devenu tel, il illuminait alors le monde entier ; et
Agni, le foyer de la chaleur, était échauffé par sa lumière.
14,107—14,108.
» Le radieux en fut beaucoup attristé ; il ne produisait
plus rien : l’adorable Agni se mit donc à penser : 14,109,
« Brahma a fait ici un autre feu pour les mondes : j’ai
perdu ma puis-sance d’échauffer ; j’ai besoin de l’être moi-
même, et je n’ai plus de chaleur. 14,110.
» Comment pourrais-je donc redevenir le feu? » Tandis
qu’il songeait ainsi, il vit le grand anachorète, qui échauffait
les mondes par la force du feu. 14,111.
I) Angiras alors s’approcha de lui, et dit lentement ces
mots avec crainte : « Sois promptement ce que tu étais, et
redeviens Agni, qui entretient la vie des mondes. 14,112.
» Tu es connu des trois mondes, qui marchent dans les
lieux assignés à leurs évolutions •, tu es .Vgni, qui dissipe
l’obscurité, et tu es la première création de Brahma.
» Reprendsdonc promptement ta place, ê toi, qui chasses
les ténèbres. » — « Ma gloire est perdue, répondit Agni ;
c’est ta sainteté, qui est maintenant le feu des holocaustes.
14,113—14,114.
» C’est toi maintenant, et non pas moi, que les créa-
tures désormais reconnaîtront pour le feu. Je déposerai
en toi ma puissance de brûler : sois le premier Agni.
Il Je serai 1| second et un Prâdjàpatya. » — « Té-
moigne une bonté céleste pour les créatures, et sois encore
Agni, qui dissipe l’obscurité, repartit Angiras.
14,115—14,116.
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VANA-PARVA.
313
» Fais bien vite de moi, Dieu Agni, ton fils, le premier-
né. » A peine eut-il entendu sa parole, le feu aussitôt
exécuta s:i dE'm.inde. lâ,l 17.
» Yrihaspali, sire, fut ensuite le fils de cet Angiras.
Quand les Dieux surent c|u’ Angiras était le fils ainé du
feu, ils vinrent et l'interrogèrent sur la cause ; et lui, à
cette question, Bbaratide, de raconter aux Dieux ce qui
précède. 14,118— 14,11 ü.
a Les habit-..nts du ciel reçurent donc cette réptonse
d' Angiras. Je te dirai qu'il y a des feux brillants, très-
divers d'emploi, variés, invoqués ici-bas chez les brahmes,
en de nombreuses cérémonies. 14,1'20 — 14,121.
» Brahmana fut son troisième fils, propagateur de la
race des Kourouides ; celui-ci eut une belle épouse :
apprends de moi à quels enfants il donna l'èlre dans son
sein. 14,122.
» Ce fut, sire, à Vrihatklrti, 4 Vribadjdjyoti, à Vrihad-
brabman, à Vrihanmanas, àYrihanmantra,à Vrihadbhasa
et à Vribaspati. 14,123.
» La Déesse Bbânoumatl, la première fille d' Angiras,
fut sans égale en beauté au milieu de tous ces enfants.
» Râgâdràgà, que l'on dit la seconde fille d' Angiras,
était alors comme l'amour de toutes les créatures, mis en
elle. 14,124-14,125.
)j Visible et invisible par son corps à l’ètre incorporé,
Sintbali, qui fut dite la fille de Kapardi, était la troisième
fille d' Angiras. 14,126.
» Paçyatl, Archisbmatl, Bhàbhi, Havirbbl, Havisbmati
et la sainte .Uahishmati, qui fut, dit-on, la sixième de ces
filles d' Angiras.
a L'Augiraside, nommée Mahâmati, brahmeàlagraude
m
LE M.VHA-BHARATA.
intelligeDce, est citée comme la septième de ses filles, au
milieu des grands sacrifices flamboyants. Ii,127-1A,128.
U Kouhoû, qu'on appelle aussi Tkânansà, est dite une
autre fille d’Angiras. Quiconque l’a vue, admire cette ado-
rable comme une nouvelle lune. 14,129.
U Tcbàndramast fut l'épouse de Vrihaspati : cette dame
illustre enfanta les feux purs et une fille, qui eut nom
Shadékâ. 14,130.
» L’Agni, par lequel est déposé le beurre clarifié dans
les invocations du feu, est un fils aux grands vœux de
Vrihaspati, appelé Çanyou. 14,131.
» Ce vigoureux Agni, enflammé par des splendeurs telles
que plusieurs flammes, est celui même, qui offre le bétail
premier-né dans l’açva-médha, dans le sacrifice, et dans
ceux, qu’on célèbre tous les quatre mois. 14,132.
Il Troisfemmes sanségales : Satyâ, Asatyâet Dhannajnà,
furent données à Çanyou ; Agni fut son fils resplendissant
et il eut trois filles dévouées à leurs vœux. 14,133.
» Agni, qui est honoré dans le sacrifice par la première
portion de beurre clarifié, est le^randAgni. Bbaradwâdja
est, dit-on, son premier-né. 14,134.
» Cet Agni, qui est nommé Bharata, est le deuxième fils
de Çanyou : c'est en son honneur que, dans tous les sa-
crifices de la pleine lune, l’oblation et le beurre clarifié
sont levés par la sainte cuiller. 14,136.
» Il a trois autres filles, desquelles Bharata est l’époux ;
mais Bharata, son fils, n’eut qu’une fille nommée Bbaratl.
U Bharata est le fils du feu Bharata, et Pàvaka du l’ra-
djap&ti : sa forme est grande, considérable, honorée, ô le
plus vertueux des Bharatides. 14,136 — 14,137.
1) Pindadà est l’héroïque épouse du héros Bharàdwàdja:
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VANA-PARVA.
Hb
les brabmes célëbrentlentementson sacrifice avec le beurre
clarifié, comme celui de Lunus. lë,138.
» Celui, qui est associé avec Lunus, au partage de la
seconde offrande, est nommé Roumbharétas, qui remplit
les routes carrossables par la multitude de ses chars.
» Afin de produire l’accomplissement automnal, Bha-
bhris a caché le soleil de feu, sans cesser un instant de
l’honorer : il est toujours enfanté dans l’invocation.
» Mais celui, qui ne tombe point à chaque moment de
sa renommée, de sa splendeur, de sa beauté, le Feu,
nommé Niçtchyavana, loue seulement la terre. 1A,1A1.
» Le pécheur est par lui délivré de ses’ souillures
et, devenu pur, il éblouit de splendeur. Le Feu Vipâpa,
son fils, est véridique; il veille au devoir des enga-
gements. 1A,1A2.
» Le Feu, nommé Niçkriti, qui accorde le pardon aux
êtres, qui gémissent dans le malheur, donne des honneurs
en échange du culte, qu’on lui rend. 1A,1A3.
» Le Feu, appelé Swana, grâce à qui, tourmentés
par la douleur, sanglottent les hommes, est son fils et
cause les maladies. 1A,1AA.
» Les sages disent que le Feu, nommé Viçvadjit, se
tient, infestant la pensée du monde entier. 1A,1AÔ.
» Le Feu dit Intérieur, est celui, qui fait digérer les ali-
ments dans le corps des êtres animés : il est connu sous le
nom de Viçvabhoudj dans tous les mondes. 1A,1A6.
» Le bramatchâri à l’âme domptée, toujours lié par de
grands vœux, et les brahmes honorent ce feu dans les
sacrifices appelés Pàkas. 1A,1A7.
» 11 est une rivière purificatrice, nommée la Gomatt,
LE MAHA-BHARATA.
Sifl
qni fut son épouse. C’est en lui que les brabmes vertueux
accomplissent toutes leurs cérémonies. li,lA8.
n Le feu Mui-marin Vadava inspire la plus grande
épouvante ; il absorbe les eaux. Ce Dieu, qui babite dans
les souffles de la respiration, est appelé Oùrddhabhâg-
Oûrddhabhâg.
>1 C’est en son honneur qu’on donne toujours le beurre
clarifié à la porte septentrionale de la maison. Qu’ ensuite
le sacrifice soit parfaitement célébré ; celui, qui offre bien
le beurre clarifié, est dit le premier des sacrificateurs.
» Le ressentiment est un feu dans les êtres paisibles :
il naquit bientôt une fille orgueilleuse à ce Dieu cour-
roucé. 14,149—14,160—14,151.
» Elle se nomme Swàhâ ; elle est épouvantable, cruelle
en tous les êtres. Personne n’existe dans le Tridéva, égal
en beauté au Feu, dont je vais parler. Les Dieux lui ont
donné le nom de Kâma ou l'Amour, parce qu’il n’a rien
qui lui soit comparable. Armé d’un arc, paré d’une guir-
lande, mais portant la colère en son cœur, il s’avance
triomphant sur un char. 14,152 — 14,153.
Il Le leu, qui est appelé Amogha, peut détruire les
ennemis, suivant ses instructions : trois stances, prince
vertueux, sont consacrées à l’éloge du Feu, quiestnommé
Ouktha. 14,154.
» 11 est père de la grande parole, qui est appelée la
foi. 14,155.
« Le Kaçyapide, le Vaçisbthide et Pràna, Agni, fils
de Pràna, et 'fcbyavana l’Angiraside à la splendeur trois
fois éclatante, se soumirent, dans la vue d’obtenir un
fils, à une rigoureuse pénitence, qui dura im grand
nombre d’années : « Puissions-nous, disaient-ils, obtenir
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VANA-PARVA. 847
nn fils vertueux et de qui la renommée égale celle de
Brahma!» 14,180 — 14,157.
» Les cinq brahmes, qui prononçaient au commence-
ment des hymnes les grands mots consacrés, eurent à la
fois cette même pensée : aussi, il leur naquit pour tous un
seul fils, auguste, brillant de splendeur et réunissant
Cassemblage de cinq couleurs. 14,158.
» Il était parla tête un feu allumé, ses bras étaient pareils
au soleil, ses yeux avaient la couleur de l’or, et ses jambes,
Bharatide, étaient noires ou d’un bleu-foncé. 14,169.
» Né de cinq couleurs par la pénitence de ces cinq
personnes (1) , ce Dieu fut donc appelé Pântchadjanya et
fut le tronc, où s’embranchèrent cinq familles. 14,100.
>1 Cet être aux grandes mortifications, s’étant livré
douze mille ans à une austère pénitence, engendra le
terrible feu des Mânes et créa les mortels. 14,161.
» 11 fit naître de sa tête le vaste Sâma-Véda ; de sa
bouche, la respiration et la vitesse; de son nombril, le
Véda; de sa force, Indra, et, de son souille vital, Vâshou
et Agni. 14,102.
>1 De ses bras, il produisit les accents toniques et toutes
les créatures, qui sont dans l’univers ; puis, quand il eut
accompli ces opérations, il créa des fils à ces cinq pères.
» Il donna Pranidhi à Vribadratha, Mahattara à
Kaçyapa, Bhânou à Angiras ; Saâubhara fut le sage fils d' A-
gni, Anoudâtta était le fils de Prûna : tels furent les noms,
que portaient les cinq fils. Il créa quinze autres Dieux
supérieurs et vingt, qui se glissèrent subrepticement au
sein des sacrifices. 14,103 — 14,164 — 14,105.
» La pénitence créa Soubhtma, Atibhlma, Bhtma,
{{) Fântchadjana.
m
LE M.\H\-BHARATA.
Bbtmavala el Abnla, ces cinq, qui dérobent les sacrifices
des Dieux. 1A,160.
» Ces cinq Dieux furent aussi les fils de la pénitence :
Soumltra et Mitravat, Mitradja, Mitravarddhana el
Uitradharman. 1A,167.
» La pénitence créa encore les cinq, de qui les noms
suivent : Sourapravira et Vira, Souvéça, Souravartchasa
et rimmolateur des-Souras. 1A,168.
» Ces Génies, séparés en trois bandes, chaque groupe
à part, cinq par cinq, dérobent à ceux, qui ofiient les
sacrifices en vue du Swarga. 1A,109.
U Ils enlèvent, iis détruisent la vertu du sublime
havish, versé par eux dans le feu. Rivaux des feux
consacrés, ils détruisent, ils enlèvent la science extérieure
et l’aumône exercée par les gens habiles, mais ils se
gardent bien d’avancer vers le lieu, où reste le Feu.
14,170—14,171.
• Emportant leur butin du bûcher funèbre, ils font
déborder le beurre clarifié de l’un et de l’autre côté ;
mais, calmés par les prières, ils respectent l’hostie, qui
est propre au sacrifice. 14,172.
n Le grand ascète Ouktha, le fils d’Agni, s’approche
de la terre, et, quand l'oblation est consumée, les hommes
de bien le sacrifient lui-mème sur la terre. 14,173.
» On célèbre Agni llathantara comme le fils de la péni-
tence ; les adwaryous disent que l’oblation lui est présentée
afin de serrer le nœud, qui unit à nota les amis. 14,174.
» Au comble de la joie, ce Dieu à la haute renommée
goûte le bonheur avec ses fils. 14,175.
» Le feu, surnommé Bharata, est né des violentes macé-
rations. Ce feu, de qui l'inclination se porte à la nourriture,
quand il est satisfait, procure les aliments à tous les êtres.
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VANA-PAUVA. ■
3A9
» 11 nourrit toutes les créatures, et c'est pour cela qu’il
est nommé Rharata. Lu feu, qui est appelé Açiva, a pour
son premier objet l’hommage et la force. 14,170 — 14,177.
U Le feu Çiva fait constamment le bonheur de tous les
êtres ainigés du malheur. Voir le fruit de la pénitence,
c’est obtenir une grande vertu. 14,178.
» Pourandara naquit son fils ; il est sage, il a le désir de
sauver. La Chaleur est née de la chaleur même ; ce feu est
vu dans tous les êtres. 14,179. *
» Le feu, appelé Manou, incite les créatures à produire
ime lignée. 11 est un feu, que les brahmes arrivés à la rive
ultérieure des Védas, nomment Çambhou. 14,180.
U Les régénérés appellent Avasathya un feu tout flam-
boyant et d’un grand éclat ; ils nomment des feux, qui ont
une splendeur pareille à l’or, les Causes-du-fluide-séminal.
» Ensuite la pénitence a fait naître ici-bas, dans l’apai-
sement des passions, les cinq sacrifices pour ses fils. Le
feu, tourmenté par la pénitence, vertueiM prince, est le
seigneur des rayons. 14,181 — 14,182.
» Angiras fut le père des Asouras terribles et des mor-
tels divers : il a créé le soleil et Manou, qui fut le fils de
sa pénitence. 14,183.
» Les brahmes, qui ont lu entièrement les Védas,
épellent ce soleil le Grand-Bhanou. Soupradjâ et Brihad-
bhasâ, la fille de Sourya, furent les épouses du soleil.
» Elles ont donné le jour à six fils ; écoute quels iissont.
Le feu Balada, qui donne à tous les êtres faibles le soufile
de la vie, est, dit-on, le fils premier-né du soleil. Le feu,
appelé Manyoumat, qui est dans les créatures paisibles
l’épouvantable ressentiment, fut le deuxième fils de Bha-
nou, c’est-à-dire, du soleil. Celui, avec lequel on accomplit
360
LE MAHA-BHARATA.
ici-bas le sacrifice de la nouvelle et de la pleine lune, est
nommé Ravis. 1A,18A — lâ,185 — 13,188 — 14,187.
» Le feu, qui est appelé sur la terre Vishnou,, et le feu,
qui a nom Dhritimat, sont les deux autres fils. Celui, par
qui l'oblation, accompagnée d’Indra, est offerte, dit-on,
au temps où mûrit le blé, est nommé Angiras. 14,188.
» Ce feu, qu’on appelle encore Agrayana, est de la famille
elle-même du soleil. L’anachorète est le père des sacri-
fices continuellement offerts à chaque fin de quatre mois.
» Stoobha de la race même de Bhanou e.st accompagné
de quatre fils. I.a Nuit donna la naissance à une fille et
deux fils, Agni et Soma. 14,189 — 14,190.
» Bhanou eut lui-même une épouse ; elle mit au monde
cinq feux. Agni est honoré, à chaque fin de quatre mois,
par une offrande supérieure. 14,191.
» Le feu Valçvânara est charmant ; il marche accom-
pagné d'Indra : c’est lui que ce monde entier célèbre sous
le nom de Prabhou. 14,192.
» Le feu, appelé Viçvapati, c'est-à-dire, le maître de
l’univers, est le deuxième fils de Manou ; mais le premier
est Swishtakrit, au nom duquel le beurre clarifié sera bien
sacrifié. 14,193.
» vierge, nommée Rohint, fut la fille d’Hiranyaka-
çipou : elle brilla par ses œuvres, comme épouse. Vahni
estlePradjâpati, qui forme le corps des âmes incorporées,
aussitôt qu’elles sont arrivées à respirer le souffle de la
vie. Le Génie, qu’on nomme Sannihila, est le père de cet
être, qui a la forme du son. 14,194 — 14,195.
» Le Dieu, qui a une route blanche et noire, est celui, qui
nourrit le feu : sans péché, il est auteur des péchés, quand
il est passé à la colère. 14,196.
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VANA-PARVA.
SM
I) Les Yatis ont tonjonrs dit que Kapila était un risbi
du plus haut rang : c'est par ce feu, nommé Kapila, que
les esprits sont excités à s'absorber, nombre de fois, en
Dieu. 14,197.
n Ce feu, par qui les êtres se mettent continuellement
au-dessus des autres, a nom le Principal dans les différents
sacrifices. 14,198.
n 11 créa ces autres feux en grand nombre, fameux sur
la terre, pour l'expiation d'un mauvais agiiihotra. 14,199.
I) Quand les flammes du feu se touchent l'une l'autre,
de quelque manière, par l'effet du vent, on doit sacrifier
avec le feu Çoutchi, préparé dans huit vases. 14,200.
» Quand les flammes, tournées à droite, se réunissent en
deux faisceaux, on doit sacrifier avec le feu VIti, préparé
dans huit vases. 14,201.
» Si les flammes du feu, placé à l'entrée, viennent à se
toucher par l'incendie d'une forêt, on doit sacrifier avec
le feu Çoutchi, préparé dans huit vases. 14,202.
» Si une femme, affligée de son mois, touche au feu de
l'agnihotra, on doit sacrifier avec le feu Dasyoumat, pré-
paré dans huit vases. 14,203. ,
» Si les bestiaux s'approchent d'un mort, qui est sup-
posé vivant, un doit sacrifier avec le feu Souramat, pré-
paré dans huit vases. 14,204.
» Ln brahme sacrifie-t-il au feu trois jours, dans une
situation d'esprit affligé, on doit sacrifier avec le feu Su-
périeur, préparé dans huit vases. 14,205.
» Celui, de qui ou le mois ou le demi-mois est au com-
plet, doit sacrifier avec le feu Pathikrit, préparé dans huit
vases. 14,206.
» Quand le feu d'une femme nouvellement accouchée.
362
LE MAHA-BHARATA.
toache le feu de l'agnihotra, on doit sacrifier avec le feu
Agnimat, préparé dans huit vases. 1A.207.
U La fille d'Apa (1) fut la première épouse deSaha. Le
roi Bhouvabhartri eni;eDdra le feu supérieur, celui, qu’on
appelle le souverain de tous les éléments. « Tu es le père
nourricier du inonde, » lui disent les brahmes dans leurs
prières. ■14,208 — 14,200.
» Le vénérable feu à la grande splendeur, qui est le
maître de tous les grands éléments, parcourt sans cesse
l’univers. 14,210.
Il Le feu, nommé Grihapatiou le teigneur de la maieon,
est honoré dans tous les sacrifices : c’est lui, qui porte au
ciel l'oblation sacrifiée dans ce inonde. 14,211.
» Sattwabhougya fut l’éminent et très-merveilleux en-
fant des eaux. Le roi Bhouvabhartri est nommé le Maître :
le feu, par qui sont consumés les êtres morts, fut le nour-
ricier de ce grand Dieu. On célèbre dans l’agnishtoma,
le sacrifice nécessaire, le plus grand, de ce père nourricier.
» Les Dieux cherchent continuellement l'auguste et pre-
mier feu. Quand il (2) les vit arriver avec dévotion, la
crainte le fit entrer dans la mer.
14,212—14,213—14,214.
» Les Dieux vont alors, cherchant de plage en plage.
A leur vue, le feu tint ce langage à Atharvan : 14,215.
« Porte l’oblation aux Dieux : car je suis bien faible,
héros ! Va, toi I rends-moi ce service avec des yeux bien-
(1) L'eaUf à la forme maftculiiie.
(2) Le texte douue i lire un xin^lier: i7 le vit. Nous mettona le pluriel
pour la liaiaon de» idée», ou il existe ici quelque lacune. Au reste, le inor>
ceau, qui suit, nous semble dau» un étal de mutilation complète : nous le
traduiroBS donc, eu nous tenant le plus près du texte, qu'il noiu est possible
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VANA-PARVA.
353
veillants. » Quand il eut envoyé Atharvan, le feu passa
dans un autre lieu. Les poissons de lui raconter, et il dit
irrité à ceux-ci : 14,216—14,217.
« Vous semrez d'aliments aux hommes en vos différentes
existences. » Le Feu ensuite adressa un discoura à Athar-
van. 14,218.
» Il le persuada beaucoup, d’après les paroles des Dieux.
Havis ne désirait pas conduire les offrandes au ciel, et il
abandonna entièrement son corps. 14,219.
» Une fois qu’il eut quitté son enveloppe corporelle, il
entra dans la terre, et, dès qu’il eut touché le sol, il créa,
chacun à part, les nombreux métaux. 14,220.
» H fit sortir de son pus l’odeur et la splendeur, de ses
08 les pins devadàrous, de son flegme le cristal, de .sa
bile les vents, 14,221.
» Et de son foie le fer. Cet auguste produisit de nouvelles
créatures en trois espèces : de ses ongles sortit la masse
des nuages, la multitude des veines et le corail. 14,222.
» De son corps naquirent les divers autres métaux; et,
quand il eut ainsi, prince, abandonné sou corps, il entra
dans une pénitence supérieure. 14,223.
Il Élevé plus encore par la pénitence que Bhrigou,
Angiras et les autres ascètes, il flamboya d’une vive
lumière ; et cette pénitence l’environna même de splen-
deur et de rayons. 14,224.
» Effrayé à l’aspect du rishi, il entra dans la grande mer,
et lui, perdu, le monde épouvanté recourut à AthaiTan.
a 11 fut honoré même p.ar les Dieux et les autres. Athar-
van alors vit le Feu, et tira les mondes de lui-même.
14,225—14,226.
» C’est ainsi que le Feu, perdu naguère, agita par le
23
LE MAHA-BH/VRATA.
ibh
révérend Atharvan le grand Océan, malgré la résistance
de tous les éléments. li,227.
» Invoqué, At’iarvan porte sans cesse l'oITrandedetous
les êtres : parcourant les différentes contrées, errant dans
le fleuve Sindhou et le pnyn du Panjab, il fil sortir ainsi
les nombreux et divers feux, mentionnés dans les Védas.
1 La Dévikâ, la Sai'aswati, la Gangft, la Çatakoumbhâ,
la Çarayoù, la Gandasàhvayâ, laTchannan vati, la Maht et la
pure Médhàtithi,]^ Tâmràvati, laVétravati et la Kaàuçtkl,
qui est la troisième rivière, la Tama.sà, la Narmadà et la
rivièie Godâvari, la Vénâ, l’Oupavénâ et l'elfroyable Va-
davà, Bharatide, la Bharati, la Souprayôgà, la Kàvéri et
la Mourraourâ, la Toungavénâ, la Krishnavénâ, la kapilâ,
et le Çona : voilà quelles rivières sont dites les mères des
feux. {De lu stance 14,228 à la staw e lâ,23;i.)
1) Priyà fut l’épouse d’Adbhouta, et Vibhoùrasi fut son
fils. Un rapporte que les somas sont en aussi grand nombre
que les feux. 14,234.
» Des brahui&s, créatures intellectuelles, sont nés dans
la famille d'Airi : il a porté en sa personne tous ces fils
désireux eux-mêmes de créer. 14,235.
» Les brahmes retirent donc les feux de son corps. Ici,
j’ai fini de te raconter quels sont les Feux magnanimes,
infinis, beaux, dissipateurs des ténèbres, et comme ils
existent. Sache que telle est la grandeur d’Adbhouta,
ainsi qu’il eu est parlé dans les Védas : « Tous viennent
d'un seul Feu. » Il faut savoir que ce feu unique et véné-
rable est le premier Angiras, 14,236 — 14,237 — 14,238.
» Et que de son corps est sorti de différentes manières
le sacrifice Djyotishtoma. Ici, je finis de t’exposer la bien
grande famille des Feux, qui, honorée parles diverses for-
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VANA-PARVA.
355
mules de prières, conduit au ciel l'offrande des mortels.
>> On raconte dilférentes origines des Agnis. Écoute,
irréprochable descendant de Kourou, la naissance du sage
et mei’veilleiix Kàrttikéya, que je vais te rapporter. Je
commencerai par te dire que les épouses des brahmarshis
avaient paru mettre au monde un fils, la merveille des
merveilles, pieux, à la vigueur infinie et donnant un nou-
veau relief à la gloire. 14, '239-14,240-14,241-14,262.
» Déployant leurs efforts, jadis les Asouras et les Dieux
se tuaient les uns les autres ; dans ces batailles, c’étaient
les Dànavas aux formes épouvantables, qui toujours obte-
naient la victoire sur les Dieux. 14,243.
» Quand il vit ses bataillons immolés par différentes
armes, Pourandara se mit alors à chercher dans ses pen-
sées soucieuses quel général il fallait donner à son armée.
» Voyant l'armée des Dieux rompue par les Dànavas :
Il II me faut connaître, songea-t-il, un homme à la grande
vigueur, qui, appuyé sur la force, protégera mes guer-
riers 1 » 14,244 — 14,245.
n Parvenu au mont iMànasa, profondément occupé de
cette pensée, il entendit un cri épouvantable de détresse,
que jetait une femme : 14,246.
U Que tout homme vole à mon secours et qu’il me défende.
Qu'il montre à mes yeux un époux 1 ou devienne mon
époux lui-mèmel » 14,247.
» Mais Pourandara lui dit ; « Necrains pas ! Tu ne cours
aucun danger 1 » Quand il eut parlé de cette manière, il
vit Kéçi placé devant lui. 14,248.
U Coiffé d'une tiare, portant une massue à la main, il
ressemblait à une montagne riche en métaux. Le fils de
Vasou prit la jeune dame par la main et dit au ravisseur ;
356
LE MAHA-BHARATA.
« Pourquoi veux-tu enlever cette jeune vierge? action
sans noblesse ! Sache que je suis le héros, qui tient la
foudre ; cesse de lui causer de la douleur. »
14.249—14,250.
« Lâche cette jeune fille I répondit Kéçi ; je l’aime,
Çakra : lâche-la^ te dis-je^ et tu peux t’en retourner vivant
à ta ville, Pàkaçâsana I » 14,251.
» 11 dit, et d’envoyer sa massue pour la mort d’Indra ;
mais celui-ci, au milieu de son vol, la trancha par la moitié
avec sa foudre. 14,252.
» Kéçi en colère lui jette la cîme d’une montagne ; Ça-
takratou voit cette masse venir ; il la coupe, sire, avec son
tonnerre, et elle tombe sur la lerre. Blessé par 1^ éclats
de sa montagne abattue, Kéçi abandonne la vertueuse
femme et s’enfuit, en proie à un violent désespoir. Alors
que cet Asoura fut parti, le fils de Vasou dit à la jeune
dame: 14,253 — 14,254 — 14,255.
« Qui es-tu, fille au charmant visage ? A qui es-tu ?
Que fais-tu ici ? » 14,256.
a Je suis la fille du Pradjâpati, lui répondit la dame ;
mon nom est Dévasénâ : ma sœur Daîtyasénâ fut d’abord
enlevée par Kéçî. 14,257.
n Ma sœur et moi, nous allions toujours avec nos amies
nous divertir au lac Mânasa, après avoir obtenu la per-
mission du Pradjâpati, notre père. 14,258.
» Kéçi, le grand Asoura, désirait continuellement nous
enlever : il attira sur lui un désir de Daîtyasénâ, mais non
de moi, Pâkaçâsana. 14,259.
» Elle fut ravie par lui, adorable, et moi, je fus sauvée
par ta force. Je désire, roi des Dieux, que tu m’indiques
la demeure de mon invincible époux. » 14,260.
VANA-PARVA.
357
« Tu es, reprit Indra, la fille de la sœur de ma mère ;
je suis le fils de Dâkshàyant, ma mère. Je désire à mon
tour que tu célèbres ma force. » 15,261.
Il Je suis une femme. Dieu aux longs bras, répondit-elle ;
le vigoureux Bâlavat, honoré des Asouras et des Dieux,
sera mon époux par le choix de mon père. » 14,262.
« Quelle peut être, dit Indra, la force de ton époux.
Déesse ? Je désire entendre de ta bouche, irréprochable
dame, ce langage. » 14,263.
« Ce héros à la grande force, à la grande vaillance,
reprit la jeune femme, est le vainqueur des impurs Daityas,
des Rakshasas, des Ouragas, des Kinnaras, des Yakshas,
des Dànavas et des Dieux. 14,264.
Il Ce fils de Brahma est un prince, qui, allié à toi,
vaincrait tous les êtres : ce héros, qui ajoute sans cesse à
sa gloire, sera assurément mon époux, u 14,265.
>> Quand il eut entendu ces paroles d’elle, Indra se
plongea en de profondes réflexions : u Sans doute l’époux
de cette Déesse n’est point comme elle dit. » 14,266.
VI Ce Dieu, brillant àl’instar du soleil, vit à la première
heure du matin, le soleil, père du jour, et la vertueuse
lune, qui sert aux computations du temps. 14,267.
I) La nouvelle lune avait marché, l’heure était reli-
gieusement terrible : il vit sur une montagne, à ce point
du jour, le combat des Asouras et des Dieux. 14,268.
» L'adorable Çatakratou vit le crépuscule oriental en-
veloppé avec des nuages de sang ; il vit rouge la mer,’
s^'our de Varouna. 14,269.
» Les disciples de Bhrigou et d’Angiras sacrifiaient à
cet instant avec diverses prières ; et le soleil entra dans
le feu, après qu’il eut reçu sou offrande. 14,270.
368
LE MAHA-BHARATA.
U Le soleil s’était avancé vers son vingt-quatrième par-
van, et l’auguste lune venait à son devoir accQÿtumé, en
s’approchant du soleil. 14,271.
» Quand il vit, d’un côté, l'unité du soleil et de la
lune, de C autre part, l'effrayante multiplicité det té-
nèbres, Çakra se mit à réfléchir : 14,272.
« Dans cotte lin de nuit, qui proclame une grande ba-
taille, on voit les disques terribles du soleil et de la lune.
I) Le fleuve Sindhou a largement bu le sang de l’armée
ennemie : une femelle de chacal, à la guenle de feu, glapit
en face du soleil. 14,273 — 14,274.
U Cette grande réunion, environnée de lumière, elle
imprime la terreur ! Cotte rencontre du feu, de la lune et
du soleil est admirable. 14,275.
» Le fils, à qui Lunus donnera le jour, sera l'époux de
cette Déesse. Agni est doué de toutes les qualités ; mais
Agni est une grande Divinité. 14,276.
U Si Lunus donne le jour à un fils, il sera l’époux de
celte reine! » Occupé de ces pensées, l’adorable Dieu prit
avec lui Dévasénà, monta au monde de Brahma et, s’in-
clinant devant le suprême aïeul des créatures, il dit :
n Allons ! montre-moi le héros, qui sera l’époux de cette
Déesse. » 14,277—14,278.
« 11 naîtra un fils à la grande vaillance, répondit
Brahma, capable d’effectuer la chose, qui loule dans ta
pensée, meurtrier des Dâuavas. 14,279.
1) 11 sera le général de l'armée céleste avec toi, Çata-
kratou ; il sera aussi le vigoureux époux de celte Déesse. »
1) Dès qu’il eut ouï ces paroles, le roi des Dieux fit
l'adoration à Brahma, et s’en alla avec la jeune femme
au lieu, où étaient les Dévai’shis. 14,280 — 14,281.
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VANA-PARVA.
369
» Les principaux chefs des plus énergiques brahtnes,
Vaçishthaà leur tète, et les Dieux altérés, devant lesquels
marchait Çataltratou, vinrent à ce sacrifice boire le soraa et
recevoir une portion de leurs pénitences. Quand iis eurent
accompli, suivant les rites, le sacrifice dans le feu bien
allumé, 14,282—14,283.
» Les magnanimes versèrent l’oblation en l’honneur de
tous les habitants du ciel. Le Feu admirable, auguste, si-
lencieux, invité selon la rubrique, quitta pour y venir le
disque du soleil. Les brahmes de sacrifier, suivant les
mantras, l’oblation, qu’il devait obtenir. 14,284-14,285.
» Dès qu’il eut reçu les offrandes variées des rishis, le
Feu, vertueux Bbaratide, les rendit aux habitants du ciel.
U Fn s’en allant, U vit les épouses de ces magnanimes
brahmes, assises, chacune dans son hermitage, et goûtant
un tranquille sommeil. 14,28(5 — 14,287.
» Semblables à des autels d’or, pures comme lecroissant
de la lune, pareilles aux flammes du feu, on eût dit que
toutes étaient autant d'étoiles admirables. 14,288.
U Les organes des sens troublés à cette pensée, le Feu,
à l’aspect de ces épouses des principaux brahmes, tomba
sous le pouvoir de l’amour. 14,289.
» 11 roula plus d'une fois ces pensées en lui-même:
Il Voilà que je suis ému plus qu’il n’est convenable
j’aime malgré elles ces vertueuses épouses des principaux
brahmes. 14,290.
a Je ne puis ni les voir, ni les interroger sans une cause ;
je vais donc entrer dans cette chapelle du feu perpétuel
afm de les contempler à mon aise (1). » 14,291.
(1) AiBiiiU9AÇAS, ic uepius.
300
LE MAHA-BHARATA.
» Entré dans l’endroit saint, il eut du plaisir à les
regarder, comme s'il eût touché avec ses flammes toutes
ces femmes à l’éclat d’or. 14,202.
» Après qu’il eut demeuré là bien long-temps, le Feu,
tombé dans l’esclavage et rempli d’amour pour ces
dames, jeta sur elles sa pensée. 14,293.
» Le cœur consumé d’amour et résolu d’abandonner
son corps, puisqu’il ne pouvait obtenir ces épouses de
brahmes, Agni s’avança dans la forêt. 14,294.
>1 Swâhà, la fille de Daksha, eut pour lui un premier
amour. Cette noble dame essaya long-temps de trouver le
côté faible de ce Dieu toujours attentif ; la femme char-
mante ne put le voir. Informée exactement que le Feu
était venu, consumé en vérité d’amour, dans cette forêt,
il s’offrit à la dame cette pensée : « Je me créerai des
formes semblable.s aux formes, que possèdent les épouses
des sept grands rishis du pôle, et je forcerai à m’aimer ce
Feu, qui est consumé d’amour pour elles et fou de leur
beauté. La chose étant faite ainsi, il y aura, de son côté,
plaisir, et, du mien, satisfaction donnée à l’amour. »
14,295—14,296—14,297—14,298.
» iVlors, s’étant créé une première forme, qui lui donnait
l’air de Çivà, l’épouse d’.Vngiras, douée des qualités de
la beauté et du cai'aclère, la Déesse, roi des hommes, s’en
alla près du Feu et, sous les apparences d’une mortelle,
lui dit ces mots : « Agni, veuille bien m’aimer, moi, que
consume l’amour. 14,299 — 14,300.
» Pense que je meurs, si tu n’agis pas ainsi. Je m’appelle
(jivà, ô toi, qui manges les oblations, et je suis l’épouse
d’Angiras. 14,301.
» Ces dociles épouses m’ont envoyée, après qu’ elles
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VANA-PARVA.
361
eurent délibéré avec moi celte résolution. » — « Comment
savez-vous, répondit Agni, toi et les autres femmes, dont
tu parles et qui toutes sont les épouses des sept rishis,
que je suis tourmenté par l’amour? » — « Tu es aimé
de nous, reprit-elle ; et nous sommes à cause de toi en
des alarmes continuelles. 13,802 — 13,303.
I Nous avons deviné ta pensée par tes gestes, et je fus
envoyée vers toi. Je suis venue ici pour l’amour, hâte-toi
de satisfaire mon désir. 13,303.
» Mes sœurs, les autres épouses m'attendent : j’irai
ensuite vert ei/e», mangeur de l’offrande ! » Alors au
comble du plaisir, Agni s’unit à cette fausse Çivâ, pleine
de joie. 13,306.
» La Déesse, de qui les désirs étaient satisfaits, prit
Çoukra par la main et lui dit : « Ceux, qui verront dans
la fftret cette forme, dont je vais me revêtir. Feu, diront
qu’on chercherait en vain une faute dans la conduite des
femmes brahmanis : je vais donc par précaution me
changer en une Garoûdi. 13,306 — 13,807.
II De cette manière, je sortirai do bois sans payer mon
plaisir à la critique du monde. » A ces mots, s’étant
métamorphosée en une Souparnt, elle sortit de la forêt.
» Elle vit le mont Çwéta, bien couvert des tigesdu sao
charum sara et gardé par des serpents merveilleux aux
sept têtes, au regard empoisonné. 13,308 — 13,309.
» Il était infesté de Rakshasas, de PiçAtchas, de
Raàudras, de BhoAtas et de Ganas : il était rempli, avec
ces Rakshasas, de quadrupèdes et de volatiles. 13,310.
U Elle arriva promptement sur le dos de cette montagne
inaccessible, et la belle jeta à la bâte dans une urne d’or
la semence du F’eu. 13,311.
V
362 LE MAflA-BHARATA.
• La Déesse se fit semblable par la forme aux épouses
des sept magnanimes rishis et alluma dans Agni le feu de
l'amour. 1A,312.
» Mais il lui fut impossible de revêtir les formes célestes
d’Aruundhatl pour la vigueur de sa pénitence et pour son
obéissance à son époux. 1A,313.
» Six fois, la semence d'Agni fut donc jetée en cette
urne, à le plus grand des Kourouides, par l’amoureuse
Swàbâ. lâ,31A.
» Elle enfanta de cette semence un fils, enveloppé de
splendeur, et conduisit ce germe à l'honneur d’être
Skanda (1) lui même. 1A,315.
I) Le jeune Dieu naquit avec six têtes, deux lois autant
d’oreilles, douze yeux, un nombre égal de bras; mais
avec mi seul cou et un seul ventre. 1A,316.
» Distinct à la deuxième, l'enfant resplendissait à la
troisième heure : muni de tous ses membres et de tous
ses organes, Gouha naissait à la quatrième heure.
» 11 était enveloppé d'un grand nuage à la couleur de
sang, d'où jaillissaient des éclairs: tel le soleil, qui brille,
se levant au milieu d’un immense amas de nuées rouges.
14,317—14,318.
R 11 saisit un grand arc, l’effroi du monde, que le
meurtrier de Tripoura avait déposé là pour mettre en
pièces les ennemis des Dieux. 14,319.
» Maître de cette arme excellente, le vigoureux poussa
un cri, qui jeta l’épouvante dans ces trois mondes avec
leurs êtres immobiles et mobiles. 14,320.
» A l'audition de ce bruit, pareil à celui d’un amas de
(I) Un nom de KarttiU;*, le Dien de la guerre.
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VANA4»ARVA.
ses
grands nuages, les deux énormes serpents, Atrâvata et
Tchitra, s’envolèrent. 1A,3'21.
» Quand l'enfant, de qui la splendeur égalait la lumière
du soleil, les vit s’enfuir, il les prit avec deux de ses
mains : dans une autre, il tenait une lance de fer.
» De sa quatrième main, le fils d’Agni tenmt embrassé
un coq au vaste corps, à la crête de sang, le plus fort des
coqs vigoureux. 1A,322 — ^13,323.
• Tandis qu’il tenait cet oiseau, le guerrier aux longs
bras, s’amusant arec lui, jeta un cri épouvantable. Avec
deux autres mains, le robuste enfant porte à ta bouche la
plus grande des conques, lA,32i.
» Et lui fit rendre un son, effroi de tous les êtres
puissants. Avec deux autres mains, il battit l’air à coups
redoublés. 14,326.
» Mahàséna resplendissant se jouait et semblait boire
les trois mondes avec ses bouches. Assis sur la cime d’une
montagne, comme le soleil à son lever, ce guerrier à la
orce prodigieuse, à l’ême sans mesure, contemplait avec
ses diverses têtes les différente! plages du ciel.
14,32e— 14,327.
U En regardant les êtres variés, il poussa de nouveau
un cri : à ce bruit, tous les hommes de tomber par
troupes. 14,328.
» Effrayés, l’âme troublée, ils vinrent implorer sa pro-
tection. Les hommes, accourus supplier ce Dieu, appar-
tenaient à différentes castes. 14,329.
» Ils parlèrent aux brahmes spectateurs, que distinguait
une force immence : mais l'enfaut aux longs bras se leva et,
les flattant, rastura les hommes. 14,330.
a 11 banda son arc et décocha ses traits au mont
m
LE MAHA-BHARATA.
Çwéta ; U rompit de ses flèches le mont Kraàantcha, le
fils de r Himalaya. 1A,331.
» Cette destruction force les cygnes et les vautours à
visiter la montagne du Mérou. Le mont brisé tombe et
jette les plus hauts cris de détresse. ji,S32.
jt D'autres montagnes gémirent alors, plaignant la
chute du mont. Les sanglots de ces montagnes, cruelle-
ment tourmentées, n'émurent pas ce guerrier àl' âme sans
mesure, le plus excellent des forts ; mais, levant sa lance,
il poussa un nouveau cri, et le magnanime aussitèt envoya
cette arme éblouissante. 1A,333 — lâ,33â.
U 11 fendit rapidement la cime eflrayante du mont
Çwéta. Frappée par lui, eflrayée par ce bien magnanime,
cette alpe rompue tomba sur la terre avec ses hauts
sommets, quelle abandonna dispersés. La terre agitée
s'ouvrit de tous les cétés. lâ,33â — lâ,336.
Il Désolée, elle s’approcha suppliante de Skanda, et
reprit aussi tét sa vigueur : les montagnes, suivant l'exemple
delà terre, firent l'adoration àce Dieu, et le monde honora
ce fils d' Agni le cinquième jour de la quinzaine lumineuse.
14,337—14,338.
» Quand naquit Mahâséna à la grande vaillance, à la
grande force, il apparut des prodiges non petits, de forme
variée, effrayante. 14,339.
a On vit opposés, et les hommes etles femmes, et le mâle
la femelle parmi les animaux, qui vivent deux à deux :
et les planètes se montrèrent enflammées ; de vastes bruits
firent résonner l'atmosphère, les plages du ciel et la
terre. 14,340.
» A la vue de ces prodiges grandement épouvantables,
de tous côtés les tremblants risbis, par qui ce monde
VANA-PABVA.
366
existe, firent pour le monde des cérémonies propitia-
toires. lA.Sâl.
a Des hommes, qui habitaient dans les bocages du
Tchaltraratha : « C'est le Feu lui-méme, dirent-ils, qui,
après s'ètre uni d'amour à six épouses des sept grands
rishis, a fait naître jxiur nous cette grande infortune ! a
D’autres accusèrent la Garoudt : « C'est toi, qui nous as
apporté ce malheur ! a 1A,3A2— 1A,3A3.
a L'amoureuse Déesse alors s'approcha de ceux, qui
l’avaient toujours vue sous sa forme naturelle : « Personne
n’a vu, pensait-elle, l’action, que fit Swâhi. a li,34i.
a A ces paroles, Souparni avança ; « Que enfant soit
mon fils I a Elle vint lentement trouver Skanda, et lui dit ;
« Je suis ta mère ! a li,3A6.
a Les sept rishis, ayant appris qu’il était né un fils à la
grande force, répudièrent leurs six épouses à l’exception
de la divine Aroundhatl. 1&,3&6.
a Les habitants du bois dirent alors : a C’est que les
six ont donné le jour à un fils I a Swàhk dit aux sept
rishis : a Ce fils est à moi. lé, 347.
a La chose n’est pas arrivée, je le sais, comme vous
pensez I a Mot, qu’elle répéta, sire, deux et plusieurs fois.
Un jour, Viçvftmitra à l’éclatante splendeur avait célébré
le sacrifice des sept rishis. 14,348.
a II availsuivi par derrière, sansêîre vu, leFeu consumé
d’amour, et toute cette affaire dans toute son étendue lui
fut exactement connue. 14,349.
a Viçvâraitra d’abord iuiplora la protection du jeune
Dieu ; ensuite, il entonna l’éloge céleste de Mahâséna.
a Le grand anachorète célébra toutes les quatorze
cérémonies, qui tiennent à l’enfance : il récita les prières.
366
LE MAHA-BHABATA.
pour la scission du cordon ombilical, et les autres :
14,350—14,351.
» La magnanimité du héros aux six têtes, l’accomplis-
sement de son émancipation finale, la perfection de sa
divine Çakti et celle de ses assemblées. 14,352.
» Mçvimitra fit cette chose j^ur le bien du monde :
le risbi fut donc l'ami de Koumâra. 14,353.
» Le grand solitaire ne désaprouva point les métamor-
phoses, qu’avait prises Swàhâ ; il dit à tous les ana-
chorètes : « Vos femmes n’ont pas commis d’offense. »
» (1) A peine eurent-ils entendu cette parole de lui,
qu’ils abandonnèrent aussitôt de tous côtés leurs épouses.
Quand les Dieux eurent ouï Skanda, ils dirent de concert
au fils de Vasou : 14,354 — 14,365.
« 11 y a dans Skanda une force intolérable ; tue-le, sans
tarder, Çatakratou. Si tu l'épargnes, il deviendra le roi
des Dieux. 14,356.
» Ce guerrier à la grande vigueur commencera par
enchaîner les trois mondes, puis nous, Qakra, et toi-même.»
Le Dieu ému leur fit cette réponse : « C’est un enfant à
la bien vaste force. 14,357.
» Vainqueur dans un combat, il pourrait tuerie créateur
même : mais je ne puis donner la mort à un enfant, »
dit Qakra. 14,358.
O Tu manques de vigueur, puisque tu parles ainsi,
(i) 11 doit y avoir ici une locuoe : autrement cette proposition ne
serait pas afOrntative ; elle contiendrait une négation :na atyadjan; ou
bien : iU reprirent ; d'ailleurs U phrase, qui suit dans la même stance,
est motivée par un discours précédent, non plus de Viçvàmitra, mais de
SkA&dn. Je ne corrige pas, je traduis.
VANA-PARVA.
867
reprirent -ils. Que toutes les mères du monde s’en aillent
maintenant trouver Skanda ; lè,3ô9.
» Et qu’il soit tué par ces Déesses, qui ont la
puissance de l’Amour. » — « Qu’il en soit ainsi 1 »
répondit Indra. Elles allèrent et quand, le visage cons-
terné, elles eurent vu l’enfant à la force incompa-
rable : 1A,360.
« 11 nous est impossible de lui donner la rnort^ »
pen^rent-elles ; et, cette réflexion faite, elles se mirent
sous sa protection. « Enfant à la grande force, lui dirent-
elles, sois notre fils. 1A,361.
» Veuille bien nous accepter pour tes nourrices^ nous,
que l’on vante et qui sommes troublées par notre lait. »
A ces paroles d’elles, l’auguste Mahâséna d’honorer ces
Déesses aux seins gonflés par le désir de lui donner sa
nourriture, et l’enfant de leur accorder ce qu’ elles dési-
raient. Le vigoureux nourrisson vit son vigoureux père,
Agni, qui s’avançait. 14,362 — 14,363.
O Le Dieu fut honoré par l’enfant avec le groupe de ses
nourrices. Environnant Mab^éna de sa protection^ Çiva
se tenait là pour sa garde. 14,364.
» Celle de toutes ses mères, qui était la fille de la
Colère, Dhâtri, une lance à la main, défendait Skanda,
comme elle aurait défendu son propre fils. 14,365.
» Tenant Mahâséna enibrassé, Rroûrâ, jeune fille de la
mer de sang et qui faisait du sang toute sa nourriture, le
protégeait comme un fils. 14,366.
» Naîgaméya à la tête de bouc, père de nombreux
enfants, changé au Diea Agni, divertissait le jeune nour-
risson avec ses métamorphoses comme avec des jeux.
SflB
LE MAHA-BHARATA.
» Les planètes, les étoiles filantes, les rishis et lès
mères de* ImmorteU, les principaux des feux et les
troupes joyeuses des chœurs célestes, ces Dieux et d'autres
en grand nombre, épouvantables habitants du Tridiva, se
tenaient à l'entour de Mahâséna avec ses nourrices.
14,367—14,368—14,369.
» Ayant vu la victoire incertaine et désirant obtenir la
victoire, le souverain des Immortels s'avança, monté sur
Atrâvata et suivi des Dieux, vers le jeune Skanda.
» Le vigoureux Indra, sa foudre à la main, environné
par toutes les armées des Dieux, et désireux d'immoler
ses ennemis, s'approcha d'une marche très-hâtée vers
Mahà.séna. 14,370—14,371.
» L'armée des Dieux à la grande splendeur, mnnie
d'arcs, montée sur une foule de chars, de chevaux et
d'éléphants, revêtue de cuirasses, ombragée de drapeaux
yariés, s’avançait effrayante avec un vaste bruit.
» Koumâra porta ses pas derrière Çakra, qui marchait
avec le désir d'immoler ses ennemis, éblouissant de pa-
rures, admirable de beauté, revêtu d’une robe précieuse.
14,372—14,873.
» Le puissant monarque des Dieux s’avance rapide-
ment, fils de Prithà, désirant tuer le fils du Feu et pous-
sant des cris, qui jettent l’effroi dans l’année des Immor-
teU. 14,374.
» Honoré des Tridaças et des rishis du plus haut rang,
quand il fut arrivé près de Karttikéya, le fils de Vasou, le
roi des Dieux, jeta son cri de guerre, soutenu par les cris
des Souras. A ce bruit, Gouha répondit comme la mer en
fureur. 14,376—14,376.
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VANA-PARVA.
3«9
» A cette immense clameur, la lumière sortit des eaux
de la mer, et l’année des Dieux, hors d’elle-même, flotta
çàetlà. 14,377.
» Quand il vit que les Dieux étaient venus avec l’envie
de le détruire, le fils courroucé du Feu vomit de sa bouche
d’immenses nammes de feu. 14,378.
» 11 brûla les armées tremblantes des Dieux sur le sol
de la terre. Ceux-ci tombés, le corps et la tête en feu,
les armes et les montures en feu, ressemblaient à des
troupes d’étoiles, qui jonchaient la plaine. En proie aux
flammes, ils implorèrent le secours du lils d'Agni.
14,379—14,380.
» Abandonnant le Dieu, qui tient la foudre, ils deman-
dent la paix. Déserté par les Dieux, Çakra fait alors tom-
ber sur Skanda son tonnene. 14,381.
I) (’Ætte fondre lancée frappa impétueusement le côté
droit de l’enfant Dieu ; elle brisa, puis.sant roi, le flanc de
ce magnanime. 14,382.
n Ce coup du tonnerre (it paraître un nouvel homme à
la place de Skanda; il était jeune, il j>ortait une cuirasse
d’or, il tenait une lance de fer, il avait de célestes pende-
loques. 14,383.
I) L’entrée du tonnerre dans son corps en lit sortir la
constellation 'Viçâkha. Quand il vit naître un autre
homme d’une splendeur égale au feu de la mort, Indra,
joignant .ses mains, implora d’effroi la |)rotection de
Skanda. Le vertueux jeune homme lui accorda la paix, à
lui et à son armée. 14,384 — 14,385.
» Alors, transportés de joie, les Dieux firent résonner
leurs instruments de musique. 14,386.
» .Apprends quels furent ses terribles compagnons !i
IV ' 24
870
LE MAHA-BHARATA.
l'aspect admirable : les Koumâras naquirent de ce coup
de foudre envoyé à Skanda. 18,387.
» Non-seulement ce coup de tonnerre fit naître ces êtres
épouvanmbles, qui enlèvent les enfants nés ou portés en-
core dans le sein de leur mère ; il produisit même des jeu-
nes filles à la grande vigueur. 14,388.
» Les Kouniàras firent de l’astérisme ViçAkha leur père.
Le vénérable à la lèle de bouc, venu à la vie, et B' adra-
çâkha, qui fut un présent des mères attentives, le défen-
dirent dans la guerre, environnés par les troupes des
jeunes filles et par tous les jeunes fils, leurs parents.
» Les hommes invoquèrent Skanda sur la terre sous les
noms de Koumâra et de Pitri ; ils semèrent dans les con-
trées le bruit que Çiva avait joué le personnage du puis-
sant Agni, et son épouse Oumâ celui de SwAhà.
14,389—14,890.
Il Les hommes, qui aiment leurs fils ou qui veulent en
obtenir, lui sacrifient sans cesse. Le Feu du sacrifice en-
gendra heureusement les jeunes filles, qui sont nommées
les Tapas ou tes obligations parlit ulières à chacune des
castes. 14,391 — 14,392.
n Que ferai-je? » dirent ces vierges. Elles s’approchè-
rent de Skanda : « Puissions-nous être les mères suprêmes
du monde entier I » lui demandèrent-elles. 14,3t>3.
» Et pui.ssions-nous être honorées par 1 1 grâce ! fais-
nous ce plaisir. » — « Oui, répondit-il; soyez ainsi, cha-
cune en particulier, 14,394.
» Amies ou ennemias tour à tour, et douées d’une noble
intelligence. » Quand il eut établi Skanda dans la qualité
de père, le groupe des mères se retira. 14,395.
n Kàkl, Halimà etMàlinI, Vrinhilâ, Aryà, Palâlâ et
Dioitized bv Gpogle
VANA-PARVA.
S71
Yatroitrâ ; telles sont les sept, qui furent les nourrices de
l'enfant. 1A,306.
» Nàniâii, enfant terrible, épouvantable, doué de vi-
gueur, aux yeux couleur de sang, naquit leur fils par la
grâce de Skaiida. lâ,3t>7.
» Ce héros, né du groupe des mères, est dit le huitième
fils de Skanda; la Tûte-de-bouc est cité avec lui comme le
neuvième. 14,398.
n La sixième tête de Skanda est celle empruntée au
bouc, sache -le : l'espace entre les six têtes fut toujours
honoré, sire, par les troupes des nourrices. 14,399.
I,a meilleure des six têtes de Skanda, celle, avec laquelle
il créa son énergie divine, est nommée en ce bas monde
Bhadraçaka. 14,4üü.
« Ces événements variés sont arrivés le cinq, et son
grand combat fut livré là, souverain des hommes, le t4t
de la quinzaine lumineuse. 14,401.
» Ensuite la Beauté, ayant pris elle-même un corps sous
la forme d'un lotus, s’approcha du jeune et généreux héros
aux boucles d'oreilles étincelantes, de Skanda assis, à la
guirlande et à la cuirasse d'or, à la tiare et à l'aigrette
d’or, aux yeux couleur d’or, à la splendeur éclatante, aux
dents aiguës, vêtu d’une robe rouge, enchanteur, réunis-
sant tous les caractères de la beauté, et bien chéri des
trois mondes. 14,402 — 14,403 — 14,404.
U Alors, tous les êtres virent assis, comme la lune dans
sa pléoménie, ce p'us gracieux des jouvenceaux à la vaste
renommée, aux six visages parés de leur beauté. 14,405.
» Les magnanimes brahmarshis honorèrent le vigou-
reux Skanda et les maharshis lui adressèrent ce langage :
« Enfant d'or, la félicité descende sur toi ! accorde ta
S72
LE MAHA-BHAR4TA.
faveur aux mondes. Tu es né depuis six jours seulement,
et tu es capable de mettre tous les mondes sous ta loi.
14,406—14.407.
» Tu leur rendras la sécurité, Ole plus grand des Dieux.
Que ta divinité soit donc Indra, assurant la sécurité des
trois mondes. » 14,408.
« Qu’est-ce qu’Indra fait ici pour tous les mondes? ré-
pondit Skanda. Comment le souverain desSouras défend-
il toujours les armées des Dieux ? » 14,409.
(I Indra a disposé la force et la vigueur pour tous les
êtres, reprirent les rishis ; il donne le plaisir aux créa-
tures : ce maître des Dieux accomplit tous les désirs,
quand il est satisfait. 14,410.
» Le meurtrier de Bala détruit les méchants, il gra-
tifie les bons ; il gouverne les êtres dans leurs alTaires.
» Grâce à lui, le soleil brillerait quand il n’y a pas de
soleil ; la lune reluirait, quand il n’y a pas de lune ; le
feu, le vent, la terre et l’eau subsistent par ses a^'tions.
14,411—14,412.
» Voilà ce qui est dans les fonctions d’Indra, car il est
en lui une force puissante. Sois donc Indra maintenant,
héros, toi, qui es le plus fort parmi les êtres forts. 14,413.
» Sois Indra! apporte-nous le plaisir à tous, dit Çakra.
Sois inauguré à l’instant même, car, 6 le plus éminent des
Dieux, tu as acquis ton développement. » 14,414.
« Règne sans trouble sur les trois mondes , répondit
Skanda, et complais-toi dans la victo re. Je suis ton ser-
viteur, Indra, et je ne désire pas la domination. » 14,415.
« Il est une force merveilleuse en toi, héros; extermine
les ennemis des Dieux, reprit Çakra. Les mondes, émer-
veillés de ta vigueur, auront du mépris pour moi, placé
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VANA-PARVA.
575
sur un trône suprême, mais vaincu et privé de force. Us
publieront avec ardeur qu’une mutuelle division nous sé-
pare. là.âlt) — 14, M7.
» Si tu étais divisé, le monde s’en irait en deux parties,
seigneur; mais, quand même les mondes seraient divisés
et auraient pris parti contre nous deux, livre ce combat.
Dieu puissant, malgré cette division même. La bataille,
comme on te l’a dit, mon enfant, te fera conquérir ma
vigueur. 14,418 — 14,419.
» Ta majesté sera donc Indra , ne balance pas ! » —
« Toi-même, s’il te plaît, reprit Skanda, sois le souverain,
et des trois mondes, et de moi. 14,420.
» Que ferai-je pour toi, Çakra? Donne-moi tes ordres. »
— « Je serai Indra, répondit celui-ci, comme tu l’as dit,
héros à la grande force. 14,421.
» Si cette parole fut avancée avec vérité par toi et sur
une détermination prise, ou, situ veux exécuter cet ordre,
écoute-moi, Skanda. 14,422.
» Sois inauguré dans le généralat des Dieux, enfant à
la grande vigueur. » — « Pour la mort des Dânuvas, re-
prit Skanda, pour le succès de l’afl'aire des Dieux
» Et pour le bien des brahmes et des vaches, sacre-moi
dans le généralat. » Sacré par .Uaghavat, accompagné de
tous les choeurs des Dieux, 14,423 — 14,424.
» Il brilla, exalté par les maharshis, d'un éblouissant
éclat ; et, portée sur sa tête, resplendit l’ombrelle d’or,
U Comme un disque de feu grandement allumé. L’il-
lustre meurtrier de Tripoura s’approcha lui-même, ac^
compagné d’Oumà, victorieux monarque des hommes, et
attacha de sa main sur lui une céleste guirlande d’or, ou-
vrage de Viçvakarma. 14, i2ô— 14,426 — 14,427.
374
LE MAHA-BHARATA.
» Skanda fut honoré de l’Immortel bien joyeux, qui
arbore un taureau sur le champ de son drapeau. Les
brahme.s disent qu’Agni était Çiva, et c’est pourquoi ce
jeune Dieu est nommé le fils de Çiva. 14.4tl8.
I) Roudra laissa tomber sa semence, dinent-ih, et le
mont Swéia fut; les Pléiades conservèrent dans le mont
Swéta cette semence de feu. 14,420.
» Après que. tous les habit nts du ciel eurent vu Roudra
honorer cet enfant, ils dirent que Gouha, le mieux doué
des êtres bien doués, était le fils de Roudra. 14,430.
» Cet enfant suivit Roudra entré dans le feu : de-là vint
son nom de Skanda; de-là vint qu’il fut appelé le fils de
Roudra. 14,431.
» Skanda né de Roudra, du Feu, de Swâhâ et des six
nourrices, est ainsi le plus e.xcellent des Dieux, Bharatide,
et le fils de Roudra. 14,432.
» Revêtu de deux robes indestructibles, couleur de sang,
le fils du Feu, beau, le corps enflammé, brille comme le
soleil, enveloppé par deux nuées rouges. 14,433.
» Agni lui donna un coq et un drapeau décoré, cra-
moisi, qui brille, arboré au-dessus de son char, comme le
feu de la mort. 14,434.
U Devant lui est sa lance, cpii étend la victoire des
Dieux, et la splendeur, qui est le désir de tous les êtres, et
la placidité, et la force. 14,435.
» Dana son corps entra une cuirasse naturelle ; elle se
manifeste toujours au moment où le Dieu combat. 14,436.
‘ » L’énergie, le devoir, la force, la splendeur, la beauté,
la vérité, le succès, la science brahmique, la fermeté d’âme
et la défense des créatures, le retranchement des ennemis
et la protection des mondes : toutes ces qualités, mo-
Digitizad
VANA-PARVA.
375
narque des hommes, sont nées avec Skanda même,
n Inauguré ainsi par tous les chœurs des Dieux, l’Im-
mortel satisfait, bien paré, brilla comme le disque de la
lune dans une pléoménie. 14,437 — 14,438 — 14,439.
i> Environné par les sacrifices, le murmure des prières,
le son des instruments célestes, le chant des Gandharvas
et des Dieux, par tous les chœurs des Apsaras, 14,440.
» Entouré parceux-ci et par d’autres en grand nombre,
satisfaits, joyeux, bien parés, les troupes des Piçàtchas et
la foule des Dieux, 14,441.
U Le fils du Feu, sacré par la main des Immortels,
brillait alorsen se jouant. Les habitants du ciel virentdonc
Mahâséna sacré dissiper les ténèbres, comme on voit le
soleil à son lever. Toutes les armées des Dieux s'avan-
cèrent vers lui par milliers; 14,442 — 14,443.
1) Et, s’étant approchées de tous les points de l’espace,
elles disaient ; « Tu es notre général ! » L’ Adorable, en-
vironné par toutes les troupes des Bhoûtas, répondit à ces
honneurs et à ces éloges avec des compliments aux divines
armées ; et Çatakratou alors de sacrer Skanda en qualité
dégénérai. 14,444 — 14,443.
U Voilà cette Dévasénà (1), se rappela-t-il, qui fut sauvée
par moi : c’est Brahma sans doute, qui a disposé lui-
mème cet enfant pour être ici le général ! » 14,440.
» Cette réflexion fuite, il fit venir près de lui cette
vierge bien décorée, et le destructeur des armées dit ces
paroles à Skanda ; <i Tu u’étais pas encore né, quatid l’Étre-
existant-par-lui-même désigna cette jeune fille, ô le plus
grand des Dieux, pour être un jour ton épouse. Prends
(l) Dëv<uénd veut dire formée des Dieujr.
376
LE MAHA-BHARATA.
donc, suivant les rites et mettant au premier rang les
prières, avec ta main, qui a l'éclat des lotus, la main
droite de cetie princesse. » A ces mots, Skandn prit à la
rûrge sa main suivant les rites. lA,AA7-lA,Aè8-lè,AiO.
» Vrihaspati, versé dans les mantras, récita les prières
et célébra le sacrilice. Les peuples disent que Dévasénà
devint ainsi la royale épouse de Skanda. 1A,A50.
» Les brahmes rapportent qu’il épousa encore AparA-
djità, Sadvriiti, Kouhoû, Sintvàli, Soukhapradà, etLaksh-
mlmàsà, qui fut lasixième. 1A,A51.
» Alors que Dévasénà eut acquis l’immortel Skanda pour
son époux, la Déesse Lakshmi, empruntant un corps,
vint d’elle -même le trouver. 1A,A5'2.
n Skanda, cher à la fortune, eut donc Çrî pour cinquième
épouse : c’est pour cela que Çri est surnommée Pantcha-
mî (1) ; ce sixième jour est ainsi un grand jour lunaire,
parce qu’il triomplia, n’étant âgé que de sixjours. 'IA,A53.
Les six épouses des sept grands rishis se rendirent en
la présence de Mahàséna, cher à la fortune, et devenu le
général de l’armée des Dieux. lA,AàA.
Il Répudiées par les rishis, ces femmes vertueuses aux
grands vœux accoururent à la hâte et dirent à l’auguste
chef de l’armée df s Immortels : 1A,A5Ô.
n Abandonnées sans cause, dans un mouvement de co-
lère, par nos époux en estime auprès des Dieux, nous
sommes, mon fils, déchues du rang de la vertu. 1A,AÔ6.
Il C est à nous, certes ! que tu dois ta naissance, nous
fut-il dit par quelqu’un. A cause de cette vérité, veuille
bien nous sauver, maintenant que tu l’as entendue.
(I) G'esl-à-<lire, la cinijuiètne.
VANA-PARVA.
377
» Puissions-nous, grâce à toi, seigneur, obtenir l'éter-
nel Swarga 1 Nous désirons que tu nous sois donné pour
fils : que cette action t’affranchisse de ta dette ! »
O Vos Grâces sont mes mères, et je suis votre fils, irré-
prochables dames, répondit Skanda ; tous vos désirs seront
accomplis. » 14,457 — 14,458 — 14,459.
» A Indra, qui voulait parler: « Que dois-je faire?
Parle ! U dit-il. A ces paroles de Skanda, le fils de Vasou
tint ce langage : 14,400.
(I Abhidjit (1), qui est la plus jeune soeur de Rohini (2),
désire la supériorité, et, dans son émulation, elle s'en est
allée au bois se livrer â la pénitence. 14,401.
» Cette constellation tombée du ciel me fait, s’il m’est
permis de le dire, perdre ici l'esprit : Rohini remonte au
premier temps avec Brahma; pense-s-y, Skanda. 14,402.
1) Brahma fit Dhamishtha ;3) et le premier temps; Ro-
hini était, certes ! avant emr : ainsi, le nombre était au
complet. » 14,403.
» Comme Çakra parlait, les Pléiades vinrent au Tridi va :
cet astérisme. Divinité du feu, brillait, semblable à sept
têtes. 14,404.
n Yinatà dit à Skanda : «Tu es mon fils, qui doit m’offrir
le gâteau funèbre : ie désire toujours siéger avec toi, mon
fils.» 14,405.
« Qu’il en soit ainsi ! lui répondit Skanda. Hommage te
soit rendu pour ton amour à ton fils! Donne-moi tes
ordres ! Tu habiteras toujours avec moi. Déesse, honorée
par tes brus. » 14,400.
» Ensuite, le groupe entier des mères dit ces mots .4
(1-3-3) Trois constellations luoairei*.
578
LE MAHA-BHARATA.
Skanda : « Les poètes nous célèbrent comme les mères du
monde entier. Iâ,â67.
Il Nous désirons être en qualité de m“res avec toi :
veuille bien nous honorer. » — « Vos Grâces, répondit
Skanda, sont mes mères, et je suis le fils de vos Grâces.
» Dites-moi ce que vous désirez que je fasse. — « On a
créé des mères avant ce monde, reprirent ses nourrices.
14,468— lâ, 460.
» Qu’il y ait un lieu pour nous et qu'il n'y ait pas un
lieu pour elles : soyons en honneur dans ce monde, ô le
plus grand des Dieux, et qu' elles n’y soient pas en honneur
elles-mêmes. 14,470.
I) Elles ont enlevé nos enfants : livre-nous ces mères à
cause de celte action. » — « Des enfants leur furent
donnés : sur lesquels vous ne pouvez arrêter vos désirs.
» Quel autre enfant désirez-vous dans votre cœur, que
je vous abandonne ?» — « Nous désirons dévorer les en-
fants des mères : donnc-nous-les ! » repartirent ses
nourrices. 14,471 — 14,472.
— « Je vous livre ces enfatits, reprit Skanda ; mais ce
que vos Grâces ont dit là est une parole malhem'euse.
» Conservez, s’il vous plaît, les enfants, de gui les pa~
rente vous rendront un digne hommage. » — uNouscon-
serverons ces enfants, comme tu le désires, Skanda, répon-
dirent ses nourrices : la félicité descende sur toi !
14,473—14.474.
» 11 nous est agréable d’habiter long-temps avec toi,
auguste Skanda. » — « Tourmentez sous des formes va-
riées, reprit-il, les jeunes enfants des hommes, tant qu’ils
n’auront pas seize années : je vous donnerai moi ! une âme
terrible, immortelle, 14,475—14,476.
VANA-PARVA.
379
» Grâce à laquelle vous habiterez, honorées, avec la
tranquillité la plus grande au milieu des nouffrances, dont
vous serez la cause. » Ensuite, il sortit du corps de Skanda
un homme très-auguste, éclatant comme le feu, pour
dévorer les enfants des mortels. II tomba soudain sur la
terre, l’aine égarée, tourmenté par la faim.
» Congédié par Skanda, il devint un Démon aux formes
terribles. Les plus savants des brahmes appellent ce Génie
aux mains saisissantes l'Épilepsie-de-Skanda.
14,477—14,478—14,479.
» Vinalà aux formes bien etfrayantes est, assure-t-on,
un Démon-oiseau ; on dit, suivant la science, que ce Génie,
dévorant les enfants, est la Rakshast Poutanà. 14,480.
» Une Piçàtcht, cruelle rôdeuse des nuits, à l'aspect
horrible, aux formes effrayantes, aux apparences épou-
vantables, est nommée la Furie-Glaçante. 14,481.
» Une Goule terrible à voir enlève les enfants des
hommes : on l’appelle Aditi-Révati. Le Démon Ralvala
est son fils. 14,482.
» Ce puissant Génie, à l’aspect effrayant, tourmente
les enfants. Diti, qui est la mère des Dattyas, est la
Démone, que l’on appelle Moukhainandikà. 14.483.
» Des jouvencelles et des jouvenceaux inaiïrontables,
que la chair des enfants met au comble de la joie, sont
dits encore tirer de Skanda leur naissance. 14,484.
» Tous ces mangeurs d’embryons, descendant de
Kourou, sont de bien grands Démons : on cite même les
époux de ces épouses. 1A,485.
» Engagés, sans y être appelés, en de terribles affaires,
ils saisissent les enfants. Sourabhi, sire, que les savants
disent la mère des vaches, et Çakouni, montant sur la
380
LE MAHA-BHARATA.
feoime, dévorent ensemble les enfants sur la terre. La
Déesse Saranià, qui est, monarque des hommes, la mère
des chiens, ne cesse pas (l'enlever les fruits au sein des
filles de Manou. Celle, qui est la mère des arbres et qui à
pour habitation un karandja (1), est bienveillante; elle
donne des grâces, elle est pleine de compassion pour les
créatures : aussi est-elle adorée au pied d’un karandja
par les hommes, qui dé.sirent avoir des enfants.
lâ,486 -14,487—14,488—14,489.
» Ces d x-huit autres Furies, avides de liqueurs spiri-
tueuses et de chair, se tiennent sans ce.sse deux fois cinq
nuits dans la chambre â coucher des femmes. 14,490.
» Kadroû, s'étant fait un corps subtil, entre dans la .
femme enceinte; elle dévore là son fruit, et la mère accou-
che d'un serpent. 14,491.
» Celle, qui est la mère des Gandharvas, s'enfuit,
emportant le fruit ; et la tille de Manou ensuite est vue sur
la terre avec son fruit disparu. 14,492.
» Mais celle, qui est la mère des Apsaras, demeure
après qu'elle a enlevé le fruit ; et les femmes disent alors
que le fruit a péri. 14,493.
» La fille de l’océan, couleur de sang, qui est appelée
la nourrice de Skanda, est henorée au pied d'un kadamba
sous le nom de Lohitàyani, 14,494.
» On ofire des sacrifices pour des vœux particuliers à
Aryà, la mère du Kouinàra, noble entre les femmes,
comme Çiva l'est parmi les hommes. 14,495.
» Je t'ai raconté r«s grands Démons, tyrans des enfants,
qu'ils oppriment jusqu'à l’âge de seizeannées. 14,496.
(1) Geiedupa arborea.
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VANA-PARVA.
381
» J'ai dit, et les groupes des Furies, et les mauvais
Génies mâles : les hommes ne doivent jamais ignorer tous
ces êtres, compris sous le nom de Démons-de-SItanda.
Il 11 faut se les rendre favorables par des ablutions, des
fumigations, des onctions de collyre, des offrandes à toutes
les créatures, des cérémonies, des fleurs déposées sur les
autels, et surtout des sacrifices à Skanda. 1A,&97-Ié,i98.
U Tous honorés ainsi, ils accordent aux hommes unevie
heureuse eüa vigueur, quand on leur a, Indra des mo-
narques, rendu convenablement l'honneur et l'adoration.
U Je vais te dire, après que j'aurai fait hommage à Ua^
héçwara, les Démons, qui affligent les hommes, passé l’âge
de seize ans. lé, 199 — 11,500.
» L'homme q .i, éveillé ou dormant, voit les Dieux, est
bientôt frappé de folie ; l’oppresseur est appelé le Démon
des Dieux. 11,501.
» L'homme qui, assis ou couché, voit les Mânes, est
bientôt frappé de folie ; l’oppresseur est appelé le Démon
des Mânes. 11,502.
a Celui, qui méprise les saints, ou celui, qu’ils mau-
dissent avec colère, est bientôt frappé de folie; l’oppres-
seur est appelé le Démon des saints. 11,503.
» Celui, qui savoure les parfums et les mets variés, est
bientôt frappé de folie ; l’oppresseur est appelé le Démon
des Rakshasas. 11,501.
U L’homme, dans lequel entrent sur la terre les célestes
Gandharvas, est bientôt frappé de folie; l'oppresseur est
appelé le Démon Gandharvique. 11,505.
» L'homme, sur qui montent continuellement les Piçâ-
tchas, e.st bientôt frappé de folie ; l'oppresseur est appelé
le Démon Palçâtchique. 11,506.
382
LE MAHA-BHARATA.
» L’homme, au sein duquel entrent les Yakshas dans
l’adversité des temps, est bientôt frappé de folie ; l’oppres-
seur est appelé le Démon des Takshas. 1i,ô07,
» Le mortel, par les fautes de qui l’àme est troublée
jusqu’à la colère, est bientôt frappé de folie ; et son châti-
ment est conforme aux Çâstras. li,508.
■> Si, ou par la vue de choses épouvantables, ou par
crainte, ou par une commotion de l’âme, il est frappé tout
à coup de folie, on y remédie en le caressant lâ,60t*.
» L’amour du jeu, un autre amour, qui est celui de la
table, uu autre, qui est l'ivresse de l’amour : voilà trois
sortes de Dénions. 1i,510.
i> Tels sont les Démons, qui possèdent les hommes jus-
qu’à l’âge de soixante-dix années ; une fois ce temps
passé, la maladie est un Démon semblable pour les êtres
mortels. 1A,511.
» Les Démons ne s’attaquent jamais à l’homme pieux,
rempli de fui, dompté , pur, qui tient la bride à ses or-
ganes des sens et qui est toujours sans paresse, là, 51 2.
» Ici, j’ai achevé de t’énumérer les Démons, qui infes-
tent les enfants de Manou : ces fantômes ne touchent ja-
mais aux hommes, dévoués au Dieu Hahéçwara. li,513.
O .Après qu’il eut ainsi accordé à ses nourrices cette
chose agréable, Swàhft tint elle-même ce langage à
Skanda : « Tu es le flls, né de mon sein. 1A,51&.
» Je désire que tu me fasses un plaisir de la plus grande
difRculté à obtenir. » Skanda lui répondit : « Quel est ce
plaisir, objet de ton désir? u là, 615.
a Je suis la fille chérie de Daksha, répondit-elle ; mon
nom est Stvàhâ, guerrier aux longs bras. Dès l’enfance,
j’ai toujours eu de l’amour pour le Dieu du feu. 14,51(5.
VANA-PARVA.
383
» Mais le Feu ne sait pas bien, mon fils, que je suis
amoureuse de lui. Je souhaite demeurer d’une habitation
éternelle avec le Feu. » 1A,.ôl7.
n Les brahmes u’ofiriront jamais dans le feu. Déesse,
rep it Skanda, les oblations aux Dieux, les oITrandes aux
MAncs et toute chose quelconque louée dans les formules
de prières, sans qu’ils n’aient dit à haute voix : « SwâhA ! »
» A compter de ce jour, les hommes à la conduite sape
et placés dans la route du bien sacrifieront ainsi, et le feu
habitera toujours de cette manière avec loi , dame char-
mante. » 14,518 — 14,510.
» Satisfaite à ces mots, Swâhà, honorée par Skanda,
fut unie d’hymen au leu, et rendit grâces à son fils.
» Ensuite, Brahma le Pradjâpaii dit à Mahâdéva : « Va
trouver le Grand-Dieu , ton père , le meurtrier de Tri-
poura. I) 1A,520 — 14,521.
» Quand tu seras entré avec Roudra dans le feu , avec
Ouroâ dans Swâhâ , pour le bien de tous les mondes , tu
seras invincible. » 14,522.
U I.e magnanime Roudra arrosa d’une semence la ma-
trice d’Oumà : elle est tombée sur cette montagne , et de
là sont nés Mindjika et M'ndjikâ. 14,523.
U Un reste de la semence apparue tomba dans la mer
couleur de sang , un autre dans les rayons du soleil , un
autre sur la terre. 14,524.
» Un autre enfin s’attacha aux arbres ; elle tomba
donc en cinq portions. Les hommes intelligents doivent
comprendre que de-là sont nés des groupes aux formes
diverses, 14,525.
» Et ces horribles mangeurs de chair , qui seront tes
compagnons. » — « Qu’il en soit ainsi I » répondit Mahâ-
m
Lt: MAHA-BHARATA.
séoa, qui, doué d'une âme san.s mesure et rempli d’amour
pour ses pères , honora le Grand-Dieu , son père. Les
hommes , qui désirent des richesses , doivent faire hom-
mage à ces cinq groupes d'êtres avec des fleurs , pré.seot
du soleil. lA,ô2tf — 1A.527.
» Voulez- vous écarter les maladies, il faut rendre hon-
neur à ces tnyslirieuies crialuret. Quiconque désire le
bien de ses enfants, ne doit manquer jamais de faire ado-
ration à Mindjika et Mindjikâ, ce couple, enfant de Rou-
dra. Il y a des femmes anthropophages, nommées les
Vriddhikâs. 14,628—14,629.
» Ceux, qui désirent une descendance, ont à rendre un
hommage à ces Déesses , nées au sein des arbres. De
même, les troupes des Ihçâtchas sont, dit-on, innombra-
bles. 14,630.
n Écoute-moi, sire, te raconter l’origine des clo-
chettes et du drapeau. Alrâvata possédait une couple de
clochettes, connues sous le nom de Victorieuses. 14,631.
» Le sage Indra se fit apporter ces clochettes et le.s
donna lui-même à Gouha : l'une d'elles appartient à Vi-
çâkha, l’autre est à Skanda. 14,632.
> L'étendard de Kârttikéya et de Viçâkha est rouge ;
ces choses lui furent données comme des joujoux par les
Dieux. 14,633.
» Le Divin Mrhâséna à la grande force s'amuse avec
ces jouets. Environné ) ar les troupes des Piçàtcbas et par
les chœurs des Dieux, enflammé, revêtu de beauté, il
brillait sur la montagne d'or ; et ce mont aux forêts char-
mantes brillait, embelli par ce héros, 14,634—14,636.
B Comme le Mandara aux belles grottes orné du ra-
dieux soleil. I,e mont Çwéta de resplendir avec ses bois
Digilized by Coo jU
VANA-PAUVA.
385
fleuris de karavira (1), avec ses forêts de Santânakas (2),
avec ses bocages de l’àridjàtas (3), avec ses bosquets d'a-
çokas et de roses de la f4hine, avec ses multitudes
d’arbres kadaiiibas, avec ses troupes de gaze. les célestes,
avec ses bandes d'oiseaux divins. .Alors, tous les chœurs
des Dieux et tous les Dévarshis imitaient le fracas des
nuages ou le bruit de la mer agitée avec leurs instruments
de musique: alors dansèrent les Apsaras avec les célestes
Gandharvas. 15,536—14,537— 14,638-15,539.
» Alors se fit entendre un grand tumulte d'êtres joyeux :
ainsi, tout le monde avec Indra était réuni en ce moment
sur le mont Çwéta. 14,540.
» Ils contemplaient Skanda plein de joie, et leurs yeux
fixés sur lui ne se fatiguaient pas. (juand on eut sacré dans
le généralat l'adorable fils du Feu, 14,541.
» L’auguste, le fortuné Çiva, accompagné de Pârvatl,
s’en alla joyeux à son bienheureux figuier, sur un char à
la couleur du soleil. 14,542.
» Un millier de lions étaient attelés à ce véhicule su-
blime. Us .s’élancèrent, stimulés par' le Dieu, vers le ciel
splendide. 14,543.
» Us semblaient absorber l’atmosphère : terrifiant les
choses immobiles et mobiles, ces lions à la superbe cri-
nière marchaient dans le ciel en rugissant. 14,544.
» Placé sur ce char en compagnie d'Oumâ, Paçoupati y
brillait, comme le .soleil avec l'éclair sur un nuage paré de
l’arc d'Indra. 14,545.
» Devant lui, au milieu des Gouhyakas, s’avançait»
(1) Oleanrier ou NVrium odorum.
(2-3) Arbres du Paradis.
IV
25
380
LE MAHA-BHARATA.
l’adorable Dieu des richesses, le guide deshomoies, monté
sur le resplendissant Poushpaka. 14,546,
1) Porté sur Airâvata, (Jakra avec les Dieux suivait par
derrière dans sa marche le donateur des grâces, qui ar-
bore sur le champ de son enseigne un taureau. 14,547.
» Rangé à son c6té droit, le grand Yaksha Ainogha
s'avance avec les Djrimbhakas, les Vak.shas et les Raksha-
sas, ornés de guirlandes et tous bien parés. 14,548.
» \ droite venaient les Dieux en grand nombre, com-
battants divers réunis aux Vasous et aux Roudras.
» Ensuite parait avec des formes variées, Yama, accom-
pagné de la Mort, et de toutes parts environné, par des
centaines d'horribles maladies. 14,549 — 14,550.
» Derrière Yama s’avance, épouvantable, armé de trois
pointes, aigu, bien paré, le trident de Çiva, nommé la
Victoire. 14,551.
» L’adorable Varouna, le souverain des eaux, environné
par différents monstres aquatiques, chemine lentement au-
tour de lui avec son terrible nœud coulant. 14,552.
» Derrière Vidjaya ou la Victoire, marche le pattiça
même de Roiidra, entouré de sa massue, de son pilon, de
sa lance de fer et des autres armes, les plus excellentes de
tontes. 14,553.
Il L’ombrelle épouvantable, sire, à l’éclatante splendeur,
suivait le pattiça : à côté d’elle venait, honoré par de nom-
breux maharshis, le pot d’argile, avec lequel ce Dieu men-
diait. 14,554.
* » A droite de lui, marchait et brillait son bâton, revêtu
de beauté, accompagné par Bhrigou et Angiras, vénéré
par les Divinités. 14,555.
» Après ceux-ci, arrivait enfin Roudra, monté sur un
Dig
VANA-PARVA.
387
char sans tache, et réjouissant de sa splendeur tous les
hôtes du Tridiva. lô,556.
» Les rishis, les Dieux, les Gandharvas et les serpents,
les rivières, les lacs profonds, les mers et les troupes
mêmes des Apsaras, 1A,557.
» Les constellations, les planètes, les enfants des Dieux
avec des femmes aux formes diverses, suivaient le char
de Boudra. 14,558.
» De belles dames d’un type charmant semaient des
pluies de fleurs ; etl’ardjanya venait ensuite, faisant l’ado-
ration au Dieu, qui tient l’arc Pinâka. 14,559.
I) Lunus portait sur le front de celui-ci la blanche om-
brelle, Agni et le Vent étaient là, agitant eux-mêmes les
cha.sse-mouches. 14,560.
» Çakra, revêtu de beauté, suit par derrière, sire, avec
tous les râdjai'shis, exaltant le Dieu, qui a pour enseigne
un taureau. 14,561.
» Gaâurî, Vidyâ, Gândhârt, Kéçinî, Mitrasâhvayâ et
Savitrl : toutes ces Déesses allaient sur les pas de Pârvatt,
avec tous les groupes quelconques de sciences, que les
poètes ont inventées. Les Dieux avec Indra, exécutaient
sa parole au frjnt de l’armée. 14,562 — 14,563.
» Graha, le Rakshasa, marche en avant, un étendard à
la main, avec l’ami de Roudra, Pingala, roi des Yakshas,
continuellement occupé dans les cimetières et qui verse
la douleur sur le monde. Accompagné d'eux, le Dieu fait
route à son aise. 14,564 — 14,565.
» -Ni devant, ni derrière, la marche de son armée n’est ja-
mais sur la terre. Les mortels honorent ici-bas par des actes
de vertu le Dieu Roudra, que l’on appelle Çiva, le Seigneur
te premier Roudra, le grand-Ayeul : ils honorent Mahé-
388
LE MAHA-BHARATA.
çwara par des œuvres de formes diverses, lâ, 566-1 4, 567.
» Le nourrisson des Pléiades, doué de la science brah-
m’que, l’époux de L'évasenâ, environné par l’ai-mée des
Dieux, suivait le souverain des Immortels. 14,568.
« Alahadéva dit à Mahâséna cette grande parole :
« Défends toujours sans paresse le septième corps des
Màroutes. » 14,569.
« Je défendrai, seigneur, lui répondit Skanda, le
septième corps des Màroutes. Quelle autre chose veux-tu
que je fasse? Dis-le-raoi, Dieu, sans balancer. » 14,570.
« Tu dois toujours en tes actes, mon fils, reprit Çiva,
tenir tes yeux fixés sur moi. Grâce à cette vue de moi, tu
devras à ta piété d’obtenir la félicité suprême. » 44,571.
» Mahéçwara, ces mots dits, l’embrassa et le congédia.
Au moment de ce congé, parut un grand prodige. 14,572.
» Il troubla soudain, puissant roi, tous les Dieux ;
l’atmosphère s’enflamma avec les constellations, et le
monde fut violemment agité. 14,573.
» La terre trembla et mugit, l’univers parut enveloppé
de ténèbres. Çankara ému, la vertueuse Oumâ, les Dieux
et les maharshis virent cet horrible état des choses. Au
milieu du trouble commun à tous, une grande armée ter-
rible, elfrayante, innombrable, articulant différentes voix
menaçantes, munie d’armes diverses, se montra, sem-
blable à des nuages, sur la montagne.
» Elle fondit, engageant le combat, sur les Dieux et sur
l’adorable Çankara : elle fit pleuvoir, à différentes fois,
des multitudes de flèches sur les armées célestes.
14,574—14,575-14,576-^14,577.
» Les pilons, les massues, les épées, les traits barbelés,
les çataghnîs et les fragments de montagnes furent lancés
VANA-PARVA.
389
par ces grands et terribles guerriers, qui se précipitaient
sur rarmée des Dieux, l/l, 578.
» On la vit toute en un moment tourner le dos et s’en-
fuir : les éléphants des combattants étaient mutilés, les
grands chars des combattants étaient brisés, lé, 579.
» L’armée des Dieux en déroute, maltraitée par les
Dânavas et détruite par la main des Asouras, semblaifune
forêt en proie à la fureur des flammes. 14,580.
» Elle tombait comme un bois de hauts arbres, dont la
plus grande partie est consumée. Ces habitants du ciel
couraient, le corps et la tête en lambeaux. 14,581.
» Les battus dans ce combat ne trouvaient pas un dé-
fenseur. Le Dieu Pourandara vit son armée en fuite.
n Le destructeur des bataillons, rassurant ses phalanges
malmenées par les Dânavas, leur dit : « Abandonnez la
crainte: sur vous descende la félicité! Héros, saisissez
vos flèches! 14,582 — 14,583.
» Mettez votre pensée dans la valeur : que nul trouble
n’agite vos esprits ! Triomphez de ces Dânavas impurs, à
l’aspect épouvantable ! 14,584.
» Courez avec moi, s’il vous plaît, sur ces grands
Asouras ! » Les hôtes du ciel, rassurés par ces paroles de
Çakra 14,585.
» Et mettant en Çakra leur appui, de résister alors aux
Dânavas. Tous les Tridaças, les Maroutes à la grande
force, les vertueux Sàdhyas avec les Vasous tournent face
à l’ennemi : ils envoient d’une main irritée, dans ce con-
flit, leurs flèches sur les bataillons. 14,586 — 14,587.
» Les traits s’abreuvent de sang à flots dans les
corps des Daîtj as. On voyait sortir de leurs corps, qu’elles
avaient transpercés, les flèches aiguës comme des serpents,
390
LE MAHA-BHAMTA.
qui sortent des arbres. Percés par ces flèches, les corps
des Dciltyas tombaient de toutes parts, sire, à la surface
de la terre comme des nuages brisés. L’armée des Dànavas,
épouvantée dans la bataille par les traits divers et par
tous les bataillons des Dieux, fut mise en complète dé-
route. Alors, transportés de joie, élevant leurs armes, tous
les Immortels poussent des cris de triomphe.
14,588-14,589—14,590-14,591.
» Plus d'une fois résonnèrent sous les coups les instru-
ments de musique : la plus profonde horreur régnait dans
cette bataille, oh la même ardeur excitait l'un et l'autre
parti. 14,592.
O On vit soudain naître un bourbier de sang et de chair
de Dànavas et de Dieux, sous les traits de ces deux frac-
tions du monde divin. 14,593.
U Ainsi, les terribles hôtes du ciel tuaient les Dànavas,
et les formidables Dànavas exterminaient les hôtes du ciel.
Les roulements du tambour et le son des instruments de
musique retentissaient. 14,594.
» Les cris de guerre, jetés par les Indras des Dànavas,
étaient épouvantables. Alors, de l'armée terrible des
Dattyas sortit un Dànava à la grande vigueur ; il avait nom
Hahisha; il enleva une vaste montagne. A la vue de ce
mont, levé par lui et caché par son corps, comme le soleil
par les nuages, les habitants du ciel de prendre aussitôt la
fuite. Mahisha courut sur les Dieux et jeta sur eux sa
montagne. 14,595 — 14,596 — 14,597.
» Dix mille de l'armée divine, sire, tombèrent sur le
sol, écrasés par la chute de ce projectile aux formes épou-
vantables. 14,598.
H Eilrayant les Dieux, Mahisha fondit précipitamment
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VANA-PARVA.
S9l
sur eux avec les Dânavas, comme un lion sur de faibles
gazelles. IA, 509.
» A peine les habitants du ciel eurent-ils vu avec Indra le
Démon accourir, qu’ils s’enfuirent épouvantés dans le com-
bat, dispersant leurs armes et leurs étendards. 1A,0OO.
» Mahislia irrité de s’avanctr légèrement vers le char
de Roudra ; accouru là, il saisit le timon de sa voiture.
» Quand le Démon en courroux fut arrivé dans un
instant près du char de Roudra, le ciel et la ten'e de pousser
des cris, les maharshis de tomber dans la stupeur.
14,601—14,602.
» Les Daityas aux grands corps jeuüent ces clameurs :
a C'en est fait d’eux ! Nous les avons vaincus I » 14,603.
» Dans cet état de choses, l’adorable frappa Mahisha
au milieu du combat ; mais il se rappela que Skanda même
devait apporter la mort à cet être d’une âme méchante.
U A la vue du char de Roudra, le teiTible Mahisha poussa
un cri, qui effraya les Dieux et réjouit les Daityas.
14,604—14,606.
» Au milieu de cet épouvantable danger survenu aux
habitants du ciel, Mabaséna s’approcha, flamboyant de
colère à l'égal du soleil. 14,606.
» L'auguste aux longs bras était revêtu d’une robe cra-
moisie, il portait une parure et des guirlandes couleur de
sang, ses chevaux avaient le poil rouge, et sa cuirasse
était d’or. 14,607.
» 11 était monté sur un char semblable au soleil. L'année
des Daityas, voyant ce héros, qui resplendissait comme
l’or, s’enfuit aussitôt sur le champ de bataille. 14,608.
<> Le vigoureux Mahaséna d'envoyer sa lance de fer,
Indra des rois, flamboyante et meurtrière de âlahisha.
392
LE MAHA-BHARATA.
0 Le trait lancé enleva la grande tê'e au Démon : Ma-
hisha, le chef coupé, tomba, ayant déserté la vie.
» La chûte de cette immense tête, pareille à une mon-
tagne, ferma un passage de seize yodjanas et le rendit in-
surmontable. 14,609 — 14,610 — 14,611.
» Grâce à elle, les Outtarakourous vont et viennent en
paix. A chaque fois quelle est envoyée, cette lance de fer
immole des ennemis par milliers ; 14,612.
» Et les Dieux avec les Dànavas la voient retourner
d' elle-même dans la main de Skanda. Les flèches inévi-
tables, que le sage Mahaséna décoche coup sur coup,
exterminent ce qui reste de l’armée tremblante, épouvantée
des Daityas. Les compagnons du héros les tuent et les
dévorent par milliers. 14,613 — 14,614.
» En se repaissant des Dànavas, ils s’abreuvaient de
leur sang ; et, dans l’ardeur suprême, dont ils étaient
animés, un seul instant suflit pour dépeupler entièrement
ces champs de Dànavas. 14,615.
» Le glorieux Skanda triompha de ces ennemis par son
énergie, comme la lumière chasse les ténèbres, comme le
feu dévore les arbres, comme le soleil dissipe les nuages.
» Honoré par les Dieux, mais prosterné devant Mahé-
çwara, le nourrisson des Pléiades brillait alors tel que le
soleil à pleins rayons. 14,616 — 14,617.
» Lorsque Skanda à la grande armée, ses ennemis tnés,
se fut avancé vers le Grand-Seigneur, Pourandara l’ayant
embrassé lui dit : 14,618.
<1 Cette insigne faveur, Skanda, te fut accordée par
Brahma : tu as immolé Mahisha, par qui les Dieux, ô le
plus grand des victorieux, étaient méprisés comme une
herbe vile. 14,619.
-Digitizf'ü;,
VANA-PARVA.
3U3
» Tu as débarrassé la terre de cette épine des Dieux,
héros aux longs bras : tu ns tué dans cette grande bataille
cent Dànavas, égaux à Mahisha, les ennemis des Dieux,
par qui nous étions avant ce jour opprimés. Les tiens ont
dévoré, par troupes de cent à la fois, les autres Dânavas.
» Tu es invincible dans un combat aux ennemis, comme
l’auguste époux d'Oumâ. On racontera, puissant Dieu,
ce premier exploit de ta grandeur ;
lâ,620— iA,621— lâ,«22.
» Et ta gloire sera impérissable dans les trois mondes.
Les Dieux marcheront sous tes ordres, guerrier aux longs
bras. » di,623.
» Quand il eut parlé de cette manière à Mahaséna, l'époux
de Çatcbi garda le silence. L’atlorable Dieu aux trois yeux
lui donna congé, à lui et à ses Immortels. 1A,62A.
» Çiva revint à Bhadravatta, et les hôtes du ciel s’en re-
tournèrent : « Regardez Skanda comme moi-même, » leur
avait dit Roudra. 1A,023.
U Le nis du Feu, quand il eut exterminé les bataillons
des Dànavas, fut honoré par les maharshis ; il subjugua les
trois mondes dans un seul jour. » là,626.
Si le brahme récite avec recueillement cette naissance
de Skanda, il obtiendra la nourriture ici-bas, et s’en ira
ensuite partager le monde de Kârttikéya. lâ,627.
« Révérend, le plus grand desbrahmes, dit Youddhish-
thira, je désire entendre les noms, qui sont donnés à ce
magnanime, dans les trois mondes. >i 1A,628.
A ces mots, prononcés en présence du rishi par le fils
de Pàndou, le révérend Màrkandéya, l’homme aux grandes
pénitences, répondit ; 14,629.
« Agnéya, Skanda, le Dieu à la gloire éclatante, la
m
LE MAHA-BHAUATA.
Santé, le Dieu, qui porte l’emblème du paon à son étendard,
le Juste, le maître des êtres, le meurtrier de Mahisha,
» Le vainqueur de l’Amour, le Dieu qui satisfait les
désirs, le Beau, le Véridique, le Souverain du monde,
l’Enfant, le Dieu aux pieds légers, le Pur, le Violent,
Celui, qui a la couleur du feu, le Dieu au charmant visage,
14,630—14,631.
)) Celui, de qui les coups ne sont jamais vains, le Dieu
sans péché, Raâudra, l’Ami, le Dieu à la face de lune, le
Dieu à la lance de fer enflammée, le Dieu à Tâme pacifiée,
le Dieu, qui donne le succès, le Dieu, qui frappe la fraude
de folie, 14,632.
» L’ami de Shashthî ou Dourgâ^ le Dieu, qui tient son
âme dans le devoir, le Purificateur, l’enfant chéri de ses
nourrices, l’époux de la Kanyâ ou de la vierge^ le Dévot,
le Dieu, qui eut pour mère Swâhà, le fils de Révatî,
» L’auguste, le Chef, Viçâkha, l’Instituteur, le Dieu aux
actes bien difliciles, le Dieu aux vœux constants, le Rouge,
l’ami des jouets enfantins, 14,633 — 14,634.
» Le Dieu, qui marche dans les airs, le Brahmatchâri
ou le novice^ le héros né dans le bois des çaras, l’ami de
Viçvàrnitra, le mari de Dévasénâ, 14,633.
» L’ami du Vasoudévide, le Chéri, le Dieu, qui fait des
choses aimables. » Quiconque récitera ces noms divins de
Kàrttikéya, obtiendra le ciel, la gloire et la richesse : il
n’y a là aucun doute. » 14,636.
« Je vais louer Gouha, de qui les rishis et les Dieux
aiment le courage, continua Mârkandéya, ce héros aux
vœux constants, infini dans ses noms, et qui porte une
.sextuple énergie. Écoute ces noms, ô toi, le plus excellent
des Kourouides. 14,637.
VANA-PARVA.
3»ô
» Brahme, fils de Brahma, versé dans les Védas, le
maître des Védas et le plus savant de ceux, qui savent les
Védas, ami de Brahma, tu eslié par les vœux du brahme,
tu connais les Védas et tu es le guide des brahmes.
» Tu es Swâhà et Swadâ (1), tu es la purification su-
périeure, tu es loué dans les mantras ; on t’appelle Sha-
dartchi (2). Tu es l’année, et les six saisons, et le mois, et
le demi-mois ; tu es les gâteaux ofTerts aux Dieux, tu es
les points de l’espace. 14,638 — 14,639. •
» Tu as des yeux de lotus, tu as un visage de nélumbo,
tu as mille faces, tu as mille bras, tu es le protecteur du
monde, tu es l’offrande suprême, tu es l’univers, tu es
l’arghya des Asouras et des Dieux. 14,640.
» Tu es le généralissime des armées, tu es le Violent,
tu es Prabhou et Vibhou, tu es le vainqueur des ennemis,
tu as des milliers d’existences, tout est porté sur toi, tu
as mille jouissances, tu manges des milliers de choses.
» Tu as mille têtes, tu as mille pieds, tu es infini dans
tes formes. Dieu puissant, tu portes l'énergie de ton père;
tu es le fils de la Gangâ, sans blesser ton sentiment que
tu es le fils de Swâhà, de la terre et des Pléiades.
14,641—14,642.
» Tu fais ton jouet d’un coq, tu changes de forme en
diverse manière, au gré de tes désirs ; tu es Daksha,
Lunus, Maroute ; tu es le devoir continuel, le vent, le roi
des monts, Indra. 14,643.
» Tu es le Dieuâl’arc terrible, l’auguste Immortel entre
les augustes Immortels ; tu es le créateur des saisons, la
(1) Flxclamattous coniacrées dans les oblations^ l'une aux Dieux, l’autre
aux Mines.
(2J a six flwnmes.
396
LE MAHA-BHARATA.
mort des fils de Dlti, le vainqueur des ennemis, le plus
éminent des Dieux. 1A,6AA.
» Tu es l'àme universelle, tu es ce qu’il y a de plus
élevé dans la pénitence, tu connais ce qui est devant et ce
qui est après, tu es le passé et l’avenir; tu es, grâce à
ton énergie, magnanime Dieu, ce qui est toute la vertu,
l’amour et la béatitude finale. lâ,6Aâ.
» Ta force remplit le monde, ô le plus grand de tous
les Dieux, objet de mes louanges, protecteur du monde.
Adoration te soit adressée. Dieu aux douze yeux, aux douze
bras ! Au-delà, ta route m’est inconnue. » 14,646.
Le brabme, qui récitera avec recueillement celte nab-
sance de Skand i, qui la fera entendre aux brahmesou qui
l’entendra racontée par la bouche d’unbrahme, obtiendra
de partager le monde de Skanda, après qu’il aura recueilli
ici-bas le contentement, la nourriture, la victoire sur les
ennemis, des fils, une renommée éclatante, une longue vie
et le devoir. 14,647 — 14,648.
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U con\t:rsation de draaupadi et de
SATTABHAMA.
Vatçarnpâyana dit :
Tandis que les brahmes et les magnanimes fils de Pàndou
étaient assis dam ces entretiens, Draâupadi et Satyabhâmâ
entrèrent alors dans l’hermitage. 14,649.
Elles s’assirent là, bien joyeuses, riant beaucoup, à leur
aise ; et, quand elles se furent long-temps regardées, Indra
des rois, en s'adressant l’une à l’autre des paroles aimables.
Elles se mirent à raconter différentes histoires, sorties
des familles de Kourou et (l'Yadou. Sathyabhàmâ, l’épouse
chérie de Krishna, S:UràdJitI à la taille gracieuse tint en
particulier ce langage à la belle Yajiiaséni : a Par quelle
conduite, Draâupadi, triomphes-tu des fds de Pàndou,
ces jeunes héros, unis par le plus grand des liens et sem-
blables aux gardiens du monde 7 Comment ne s’irritent-
ils pas, dame charmante, de marcher sous ta puissance?
14,650—14,661—14,652—14,653.
398
LE MAHA-BHARATA.
» Les fils de Pândou sont toujours tes sujets dociles,
femme à l’aspect aimable ; tous, ils ont les yeux fixés sur
ton visage : raconte-moi cela dans la vérité. 1/i,C5A.
» Cela vient-il du bralmiatcharya, ou de la pénitence,
des ablutions, des prières ou des simples des champs? Ou
doit la vigueur à la science. Celle-ci a pour ses racines la
prière à voix basse, l’olFrande versée dans le feu ou les
médicaments. 4 A, 655,
» Raconte-moi en ce moment, Krishnâ-Pântchâlî, quelle
fameuse Divinité opère ce miracle, afin que Krishna
marche continuellement soumis à ma volonté. » 4 A, 656.
Quand elle eut dit ces mots, l’illustre Satyabhâmà de
garder le silence, et la vertueuse Draâupadî, la chaste
épouse, de lui répondre en ces termes : 1A,657.
« Tu m’interroges, dame véridique, sur la conduite des
femmes malhonnêtes: comment pourrais-je te répondre
sur la route, que suivent les femmes, qui ne sont pas ver-
tueuses? 4 A, 658.
» Il ne te sied pas de faire cette demande, ou d’avoir
là-dessus un doute; car tues douée d’intelligence, épouse
bien-aimée de Krishna. 1A,659.
» Alors qu’un époux saura sa femme livrée à la vertu
des racines et à la puissance des incantations, qu’il
tremble devant elle comme s’il était entré dans la caverne
d’un serpent. 4 A, 660.
» D’où viendrait la tranquillité à l’homme, qui tremble
sans cesse? D’où viendrait le plaisir à f homme, de qui
l’àme est sans cesse agitée? Jamais un époux ne marchera
sous la loi d'une femme, qui met en œuvre les incantations.
» Ce sont des massues bien épouvantables, que nous
lancent des ennemis ! Les femmes, qui désirent la mort
VANA-PARVA.
S99
à quelqu’un, lui administrent du poison sous les appa-
rences de racines. 14,661 — 14,662.
» Les poud. es données, qu’nn homme s’inocule par sa
langue ou sa peau, ne tarderont pas à lui causer la mort:
il n’y a pas de doute. 14,663.
» Ces femmes affligent les hommes d’hydropisie : elles
leur apportent la blancheur de la peau décolorée, les che-
veux gris, l’impuissance, l’idiotisme ; elles les rendent
aveugles ou sourds. 14,664.
U Ces femmes criminelles, qui marchent sur les pas du
vice, sont les ennemies de leurs époux. Jamais une épouse
ne doit, en aucune manière, commettre une chose désa-
gréable à son mari. 14,665.
» Écoute, illustre Satyabhâmâ, dans la vérité, toute la
conduite, que j'observe à l’égard des magnanimes fils de
Pândou. 14,666.
» Sans ces.se mettant de côté l’orgueil, la colère et
l’amour, je sers toujours dévotement ces fils de Pândou,
qui sont en communauté d’épouse. 14,667.
Il Refoulant mon aiïection, me déposant moi-même en
moi-même, pleine d'obéissance, vide d’orgueil, je cherche
à connaître la pensée de mes époux. 14,668.
I) En doute pour un mot, que j’ai mal prononcé ; mal-
heureuse, parce qu’on me jette un fâcheux regard, ou parce
que je reste mal à propos, ou parce que je m’éloigne à
contre-temps, ou par le geste, qui gouverne ma volonté.
Il Je sers ces héroïques princes majestueux, à la terrible
énergie, qui éblouissent les regards, qui ressemblent à
Lunus, qui sont égaux à Agni ou au soleil.
14,669—14,670.
Il Je n’estime pas un autre homme, qu’il soit Dieu ou
AOO
LE MAHA-BHARATA.
mortel, ou G.mdharva. jeune, bien paré, opulent ou d’un
charmant visage. 14,(571.
» Je n’entre d je ne mange jamais avant que mon époux
ne soit entré, n’ait mangé, n’aitpris son bain, lui et même
ses serviteurs. 14,(572.
» Que mon époux revienne à la maison, ou d’un champ,
ou du bois, ou du village, je me lève aussitôt pour lui
offrir un siège et de l’eau fraîche. 14,673.
» Soumise, ayant bien lavé tous les vases, parfaitement
balayé la maison, tenant mes provisions bien gardées,
ayant sucré les aliments, je donne la nourriture au moment
révolu. 14,674.
0 Je ne fréquente pas les femmes de mauvaise vie, qui
ont des entretiens profondément secrets (1) ; je suis tou-
jours bienveillante et n’ai jamais de paresse. 14,676.
» Toujours sans n)al aux yeux, toujours souriante, ma
place à chaque instant est vers la porte; j’évite de faire
un long séjour au milieu des ordures et dans les
privés. 14,676.
» J’évite l’excès dans le rire et l’excès dans le courroux,
je fuis les occasions de me mettre en colère ; je me plais
continuellement dans la vérité et dans le service de mes
époux. 14,677.
» Je ne désire jamais d’aucune manière l’al)sence de
mon mari : s’éloigne-t-il afin d’aller chez quelqu’un pour
affaire d’un parent, j’observe mon vœuet je suis nîorn une
fleur, dont la couleur a disparu. Je refuse toutes les choses,
que mon époux ne boit pas, qu'il n’aime pas et dont il ne
(1) Le texte dit atiraSf mot, qui n'exi^te pas ; il est é?ideDt qu'il faut ici :
iitirnfiait.
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VANA-PARVA. ^
AOl
inange pas. Je sais toujours soumise, noble dame, comme
j’en ai reçu le précepte. 1A,678— 1A,O70 — lA,fl80.
» Bien parée, toujours docile, je trouve mon plaisir dans
ce (pii pialt à mon époux. J'ai appris au temps passé, de
la bouche de ma belle-mère, quels devoirs sont à remplir
envers ies parents. 1A.681.
» Je connais l’aumOne, l’olTrande à tous les êtres, le
çrAddba, la cuisson dans un vase d'argile aux jours des
parvans, ie traitement respectueux à l’égard des personnes
vénérables, et tous les autres. 1A,682.
i> Jour et nuit sans négligence, je suis tous ces devoirs,
et touj<nirs je tends de toute mon Ame A la modestie et à
la répression des sens. 1A.683.
i> Je sers, comme des serpents irrités, mes époux ver-
tueux, doux, adonnés A la vérité et qui • ont les défenseurs
du devoir de la vérité. 1A,08A.
■ L’habitation avec son époux fut toujours estimé le
devoir éternel de la femme : il est son Dieu, il est sa voie ;
il n’en est pas une autre. Qui d'elles ferait jamais une
chose désagréable A son époux ? 1A,6S6.
» Je ne dors pas, je ne mange pas, je ne sois pas ornée
plus que ne sont mes époux, et ; quand je trouve toujours
devant moi cet obstacle, je ne calomnie point ma belle-mère.
» Mesri'nÿ maris, dame très-vertueuse, marchent tou-
jours avec attention sous ma loi, pour le temps dn lever
et pour l'obéissance A leur gourou. 1A,686 — 1 A,687.
» Je sers moi-mème ses aliments, son breuvage et son
ombrelle à la noble Kountt, qui a donné le jour A des héros
et ne s’est jamais souillée d'un mensonge. 1A.688.
» Mon sommeil et le sien ont la même dorée. Qu’elle
marche mon égale en nourriture, en vêtements, en parure;
IV 26
A02
Lli MAHA-BH/VRATA.
je n’insinue jamais une calomnie sur Piilhà, qui est seuii-
blablc à la terre. 1 A, 689.
» Dans la maison d’Youddhishthira, huit mille brahmes
mangent toujours devant moi sur des plats d’or. 1A.690.
U Youddhishthira donne la nourriture à quatre-vingt
mille initiés maîtres de maison, servis chacun par trente
esclaves. 14,691.
» Dix mille Y'atis continents enlèvent, sur des plats
d'or, les mets délicatement préparés. 14,692.
» J'honore, comme ils en sont digues, tous ces brahmes,
récitateurs des Védas, avec des aliments, une ombrelle,
des breuvages et des concessions de terres ou de villages.
U Le m.ngnanime fds de Kountl est environné par cent
mille servantes bien parées, aux bracelets de coquillages
et qui portent le Nishka dor au cou. 14,693 — 14,694.
» Elles semblent faites d'or, elles sont arrosées de san-
dal, leurs ornements et leurs bouquets sont de haute va-
leur ; elles portent l’or et les pierreries ; elles sont
instruites dans le client et la danse. 14,696.
U Je connais de toutes ces femmes, et le nom et les
traits, et les vêlements, et la nourriture, et l’ouvrage,
quelles ont fait, et celui, qui reste à faire. 14,696.
» 11 y a cent mille esclaves mâles, qui jour et nuit, le
plat à la main, nourrissent les liâtes du sage lils de Kountl.
U Cent mille chevaux, dix myriades d’éléphants, qui
habitent Indraprastha, forment les équipages d’Youd-
dhislithira. 14,697 — 14,698.
» Telle était la fortune de ce prince alors qu’il gouver-
nait la terre. Je savais entièrement, depuis les bergers
jusqu’aux rois, tout ce qui était ou n’était pas fait par ces
gyiiœcées etparcesnombi’eux hâtes ou serviteurs, dont je
VANA-PARVA.
iOS
viens de te dire, comme je les ai entendus, le nombre et
la condition. lâ,699 — 14,700.
» A moi seule, illustre dame, je connaissais la liante
pros|)érité des lils de Pàndou, la richesse entière du roi,
son revenu et sa dépense. 14,701.
» Contents de mon sen ice, tous ces éminents Bhara-
tides ont attaché sur moi, dame au noble vis.-ige, toutes
les portions réunies de leur famille. 14,702.
» Et moi, renonçant à tout plaisir, je fais mes efforts,
jour et nuit, pour supporter ce fardeau lié sur mes épaules,
et que les âmes vulgaires ne pourraient supporter :
>1 De même le poids intolér.ible des mers pleines de
richesses ne convient qu’à Varouna. Seule, je connais le
trésor demes époux, qui marchent dans le sentier du devoir.
14,703—14,704.
w Dans ce jour sans fin, j’ai pour compagnes la faiui et
la soif : tandis que je cherche à gagner la faveur de ces
rejetons de Kourou, ma nuit est semblable à mon jour.
U Je suis réveillée la première, et je me couche après
tous les autres. Voilà quelle est, Satyâ, ma grande incan-
tation de tous les temps. 14,706 — 14,706.
» Je sais faire de cela même le grand enchantement de
mes époux : je n’ai pas suivi la route des femmes vicieuses
et je ne désire point la suivre. » 14,707.
Quand elle eut entendu ces paroles associées nu devoir,
qu’avait prononcées Krishna, Satyâ d’honorer cette Pân-
tchàli soumise à la vertu, et de lui répondre ces mots :
« Je suis une malheureuse, Pânichàli : veuille bien me
pardonner, Yajnaséni ; car le désir des amies est sourent
une ridicule parole, n 14,708 — 14,700.
Draânpadt repartit :
404 LE MAHA-BHARATA.
B Je te dirai ce moyen infaillible pour captiver l’âme
d’un époux : tant que tu resteras dans cette route exacte-
ment, tu couperas la voie, mon amie, qui mène un époux
auprès des courtisanes. 14,710.
» Il n’existe pas un tel Dieu, Satyâ, dans tous les
mondes, auxquels président les Dieux. Lu é|M)ux est con-
tent ; tous ses désirs peuvent être satisfaits jar la bien-
veillance : il faut tes exaucer, autrement il tuerait dans
sa colère. 14,711.
» De lui, tu obtiendras des enfants, diverses jouissances,
des couches, des sièges, les plus beaux miroirs, des
vêtements, des guirlandes et des parfums, le Swarga, le
monde et une gloire immense. 14,712.
)) Le plaisir doit être acquis ici-bas avec plaisir, jamais
avec peuic. La femme vertueuse goûte les plaisirs. Con-
cilie-toi donc le cœur de Krishna par tes badineries
aimables, et sans cesse par ta toilette, 14,71.1.
U Par des mets excellents, de belles et précieuses guir-
landes, des manières polies et des senteurs diverses, o Je
suis son époux! » dira-t-il à la fin de ces choses; il te
serrera d.ins ses bras : tient cela pour assuré. 14,714.
» Aussitôt que tu auras entendu le bruit de ton époux,
qui vient à la porte, lève-toi et reste debout .au milieu de
la maison. Dès que tu l’auras vu entrer, offre-lui avec em-
pressement l'hommage du siège, et de l’eau pour se laver
les pieds. 14,715.
U As-tu donné un ordre à une .servante, lève-toi et fais
tout de ta main. Que Krishna sache que tel est ton carac-
tère, et tu pourras dire, Satyâ : k 11 m’aime! » 14,716.
1) Quelque chose que ton époux dise en ta présence, tu
dois le taire, ne fùl-ce point un secret. Si ta co-épouse
Digitized by C.Oî’ïole
VANA-PARVA.
AOô
quelconque babille auprès du Vasoudévide, ce défaut ne
peut que lui rapporter l'indifféreiice. 14,717.
n Offre de différentes manières à manger aux amis de
Krishna, à ceux, qui lui sont dévoués ou qui ont pour lui
de bons sentiments ; et sois toujours antipathique à ses
ennemis, à ses rivaux, à ceux, qui lui sont contraires, et
aux fourbes orgueilleux. 14,718.
U Mets de côté l'orgueil et la négligence, qui sont ordi-
naires aux hommes; contiens ton naturel et observe le
silence. Tu ne dois jamais servir en secret Pradyoumna
etÇâmba même, tes deux jeunes fds. 14,710.
n Lie-toi d'amitié avec d&s femmes vertueuses,
éloignées des vices, et de nobles familles : fuis celles, qui
sont emportées, adonnées aux liqueurs, grandes man-
geuses, méchantes, voleuses ou légères. 14,720.
» Cette conduite procure la renommée, un hymen cé-
leste, le Swarga, et détruit les ennemis. Gagne le cœur
de ton époux avec de suaves parfums, avec la beauté
des parures et des bouquets précieux. » 14,721.
Après que Djanârddana eut resté 14, avec les magna-
nimes fds de Pàndou, Màrkandéya et les autres brahmes,
occupé de ces narrations charmantes ; après (]u'il eut fait
avec eux cet entretien, Kéçava eut le désir de remonter
dans son char, et appela Satyà. 14,722 — 14,723.
Elle d'embrasser aloi's la lille du roi Droupada, et de lui
adresser ces paroles gracieuses, recueillies et conformes à
son caractère : 14,724.
U Krishnâ, n'aie pas de chagrin, ni de trouble, ni de
soucis : tu jouiras de la terre, vaincue par te bras de tes
époux, semblables aux Dieux. 14,72ô.
B Les femmes, qui sont douées d’un tel caractère, qui
400
LE MAHA-BHARATA.
possèdent, comme toi, des marques si honorées, ne de-
meurent pas long-temps, dame aux yeux noirs, plongées
dans l’aflliclion. 14,720.
» Nécessairement, toi et tes époux, vous jouirez de cette
terre, débarrassée de ses épines; il n’y a aucun doute:
c’est ainsi que. je l’ai ouï dire. 14,727.
» Quand il aura donné la mort aux Dhritaràshtrides et
traversé ces inimitiés, tu verras de nouveau la terre, fille
du roi Droupada, soumise aux lois d’ Youddhishthira.
» Tu verras bientôt, semblables à des cadavres, ces
femmes des Kourouides, cpii, dans le délire de l’orgueil,
ont ri de te voir jetée en exil. 14,728 — 14,729.
» Sache que ces femmes, qui ont osé faire une chose,
qui te fut désagréable, partent déjà toutes pour les de-
meures d’Y'ama ! 14,730.
» Prativindya,ton fds, Soutasoma et Tathàvidha, Çrou-
tarkarmau , fils d’Arjouna, Çatânika le Nakoulide, et
Qroutaséna, qui est né de toi par Sahadéva, tous ces héros,
tes fils, sont bien portants : ils ont terminé l’étude des
armes. 14,731 — 14,732.
» Ils vivent joyeux comme Abhinianyou, ils se com-
plaisent dans Dwàravatî : Soubhadrâ se porte de toute sou
âme à les aimer autant que toi. 14,733.
» Elle est contente, n’ayant aucun doute sur toi, n’é-
jirouvant aucune inquiétude pour eux. Qu’elle marche de
toute son âme, elle et la mère de Pradyoumna, heureuse
de ton plaisir, affligée de ta peine ! Kéçava lui-même n’est
pas estimé plus que ces enfants par le roi et sa cour.
14,734 — 14,735.
» Mon beau-j)ère est sans cesse occupé de leur nour-
riture et de leur haljillement. Balai'àma et les autres,
VAN.V-P.VRVA.
407
tous lés Alidhakas et les Vrislinides aiment tes enfants.
» L’amitié est égale, noble dame, pour eux et Pra-
dyoumna. » Quand elle eut prononcé ces mots et d’autres
non moins aim.ables, vrais, gracieux, ravissant l'âme, elle
mit sa pensée pour le retour sur la char du Vasoudévide.
La royale épouse de Krishna décrivit un pradakshina
autour d’ Yajnasénl ; 14,730 — 14,737 — 14,738.
Et la noble Satyabbàmà monta dans le char de Çaâuri.
Le plus éminent des Yadouides sourit, adressa des paroles
caressantes à Draàupadi, et s’avança pour son retour avec
ses coursiers rapides vers sa ville. 14,730 — 14,740.
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L’EXCURSION A GHOSHA.
Djanamédjaya dit :
X Tandis que ces nobles hommes habitaient ainsi dans
la forêt, le corps déchiré par la pénitence, lèvent, le froid
et le chaud, et qu’ils se furent approchés de ce lac et du
bois saint, que firent après cela les enfants de Prîthà 7 »
Vaiçampâyana répondit :
Quand les fils de Pândou se furent approchés de ce lac,
quand ils eurent quitté ce personnage, ils se firent une
habitation, et parcoururent les bois charmants, les mon-
tagnes, les rivières et les différentes places.
14,741— là, 742.
Des brahmes , personnes éminentes , chargées d’an-
nées , adonnées à la lecture , riches de mortiGcations et
versées dans les Védas , s’avancèrent vers ces héros , qui
demeuraient dans le bois, et s’acquittèrent des honneurs
envers eux. 14,743.
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VANA-PARVA. 400
Certain jour, un brahme, habile narrateur d'histoires,
s'approcha des fils de Kourou sur la terre, et, quand il se
fut mis en contact avec eux de son mouvement spontané,
il s'avança vers le roi Vaitchitravlrya oh Dhriiardthtra.
Il s'assit et, quand il eut reçu, en échange des siens,
les hommages du sage roi, le plus éminent des Kouroui-
des, il prit, excité par lui, les fils d'Indra, du Vent, d'Yama
et les deux jumeaux pour sujet de sa narration ;
Ces héros maigres, le corps déchiré par le soleil et le
vent, tombés dans la gueule d'un malheur épouvantable ;
cette Krishnà elle-même, sans défense, pour ainsi dire,
sous la protection de ces héros et liée arec la corde de
l'affliction. 14,744—14,746—14,746.
Après qu'il eutouï ses récits, le roi Vaitchitravlrya fut
consumé de compassion, à la nouvelle que les fds et les
petits-fds de Prithâ languissaient dans la forêt , tombés
dans un fleuve d'infortunes. 14,747.
L'âme frappée d'abattement, troublé par le vent de ses
soupirs, quand il eut repris un peu de fermeté, il pensa à
tous ses fils et dit cette parole : 14,748.
« Comment l'alné de mes neveux, Dharmarâdja, pur,
véridique, à la conduite noble, comment cet Adjâtaçatrou
peut-il supporter d'être couché sur le sol de la terre, lui,
qtii auparavant avait pour couche un amas de tissus faits
avec le poil de l'axis moucheté. 14,749.
» Sans doute, couché sur la face de la terre, il se ré-
veille, à la fin de la nuit, an chant des troupes d'oiseaux,
lui, qui, semblable à Indra même, se réveillait aux
louanges d'une troupe de bardes et de poètes ! 14,750.
» Comment Vrikaudara, les membres enveloppés de
colère, peut-il supporter, en présence de Krishnd, lui, de
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410
LE MaHA-BHAI’vAÏA.
qui le curps est accoutumé à la fatigue et à l’abondaote
nourriture (1), d’ôtro couché sur le sol de la terre, le corps
déchiré par le vent et le soleil ? 14,751.
I) Et le sage Arjouiia, bien délicat, placé sous le pou-
voir du roi, fds d’Yama, ne passe-t-il point assurément
ses nuits dans la colère, tous ses membres comme agités
par la douleur? 14,752.
» A la vue des jumeaux, et de Krishna, et d'Youddbish-
tbira, et de Bhima, séparés du plaisir, est-ce que ce héros
à la splendeur terrible ne coule ix>int assurément ses
nuits dans la colère, soupirant comme un serpent?
» Et ces jumeaux, qui méritent le plaisir et qui n'ont
pas de plaisir, eux, d’une si grande beauté et qui ressem-
blent à des Immortels dans les deux, l'ème inquiète, en-
vironnés pai- le devoir et la vérité, pour sûr ils se tiennent
constamment éveillési 14,753 — 14,754.
U Ce blanc et vigoureux fils de Maroute, égal au vent
pour la force, il gémit pour sûr, il retient sa colère à cause
' de son frère atné, qui porte à sa main le lacet de la Mort I
» Se roulant sur la terre et désirant la mort de mes fils,
mais retenu par le devoir et la vérité, lui, qui est supé-
rieur à tous les autres dans les combats , il attend que le
moment soit arrivé I 14,755 — 17,750.
I) Ces pai-oles amères, qui sont entrées dans les cœurs,
et que Douççàsana a dites, le jour que Youddhishthira lut
vaincu par la déloyauté, elles brûlent le sang de Vrikau-
dara, comme le feu consume les arbres daus une forêt in-
cendiée! 14,757.
(I) Vrithivyâtmf moU inconnus, «Jont \\ faut chercher dans lei racines
une ait^alficalion aveuturéc.
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VANA-PARVA.
AH
» Est-il possible que le fils d’Yatna ne songe point au
criiueet^iM’ Dbanandjaya même habitechcz luifCe séjour
dans la forêt augmente la colère de Bhîma, comme le
vent accroît la puissance du feu ! 1A.758.
Il Ce héros, consumé par cette colère, broyé ses mains
l’une dans l’autre; il pousse d’une manière é|>oavantable
ses brûlants et longs soupirs, (jui semblent dévorer déjà
mes fils et mes petits-fils. 1A,7Ô9.
1) liTités, semblables à la mort destructive , l’archer,
qui tient l’arc Gùndiva, et Vrikaudara, semant leurs flèches
pareilles à la foudre, ne laisseront rien sub^ster, une fois
le combat engagé, au .sein de l’armée ennemie. 1A,760.
■> Douryodbana, Çakouni, le fils du cochet" et Donççà-
sana, hommes d’une bien faible intelligence, ont vu les'
douceurs de l'action, mais ils n'ont pas vu le précipice,
puisqu’ils ont enlevé le royaume en s’appuyant sur le
jeu! lâ,70d.
Il L’homme, s'il a fait une œuvre bonne ou mauvaise,
en attend le fruit : l’auteur de l'action a nécessairement
son âme égarée par le fruit : comment la délivrance de
l’homme viendrait-elle de ce fruit? 14,762.
Il Ln champ est bien labouré, on y sème des grains, le '
nuage y répand ses pluies dans la saison, et le fruit ne
viendrait pas à sou temps! Cx)inbien moins sa gloire vien-
dra-t-elle d’ailleurs que du destin! c’est ainsi que je
pense. 14,703.
» Ce temps me semble être celui de la mort des Kou-
rouides, parce qu’on s’est déloyalement servi de dés pipés
avec le fils de Pândou, ami de la loyauté, parce que j’ai
suivi moi- même les sentiments de mes fils dépravés.
» L’homme, s'il n’est point exilé, enverra pour sûr en exil ;
«12
LE MAHA-BHARATA.
la femme encelute accouchera, comaie la destruction delà
nuit arrivera au commencement du jour et la destruction
du jour au commencement de la nuit. lA,7(ià — l&,70ô.
Il Nos actes sont la cause des actions des autres. Que
les hommes d'aucune manière ne donnent leurs biens :
autrement, arrivés au temps de se servir des choses, ils
en ressentiraient l'absence. « Comment cela sera-t>il7 ou
avec quoi, diraient-ils, pourrais-je faire cette chose 7
» Comment un secret ne pourra-t-il s'échapper, s'enfuir
ou s'écouler7 » Qu'on le répende, s'il n’est pas un secret,
par cent fuis, dans le monde. Une chose faite ne s'y perdra
point, assurément. 14,766 — 14,767.
» Dhanandjaya est monté de la forêt dans le monde de
Çakra, admirez son courage! et s'en est revenu dans ce
monde, après qu'il eut appris les armes célestes des quatre
espèces. 14,768.
H Quel homme, monté dans le ciel avec son corps, au-
rait voulu revenir ici-bas 7 S'il n'en a pas été ainsi de l'ar-
cher Arjouna, de l'ambidextre, qui tient l'arc Gàndtva à
la fougue épouvantable, c’est qu'il a vu les Kourouides sur
le point de mourir et plusieurs d’entre eux frappés déjà
par la mort ! Qui soutiendrait ici les armes célestes et la
furie de ce héros, le troisièuie det fils de Kounti? »
14,769—14,770.
Le liis de Soubala, dès qu’il eut entendu les paroles du
roi, en avertit Douryodhana, et, s'étant réuni à Karna, cet
homme d'une faible intelligence, en fut tout attristé.
A peine eut-il ouï ce langage du monarque , Çakouni,
assisté de Karna, dit alors en particulier ces mots opportuns
à Douryodhana : 14,771 — 14,772.
« Après que tu as , par ta vigueur , chassé en exil les
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VANA-PARVA.
413
héros fils de Pândou, jouis seul de cette terre, Bharatide,
comme le meurtrier de Çambara jouit du ciel. 14,773.
» Tous les rois, qui habitent à l’orient, au midi, à l’oc-
cident ou au septentrion, ont tous été réduits, puissant
monarque, à te payer des tributs. 14,774.
» Cette éclatante prospérité , qui jadis enveloppait les
fils de Pàndou, elle est venue A toi maintenant, sire, à toi
et à tes frères. 1 4,775.
n Celte prospérité flamboyante , que jadis nous admi-
rions en Youddhishthira , trônant dans Indraprastha,
maintenant, sire, nous la contemplons autour de toi.
» Tes ennemis seront, avant qu’il ne s’écoule un long
temps, en proie aux chagrins. Cette éclatante prospérité,
tu l’as rejetée , par la vigueur de ton intelligence , héros
aux longs bras, loin de ce fameux roi Youddhishthira.
Ainsi les .souverains, Indra des rois, immolateur des héros
ennemis, sont tous obéissants à tes ordres et te disent :
« Quelle chose ferom-nous ? • Elle est à toi entièrement
cette divine terre , sire , avec sa robe des mers , avec ses
montagnes et ses forêts , avec .ses formes de villes et de
villages, cette terre embellie par des monts, avec ses
différents sites de bois.
14,776-14,777—14,778—14,779—14,780.
U Salué par les brahmes, honoré par les rois, tu brilles
par ton courage, sire, comme l’astre du jour dans le ciel
entre les Dieux. 14,781.
Il Tel que le roi Yama au milieu des Roudras , tel que
le fils de Viisou , entouré des Maroutes, tu brilles, sire,
environné de tes Kourouides, comme le roi des constella-
tions. 14,782.
a Ceux , par qui ton ordre ne serait point observé , ne
LE MAHA-BHAKATA.
m
soDt pas sous ta lot. Nous voyons les Pàndouides, la splen-
deur éclipsée, habiter les forêts, là, 783.
» On nous a dit, grand roi, que ces fils de Pàndoii de-
meurent , avec des brahmes , hôtes des bois, près du lao
de Dwallavan.'i. là,78à.
» Avance-toi, sire, orné d’un éclat suprême et consu-
mant, conune le soleil, par ta splendeur ces enfants de
P&ndou. là, 786.
» Placé sur le trône, sire, tourne tes regards sur les fils
de Pândou, tombés du trône, environné de splendeur sur
eux privés de splendeur, regorgeant de biens sur eux dé-
pourvus de richesses, là, 786.
» Que les Pàndouides te contemplent doué d'une grande
famille, florissant d’une brillante fortune, comme Yayâti,
le fils de Nabousha. là, 787.
» Cette prospérité , que tes amis et tes ennemis voient
éclater en ta personne , elle est pleine de puissance , mo-
narque des hommes, là, 788.
» Être dans un lieu plane et voir ses ennemis dans un
lieu inégal, au sommet d’une montagne et les voir dans la
plaine, est-il un plaisir plus grand que celui-là? là, 781).
» On n’obtient, ni par l'acquisition des richesses, ni
par celle d’un fils, ni même par celle d’un royaume,
une satisfaction égale à celle, que l’on ressent de voir ses
ennemis commettre des fautes! là, 790.
I) Quel ne serait pas le plaisir de l’homme, qui, au
comble de ses vamx , pourrait voir Dbanandjaya habiter
dans un hcrmitage, revêtu d’une peau d’antilope et d'un
valkala. là, 791.
» Que tes épouses, splendidement vêtues, contemplent
Krishnà, affublée d’une peau de gazelle et d’un valkala.
VANA-PARVA.
Al 5
malheureuse, rougissant d’elle-mâme, s’adressant des re-
proches et blâmant sa vie, déchue de la richesse. Sa con-
fusion n'aura, certes! pas été aussi grande dans l'assem-
blée, quelle le sera à la vue de tes épouses splendidement
paréesl » 14,792—14,793—14,794.
Quand Çakouni et Karna eurent parlé ainsi de concert
au jeune roi , il se tinrent en silence à la fin de ce dis-
cours. 14,795.
Dès que le prince Douryodhana eut entendu ce langage
de Karna, il redevint joyeux, mais il répondit ces paroles
affligées: 14,790.
« Toute la chose, que tu dis, est déjà arrêtée dans mon
cœur, mais je n’obtiendrai pas la permission d'aller où
résident les fils de Pândou. 14,797.
» Dhritarâshtra , le souverain de la terre , plaint ces
héros ; il pense <|ue la supériorité appartient aux Pân-
douides par l’union de la pénitence. 14,998.
» Que le roi s’aperçoive de ce que nous avons le désir
de faire, il nous refuse la permission par la seule considé-
ration de l'avenir. 14,799.
1) Il n'existe aucune affaire pour nous dans le Dwatta-
vana, prince à la grande splendeur, si ce n’est la perte de
ces hommes, qui habitent dans la forêt. 14,800.
» Tu sais quel langage nous fui adressé par Kshattri,
à moi et à toi également, fils de Sabala, alors qpie régnait
le temps du jeu. 14,801.
■> Me rappelant toutes ces paroles et autre chose, qui
est l’objet des plaintes de mon père, je ne vais pas
lui demander sa permission pour ce voyage, ni autre
chose. 14,802.
» ()e m’est, certes I une grande joie de voir accablés de
Aie
LE HAHA-RHAKATA.
douleur, au milieu d'une forêt, Bhtma et Phâlgouna, en
compagnie de Krishnâ. 1A.803.
» L’acquisition de cette terre elle-même ne me cau-
serait pas une satisfaction égale à celle, que j'éprouverais
en voyant ces fils de Pândou, revêtus d'une peau d’antilope
et d'un valkala ! 1A,80A.
I) Est-ce qu'il y aurait une chose supérieure au plaisiT
de voir DraâupadI, la fille du roi Droupada, habillée d'un
vêtement rouge, au milieu d'une forêt I 1A,805.
Il Si Dliarmarâdja, si le Pândouide Bhtinaséna pouvûent
me voir enveloppé d'une pompe royale éclatante, il me
semblerait alors que je sortisse du tombeau ! IA, 806.
Il Mais je ne vois aucun moyen d’aller au bois, car le
souverain n'autoriserait pas mon départ, accompagné de
Douççâsanaet du fils de Soubala. Imagine donc un moyen
adroit pour que nous puissions aller au bois.
U Moi, qui ai résolu maintenant d'y aller, et qui ai ari-êté
d’autres desseins, j'irai alors d’une manière habile vei'S le
fils dePritlià. 1A,807— 1A,808— lA-,80».
n Pendant que Bhishma, le plus vertueux des Kou-
rouides, et moi, nous sommes encore assis dans ce lieu,
dis-moi avec le fils de Soubala quel moyen vous imaginez.
Il Quand j'aurai entendu la voix de Bhishma et du roi
sur le voyage, j'arrêterai ma résolution en me conciliant
mon grand-père. » 1A,810 — 1A,811.
Après qu’il eut parlé ainsi, tous de s’en retourner à
leurs maisons, et lorsque la nuit fut écoulée, Karna vint
trouver le jeune roi. 1A,812.
11 dit en souriant ces paroles à Douryodhana : « Voici
le moyen, que nous avons imaginé. Écoute-le, souverain
des hommes. 1A,813.
VANA-PARVA.
417
» Ghosha ou le parc de» vachet est dansleDwaltavana :
nons attendons tous que lu nous y conduises. Nous irons
vers les fils de Pândou, sous prétexte de faire un voyage
au parc des vaches : il n’y a pas de doute. 14,814.
» Une excursion au Ghosha fut toujours dans tes habi -
tudes, monarque des hommes : ainsi, ton père ne refusera
point, sire, de t’accorder sa permission. » 14,815.
Dans cette conversation, ils arrêtèrent la résolution d’un
voyage au parc des vaches ; et Çakouni, le roi du Gân-
dhàra, dit en souriant : 14,816.
O Ce prétexte du voyage fut imaginé par moi : le roi
nous accordera sa permission, et même il nous pressera
départir^ 14,817.
» Le Ghosha est dans le Dwaltavana ; tous, nous atten-
dons quel» nous y conduises, monarque des hommes. Nous
irons vers les fils de Pândou, sous prétexte de faire un
voyage au parc des vaches : il n’y a aucun doute. »
Alors, tous en riant ils se donnèrent la main l’un k
l’autre, et, quand ils eurent pris cette résolution, ils s’en
allèrent trouver le roi, le plus grand des Kourouides.
14,818—14,819.
Tons ils virent Dhritarâshtra : ils demandèrent au roi
s’il était content de sa santé, Djanamédjaya, et reçurent
de lui cette même demande. 14,820.
Un pasteur, nommé Samanga, qu’ils avaient d’avance
disposé, annonça au roi Dhritarâshtra que ses vaches
étaient près de ces lieux. 14,821.
Aussitôt après, le fils adoptif de Râdhâ et Çakouni
dirent ces roots au monarque, le meilleur des princes :
« Le parc aux vaches est maintenant en des régions dé-
licieuses, rejeton de Kourou. Voici le moment arrivé pour
IV 27
Ai8
LE MAHA-BH/VRATA.
le recensement et la marque des veaux. 1&,822 — IA, 823.
U Ce temps d’ailleurs nous invite à la ctia.sse : veuille
donc accorder à Uouryudliana, ton lils, la permission de
s’en aller au Chosha. » 1A,82A.
« l.a chasse développe la beauté i il faut donner son
attention aux vaches, répondit Uhritaràshtra; mais il faut
éviter la familiarité avec les pasteurs : tels sont les pré-
ceptes, dont j’ai retenu le souvenir. IA, 825.
» Mais près de là, nous a-t-on dit, sont les filt de
Pândou, ces tigres des hommes. Par conséquent, je ne
puis vous accorder la permission d’aller au Chosha.
» Cxts hommes, vaincus au jeu par la tricherie, sont
déchirés par le chagrin ; ils sont continuellement sous le
joug de la pénitence ; et ces héros, lils de Râdhâ, sont
doués de puissance. IA, 826 — 1A,827.
» Il ne faut pas irriter Dharmarâdja, ni le violent Bhl-
maséiia. Quant à la fille d’Yajnaséna, elle est toute splen-
deur elle-même. 1A.828.
» Si aveuglés par le délire de l’orgueil il vous arrivait
de commettre une injure envers eux, ces héros, doués de
la pénitence, ils vous consumeraient ! 1A,82P.
» Ces guerriers armés, réunis, ceints du cimeteire, en-
veloppés de courroux, ils vous consumeraient par la force
des armes. 1A,830.
» Que vous les rejetiez par le nombre de quelque ma-
nière, est une chose ignoble, supérieure à vous d’ailleurs
et que j’estime impossible. 1 A. 8.31.
» En effet, Dhanandjaya aux longs bras a demeuré dans
le monde d'Indra ; il en est revenu au milieu des bois,
après qu'il eut obtenu les armes célestes. IA, 832.
» l.a terre fut jadis vaincue par Bibhatsou, avant qu’il
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VANA-PARVA.
âl»
n’eût fait l’étude des armes ; combien plus ce héros pour-
rait-il en triompher maintenant qu'il a cette connaissance.
» Ou, ayant entendu ma parole, vous ferez vos efforts
pour la suivre ; tinon votre habitation sera pleine de
troubles, et la peine naîtra de votre confiance.
14,838—18,884.
D Ou certains guerriers commettront des offenses à
l’égard d’Youddhishthira : cet acte, marqué au coin de
l’inintelligence, causera votre faute. 14,835.
I) Que des hommes, serviteurs deconliance, aillent donc
pour le recensement : il ne me plaît pas, Bharatide, que
tu t’y rendes en personne. » 14,836.
0 L’ainé des Pàndouides connaît le devoir, reprit Ça-
kouni ; il s’est lié par une promesse faite dans l’assemblée:
il doit haltiter dans le bois douze années,' fils de Bharata.
1 Tous les fils de Pàndoului obéissent et marchent dans
le seniier du devoir ; Youddhisbthira, le fils de Kountt,
ne pourra donc s’irriter contre nous, rejeton de Bharata.
. 14,837—14,888.
» Le désir d’aller à la chasse nous tourmente beaucoup:
nous désirons faire les recensements et non voir ces en-
fants de Pândou. 14,839.
» Personne ne se conduira là avec bassesse : nous n'irons
pas au lieu où est leur habitation. » 14,840.
A ces mots de Qakouni, Dhritarâshtra, le souverain des
hommes, donna à contre-cœur sa permission à Douryo-
dhana et aux conseillicrs du prince. 14,841.
Ayant pris congé de ton père, le lils de Gândàrl, le plus
grand des Bharatides, sortit, accompagné de Karna, au
milieu d’une nombreuse année. 14,842.
11 était environné de femmes par milliers, de Douççâsana,
420
LE MAHA-BHARATA.
de l'ingénieux fils de Soubala, de ses frères et d'autres.
Tous les habitants de la ville suivirent avec leurs
épouses, dans ce bois, le prince aux longs bras, qui sor-
tait pour visiter le lac Dwaitavana. 14,843 — 14,844.
11 emmenait huit mille chars, trois myriades d'éléphants,
des fantassins par nombreux milliers, et quatre-vingt-dix
centaines de chevaux. 14,845.
Il avait des charrettes, des boutiques, des marchands,
des poètes encomiastes, des hommes adonnés à lâchasse,
par centaines et par milliers. 14,840.
lin bien vaste bruit environnait le pnnce dans sa
marche : tel, dans la saison des pluies, monarque des
hommes, un grand vent furieux. 14,847.
Le roi Doui^odhana s'étendait alors sur l’étendue d’un
gavyoûti ; et le lac Dwaitavana était rempli des véhicules
du monarque, qui s’avançait. 14,848.
Le royal Douryodhaua s’en allait, habitant çàet là dans
la forêt : il mit sa demeure près du parc aux vaches.
Les hommes firent leurs habitations dans un lieu aux
grands arbres, aux limpides ondes, délicieux, recherché
et doué de toutes les qualités. 14,849 — 14,860.
Les maisons particulières de Karna, de Çakouni et de
tous ses frèius étaient nombreuses et voisines de son
palais. 14,861.
Le prince vit les vaches alors par centaines et par
milliers ; il les marqua toutes par des signes et des em-
blèmes. 14,852.
11 fit des marques sur les veaux, il en prit connaissance
en s’approchant d’eux ; il compta même les vaches, qui
avaient des veaux nouvcaux-nés. 14,86.3.
» Quand il eut fait le recensenient et qu’il eut marqué
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VÀNA-PARVA. ' m
celles, qui étaient âgées de trois ans, le rejeton de Kourou
joyeux s’amusa, environné des pasteurs. 14,854.
Tous les habitants de la cité et les guerriers par mil-
liei*s se divertirent à cœur joie comme des Immortels au
sein de cette forêt. 14,855.
Ensuite les pasteurs les plus habiles dans le chant, dans
la danse et à faire résonner les instruments de musique,
servirent les fils de Dhritarâshtra de concert avec les jeu-
nes filles dans leur plus belle parure. 14,856.
Le roi joyeux, environné de ses femmes, leur distribua
des richesses suivant leur mérite, des aliments divers et
différents breuvages. 14,857.
Après qu’ils se furent réunis tous, ils se mirent à chas-
ser de tous côtés les hyènes, les buffles, les antilopes, les
gayals, les ours et les sangliers. 14,858.
Quand ses flèches eurent taillé en pièces de nombreux
éléphants dans la forêt, Douryodhana fit prendre les ga-
zelles dans ces délicieuces contrées. 14,859.
Goûtant du laitage, savourant mille jouissances, fils de
Bharata, contemplant ces bois et ces bocages charmants,
où murmuraient des abeilles enivrées, où gazouillaient les
oiseaux, il parcourut successivement ce lac saint «lu Dwaî-
tavana, habité par des mouches à miel ivres d’amour, ré-
sonnant des chants du gallinule, rempli de saptatchadas,
chargé de mimusops et de lotus. 14,860-14,861-14,862.
Nageant au sein de la plus haute félicité, comme le grand
Indra, qui tient la foudre, le filsd’Yama, Youddhishthira,
se tenait dans ce bois de sa libre volonté. 14,863.
Il sacrifiait, souverain des hommes, ô le plus vertueux des
Kourouides, avec le sacrifice des rois saints, cérémonie ins-
tantanée, céleste, diverse, faite avec les présents des forêts.
A22
LE M AHA-raARATA.
Le sage monarque , accompagné de sa chaste épouse
Draàupadi, avait fixé, rejeton de Kourou, son habitation
près du lac. 14,8(5i — 14,8rt5.
Alors Douryadhana prescrivit cet ordre à des serviteurs
par milliers : « Construisez-moi promptement des maisons
d'amusement. » 14,866.
n Oui 1 » répondent au Kourouide ces hommes, obéis-
sants à sa volonté; et ils se rendent aux rives du lacDwat-
tavana, désirant y bâtir ces maisons d’agrément. 14,867.
Les Gandharvas sur le rivage repoussèrent le gros de
l’armée du Dbritarâshtride , qui entraient dans le bois et
s’avançaient vers le lac Dwaltavana. 14,868.
Entouré de Ganas, le roi des Gandharvas était revenu
précédemment, roi des hommes, du palais de Kouvéra.
Ami des amusements, il avait environné ce lac pour
ses jeux avec des troupes d’Apsaras et des fils de Tri-
daças. 14,869 — 14,870.
Quand ils virent ce lac cerné, les serviteurs du roi s’en
revinrent, sire, où était le prince Douryodhana. 14,871.
A peine eut-il entendu leurs paroles , descendant de
Kourou , il envoya des guerriers , altérés de combats :
n Faites-les retirer I B dit-il. 14,872.
Dès qu’ils eurent ouï ces mots du roi , les conducteurs
de l’armée s’en furent au lac Dwaltavana et tinrent ce
langage aux Gandharvas :
« Il est un roi puissant, le fils de Dhritarâshtra, qui est
nommé Doui7odhana : il est venu, désireux de s’amuser ;
retirez-vous à cause de cela! » 14,873 — 14,874.
A ces mots, les Gandharvas répondirent en riant, maî-
tre des hommes, ces paroles mordantes aux guerriers :
« Le roi Souyodhana à l’intelligence étroite ne nous
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VANA-PABVjI.
m
connaît pas, lui, qui nous donne à nous, habitants du ciel,
ses ordres comuie à des Vaiçyas. 14,875 — 14.870.
1) S.ans doute, vous désirez mourir, hommes de peu de
science, ioseusés, qui venez nous parler ainsi d'après ses
paroles. 14,877.
» Retourncz-vous-en vite aux lieux où est ce roi, issu
de Kourou : si vous ne le faites à l'instant même, vous
allez tous descendre au séjour de Dharmarâdja. a
A ce langage des Gandharvius, les chefs de l’armée cou-
rurent là où était le roi, fils de Dhritaràshtra.
14,878—14,870.
Ils s'approchèrent tous de compagnie vers Douryo-
dbana, et lui rapportèrent, puissant roi, ce que les Gan-
dbarvas avaient dit sur les Kourouides. 14,880.
Rempli de colère à la nouvelle que les Gandharvas
avaient arrêté son armée, l'auguste Douryodhana adressa,
Bharatide, les paroles suivantes à ses guerriers : 14,881.
« Punissez ces gens vicieux , qui s’opposent à ce qui
m’est agréable, (’.atakratou avec tous les Dieux folâtrât-il
en ces lieux!» 14,882.
A ces mots de Douryodhana, tous les robustes guerriers
de Dhritaràshtra , couverts de leurs armes, par milliers,
écrasent tous les gardiens, entrent de force dans la forêt,
et remplissent d’un immense cri de guerre les dix points
de l’espace. 14,883—14,884.
Les guerriers de Kourou trouvèrent d’autres Gandhar-
vas pour les empêcher : arrêtés même par des mots ca-
ressants, souverains de la terre, ils ne prêtèrent aucune
attention aux prières de ces Gandharvas et ils entrèrent
dans la grande forêt. Voyant que les Dhritaràshirides et
leurs chefs ne s’arrêtaient pas à leurs paroles, tous ces
LE MAHA-BHARATA.
hU
Génies ailés vinrent l’annoncer à Tchitraséna. Le m des
Gandharvas, Tchitraséna en colère dit alors au sujet de
tous ces enfants de Kourou : « Cliâtiez-moi ces gens
vils ! » Les Gandharvas, Bharatide, autorisés par sa per-
mission» lâ,885 — 14,886 — 14,887 — 14,888.
Saisissent leurs armes et courent tous sur les Dhrita-
ràshtrides. A la seule vue des Gandharvas, qui accourent,
les armes levées, d’un pied hâté, ils s’enfuient tous aux
différents points de l’espace, sous les yeux mêmes de Dou-
ryodhana. Quand il vit tous ses guerriers tournant le dos en
déroute, le fils héroïque de Râdhâ ne prit pas alors la fuite ;
mais, à l’aspect de la grande armée des Gandharvas, qui
accourait, Râdhéya les airôta av''c une grande averse de
flèches, avec des traits en pied de cheval, avec des bhallas,
avec des dards, qui figuraient une dent de veau, avec des
flèches de fer. 14,889 — 14,890 — 14,891 — 14,892.
L’héroïque fils du cocher abattit par centaines les Gan-
dharvas, grâce à sa légèreté, et trancha leurs membres
supérieurs. 14,893.
Dans un instant, il eut dispersé toute la grande armée
de Tchitraséna. Frappés de ces coups par l’habile fils du
cocher, les Gandharvas l’assaillirent d’une attaque plus
violente par centaines et par milliers. La terre fut dans
un moment couverte de Gandharvas 14,894 — 14,895.
Par les guerriers de Tchitraséna, qui accouraient,
pleins d’une grande impétuosité. Alors le roi Douryo-
dhana, et Çakouni le 111s de Soubala , et Douççâsana , et
Vikarna, et d’autres Dhritarâshtrides fondirent sur cette
armée avec des chars, qui imitaient le bruit du vol de Ga-
rouda. 14,896 — 14,897.
Ils mirent Kama à leur tète et renouvelèrent le corn-
VANA-PARVA.
m.
bat, avec les évolutio»s d’une grande multitude de chars.
Défendant Vraikarthana , ils remplirent de traits l’ar-
mée des Gandharvas. On voymt alors tous les Gandhar-
vas tomber avec les Kourouides. lA, 898— 14,899.
Alors s’élève un combat très-tumultueux , horripilant
d’épouvante. Accablés de flèches, les Gandharvas n’avaient
plus qu’une valeur émoussée. 14,900.
Les Kourouides poussent de hautes clameurs, en voyant
faiblir les Gandharvas. A l’aspect de ses guerriers , qui
tremblent, Tchitraséna en courroux s’élança furieux de
son tréne, dirigeant sa peusée vers la mort des ennemis ;
il recourut à l’astra de la magie, et combattit avec la
science des routes différentes. 14,901 — 14,902.
Cette magie de Tchitraséna jeta dans régarementl’esprit
des Kourouides. Les guerriers de SOuyodhana croyaient
alors , noàie rejeton de Bharata, avoir chacun à combattre
avec dix et dix Gandharvas. Ensuite, accablés par
une grande armée , ces Kourouides, qui avaient désiré
vaincre , s’enfuirent çà et là sur le champ de bataille.
Les armées du Dbritarâshtride, sire, étaient entière-
ment rompues; mais Karna, le fils du soleil, se tint,
immobile comme une montagne. Douryodhana, et Karna,
et Çakouni, le fils de Soubala, tous les trois horriblement
blessés, soutinrent le combat des Gandharvas. Tous ceux-
ci, doués d’une force supérieure, fondirent de compagnie,
par centaines et par milliers, avec l’envie de le tuer, sur
Kai’na, tenant à leur main des épées, des pattiças, des
tridents et des massues. ( De la stance 14,903 à la stance
14,908.)
Désireux de lui arracher la vie , ils enveloppèrent de
toutes parts le fils adoptif du cocher. Les uns blessèrent
436
LE MAHA-BHARATA. '
son attelage, les autres abattirent son drapean. 14,609.
Ceux-ci firent tomber leurs coups sur le bout du timon,
ceux-là sur le joug, plusieuis sur le cocher, certains sur
l’ombrelle, les uns sur les rebords du char, les autres sur
son diadème. 14,010.
Les Gandharvas en nombreux milliers dispersèrent son
char en morceaux aussi petits que des graines de s'same.
Alors, le fils adoptif du cocher sauta en bas du char, l'é-
pée à la main, le bouclier au bras, et, montant sur le char
de Vikarna, il stimula les chevaux pour sa délivrance.
Quand les Gandharxas, roi puissant, eurent rompu le
héros Karna, toute son armée prit la fuite sous les yeux
du Dhritaràshtride. 14,911 — 14,912 — 14,013.
Dès qu’il vit courir en déroute tous ses guerriers, le
grand roi ne les imita point. 14,914.
A peine eut-il vu la grande armée des Gandharvas ac-
courir, le héros, dompteur des ennemis, fit pleuvoir sur
elle une orageuse averse de flèches. 14,915.
Mais, sans tenir compte de cette pluie de traits , les
Gandharvas entourent son char et, désireux de le tuer,
ils enveloppent Douryodhana de tous les côtés. 14,916.
Us dispersèrent sous leurs flèches en morceaux aussi
menus que la graine de sésame le joug, le timon, les re-
bords de son char, son drapeau, son cocher, ses chevaux,
le trirènou et sa couche. 14,917.
Aussitôt que Tchitraséna aux longs bras vit Dnuryo-
dhana sans char et tombé à terre, il courut et le fit vivant
son prisonnier. 14,018.
Cet Indra des rois tombé dans les fers, les Gandharvas
enveloppèrent de tous les côtés et cernèrent Douççàsana,
placé sur son char. 14,919.
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./ VANA-PARVA.
hV!
Les uns luirent Vîvinçati et /« Dnçarathide Tchitraséna,
les autres Binda et Anoubinda; ils firent prisonnières les
épouses du roi entièrement, et coururent de düTéronts cAtés.
L'armée du fils de Dhritarâshtra fut dispersée tout à
fait par les Gandliàrvas. Après cette défaite, ils s’en furent
de compagnie trouver les fils de Pàndou. li,020>li,9'2i.
Ils avaient le joug des chars, les habits, l'orgueil et les
chars mêmes entièrement brisés : ils vinrent implorer le
secours des PAndouides , après que le monarque eut été
pris. lè,922.
Les guerriers diient :
« Le roi, fils de Dhritarâshtra, à la grande force, aux
longs bras, qui ne voyait que des choses aimables, a été
fait prisonnier par les Gandharvas : venez à son secours,
enfants de Prithâ. 1&,923.
» Douççâsana, Dourvisaha, Dourmoukha et Douijaya,
enchaînés, sont dans les prisons des Gandharvas : toutes
les femmes du roi ont été prises. » 1A,92A.
Affligés, consternés, tourmentés par le désir de revoir
le roi captif, tous les ministres de Douryodbana vinrent
trouver Youddhishthira, en jetant ces plaintes. 1A,925.
Bhlmaséna répondit ainsi à ces vieux conseillers de
Douryodhana, tristes, émus par le chagrin, qui mendiaient
le secours d’Youddhishthira : lâ,926.
a 11 vous faut déployer un grand effort, vous armer,
monter sur vos chevaux et sur vos éléphants pour défaire
ce qui a été fait par les Gandharvas. li,927.
» Si vous agissez autrement, vous obtiendrez des ré-
sultats différents. C’est une affaire, qui fut mal conseillée
maintenant à ce roi, qui jndû nul jouer un jeu perfide.
n C'est abattre l'ennemi d’un eunuque I » avons-nous
Â28
LE MAHA-BHARATA.
ouï dire ; mais ces Gandbarvas ont fait ici, sous nos yeux,
une chose plus qu’humaine. 1â,928 — 14,929.
» Par bonheur, il existe dans le monde un certmn
homme, porté à vous obliger : il vous enlèvera ce fardeau
et vous apportera un plaisir, qui ne vous coûtera que la
peine de C attendre^ tranquillement assis. 14,930.
» Cet insensé ciésire vous voir d’un lieu plane, vous,
jetés sur un sol raboteux, déchirés par la pénitence, ayant
à supporter le soleil, le vent et la froidure. 14,931.
» Ils éprouvent donc maintenant la défaite, ces hommes,
qui se modèlent sur le caractère de ce méchant rejeton de
Kourou, le disciple du vice ! 14,932.
» Le vice est toujours commis par l’homme, à qui il fut
enseigné. Je dis cela en présence de vous, innocents fils
de Kountl. » 14,933.
Le roi Y ouddhùhthira répondit à Bhimaséna, qui par-
lait ainsi et terminait son discours : « Ce n’est point ici le
moment de ces paroles amères I » 14,934.
» Comment tiens-tu un tel langage à ces enfants de
Kourou, tombés dans le malheur, tourmentés parla crainte
et conduits vers nous par le désir du secours. 14,935.
» Des divisions et des querelles existent dan s les parents ;
des inimitiés sont allumées entre eux ; mais cela n’ entraîne
pas la perte du devoir à l’égard de la famille. 14,936.
n Quand une personne, étrangère aux liens de parenté,
réclame l'appui d’une famille, les sages ne souffrent pas
que cet homme soit maltraité par un étranger. 14,937.
» Cet insensé Douryodhana sait assurément que nous
habitons ici depuis long-temps. Lorsqu’il nous a vaincus
ainsi, il a fait, certes, une chose, qui nous fut désagréable.
» Douryodhana pris de force par les Gandbarvas, ses
VANA-PARVA. 42»
femmes outragées, seigneur, c’est nous ravir notre fa-
mille à nous-mêmes ! 14,938 — 14,93».
» Levez-vous, tigres des hommes, pour sauver notre
famille et ces malheureux, qui implorent notre appui!
Tenez-vous prêts, sans perdre de temps ! 14 »40.
» Arjourna, les jumeaux et toi, qui es un héros invin-
cible, délivrez, intrépides guerriers, Douryodhana des fers
du prisonnier. 14,941.
« Ces chars éclatants des fils de Dhritarâshtra, aux
drapeaux d’or, sont pleins de toutes les armes. 14,942.
» Montez sur ces chars bruyants, toujours prêts, con-
duits par Indraséna et les autres cochers, qui ont la science
des armes. 14,943.
U Debout sur les chars, livrez avec ardeur le combat
aux Gandharvas, et déployez sans paresse vos elTorts pour
la délivrance de Souyodhana. 14,944.
n Tout homme, s’il est kshatrya, doit, sa lance au poing,
défendre l’ennemi, qui est venu ici implorer du secours :
à plus forte raison le dois-tu, Vrikaudara. 14,946.
» Qui pourrait voir avec indifférence un ennemi, tombé
dans la nécessité d’un appui et criant, les mains jointes :
a Viens à mon secoura I » et conserverait ici-bas sa no-
blesse 7 14,946.
» Le don des grâces, l’acquisition d’un royaume, la
naissance d’un enfant, ces trois choses réunies re valent
rien de plus que ne vaut le seul fait de sauver un ennemi
du malheur. 14,947.
» Souyodha, tombé dans l’infortune, cherche à sauver
sa vie, en recourant à la force de ton bras, est-il rien de
supérieur à cela? 14,948.
I) Je volerais moi-même à son secours, Vrikandara, si
6S0
LE MAHA-BHARATA.
mon sacrifice n'était pas commencé : c'estU, héroa, ce qui
me fait ici balancer. lé,OAO.
» Efibrce-toi, Bhlma, rejeton de Kourou, de sauver
Souyodhana par tous les moyens, en commençant par ce-
lui même de In conciliation. 1A,9Ô0.
» Si le roi des Gandharvas ne se rend pas au langage
conciliant, sauvez Souyodhana en usant du courage, sans
rigueur. lâ,951.
» Et si Bhtma ne réussit pas à sauver les enfants de
Kourou avec une valeur douce, comprimez les ennemis et
délivrez nos cousins par tous les moyens ! 1A,952.
Il Certes! il ne m’est pas défendu, Vrikaudara, de te
donner ces instructions dans l'instant même, où mon grand
sacrifice s'accomplit au sein du feu. » 1 A.9.53.
Aussitôt qu'il eut entendu ces paroles d'Adjâtaç.atrou,
Dhanandjaya de se lier en ces termes, devant son frère
aiué, pour la délivrance des enfants de Kourou : 1A,9ÔA.
n Si les Gandharvas refusent de rendre les Dhritarâsh-
trides àdes paroles conciliantes, la terre aujourd’hui même
boira le sang du roi des Ghandharvas I » 1A,9Ô3.
A peine eurent-ils ouï la parole d'Arjouna, qui jamais
n'avait dit un mensonge, la vigueur revint bien vite au
coeur des rejetons de Kourou. 14,95(5.
Au langage d’ Youddhisbtbi ra, tous ces vaillants hommes,
à commencer par Bhlmaséna, s'exaltèrent, le visage en-
flammé d’une noble ardeur. 14,957.
Ensuite, tous ces héros endossent, fils de Bharata, leurs
dilfércntes cuirasses d'or iiubrisables. 14,958.
Ils prirent leurs diverses arra'^s célestes, et, revêtus de
cuirasses, montés sur de% chars, ombragés de drapeaux,
munis de sièges et de flèches, on vit les l’âûdouides briller
Digitized by Coo^Ic
./ -/V-ANA-PARVA. f
à$l
. tous comme des feux flamboyants. Portés sur ces chars
bien doués, attelés de rapides coursiers, les plus éminents
des hommes, qui possèdent un char, s’avancèrent à pas
rapides, et une vaste clameur des armées de Kourou
s’éleva au milieu des airs. 1A,959 — 1A,960 — 14,961. •
Les héros ailés, qui avaient triomphé dans le premier
.combat, virent approcher, tous réunis, les vaillants guer-
riers, fils de Pcàndou. 14,962.
Ceux-ci en un moment arrivèrent de compagnie dans
ce bois avec intrépidité : tous les Gandharvas reculèrent,
malgré la confiance, que leur avait inspirée ce premier
succès. 14,963.
Ils virent les fils de Pândou, habiles dans les combats,
montés sur des chars; ils les virent resplendissants de lu-
mière, vigilants comme les gardiens du monde. 14,964.
Les grandes armées, habitantes du mont Gandhamâ-
dana, s’arrêtèrent. Alors, se rappelant cette parole dusage
roi, fils d’Yama, qu’ils avaient entendue, les Pândouides
commencèrent à combattre avec une valeur douce; mais
les guerriers du roi des Gandharvas ne se montraient pas
avec uu courage sans ardeur. 14,965—14,966.
Voyant qu’ils ne pouvaient obtenir la paix avec la dou-
ceur, l’Ambidextre, immolateur des ennemis, dit ces mots,
que précédait une caresse,- à ,ces innombrables Génies
ailés : a Relâchez le roi Souyodhana, mon cousin ! »
Les Gandharvas, à qui s’adressaient les paroles de
l’illustre fils de Pàndou, répondirent ces mots en souriant
au fils de Prithâ: 14,967 — 14,968 — 14,969.
« Nous exécutons sur la terre, mon enfant; les paroles
d’un monarque. Une fois counuson ordre, nous marchons,
libres d’inquiétudes. 14,970.
LE MAHA-BHARATA.
âS2
» Nous agissons de la manière, qui nous est commandée
par lui seul : il n’existe pas un maître de nous, autre que
ce roi des Dieux. » 14,971.
A ces paroles, Dhanandjaya, le fils de Rountt, répondit
ces mots aux Gandharvas ; 14,97*2.
« Le roi des Gandharvas ne vous a pas commandé cette
action honteuse: de vous attaquer aux enfants de Manou,
et d’outrager les femmes de votre ennemi ! 14,978.
» Ouvrez les portes de la prison à ces fils de Dhrita-
Hlshtra, à la grande vigueur ; mettez en liberté ces femmes
sur l’ordre seul de Dharmarâdja I 14,974.
» Si vous ne relâchez pas, séduits par la douceur, ces
fils de Dhritarâshtra, eh bien! ma vtûllance seule mettra en
liberté Souyodhana ! » 14,976.
Aussitôt qu’il eut dit ces mots, l’ambidextre Dhanan-
djaya, le fils de Prithâ, envoya sur ces Génies allés, ses
flèches, volatiles acérés. 14,976.
Soudain, commençant l’attaque, les Gandharvas, ivres
de leur force, répandirent une pluie de traits sur les
Pândouides, et les Pàndouides sur les habitants dn ciel.
Alors s’éleva, Bharatide, un combat tumultueux des ra-
pides Gandharvas et des fils de Pàndou, à la fougue épou-
vantable. 14.977—14,978.
Les Gandharvas, munis d’armes célestes et parés de
guirlandes d’or, décochèrent des flèches enflammées et
enveloppèrent l’ennemi de tous les côtés. 14,979.
Les quatre héros Pândouides résistèrent dans cette ba-
taille aux Gandharvas par milliers : c’était comme une
merveille. 14,980.
Ce que les Gandharvas avaient fait du char de Rama et
du char monté par le Dhritarâshtride, qu’ils avaient mis
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VANA-PARVA. 433
tons les deux en morceaux, ils le firent également pour
ceux des fils de Pàndou. 14,981.
Plusieurs fois, ces tigres des hommes accueillirent avec
des pluies de flèches les Gandharvas, qui accouraient par
centaines au combat. 14,982.
Inondés partout de cesaverses de traits, les Gandharvas
ne pouvaient tenir auprès des fils de Pàndou. 14,983.
Alors Arjouna, irrité et voyant les ennemis furieux,
commença à mettre en jeu les armes célestes. 14,984.
Ivre de sa vigueur, il dépêcha, avec le trait d’Agni,
dans ce combat, des milliers de mille Gandhan as pour les
demeures d’Yama. 14,985.
En même temps, Bhima au grand arc, le plus fort des
hommes forts, immolait dans la bataille les Gandbar\as
par centaines sous des flèches acérées. 14,980.
I.es deux fils de Màdri cond)attant, iuimenses dans leur
force et vainqueurs au premier rang, abattaient l'ennemi
sous des traits aigus. 14,987.
Enfin, blessés par ces héros, armés d’astras divins, les
Gandharvas s’envolent, emportant avec eux les fils du roi
Dhritarà-shtra. 14,988.
A peine les eut-il vus déployer leur essor vers la fuite,
le fils de Kounti, Dhanandjaya, sire, les couvrit de tous
les côtés avec une grande averse de flèches. 14,989.
Blessés par cette multitude de dards, comme des oiseaux
dans une cage, ceux-ci de colère firent pleuvoir sur Ar -
jouna des orages de .sabres, de lances en fer et de massues.
Versé dans la science des plus grands astras, Dhanan-
djaya paralysa toutes ces pluies de sabres, de piques eu
fer et de massues ; puis, il trancha avec des bhallas les
membres des Gandharvas. 14,990 — 14,991.
iv
28
LE MAHA-BHARATA.
hU
Les têtes, lesjanibes et les bras tombants, c'était comme
une pluie de pierres, qui jetait la crainte au cœur des
ennemis. li,TO2.
En but aux traits du magnanime Pândouide, les Gan-
dharvas, du haut des airs, où ils se tenaient, l’inondèrent
avec une pluie de flèches, lui, placé sur le sol de la terre.
Mais le splendide ambidextre, meurtrier des ennemis,
ayant arrêté ces averses de traits avec desastras, frappait
de coups les Gandharvas. — lA,99è.
Le rejeton de Kuurou, Dhanandjaya, d’envoyer le trait
de Lunus, l’ Incendiaire, la Déceptioa-des-sens, le Solaire
et le Stboûlàkarna. 1A,995.
Blessés par les flèches du fils de Kounti, comme les
Daityas jadis par Indra, les Gandharvas tombèrent dans
une terreur profonde. lâ,996.
Ils ne pouvaient s’élever en haut, empêchés parla mul-
titude des traits, et les bhallas de l’ambidextre les em-
pêchait de voler çà et là dans les airs. 14,997.
Quand il vit ses Gandharvas trembler, Bharatide,
devant le fils deKountî, Tchitraséna de saisir sa massue
et de fondre sur l’ambidextre. 14,998.
II accourait d’un pied rapide, sa massue au poing, sur
le champ de bataille ; mais le Prilhide lui trancha en sept
morceaux avec das flèches .sa massue toute en fer.
Lorsqu’il vit que les traits du héros avaient mis sa
massue en plus d’un fragment, il se couvrit de la science
et combattit le fils de Pàndou. 14,999 — 15,000.
Il mit en œuvre tous ses astras divins, mais le héros
Arjouna de les paralyser avec des astras non moins
divins. 15,001.
tjiiand il vit le magnanime Arjouna neutraliser tous
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VANA-PARVA.
Â3Ô
ses astras, le puissant roi des Gandharvas disparut alors,
caché dans la magie. 15,002.
A peine eut-il vu son ennemi combattre caché, Arjouna
de le blesser avec des flèches enchantées par des astras
célestes. 15,003.
Dhanandjaya aux formes multiples de lui porter dans
sa colère des coups mortels en cet état, qui le dérobait aux
yeux, de terrifier l’ennemi et de le glacer d’épouvante.
Atteint par les flèches du magnanime Arjouna, il se
montra enfin lui-même; et, devenant un cher ami,
Tchitraséna lui tint ce langage : « Sache que je suis ton
ami dans la guerre I » Dès qu’il vit son ennemi amené par
sa faiblesse à de tels sentiments, l’éminent fils de Pàndou
retira sa flèche à moitié lancée. Voyant Dhanandjaya
ramener son dard, tous les Pàndouides
15,00é— 15,005—15,006— 15,007.
Continrent leurs chevaux courants, leurs arcs et la
fougue de leurs flèches. Tchitraséna, et Bhîma, et l’am-
bidextre, et les deux jumeaux de s’enquérir mutuellement
des conditions de leur sauté, et de rester montés sur leurs
char. 15,008 — 15,000.
Ensuite Arjouna dit en souriant à Tchitraséna : « Tu es
au milieu des guerriers Gandharvas un héros à la grande
splendeur. 15,010.
» Pourquoi as-tu pris la résolution, héros, de retenir
dans les fers ces enfants de Kourou ? Et pourquoi as-tu
fait Souyodhana prisonnier de guerre avec ses femmes? »
« 11 faut que tu saches, Dhanandjaya, pendant que tu
es ici, lui répondit Tchitraséna, quelle intention avaient
ce Douryodhana à l’âme inique et ce criminel Karna.
15,011—15,012.
Lli MAHA-BHARATA.
A36
» Sachant que vos altesses habitaient ces bois, en
proie à la douleur et comme des abandonnés : « Je les
verrai d’un lieu plane, s’étaient-ils dit, eux, placés dans
un lieu inégal, où ils ne peuvent arrêter leur pied ! »
» Ils sont venus vous bafouer et se rire de l’illustre
Draâupadî. Connaissant ce qu’ils désiraient faire, le
souverain des Dieux m’a dit : 15,013 — 15,01A.
« Va ! Enchaîne Douryodhana avec ses ministres et
amène-le ici ! mais il te faut épargner dans ce combat
Dhanandjaya avec ses frères. 15,015.
» Le (ils de Pàndou sera ton cher ami et deviendra ton
disciple. » A ces paroles du roi des Dieux, je suis vîte
accouru ici. 15,016.
» J’ai enchaîné cet homme pervers ; je retourne au
séjour des Dieux ; je vais y conduire ce méchant d’api’ès
l’ordre de Pâkacâsana. » 15,017.
' « Souryodhana est notre cousin, rends-lui sa liberté,
Tchitraséna, à l’ordre de Dharmarâdja, si tu veux faire
une chose, qui m’est agréable. » 15,018.
« C’est un scélérat, toujours content du mat^ reprit
Tchitraséna ; il ne méiite pas sa délivrance. C’est lui,
Dhanandjaya, qui a trompé Vouddhishthira et Krishnâ.
» Cæ n’est point là ce que Yonddhishthira, le fils de
Kountî, veut faire de lui. Quand il aura appris cela de
notre bouche, fais alors ce que tu désires. »
Ils se rendirent tous auprès du roi A'ouddhishtlira :
arrivés devant lui, ils racontèrent tout ce que désirait
Arjouna. 15,019 — 15,020 — 15,021.
» Aussitôt que Adjàtaçatrou eut entendu les paroles du
(iandharva, il rendit la liberté à tous les Dhritaràshtrides
et dit aux Gandharvas : 15,022.
VANA-PARVA. .
A87
« Heureusement, vos excellences vigoureuses et puis-
santes n’ont pas fait de mal à ce méchant Douryndhana,
non plus qu’à ses ministres, ses parents et ses proches.
» Un grand service nous a été rendu par vous, Génies
ailés. Rendre sa liberté, mon fils, à ce pervers, ce n’est
pas mépriser notre famille. 13,023 — 13,02A.
» Dites quels sont vos désirs : nous sommes contents
d’avoir pu jouir de votre vue. Quand vous aurez obtenu
ce que vous souhaitez, retournez chez vous, sans tarder.»
Ainsi congédiés par le sage fils de Pàndou, les Gan-
dharvas s’en revinrent joyeux avec les Apsaras, Tchitra-
séna à leur tête. 15,025 — 15,020.
Le roi des Dieux versa môme une pluie d’ambroisie :
elle rendit la vie aux Gandharvas morts, qui avaient
succombé dans le combat sous les traits des rejetons de
Kourou. 15,027.
Le filt de Kounti délivra toutes les épouses du roi, ses
parentes ; et, quand ils eurent consommé cet exploit dif-
ficile, les fils de Pàndou ressentirent de la joie. 15,028.
Honorés par les rejetons de Kourou, par leurs fils et
par leurs femmes, les magnanimes Pândouides resplen-
dirent alors comme des feux au milieu d’un sacrifice.
Alors Youddhishthira dit avec bienveillance ces mots
à Douryodbana, remis en liberté, accompagné de ses
frères ; 15,029 — 15,030.
« Ne commets jamais une telle ollènse dans aucun lieu,
mon fils, car les faiseurs d’offense ne réussissent pas à
leur gré, Bharatide. 15,031.
» Retourne heureux dans ton palais, à ton aise, en la
compagnie de tes frères, rejeton de Kourou, et ne commets
plus une telle absence d’esprit. » 15,032.
IBS
LE HABA-BH4RATA.
Congédié avec ces mots du Pàndouide, le roi Douryo-
dbana, malade et comme s'il avait perdu les sens, s'inclina
devant le fils d'Yama, 15,033,
Et dévoré de soucis, plein de confusion, il retourna dans
sa ville. Après son départ, le fils de Kountl, l'héroïque
Youddhishthira, accompagné de ses frères, honoré des
brahmes, entouré de tous les ascètes, comme Indra est
environné des Immortels, passa le temps dans ce Dwalta-
vana, savourant le bonheur. 15,03A — 15,035 — 11,036.
Djanamédjaya dit :
n Après qu'il eut été vaincu dans un combat, enchaîné
comme prisonnier, délivré ensuite par les magnanimes
Pàndouides, il me semble que sa rentrée dans Hâstina-
poura dut être diflicile pour ce méchant Douryodhana, à
l’àme pleine d'iniquités, orgueilleux, vantard, arrogant,
toujours superbe, .sans cesse méprisant les fils de Pândou
pour leur générosité et leur courage, ayant continuelle-
ment des paroles d'orgueil à sa bouche.
» Raconte-moi en détail, Valçampàyana, l'entrée de cet
homme, plein de confusion, l'âme rongée par le chagrin. »
15,037—15,038—15,039—16,040.
Valçampàyana lui répondit :
11 fit dételer ses chars en des lieux favorisés d'eaux et
de prairies ; il se reposa enfin dans cette partie de la terre
délicieuse et charmante. 15,041.
Rendu à la liberté par Dharmarâdja, Souyodhana le
Dhritarâshtride se glissa dans Hâstinapoura, accablé de
douleur, sans énergie, baissant la tète de confusion.
Le roi s’avança dans.sa ville, suivi d’une armée en quatre
corps, pensant à sa défaite et l'âme battue par le chagrin.
15,042—16,043.
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VANA-PARVA.
hi9
11 déposa son infanterie, ses chars, ses chevaux et ses
éléphants en leurs places assignées, et le monarques' assit
dans un palanquin d'une splendeur flamboyante. 15,0AA.
Karna alors s'approcha du prince enseveli dans ses
pensées, comme lUhou enveloppe la lune dans la destruc-
tion d'une nuit, et tint à Douryodhana ce langage ;
n Par bonheur, tu vis ! Par bonheur, nous pouvons
encore nous réunir ! Par bonheur, tu as vaincu ces Gan-
dhan’as, qui changent de forme à volonté !
15,046—15,046.
» Par bonheur, prince, la joie de Kourou, je vois tes
frères tous réunis, ces héros, qui ont vaincu leurs ennemis
et qui désirent la victoire dans les combats ! 15,047.
» Je suis accouru, tu l’as vu 1 mais je ne pus arrêter
mon armée, mise en pièces par tous les Gandharvas.
» Acc.ablé, le corps blessé cruellement par les flèches, *
je me suis échappé. Gela me semble une chose plus que
merveilleuse de nous voir ici, Bharatide, sortis de cette
bataille au-dessus des forces humaines, sans plaie ni
blessure, avec notre cavalerie, notre armée et nos femmes.
16,048—15,049—15,050.
» Ge ne fut pas un homme dans ce monde, qui fut
l'auteur de cette chose, qui te donna le salut, à toi, puis-
sant monarque, et à tes frères, dans cette bataille ! »
A ces paroles de Karna, le prince Douryodhana répon-
dit alors au tx)i des Angas, avec une voix, que ses larmes
rendaient balbutiante : 15,051 — 15,052.
« Je ne suis pas ofleusé d’un discours, fils de Ràdhâ,
que l’inspire ton ignorance des choses. Tu -sais que les
Gandharvas ennemis furent vaincus par ma valeur.
U J'ai combattu bien long-temps les Gandharvas avec
LE HAHA-BHAMTA.
iàO
mes frères germains, et un vaste carnage, guerrier aux
longs bras, fut accompli de l’une et de l'autre part.
» Quand j’eus combattu ces héros aériens, supérieurs,
c’est alors que nous eûmes à soutenir un combat inégal
avec les Génies ailés. 15,053 — 15,055 — 15,055.
U Le résultat de cette bataille fut pour nous la défaite
et la prison, que partagèrent ma cavalerie, mon armée,
mes épouses, mes fils, mes conseillers et mes frères.
» Tandis que nous étions emportés là-haut par la voie
des airs, quelques-uns de mes guerriers et les héros, mes
inistres, furent trouver, consternés, lessecourablesPân-
louides et leur dirent : « Voici que le roi Douryodhana,
fils de Dhritaràshtra, et ses frères mineurs, ses ministres
et ses femmes, sont enlevés par les Gandharvas, qui
prennent le chemin du ciel. Délivrez, s’il vous plaît, ce mo-
I narque et ses épouses ! 16,050-15,057-15,058-16,059.
» Qu’un outrage ne suit jamais commis sur les femmes
du roi ! n A ces mots, le iils aîné de Pàndou, à l'àme ver-
tueuse, apaisa tous les Pândouides, et leur enjoignit ses
ordres pour la délivrance. Ges éminents guerriers vinrent
donc au lieu où nous avions été pris. 15,060 — 15,061.
n Ces héros vertueux et puissants nous demandèrent,
en débutant par des paroles caressantes ; mais en vain
les flattèrent-ils, les Gandharvas ne voulurent pas nous
rendre à la liberté. 16,062.
» Alors Bhima, Arjouna et les deux jumeaux, dans
l’orgueil de leur force, versèrent à plusieurs fois des pluies
de flèches sur les Gandharvas. 15,063.
» Abandonnant le champ de bataille et s’en retournant
au ciel, tous les Génies ailés, d’une àme joyeuse, nous
accablèrent de persécutions, 15,064.
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VANA-PARVA.
m
» Nous vîmes alors tout l'espace enveloppé d’une mul-
titude de flèches, et Dbanandjaya, qui lançait des astras
plus qu’humains. 15,005.
» Quand il vit le Pândouide entourer de traits aigus
toute l'atmosphère, Tchitraséna de se montrer l’ami de
Dhanandjaya. Ils 8'embra.ssèrent mutuellement ; le Gan-
dharva lui deuianda comment il se trouvait de sa santé,
et fut interrogé lui-mème comment il se portait.
>1 lis se réunirent l'un à l’autre, déposèrent leurs ar-
mures, et, les héros Gandharvas s’étant confondus avec les
Pàndouides, Tchitraséna et Dhanandjaya se rendirent de
mutuels honneurs. 15,000 — 15,007 — 15,008—15,009.
» Dans cetle .société faite avec Tchitraséna, Arjouna,
le meurtrier des héros ennemis, lui dit alors ces vigoureuses
paroles : 15,070.
« Veuille bien, ô le meilleur des Gandharvas, rendre la
liberté à mes cousins ; les Pàndouides vivent, héros ; cette
prison est donc indigne des Kourouides. » 16,071.
» A ces mots du magnanime Pândouide, le Gandharva
de lui répondre : « Pour délibérer sur cette affaire, nous
sortirons voir ces lils de Pàndou, sevrés du plaisir, avec
leurs épouses. » Rempli de honte, à ces mots, que pro-
nonçait le Gandharva, je désirai un trou dans la terre pour
m’y cacher. Les Gandharvas, unis aux Pàndouides, vinrent
donc trouver Youddhishthira. 15,072 — 15,073 — 15,071.
» Cruelle délibération pour nous ! Il lui annonça que
nous étions prisonniers ; et je fus présenté à la vue des
épouses d' Youddhishthira, enchaîné, consterné, tombé au
pouvoir de mes ennemis. Est-il rien de plus douloureux 'I
Je fus alors délivré par ces hommes, de qui j’avais tou-
jours été l’ennemi et que j’avais chassés de leur patrie?
LE MAHA-BHARATA.
hki
Insensé, je reçus d’eux la vie. Si la mort dans ce sanglant
combat m’eût été donnée, héros, ç' aurait été le plus grand
bien pour moi, et non la vie dans ce triste abaissement.
Le Gandharva a tué cette renommée célèbre, que j’avais
sur la terre. 15,076—15,076—15,077—15,078.
» Mais puissé-je obtenir dans les palais d’Indra ces
mondes purs, impérissables! Ecoutez! voici, éminentes
personnes, ce que j’ai bien résolu. 15,070.
» Je vais m’asseoir dans le jeûne jusqu'au monient où
j’en meure (1) ; retournez, vous I dans vos maisons, et
que mes frères s’en aillent tous 5 leur ville ! 15,080.
» Que mes amis et mes proches, Karna et les autres,
Douççàsana à leur tète, s’en retournent maintenant à la
cité. 15,081.
» Je n’irai pas à la ville, rejeté par les ennemis, sujet pour
eux d’orgueil, et de honte pour ceux, qui m’aiment (2).
» tlausant le chagrin de mes amis, accroissant la joie de
mes ennemis, que dirais-je au vieux roi, quand je serai
arrivé è la ville, qui tire son nom des éléphants?
15,082—16,08».
» Bhtshma, Drona et le fds de celui-ci, Kripa, Vidoura
et Sandjaya, Vâhlika, Somadatta et les autres, qui sont
respectés pour l’ûge, les brahmes, les principaux des
compagnies d’artisans, et ceux, qui ont des professions su-
|)érleurcs, que me diront ces personnes, et quelle réponse
puis-je leur faire? 15,084 — 15,085.
» Moi, qui par ma valeur, ai tenu le pied sur la tète et
(1) L« teite écrit upâçishyai, mais U est évideot qu'il faut écrire upd-
tishyai, formé do uy<t ft de lîs, iiou pas de çuk.
(2) Le texte écrit mal ; il iaut ici: Souhrûfmânâftahah bhoutwd çntroù-
ndm mântikrif.
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VANA-PARVA. 445
la poitrine de mes ennemis, déchu par ma faute, que ré-
pondrai-je à ces personnes? 15,08d.
» Les insensés, qui, semblables à moi, orgueilleux jus-
qu’à la démence, obtiennent le trône, la science, la
domination, ne gardent pas long-temps ces avantages.
» Oh malheur! cette indigne action, par laquelle j’ai
encouru le danger, est le triste résultat de mon ignorance
et de ma folie. 15,087 — 15,088.
» Je vais donc m’asseoir dans le jeûne jusqu’au mo-
ment où j’en meure 1 11 m’est impossible de vivre. Quel
homme, certes! voudrait encore vivre, assiégé par la
pensée qu’il fut tiré de l’infortune par ses ennemis eux-
mêmes ! 15,089. •
» Lui, orgueilleux, privé de courage, la raillerie de ses
ennemis, regardé avec mépris par ces fils de Pândou,
riches en valeur ! » 15,090.
Environné par de tel es pensées, il dit, s’adressant à
Douççàsana : « Écoute, Douççâsana, fils de Bharata, cette
parole de moi. 15,091.
» Reçois le sacre, donné par moi ; deviens le monarque,
gouverne la terre gonflée de richesses, défendue par le
bras du Soubalide et de Rarna. 15,092.
» Protège mes frères avec confiance, comme Indra dé-
fend les Maroutes : que mes frères t’obéissent, comme les
Dieux obéissent à Çatakratou. 15,093.
» Observe toujours et sans négligence une conduite dans
l’intérêt des brahmes ; sois toujoui*s la voie, que suivent
tes amis ou tes proches. 15,094.
» Aies égard à tes parents, tel que Vishnou à la troupe
des Dieux : tu dois protéger les gourous. Va ! gouverne la
terre, inspirant la terreur à tes ennemis et la joie à tous
ihi LE MAHA-BHARATA.
tes ennemis. » Il se jeta au cou du prince, l'embrassa et
lui dit : « Va ! » 15,095 — 15,096.
Dès qu’il eut entendu ces paroles, Douççàsaiia répondit
ces mots à sou frère aîné d’une voix balbutiante, avec des
larmes dans le gosier , après qu’il se fut prosterné , les
mains jointes, accablé d’une profonde douleur: <> Sois-
moi favorable! Il Et il tomba, l'âme agitée, sur la terre.
15,097—15,098.
Le prince éminent répandit sur ses pieds l’eau, qui naît
dans les yeux, et dit : « Il n’en sera point ainsi ! 15,099.
Il Avant, la terre se fendra toute entière et ne sera plus
que des morceaux ! le soleil abandonnera sa splendeur,
la lune renoncera à la fraicbeur de ses rayons! 15,100.
Il Le vent quittera sa rapidité, l’Himalâyas’eu ira çà et
là sur la terre, l'eau tarira dans les mers et le feu n’aura
plus de cbaleur ! 15,101.
» Je ne gouvernerai point la terre sans toi, sire ! » Il
répéta deux et trois fois ces mots : « Sois-moi favorable ! »
et ajouta môme ces paroles : 15,102.
« Tu seras le roi dans notre famille cent années encorel »
Quand il eut ainsi parlé au roi d’une voix très-accentuée,
il se mit à pleurer. 15,103.
Ce prince digue d’honneur toucha les pieds de son frère
aîné. Kariia, l'ame pénétrée d'émotion, ayant vu Souyo-
dhana et Douççàsana dans une vive douleur, s’approcha
d’eux et dit, Bharatide : « Pourquoi vous allligez-vous,
rejetons de Kourou , par inexpérience, comme des gens
du vulgaire? 15,10A — 15,105.
D Si la plainte ôtait le malheur de l’homme affligé,
on concevrait que la douleur ne mît jamais un terme
à sa plainte. 15,106.
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VANA-P\RV\.
M5
» Mais vous, qui vous plaignez, voyez-vous quelle puis-
sance il y a dans la plainte? Reprenez de la fermeté et ne
réjouissez donc pas vos ennemis par vos plaintes. 15,107.
» Ta délivrance par les Pândouides, sire, était une
chose, qu’ils devaient faire. Les gens, qui habitent sur le
pays d’un roi doivent toujours faire uniquement ce qui lui
est agréable. 15,108.
» N’habitent-ils pas, libres d'inquiétudes, défenduspar
ton bras? Ne veuille donc pas, les choses étant ainsi,
concevoir de soucis, comme une personne du vulgaire.
» Tes frères sont dans la consternation de te voir placé
dans le jeûne : léve-toi ! Marche, s’il te plaît, et rends
le courage à tes frères ! » 15,100 — 15,110. ’
Le héros ajouta ;
U Je m’aperçois maintenant ici combien est légère,
sire, ta qualité swatla : qu’y a-t-il d’étonnant ici, héros,
que tu aies été délivré par les Pândouides? 15,111.
» Tu es tombé tout à coup sous le pouvoir de l’ennemi ;
eh bien! il fallait que le service de sa délivrance fût rendu
au souverain par des hommes connus ou inconnus, par
des guerriers de son armée ou des habitants de son
royaume! Des hommes, qui sont ordinairement les plus
grands, sèment le trouble dans l’armée ennemie, ils sont
pris dans la bataille et délivrés par des guerriers. Que
l’on soit, ou soldat de son armée, ou simple habitant de
son royaume, on doit se réunir et déployer de vrais elTorts
pour le salut du roi. Si tu fus délivré ainsi, d’un mouve-
ment spontané , pur les lils de Pàndou, sire, qui habitent
re royaume de la majesté, y a-t-il ici une cau.se de gémis-
sements? Ce qui n’était pas bien, sire, c’est que les Pàn-
douides, tombés précédemment dans l'esclavage, ne soient
LE MAHA-BH AMTA.
AA6
pas devenus les compagnons de ta majesté , et que ces
héros àla grande force, qui ne savent pas fuir dans les ba-
tailles, n'aient pas suivi par derrière leur maître, qui s’a-
vançait avec son armée. Tu jouis aujourd’hui de toutes les
pierreries, qui appartenaient aux fils de Pàndou. [De (a
itance 15,112 <1 ta stance 15,119.)
» Regarde ces Pàndouides ;ilsobserventlaconstance(l),
et n’entrent p.as dans le jeûne, qui donne ta mort. I..ève-
toi, s’il te plaît, sire, et ne veuille pas différer! 15,110.
i> Nécessairement, des choses agréables seront faites au
roi, sire, par les habitants de son royaume, et il n’y a pas
15 sujet de gémir. 15,120.
« Si tu ne suis point ainsi , Inditi des rois, ce discours
de moi, je resterai ici, obéissant à tes pieds, immolateur
des ennemis. 15,121.
» Je ne puis vivre, séparé de toi! Situ persistes à rester
assis dans le jeûne, sire, tu .seras la risée des rois. »
A ces motsdeKarna, le roi Douryodliana , qui avait
pris la ré-solution d’aller au ciel, n’eut pas même la pensée
de SC lever. 15,122 — 15,123.
Ayant commencé par flatter le roi, Çakouui , le fils de
Soubala, sire, dit au prince Douryodhana , attaché avec
colère à son dessein du jeûne : 15,12i.
«Tu as entendu, rejeton de Kourou, ce que Karna vient
de te dire avec convenance. Pounjuoi, ayant renoncé, dans
ton délire, à cette fortune opulente, que je t’ai donnée,
veux-tu maintenant , sire , jeter là sans réflexion la vie ?
Je sais que tu n’estimes pas grandement les vieillards.
15,125—16,126.
» Celui, qui ne comprime pas le désespoir et la joie,
(1) Littéralement: la qualité dt saiiwa.
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VAN\-PARVA.
hhV
au moment qu'ils s’abattent sur lui, périt, la fortune en
main, comme un vase d'argile crue dans l’eau. 15,127.
» Les peuples n'aiment pas un roi craintif, paresseux,
négligent, impuissant dans ses desseins et de qui les sens
sont dominés par l'infortune. 15,128.
» Si tel est ton chagrin, quand tu es bien traité, com~
ment sera-t-il dans le cas opposé ? Ne détruis pas, en te
plongeant dans ce chagrin, le bienfait des Pândouides.
» Tu pleures là où il faudrait te rejouir et honorer les
fils de Pàiidou ; c’est tout le contraire de ce que tu dois
faire. 15,129 — 15,130.
» Sois-moi favorable! Ne t’abandonne pas, rappelle-
toi avec plaisir tes bonnes œuvres, donne le royaume aux
princes ; goûte le plaisir de la renommée et la satisfaction
du devoir. 15,131.
» Récompense cette action et lu seras reconnaissant :
unis-toi de fraternité avec les Pândouides et rétablis ces
princes dans leur fortune. 15,132.
» tju’ils soient restaurés dans le royaume de leurs pères,
et tu jouiras du plaisir.» Aces mots de (Jakouni (1) et je-
tant les yeux sûr le héros Douççàsana, tombé à ses pieds
et la personne toute changée par la tendresse fraternelle,
il se leva, il serra dans ses bras gracieusement formés ce
guerrier immolateur des ennemis, et le bai^ avec amour
sur le front. Quoiqu'il eut bien entendu les paroles de karna
et du fils de Soubala, le royal Douryodhana fut saisi par
un vif dégoût de lui-même, et, l'ànie enveloppée de con-
fusion, il tomba dans le plus profond désespoir.
15,133— 15, 13A-15,135— 15,138.
(I) L« le\lo (lit Karna; mais celui, qui Tient de parler, est Çakouui.
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LE MAHA-BHABATA.
AAS
Ces discours entendus , il dit les mots suivants à ses
amis : « Ne détruisez pas une chose, que je dois faire, ni
par la reprèsenlution amicale du vice et de la vertu, ni
par la perspective de la puissance, ni par vos ordres, ni
parle tableau des jouissances; allez 1 c'est résolu! mon
âme est fixé dans le dessein de s'asseoir ici pour le jeûne !
» Allez tous â la ville et souvenez- vous d' honorer mes
vieux parents! » Cela dit, il répondit au monarque, im-
molateiir des ennemis : 15,137 — 15,138 — 15,139.
a La roule, qui est pour toi , Indra des rois , est aussi
pour nous. Comment pourrions-nous sans toi revoir cette
ville?» 15,140.
Quoique ses amis , ses parents , ses ministres et scs
frères lui parlassent de diÛ'érentes manières, il ne fut pas
ébranlé de sa résolution. 15,141 .
Ayant étendu en monceau une jonchée de darbhas,
il toucha l'eau et, devenu pur, il s'approcha du sol de
la terre. 15,142.
Ponant une robe d'écorces et de l'herbe kouça, cmbra.s-
sant la plus haute pénitence et voué au silence par le désir
d'entrer dans la route du Swarga, ce tigre des rois, il re-
tira son âme dans le recueillement et déposa toutes les
choses du dehors. Aussitôt que les Dànavas et les Uaityas
eurent connu son dessein, 15,143 — 15,144.
Au&silôt que ces horribles Génies, qui, vaincus précé-
demment par les Dieux, habitent lePâtâla, surent que
Douryodhana , l'homme de leur parti , allait périr,
Habiles dans les formules magiques , ils ofl'rirent par
les mantras, qu’Ouçanas et Vrihaspati avaient enseignés,
un sacrifice d'évocation , qui avait pour son origine une
oblation avec le feu. lb,145 — 16,146.
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VANA-PARVA.
AA9
Ils firent célébrer, suivant le rite de l’Atharva-Véda, les
cérémonies , qui sont jointes dans l’Oupanishad au mur-
mure des prières à voix basse. 15,147.
Des brahmes aux vœux bien constants, qui étaient par-
venus au bord ultérieur des Védas et des Védangas, sa-
crifièrent dans le feu, conformément aux i*ubriques, le
beurre clarifié et l’offrande de lait. 15,148.
La Dém^Krityâde s’élever alors, elle ouvrit la bouche
dans la perfection de ce sacrifice et, oh miracle! elle dit :
«Que dois-je faire ? « 15,149.
Les Daîtyas , l’âme bien joyeuse , de lui répondre :
« Amène ici le roi fils de Dhritarâshtra , qui s’est assis
dans le jeûne pour ta mort ! » 15,150.
« Oui ! » leur promit-elle. Krityà se mit en marche et,
dans un clin d’œil, elle fut arrivée au lieu , où était le roi
Souyodhana. 15,151.
Elle prit le monarque, elle entra avec lui au sein des
enfers et, dans un instant, elle offrit aux Dânavas le roi,
qu’elle avait amené. 15,152.
A la vue du prince apporté , les Dânavas , rassemblés
dans les ténèbres de la nuit, tous l’âme joyeuse, les yeux
un peu largement ouverts, tinrent à Douryodhana ce lan-
gage superbe : 15,153 — 15,154.
« Oh ! Souyodhana, l’ Indra des rois, le continuateur de
la race des Bharalides, héros toujours environné de héros
et de magnanimes, 15,155.
1) Pourquoi t’infligeas- tu ce châtiment de jeûner jus-
qu’à la mort ! Le suicide va dans les erifers, il obtient le
déshonneur et une mauvaise renommée. 15,150.
U Les sages, semblables à ta majesté, ne s’attachent pas
IV 29
LK 1UHA-BHAR\TA.
idO
à des œuvres, pleines de vices, empiichées dans lesatfaires
et qui détruisent jusqu’à la racine. Ià,lô7^
» Reviens sur cette résolution, sire, qui détruit le juste,
l’utile et l’agréable, qui tue la vigueur, la majesté, la re-
nommée, et augmente la joie des ennemis. 16,158.
U Écoute, seigneur, ta vraie nature et l’essence divine
de toi-même ; écoute la formation de ton corps, sire, et
reviens à la fermeté. 1 5,159.
a Içwara jadis te donna en récompense de nos morti-
fications, et ton corps fut .alors tout composé de la multi-
tude des foudres. 15,100.
» Ton corps fut rendu iinbrisable aux astras et aux
flèches, mortel sans péché. La redoutable Dévl le créa
avec des fleurs, ravissant de beauté, comme une femme.
» Ainsi, ô le plus grand des rois, Içwara et Dévl ont
eux-mêmes formé ton corps : tu es un enfant du ciel, ügre
des rois, et non un enfant de Manou. 15,101 — 15,162.
» Des kshatryas, héros .à la grande force, sous la cou-
duite de Bhagadatta, mettront en fuite tes ennemis, qui
ont la science des astras divins. 15,163.
» Loin de toi la terreur 1 Le danger n’existe pas pour
toi. Des Dànavas sont nés héros sur la terre pour être tes
compagnons. 15,16i.
» Entrés dans les corps de Bhlshma, de Drona, de Kripa
et des autres, différenis Asouras inspireront ces guerriers
et combattront sans miséricorde tes ennemis. 15,166.
9 Sans amour, pos.sédés par les Dân,vvas, l’âme envahie
par eux, ils ne songeront pas dans leurs combats, les
armes à la main, à délivrer des fds, ni dos frères, ni des
proches, ni des pères, ni des disciples, ni des parents, ni
des enfants, ni des vieillards. 15,160 — 15,167.
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vana-parva.
&51
» L’âme remplie d’ardeur, pleine de colère, ces hommes
puissants combattront avec indépendance, ayant rejeté
loin d’eux l’amour. 15,168.
» Égarés par l’ignorance et par le Destin, que Vishnou
leur a créé, ils se diront mutuellement : « Tu n’échapperas
point vivant de mes mains! » 15,169.
» Résolus dans le courage, ô le plus vaillant des Kou-
rouides, tous ces guerriers superbes étendront le carnage
sur les armées, en décochant une grêle de traits cl de
flèches. 15,170.
» Les cinq magnanimes fils de Pândou combattront avec
eux : excellents par la force, secondés par le Destin, ils
immoleront ces Aéroi'. 15,171.
» Nés de femmes kshattrls et déployant leur vaillance
dans les batailles, des cavaliers, des troupes de Rakshasas
et de Daîtyas combattront tes ennemis, prince de la
terre, avec des massues, des pilons, des lances de fer et
des flèches variées. Parce qu'il y a en toi, héros, une
crainte secrète, causée par Arjouna, nous avons ici dé-
posé l’âme elle-même <le Naraka tué, revêtue du corps de
Karna, comme l’instrument de la mort de cet Arjouna.
» Sans perdre le souvenir de cette guerre, il combattra
Arjouna et Kéçava, et, fier de son courage, l’héroïque
Karna, le plus grand des combattants, vaincra pour toi,
héros, le fds de Prithâ et tous les ennemis en bataille. .A
celte nouvelle, pour sauver l’Ambidextre, le Dieu, qui
tient la foudre, sous le déguisement d’une personne étran-
gère, 15,172— l.'i,173— 15, 17â— 15,175— 15,176.
» l'inlèvera à Karna ses boucles-d’oreille et sa cuirasse.
C’est pourquoi, grâces à nous, les Daftyas, par centaines
et par milliers, et les Rakshasas se réuniront sous le ser-
LF, MAHA-BHAR.\TA.
AÔ2
ment des Sançaptakas. Ces guerriers en renommée oppri-
meront l'héroïque Arjouna: cesse de gémir?
» Tu jouirras de cette terre sans rivaux : ne te laisse
donc pas tomber dans l’abattement, sire : cela ne convient
pas à un homme de ton rang. »
15,177—16,178—15,179.
U Si tu mourais, descendant de Koiirou, notre parti
aurait perdu sa force. Va, héros ! Tu ne dois jamais avoir
un autre sentiment. 15,180.
» Tu seras toujours la route de nous, comme les Pàii-
douides seront la voie des Dieux ! » X ces mots, les Daityas
embrassent cet Indra des rois. 15,181.
Iæs principaux Dânavas relèvent le cour.age de ce héros
inaiïront.ihle comme celui d'un lils, lui font uuc âme iné-
branlable, et lui adressent, fils de Bharata, un langage de
paroles agréables : 15,182.
«Tu peux t’en aller! » F.t, quand ils l'eurent ainsi ron-
gédié, ils ajoutèrent ; n Obtiens la victoire ! » Puis, Krityâ
elle-même ramena le héros aux longs bras, quand il eut
reçu d’eux son congé. 15,183.
Elle de le remettre à l’endroit même où il était assis
dans le jeûne, et là d’ honorer le héros. 15,18é.
Congédiée à son tour par le roi, elle disparut. Une fois
quelle fut partie, le roi Cuuryodhana de s’imaginer que
toute cette aventure était un songe : « Je vaincrai les Pân-
düuides en bataille ! » tel fut alors son sentiment.
Sfluyodhana de penser que Karna et les conjurés, pour
se défaire du Prithide, leur ennemi, étaient de simples
mortels, à qui leur force devait inspirer de s’unir pour lui
donner la mort. 15,185 — 15,1813—15,187.
Ainsi, l’espérance de l’insensé Dbritaràshtride était so-
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VAN \-p.\nv.\.
&Ô3
lidenirnt bâfrée, éminent Bharatiüe, sur la défaite des
Pândouides. 13,188.
Nara, de qui la pensée était sous l’oppression d’un Dé-
mon. agit par l'ânie de Naraka, et tourna alors sa pensée
cruelle vers la mort d’Arjouna. 15,1'’0.
Les héros, de qui l'esprit était possédé par les Raksbasas,
désirant la mort de Phâlgouna et dominés par l’ignorance
et la passion (1), conjurèrent sa mort. 15,190.
11 n’en fut point ainsi de Bhishma, de Drona, de Kripaet
des autres : leur âme était dominée par les Dânavas, mo-
narque des hommes, mais ils avaient de l’alTection pour
les fds de Pàndou. 15,101.
Souyodhana, à qui que ce soit d’eux, ne demanda ce
sacrifice. Sur la fin de la nuit, Karna, le llls du soleil,
souriant et joignant les mains, adressa au prince Douryo-
dhana ces paroles, fondées en raison : « Un homme vivant
triomphe de ses ennemis, et voit des choses heureuses
dans sa vie. 15,192 — 15,193.
I) D’où les choses heureuses, fils de Kourou, d’où la
victoire viendrait-elle à celui, qui est mort? Cette heure
n’est pascelle de l’abattement, de la crainte ou de la mort 7 »
Il étreignit dans ses deux bras ce guerrier aux longs
bras, et lui dit : o Lève-toi, sire! Pourquoi demeures-tu
couché? Pourquoi gémis-tu, meurtrier des ennemis?
15,194—15,195.
» Comment désires-tu mourir, après que tu as consumé
les ennemis par ta vigueur? Ou ta crainte naît-elle d’avoir
vu Arjouna déployer son courage? 16,196.
» Voici une chose vraie, que je te promets : je tuerai
(1) Liltéraiemeut : par lesqualUés radjas et tamas.
A5A
LE M/VHA-BHARATA.
Arjouna dans un combat. La treir-'tue année une fois
arrivée, il est certain que je prends mes armes! 15,197.
a Je traînerai sous ta puissance le fils de l’rithà, mo-
nar(|ue des hommes !» A ces mots de Karna et d'après les
paroles des Daltyas, Souyodhana fit une génuflexion à ses
courtisan*, et se leva: il avait entendu le langage des
Daltyas et mis dans son cœur une ferme résolution.
Le tigre des enfants de .Manou rassembla donc son ar-
mée, encombrée d’hommes de pieds, à la masse impéné-
trable de chevaux, de chars et d’éléphants.
15,198—15,199—15,200.
(’Ætte grande armée s'avançait, pareille au cours du
Gange ; elle brillait infiniment de fantassins, d’éléphants,
de chars, d’ombrelles blanches, d’étendards et de chasse-
mouches, éclatants de blancheur ; tel un ciel automnal,
splendide, au temps où les monceaux de nuages sont dis-
sipés. 15,201—15,202.
Le Uhritaràshtride resplendissait, exalté par les prin-
cipaux des brahmes avec des vmux de victoire. Souyo-
dhana, le roi des hommes, s’avançait à la tête, recueillait
des guirlandes d’andjalis et brillait d'une beauté supé-
rieure. 11 était, Indra des rois, suivi de Karna et du joueur
fils de Soubala. Douççàs2ma et tous ses autres frères,
Bboùriçravas, Somadatta, le puissant roi Vàhlika, ces
continuateurs de la race des Kourouides, suivirent ce lion
des rois, qui s’avançait sur les plus fiers des éléphants,
sur des chevaux et sur des chars de formes différentes.
Peu de temp.s après, Indra des rois, ils entrèrent dans
la ville. 15,203— 15, 20A— 15,205— 15,200— 15,207.
Djanamédjaya dit :
<1 Tandis que les magnanimes fils de Prithà habitaient
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vana-parva.
AA6
dans ce bois, que firent les Dbritarâshlrides, ces héros
éminents, Karna, le fils du soleil, le Soubalideàia grande
force, Rhlslmia, Droiia et Kripa? Veuille bien me raconter
cela. » 15,208—15,209.
Vaiçanipâyana répondit :
Après que le.s fils de Prilbà furent ainsi partis, que
Souyodbana, délivré par les Pândouides et remis en libellé,
fut arrivé dans la ville d'Hâstinapoura, 15,210.
Bhishina dit ces mots, puissant roi, au fils de Dhrita*
râshtra: a On m’a raconté, mon tils, de quelle manière tu
es allé précédemment au bois des mortifications ; 15,211.
» Comment tu n'as pas approuvé que je vous y accom-
pagnasse, les exploits, que tu accomplis 15, et comment
il est arrivé que tu y fus pris de force par les ennemis.
» Tu fus tiré des fers par les Pândouides, et tu n’eus
pas de honte. En ta présence, monarque des hommes, et
sons les yeux de ton armée, fils de Gândàri, Karna, le
fils du cocher, s’enfuit effrayé loin du combat des Gan-
dharvas. Au milieu de tes cris, Indra des rois, au milieu
des clameurs de ton armée, fils du roi, la valeur des ma-
gnauimes Pândouides te fut donnée eu spectacle, à toi,
héros aux longs bras, et à Rama, le fils insensé du cocher.
15,212— 15,213— 15,21A— 15,215.
U Rarna ne vaut pas même le quart des Pândouides, 6
le plus grand des princes, l’ami du devoir, ni pour la
science de l’arc, ni pour la vaillance, ni pour la connais-
sance du devoir. 1 5,216.
» Je pense donc qu’il faut observ er la paix avec les ma-
gnanimes Pândouides pour la prospérité de cette famille,
6 le meilleur de ceux, qui savent apprécier la paix. »
A ces mots de Bhishina , le royal lils de Dbritarâshtra
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A50
LE MAHA-BHAKATA.
se mit à rire , et sortit soudain , sire, avec le Hls de Sou*
bala. 15,217—16,218.
Apprenant qu’il s'en était allé, Karna, Douççisana et
les autres héros suivirent les pas du vigoureux Dhrita-
ràshtride. 15,219.
Quand Bhishiua, le grand-oncle des Kourouides , les
vit s'éclipser de cette mauière, il s'en retourna lui- même
à son palais, rougissant de confusion. 15,220.
Après que Bhishma fut parti, grand roi, le puis.sant fils
de Dhiitarâshtra s'en revint de nouveau dans ce lieu, où il
délibéra avec ses ministres : 15,221.
(I Comment assurer notre salut? Quelle affaire devons-
nous laisser ? Comment cette chose sera-t-elle bien faite 7
Délibérons maintenant sur ce qu'il y a d'utile? » 15,222.
Rama dit alors :
U Souyodhana , écoute ce que je vais te dire. Bhishma
nous blâme sans ce.sse, rejeton de kourou, et loue sans
cesse les fils de Pàndou. 15,225.
>. 11 mérite que je le haïsse à cause de la haine, qu'il te
porte, guerrier aux longs bras ; il me blâme toujours en
compagnie de toi, souverain des hommes. 15,22â.
» Je ne tolérerai point ici, ô toi, qui déchires les enne-
mis , ce discours , que Bhishma vient de prononcer en ta
présence, pour la gloire des fils de Pàndou et la censure
de toi , sire. Permets-moi de sortir , Bharatide , avec tes
chars, ton armée et tes familiers. 15,225 — 15,226.
» Je soumettrai la terre, sire, avec ses forêts, ses fleu-
ves et ses montagnes ! Moi seul, je vaincrai, c'est indubi-
table ! cette terre, soumise par les quatre Pândouides, qui
ont reçu la vigueur en partage. Qu'il voie maintenant cet
homme, le plus méprisable de la race de Komou, qui blâme
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VANA-PARVA.
A67
ce qui n’est point à l)làmer et loue ce qui n’est point à
louer ; qu'il voie, ce bien-insensé, ma force, et qu’il s’a-
dresse un reproche à soi-même ! 15,2‘27-15,228- 16,229,
» Permets-moi de sortir et, pour sûr, la victoire est à
toi! C’est une vérité, que je te promets, sire, et je prends
mes armes! » 15,280.
Quand il eut ouï ces paroles de Karna, le monarque des
hommes au comble de la joie lui répondit : 16,231.
R Je sois heureux, je suis favorisé du ciel, moi, de qui
tu soutiens toujours les intérêts, puissant guerrier ; ma
naissance aujourd’hui a rapporté son fruit. 16,232.
n Alors que tu juges possible, héros, l’extermination de
tous les ennemis, sors 1 Sur toi descende la félicité , et
donne-moi tes ordi'es ! » 16,233.
A ces mots du sage fils de Dhritaràshtra, Karna, domp-
teur des ennemis, donne l’ordre de la marche à toute
l’armée. 16,254.
Le héros au grand arc, honoré par les brahmes, sortit
sons une constellation heureu.se, avec les Dieux propices,
dans un jour lunaire et dans nne heure favorables.
Purifié par le bain, sanctifié par des paroles excellentes,
de bon augure, faisant retentir les trois mondes, avec les
êtres immobiles et mobiles, au bruit de son char.
16,236—16,236.
Ensuite le vigoureux Karna , environné d’une grande
armée, assiégea, éminent Rharatide, la ville charmante du
roi Droupada. 15,237.
A la suite d’une grande bataille, il réduisit en son pou-
voir ce héros avec son argent, son or et ses diverses
pierreries. 16,238.
Il soumit Droupada au tribut , ô le plus vertueux des
A68
LE MAHA-BHARATA.
rois ; et, cette conquête achevée, il fit reconnaître sa puis-
sance et payer le tribut à tous les rois, qui étaient sous la
dépendance du monarque vaincu. Il passa dans la région
septentrionale, dont il réduisit iou.s les rois.
Le fils de Ràdliâ, ayant dompté Bhagadatta, s'éleva sur
le mont Hiuiàlaya, la plus haute des montagnes, toujours
combattant avec les ennemis. 16,239 — lô,2lk0 — 15,2&1.
Il s’avança à. tous les points de l'espace et mit sous sa
puissance tous les rois. Quand il eut vaincu tous les sou-
verains de l’Inde, il exigea de tous un tribut. 15,2A2.
Descendu de la montagne, il courut à la région du le-
vant; il transplanta dans son royaume les Angas, les Ban-
gas, les Kaliogas, les Maudikas et les Mithilas, les Màga-
dhains et les Karnakhandas ; il réunit sous sa loi, et les
Avaçlras , et les Yandhyas , et le Ahikshattra.
15,243— 15,2âA.
La contrée orientale soumise, il passa dans la Vatsa-
bboûnii ; il réduisit entièrement cette région aux ten'es
odorantes, et la ville de Mohana, et les trois cités du Ko-
çala. Vainqueur de tous ces rois , il exigea d'eux, sans
merci, le tribut. 15,243 — 15,246.
Entré dans la terre du midi , il en vainquit les héros.
Le fils du cocher combattit Roukmi avec ses méridio-
naux. 15,247.
Après un combat tumultueux e u Je suis content de toi,
Indra des rois, dit l’oukiul au fils du cocher, et de ta va-
leur, et de ta force. 15,248.
» Je ne te ferai pas obstacle : j'ai conservé ma pro-
messe ; je te donne avec plaisir de l’or autant que tu peux
en désirer. » 15,249.
Karna réuni avec Roukmi s’en alla sur le mont Pàndya :
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VANA-PARVA.
m
il défit dans une bataille, et le Kérala, et le roi MIa, et le
fils de Vénoudâri, et d'autres, qui étaient les plus grands
des rois : il fit payer tous les tributs aux rois dans cette
contrée méridionale. 15,250 — 15,251.
Tournant sa marche vers Çalçoupâla, le puissant fils du
cocher le vainquit, et il imposa la reconnaissance du pou-
voir aux rois, ses limitrophes. 15,252.
Il rangea par la douceur sous sa doiuination les habi-
tants d’Avanti; et, s’étant uni avec les Vrishnides, U sub-
jugua la contrée occidentale. 15,253.
Ensuite, dans la plage, que préside Varouna, il fit payer
des tributs aux Yavanas , aux Barbaras et aux rois , qui
habitent dans cette région du midi. 15,25A.
Le héros vainquit toute la terre avec ses pays du sud,
du couchant et du levant, avec les Mlétchhas, qui hantent
les forêts, avec les habitants des montagnes. 15,265.
Auteur d’une sage politique, il subjugua, comme en se
riant, toutes les armées des Bhadras, des Rohitakas, des
Agnéyas et des Màlavas eux-mêmes. 15,256.
Le fils du cocher dompta les Çaçakas et les Yavanas ;
il battit les héros , dont las armées étaient commandées
par Nagnadjit. 15,257.
Quand ce tigre des hommes eut ainsi vaincu et soumis
à son pouvoir toute la terre, il retourna 5 la ville, qui tire
son nom des éléphants. 15,258.
Le roi Uhrilarâshtride vint à la rencontre de ce héros
arrivé , puissant roi , avec son père , ses parents et ses
frères. 15,259.
Le monarque suivant l’étiquette honora Karna, qui bril-
lait de la splendeur des batailles, et, joyeux, il en raconta
les exploits : 15,260.
460
LE MAHA-BHARAÏA.
(I Sur loi descende Ir félicité ! Ma délivrance fut l’œuvre
de plusieurs bras et je n’ai, certes! pas obtenu deBhlshroa,
ni de Drona, ni de Kripa, ni de Vâhlika, ce que j'ai obtenu
de toi. Écoute ma parole, Karna! j’ai obtenu un défen-
seur en toi, qui es mon défenseur, 6 le plus grand des
guerriers aux longs bras. 15,261 —15,262.
» Tous les (ils de Pândou ensemble , et les autres mo-
narques, soulevés contre tes attaques, ne valent pas, tigre
des hommes, la seizième kalà de toi. 15,26.?.
» Que ton altesse, guerrier au grand arc, voie Indra
même en Dliritarâshtra et regarde, Karna, l'illustre Gàn-
dbârl, comme le Dieu, qui tient la foudre, considère
Aditi. U 15,264.
Ensuite, s’éleva un grand tumulte, souverain des hom-
mes, et des appréciations sous des formes différentes se
produisirent dans la ville d’Hâstinapoura. 15,265.
Les uns louaient, les autres blâmaient ; il y avait des
princes, sire, qui gardaient le silence. 15,266.
Ainsi karna, le plus vaillant des hommes, qui portent
les armes, avait, Indra des rois et maître de la terre, sou-
mis cette terre, pleine de bourgs et de villes, remplie de
sites variés, semée de places marécageuses et d’tles, avec
son atmosphère, ses forêts, ses montagnes, avec ses mers
et ses champs. 15,267 — 15,268.
Quand il eut réduit , après un temps . qui ne fut pas
très-long, les rois sous son pouvoir, le fils du cocher, te-
nant au poing son arc impérissable , s’approcha du mo-
narque. 15,269.
Dès qu’il fut entré dans son palais, le héros vit au mi-
lieu, dompteur des ennemis, Dhritarâshtra, accompagné
de Gàndhârt. 15,270.
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VANA-PARVA.
A61
Instruit dans le devoir, puissant roi, il prit ses pieds,
comme les eût pris un fils, et, embrassi' par Dhritarâshtra,
il fut congédié par lui avec amour. 15,271.
Désormais le roi Çakouni , fils de Soubala , sut que
Karna , rejeton de Bharata , avait triomphé des rois en
bataille. 15,272.
Vainqueur de la terre, le meurtrier des héros ennemis,
le fils du cocher tint, sire, ce langage à Douryodbana :
(1 Écoule, Doqryodhana, ce que je vais te dire, et, quand
tu auras enteudu , veuille bien exécuter ma parole en-
tièrement, dompteur des ennemis. 15,273 — 15,27A.
» Cette terre est maintenant sans ennemis pour toi ;
gouverne-la , héros , comme jadis le magnanime Indra
gouverna le ciel, après qu’il eut immolé ses ennemis. »
A ces mots de Karna, le roi de répondre : o II n'était
rien, <)ui fût difficile à acquérir, ô le plus grand des hom-
mes, quand c’était toi, compagnon dévoué, qui devait
t’efl'orcer pour mon bien ! Écoute quelle est dans la
vérité ma résolution. 15,275 — 15,27(i — 15,277.
» Après que j'eus \u le tàdjasoûya du fils de Pândou,
le plus grand des sacrifices, il me naquit le désir, fils du
cocher, d'en produire un tout semblable, u 15,278.
V ce langage du roi, Karna reprit : « Tous les rois delà
terre sont aujourd'hui tes sujets, ô le plus grand des rois.
» Convoque les principaux des brahmes; que les pré-
paratifs soient disposés, 6 le plus vertueux des Kou-
rouides, conformément aux rubriques; et fais apprêter
les instruments du sacrifice. 15,279 — 15,280.
» Réunis des ritouidjs, tels qu’on les veut et qui aient
lu tous les Védas : qu’ils célèbrent le sacrifice, dompteur
des ennemis, suivant les prescriptions des (jàstras.
LE MAH4-BHARATA.
AdS
*' Que ton grand sacrifice , éminent Bharatide , soit
pourvu de breuvages et de mets sans nombre ; qu'il soit
doué d’une suprême abondance. » 15,281 — 15,282.
Cela dit par Karna, le Dhritarâ-shtride fit appeler son
Pourobita, souverain des hommes, et lui tint ce langage
n Célèbre pour moi un râdjasoûya , le plus grand des
sacrifices, couronné par les plus riches dons, .suivant l’or-
dre et selon les convenance.s.1) 15,283 — 15,284.
Le plus vertueux des brahines répondit au monarque en
ces termes : « Il est impossible, ô le plus excellent des
Kourouides, de célébrer le plus élevé des sacrifices dans
ta famille, quand Youddhishthira vit encore, Dhritarâsh-
tra, le plus grand des rois, sire, ton père liii-inèmc respire,
chargé d’années. 15,285 — 15,286.
» C’est là ce qui met obstacle à ton sacrifice, 6 le plus
grand des rois ; mais il est un autre éminent sacrifice,
égal au râdjasoûya, seigneur. 15,287.
» Sacrifie avec CÆtte cérémonie, et crois-en ma parole,
Indra des rois. Que les rois de la terre, qui sont tes
vassaux, t’apportent des tributs avec de l’or en barre et
monnayé. Que l’on te fabrique une charrue pour cet objet,
û le plus vertueux des princes. 15,288 — 15,289.
» Qu’on laboure avec elle pour toi la terre de l’enceinte
du sacrifice, fils de Bharata; et que là ta cérémonie, bien
ornée, riche de mets, se déroule de toutes les manières,
sans aucun empêchement, ô le plus excellent des princes,
suivant les convenances ! Voilà ce qui e.st nommé le sa-
crifice Vishnouien, en usage chez l’homme de vertus.
» Quiconque n’a point sacrifié avec lui, est privé des
secours de l’antique Vishnou ; ce sacrifice est l’émule du
râdjasoûya, le plus grand des sacrifices.
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VANA-PARVA.
m
» Nou8 avons à cceur ton salut, fils de Bharata : ce sa-
crifice drtruit les obstacles, et ton désir portera «nsi tout
son fruiL n 15,200—15,291—16,292—15,293.
A ces paroles des brahraes, le maître de la terre, fils
de DhritarAshtra, parla en ces termes 5 Karna, au Soa-
balide et à ses frères : 15,29â.
« J'approuve entièrement ce discours desbrahmes, sans
doute; mais dites-moi, sans tarder, si vous l'approuvez
également. » 15;205.
Tous ils répondirent : » Oui !» à ces mots du roi, qui
donna' successivement ses ordres à tous ceu.x, qui devaient
être occupés de cette alTaire. 16,296.
Tous les ouvriers furent commandés pour la construc-
tion de la charrue, et toute la chose, 6. le plus vertueux
des rois, se fit tour à tour de la manière qu'il avaitété dit.
Alors tous les artisans, les principaux des ministres et
Vidoura à la grande science informèrent le Dhritarâsh-
tride que le plus grand des sacrifices était prêt : « l..e
moment est arrivé, sire; on a fait une charrue d’une grande
richesse, et toute en or ! » 15,297 — 13,298 — 15,299.
Quand il eut entendu cette nouvelle, le fils de Dhrita-
râshtra, le jilus excellent des rois, donna l’ordre de com-
mencer le sacrifice. 16,300.
Aussitôt commença le sacrifice bien paré, abondant en
toutes sortes d'objets; et le fils de Gàndhàrl fut initié
suivant les Q;\stras et selon l'oi-dre des choses. 15,301,
Joyeux était Douryodhana, et Vidoura à la grande
science, et Bhtsbma, et Drona, et Kripa, et Karna, et
l’illustre Gündhârt. 15,302.
Le prince envoya des mes.sagers A la course rapide, In-
dra des rois, inviter les brahuies et les grands de la terre.
LE MAHA-BH.\RATA.
hdh
Les messagers, pressant leurs montures, s’avançaient,
suivant l’ordre, qu'ils avaient reçu. Douççâsana dit ces
mots à certain courrier, au moment de son départ :
Il \'a promptement au Dwaltavana ; invite les fds de
Pàndou, ces hommes pervers, et, selon la convenance, les
brahmes, qui habitent dans cette forêt, a
15,803— 16,304— 15, S05.
Le messager arrive, s'incline et dit à tous les Pân-
douides : « Le plus vertueux des princes, Douryodhana,
sacrifie, grand roi. 15,300.
>> Ce noble Kourouide possède une multitude de ri-
chesses, conquises par sa valeur. Les rois et les brahmes
aillueut chez lui de tous les eûtes. 15,307.
• Il Je suis envoyé, sire, par le magnanime rejeton de
Kourou : le roi, fils de Dhrilarùshtra, le souverain des
hommes, vous invite. 15,308.
■I Ce roi vous désire en son cœur : daignez voir son sa-
crifice. » A ces paroles du messager, le prince Youddhish-
thira de répondre ; 15,300.
(I Je vois avec bonheur, dit-il, le roi Souyodhana,
le plus grand des rois, célébrer un principal sacrifice, qui
ajoute à la gloire de ses ayeiix. 15,310.
n Mais il nous est impossible de nousy rendre d’aucune
manière, en ce moment ; il nous faut observer la condition,
que nom arons acceptée, jusqu’au temps où sera venue la
treizième année. 0 15,311.
A ces paroles du roi, Bhlmaséna d’ajouter celles-ci :
Il Mais, après la treizième année, le souverain des hommes,
Dharmarâdja-Youddhislithira lui-même ira, et lejetera
dans le sacrifice d’un combat au feu enflammé des traits
et des flèches ! 15,312 — 15,313.
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VANA-PARVA.
m
>1 Et la colère du Pândouide dévorera les fils de Dhri-
tarâshtra, comme une offrande de beurre clarifiée, (l'est
alors que j’irai chez lui ! Redis ces paroles à Souyo-
dhana. » ir,31é.
Les autres lils de Pàndou ne dirent pas un seul mot,
qui fût désagréable. Le messager rapporta fidèlement
ces paroles au Dhritarâshtride. 15,315.
Les plus vertueux des hommes, les souverains de pays
divers et les brahmes se rendirent, pieux monarque, à la
ville des enfants de Dhrit;irâshtra. 15,316.
Les rois satisfaits, honorés suivant les Çâstras, selon
l’étiquette, conformément à l’ordre des rangs, étaient
portés au comble de la joie. 15,317.
Environné de tous les Kourouides, le fils de Dhritarâsh-
tra, le roi des rois, pénétré du plus vif plaisir, adressa à
Vidoura ces paroles : 15,318.
« Que l’on fasse promptement en sorte, Kshattri, que
tout ce peuple soit à son aise, qu’il soit bien fourni d’ali-
ments, et qu’il se réjouisse dans le sanctuaire du sacri-
fice. » 15,319.
Instruit et connaissant le devoir, Vidoura, dompteur
des ennemis, se vit comme autorisé par ces paroles à bien
traiter toutes les castes. 15,320.
11 les approvisionna tous avec joie d’eau, de nourriture,
de lait et de mets agréables, de bouquets aux senteurs
exquises et d’habits variés. 15,321.
Quand ce héros leur eut construit des habitations sui-
vant les Çâstras et conformément à l’ordre des rangs,
quand l’indra des rois, après les avoir bien caressés, leur
eut distribué différentes sortes de richesses, il donnacongé
aux rois et aux brahmes par milliers. Ces personnages
IV 30
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406 ‘ LE MAHA-BHABATA.
congédiés, il entra dans Hâstinapoura, environné de ses
frères, accompagné de Karna et du Soubalide.
Au moment de son entrée, puissant roi, les poètes de
célébrer l’impérissable, les sujets de célébrer l’héroïque et
le plus éminent des rois.
15,322— 13,328— 18,324— 15,325.
Les sujets l’inondèrent de santal en poudre et de grains
frits : « Oh ! bonheur, s’écriaient-ils, le roi ne connaît pas
d’obstacle! Tu as accompli ton sacrifice. » 15,326.
D’autres I bardes le vantaient alors comme le maître de
la terre: o Ce sacrifice de toi, disaient-ils, est égal au sa-
crifice d’Youddhishthira. 15,327.
» Il ne valait pas même la seizième kalâ de celui-ci ! a
Ainsi certains brahmes parlaient en ce moment au sou-
verain. 15,328.
Ses amis disaient : « Ce sacrifice est au-dessus de tous
les autres! Yayùti et Nahou.sha lui-même, Mândhâtri et
Bharata sont tous allés au ciel, après qu’ils eurent obtenu
la purification dans la célébration de ce sacrifice ! » L’oreille
caressée par ces douces ])aroles de ses amis, le monarque
entra joyeux dans la ville, et arriva à son palais. 11 s’in-
clina, souverain des hommes, aux pieds de son père et de
sa mère, de Bhishma, de Drona, de Krij)a, du sage Vi-
doura et des autres. Scs frères plus jeunes de le saluer
comme le père de ses frères.
Il s’assit, environné de ses frères, sur un noble .siège.
Alors, s’étant levé, le fils du cocher parla ainsi au grand
roi ; 15,329—15,330—15.331—15,332—15,333.
(I Tu as heureusement conduit à son terme ce .sjicrifice.
Mais, en imuiolant les Pàndouides dans un combat, ù le
plus éminent des BLaratides, et en te donnant le motif de
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VANA-PARVA.
407
célébrer un râdjasoûya, je peux de nouveau te procurer
-de la joie. » Le grand monarque à la haute renommée, fils
de Dhritarâshtra, lui répondit ; 15,334 — 15,335.
« C’est une vérité, que tu as dite là, ô le plus excellent
des hommes : en donnant la mort aux (ils de Pàndou, et me
procurant l’occasion d’un râdjasoûya, le plus grand des
sacriûces, tu ajouteras ainsi, héros, à ma fortune I » Aces
mots, grand roi, le Bharatide embrassa le vaillant Kama.
Le rejeton de Kourou pensa à ce râdjasoûya, le plus
éminent des sacrifices, et le puissant monarque dit aux
Rourouides assis à ses côtés ; 15,336 — 15,337 — 15,338.
« Quand offrirai-je, victorieux de tous les Pàndouides,
descendants de Kourou, ce râdjasoûya, le plus grand des
sacrifices, aux plus opulentes richesses? » 15,339.
Kama lui dit : « Écoute-moi, ô le plus élevé des rois.
Tant que je n’aurai pas tué Arjouna, je ne laverai pasm^
pieds! 15,340.
» Je ne mangerai pas ce qui est né du sang ; j’obser-
verai le vœu des Asouras ; et, à quiconque me deman-
dera, je n’opposerai pas mon refus ! » 15,341.
Les Dhritarâshlrides aux grands chars, aux grandes
flèches, poussent des cris ; et, quand Karna eut promis de
tuer Arjouna dans la guerre, ils regardèrent les Pàndouides
comme déjà vaincus. Ausitôt qu’il eut congédié ces émi-
nents personnages, Douryodhana, l’ Indra des rois, entra
dans son palais, tel que le fortuné Vishnou entre dans le
Tchaîtravana : et tous ces héros, Bharati .le, s’en retour-
nèrent dans leurs habitations. 15,342 — 15,343 — 15,344.
Émus par ces nouvelles du messager, les Pàndouides
aux grands arcs pensent à cette affaire, et ne trouvent plus
de tranquillité nulle part. 15,345.
468
LE MAHA-BHAR\TA.
La promesse, que le fils du cocher avait donnée pour
la mort d’ Vrjouna, fut une nouvelle, Indra des rois, en-
core plus rap'dement apportée. l.‘',346.
Informé de ces choses, le fds d’Yama, pensant à la pro-
digieuse valeur de Karna, à sa cuirasse imbrisable, et se
rappelant ses anciennes peines, ne trouvait pas en lui de
tranquillité. Tandis que ce magnanime était assiégé de ces
pensées, il lui vint à l’esprit d’abandonner le boisDwaita-
vana, rempli de gazelles et de serpents en nombre infin .
Le roi, fils de Dhritarâshtra lui-même, environné de
ses héroïques frères, de Bhishma, de Drona et de Kripa,
célébra un sacrifice à la terre : et, réuni avec Karna, qui
avait la beauté de laspleodeur des combats, Douryodhana,
vivant toujours au milieu des choses agréables aux rois,
honora les principaux des brahmes avec des sacrifices aux
nombreux honoraires. {De la stance 15,347 à la stance
15,352.)
Le héros, fléau des ennemis, ayant résolu dans son
cœur des présents de fruits, de mets, sire, et de mainte
richesse, faisait le bonheur de ses frères. 15,352.
LE SONGE DES GAZELLES.
Djanamédjaya dit :
« Après que les Pândouides à la grande force eurent
brisé les fers de Douryodhana, que firent-ils dans ce bois?
Veuille me le raconter. » 15,353.
Vaîçampàyana répondit :
Arrosant leurs cous de larmes, les gazelles vinrent s’of-
frir la nuit, à la fin du sommeil, au fils de Kounti, Toud-
dhishtbira, endormi dans le Dwattavana. 15,35A.
L’Indra des rois dit à ces bêtes tremblantes, joignant au
front leurs pieds de devant pour l’andjali ; « Dites-moi ce
que vous avez envie de me dire. Qui êtes-vous ? Quel est
votre désir ? » 15,355.
A ces mots de l’illustre enfant de Kountî, les gazelles,
restes de leurs compagnes immolées, répondirent à Youd-
dhishlhira, le fils de Pàndou : 15,356.
« Nous sommes des gazelles, restes de leurs compagnes
470
LE MAHA-BHARATA.
immolées dans le Dw.iltavana, fils de Bharata. Que nous
ne périssions pas, grand roi ! Changez vos habitudes dans
ces forêts! 15,357.
» Les frères de ta majesté sont tous des héros, habiles
à décocher le trait : ilsont laissé peu de survivants dans les
troupeaux des habitants du bois. 15,358.
» Nous, faible reste, devenus la souche d’une nouvelle
race, Indra des rois, nous désirons que ta faveur nous
laisse, prince à la grande sagesse, le loisir de nous
accroître. » 15,359.
Quand il vit ces gazelles tremblantes, effrayées, restées
seulement pour être les mères de nouvelles bandes, le roi
Dharmarâdja-Youddhishthira, qui mettait son plaisir à
faire le bien de tous les êtres, leur dit, pénétré de la plus
vive douleur : « Je le ferai de la manière que vos excel-
lences disent. » 15,360 — 15,301.
S’étant réveillé à la lin de la nuit, le plus vertueux des
rois, ému de compassion, rassembla ses frères et leur
parla au sujet de ces animaux : 15,362.
» Les gazelles, restes de leurs compagnes immolées,
m’ont dit cette nuit dans un songe : « Nous ne sommes
plus que des enfants : que ta pitié, s’il te plaît, s’étende
sur nous!» 15,363.
» Elles ont dit la vérité : nous devons avoir pitié de ces
habitants du bois ; car noos avons atteint le huitième mois
de l’année, depuis que nous mangeons des gazelles.
» Retournons donc au Kâmyaka, forêt sublime, déli-
cieuse, où les gazelles abondent, au lac Trinavindou, ce
lieu, qui est la tête de MaroubhoAmi. 15,364 — 15,365.
» Demeurons-y le reste de notre habitation dans les
bois, et goutons-y le bonheur ! » Aussitôt s’avançent les
VANA-PARVA.
471
Pândouides, versés dans le devoir , accompagnés des
brahmes, qui demeuraient là avec eux, sire, et suivis des
serviteurs, Indraséna et les autres. 15,366 — 15,367.
Ils marchent en des routes suivies, fertiles en nourri-
ture, douées deliiupides ondes, etvoientenfin le kàmyaka,
hermiuige saint, a.^socié à la pénitence. 15,36.S.
Environnés des principaux brahmes, les plus vertueux
rejetons de Kourou et de Bharata entrèrent alors dans
cette forêt, comme des hommes aux bonnesœuvres entrent
dans le Swarga. 15,369.
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LE SEPTIER DE RIZ.
Vatçauipâyana dit :
Tandis que ces magnanimes Pândouides habitaient dans
les bois, ils passèrent avec douleur treize années, émi-
nent Bharatide. 15,370.
Vivants de racines et de fruits, dignes du plaisir,
mais en proie à la plus grande souffrance, ces hommes
supérieurs coulèrent tout ce temps révolu, adonnés à la
méditation. 16,371.
Le saint roi Youddhishthira, aux longs bras, pensa à la
peine extrême, que souffraient ses frères et dont sa propre
faute était la seule cause. 15,372.
Le Pàiidouide ne put dormir à son aise, comme s’il avait
des flèches entrées dans son cœur, et, à l’heure où naît la
lumière, réfléchissant à la méchanceté etserappellant ces
paroles amères, qu’avait prononcées le fils du cocher, il
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VANA-PARVA. 473
poussait, consterné, de profonds soupirs, et portait le
poison mortel de la colère. 16,373—16,874.
Arjouna, et les deux jumeaux, et l’illustre Drâupadt,et
le vigoureux Bhlrna à l’éblouissante splendeur, le plus
grand de tous, enduraient cette peine extrême, les yeux
fixés sur Youddhishthira; et ces vertueux enfants de Ma-
nou, pensant qu’il ne restait plus que bien peu de temps,
15,376—16,376.
Se firent comme un autre corps par des actions de cou-
rage et de colère. Quelque temps après, le fils de Satya-
vatl, le grand Yogi Vyâsa vint dans le désir de voir les
P&ndouides; et le fils de Kountl, Youddhishthira, l’ayant
vu arriver, se porta à la rencontre du magnanime et
l’accueillit suivant l’étiquette. Ce fils de Pândou, assis au-
dessous de lui, désirant l’entendre et tenant ses organes
des sens comprimés, réjouit avec une génuflexion Vyâsa,
placé sur un siège. Quand le maharshi vit ses petits-fils
maigres, vivants de fruits sauvages dans une forêt, il pro-
nonça ces mots touchants d’une voix, que ses larmes ren-
daient balbutiante : « Youddhishthira aux longs bras,
écoute, ô le plus vertueux des hommes vertueux. {De ta
stance 15,377 /> ta stance 15,381).
» Ceux, qui n’ont pas cultivé la pénitence, n’obtiennent
pas un grand plaisir dans le monde, carc’estla succession
du plaisir et de la douleur, qui aiguise les jouissances de
l’homme. 15,382.
» A personne ne fut donné un bonheur sans terme :
l’homme savant est doué d’une intelligence profonde.
» Il connaît le lever et le coucher des choses : il ne se
réjouit, il ne se lamente de rien ; il porte le plaisir, quand
il arrive ; il suppoite Ja douleur, quand elle vient.
47*
LE MAHA-BHARATA.
» Il supportera le temps, qui échoie, comme le laboureur
fait pour les semences : il n’est rien pour lui au-delà delà
pénitence ; il gagne beaucoup par la pénitence,
15,383.-15,384—15,385.
s II n'est rien, que ne puisse faire la pénitence 1 Que
ce soit là ta pensée, fils de Bharata, La vérité, la droiture, ^
l’absence de la colère, avoir tout en commun, la répression,
la placidité, ne pas dire du mal, ne pas nuire, la pureté et
la coercition des sens : voilà, grand roi, les purifications
des hommes aux œuvres saintes. 15,386 — 15,387.
U Les hommes, à qui le vice est agréable, insensés,
adonnés à la voie des bétes, tombés dans une matrice de
pécheresse, n’obtiennent jamais le bonheur. 15,388.
» On mange dans l’autre monde le fruit de l'œuvre, que
l’on a laite ici-bas : que l’homme livre donc son corps à la
])énitence et à la répression des sens. 15,389.
» Honorant les brahmes, s’inclinant devant eux, qu’il
donne suivant ses facultés, et, le temps arrivé, sire, l’Ame
joyeuse, sans envie, n’ayant que des paroles de vérité,
qu’il obtienne une longue vie, sans misère, avec la droi-
tm-e. Exempt de colère, dégagé de médisance, l’homme
obtient une paix supérieure. 15,390 — 16,891.
» Dompté, continuellement voué à la placidité, les sou-
cis ne sont pas son partage : son âme comprimée n’esipas
tourmentée de voir un autre jouir des faveurs de la fortune.
» L’homme, ayant mis tout en commun, heureux, jouis-
sant des plaisirs, ne fera aucun mal et goûtera une con-
dition de santé suprême. 15,392 — 16,393.
U Honorant les personnes honorables, l’homme, qui a
vaincu les sens, obtient de renaître dans une grande fa-
mille et n'est pas soumis au malheur. 15,394.
>
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VANA-PARVA.
A75
« En effet, celui, de qui Tàme est juste, de qui l’intel-
ligence est attachée à la poursuite des œuvres saintes, la
mort elle-même le manifeste aux yeux associé à l’union de
ces avantages. » 15,305.
Youddhishthira lui répondit:
« Révérend à la haute sagesse, est-ce qu’il y a dans
l’autre vie de nombreuses qualités jointes an devoir de
'aumône ou de la pénitence? Qu’est-ce encore que l’on
appelle difficile î » 15,896.
n 11 n’est rien sur la terre de difficile, mon fils, comparé
avec l’aumône, reprit Vyàsa. On prend avec la peine une
grande soif dans la richesse. 16,397.
« Abandonnant la vie si douce à cause des richesses,
prince à la haute intelligence, les hommes héroïques se
plongent dans la mer et dans le sein des forêts. 16,398.
» Le besoin des richesses fait seul faire aux hommes
l’agriculture et l’élève des troupeaux : il force les hommes
à se soumettre aux lois de la domesticité. 16,399.
» Il est donc très-difficile de renoncer à ce qui fut ga-
gné avec tant de peine : il n’est donc rien de plus difficile
que l’aumône : je l’estime beaucoup. 16,600.
» Il faut ici connaître la différence. Que l’on rende aux
brahmes vertueux, dans le vase, le lieu et le temps
propres, la richesse amassée suivant les convenances.
» Le devoir de l’aumône, s’il est exercé avec une ri-
chesse mal acquise, ne sauve pas d’un grand danger
celui, qui en estl’auteur. 15,601 — 15,602.
» Une aumône, quelque petite soit-elle, si elle est faite
à propos et dans le vase convenable, Youddhishthira, est
dite porter par une âme purifiée un fruit infini après la
mort. 15,603.
47«
LE MaHA-BHAUATA.
» Ici, l’on raconte cette ancienne histoire, quel fruit
Moudgala obtint par l'abandon d'un septier de riz. »
B Comment, interrompit Youddhishihira, un septier de
riz fut-il donné par ce magnanime? A qui, révérend, le
donna-t-il ? Et de quelle manière ? Compie-moi cela 7
10,404—15,405.
n Je pense quelle a porté son fruit, la naissance de
l’homme aux œuvres saintes, de qui les bonnes actions ont
réjoui la vue de l’adorable Yama. » 15,406.
Vyâsa lui répondit :
(. Dans le Kouroukshétra vivait, sire, le vertueux Moud-
gala, qui tenait comprimés ses organes des sens, qui avait
des paroles de vérité, jamais la médisance è la bouche,
et qui gagnait sa vie à glaner. 15,407.
» Astreint an vœu-des-hdtes, il mêlait à la célébration
des sacrifices le soin de nourrir des pigeons ; cet
homme aux grandes pénitences cultivait le sacrifice,
nommé Ishtikrita ou [ ac< omplûsement des désirs.
» Le solitaire avec son épouse et son fils était donc
adonné à la nourriture des pigeons : il ramassait dans sa
quinzaine un septier de riz avec les vivres de ces oiseaux.
15,408—15,409.
» 11 observait sans avarice la nouvelle et lapleine-lune:
il trouvait pour soutenir son corps dans ce qui restait sur
la nourriture de ses hôtes et des Dieux. 15,410.
» Indra en personne, le souverain des trois mondes, ac-
compagné des Dieux, puissant monarque, recevait de lui
sa portion à chaque nouveau parvan. 15,411.
» Quand il s’était acquitté de la cérémonie du parvan,
le solitaire, adonné à nourrir des anachorètes, olh'ait, d’une
âme joyeuse, la nourriture à ses hôtes. 15,412.
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VANA-PARVA.
A77
V) Ce qui restait du septier de riz à ce magnanime, qui
donnait sans avarice la nourriture, augmentait à la vue
même de ses hôtes. 15,A13.
» Des centaines de brahmes intelligents mangent les
provisions du vase, et l’on voit toujours le septier accroître
sadenrée, tant est pure la générosité du solitaire! 15,A1A.
>• Dourvâsas entendit parler du vertueux Moudgala,
ferme dans ses vœux, et il vint le trouver, enveloppé de
l’air pour seul vêtement. 15,âl6.
» Cet anachorète portait, comme un insensé, un vête-
ment, que rien ne retenait; il était chauve, fils dePândou,
et prononçait différentes paroles sévères. lô,A16.
» Le plus vertueux des solitaires s’approcha du brahme
et lui dit : « Sache, 6 le plus sage des anachorètes, que
le besoin de nourriture m’a conduit ici 1 » 15,âl7.
« Sois le bien-venu ! » ré|x>ndit aussitôt l’herinite Moud-
gala, qui lui fit apporter de l’eau pour se laver les pieds,
de l’eau {wur se rincer la bouche, et une excellente nour-
riture. 15,418.
» Astreint au vœu des hôtes, l’anachorète aux vœux
fermes, embrassant les plus hauts sentiments de respect,
donna la nourriture à cet ascète affamé, qui ressemblait à
un insensé. 15,410.
» Le mendiant, pressé par la faim, mangea comme un
fou toute cette nourriture savoureuse, et Moudgala de lui
en donner encore. 15,420.
» Quand il eut mangé tout ce mets et ce qui restait à
l’anachorète, il oignit ses membres avec la nourriture et
s’en alla comme il s'était présenté. 15,421.
» Le mendiant étant revenu pour la seconde fois, les
ascètes vinrent eux-mêmes au temps accoutumé et man-
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478
LE MAHA-BHARATA.
gèrent toute la nourriture de l’homme, qui ramassait sa
vie en glanant. 15,422.
» L’anachorète se trouva doncsans aliments, il en cher-
cha de nouveau dans l’occupation de glaner ; mais il leur
fut impossible d’apercevoir en lui aucune émotion causée
par la faim. 15,423.
i> Ni colère, ni avarice, ni inépris,ni trouble ne pénétra en
cet excellent brahme, glanant avec son épouse et son fils.
» Dourvâsas, étant revenu six fois, s'approcha, sa réso-
lution prise, de l’éminent conachorète, occupé du devoir
de glaner. 15,424 — 15,425.
» Le divin solitaire n’aperçut aucun changement dans
l’âme de Moudgala ; il vit que cette âme était encore sans
tache, pure, et que la qualité sattwa était en lui sans mé-
lange. 15,420.
» Il dit joyeux à Moudgala: « 11 n’existe pas dans ce
monde un homme égal à toi pour donner, exempt d’ava-
rice. 15,427.
» La langue ravit la connaissance du devoir à l’homme
affamé, elle ôte la fermeté ; recherchant les saveurs, elle
entraîne l’homme vers les choses savoureuses. 15,428.
» L’ existence a pour cause la nourriture. L’âme mal
contenue est vacillante : la pénitence bien résolue est fer-
mement attentive à l’âme et aux sens. 13,420.
» Il est dillicile d’abandonner ce que l’on a ramassé avec
peine. Tout cela fut exactement accompli d’une âme
sainte par ton excellence, homme vertueux. 15,430.
» Nous sommes contents, nous sommes heureux d’avoir
pu nous réunir avec foi. l..a victoire sur les sens, la fer-
meté, le communisme, la répression, la placidité, la com-
passion, la vérité et le devoir, tout réside en toi. Tu as
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VANA-PARVA.
479
conquis les mondes par tes œuvres ; tu es entré dans la
voie suprême. 15,431 — ^15,482.
» Oh! que les habitants du Swarga proclament que
l’aumône est une vertu bien grande ! Ta sainteté, ana-
chorète aux vœux bien observés, ira dans le Swarga, re-
vêtue même de son corps ! » 15,433.
» A peine l’anachorète Dourvâsas avait-il achevé de
parler ainsi, que le messager des Dieux se présenta devant
Moudgala sur un char, attelé de cygnes et de grues, varié,
exhalant une odeur céleste, allant au gré de la volonté,
orné de guirlandes et d’une multitude de clochettes.
» Il dit au brahmarshi ; « Monte dans ce char, que tes
œuvres ont su conquérir ! Tu as acquis, solitaire, la plus
haute perfection. » 15,434 — 15,435 — 15,436.
» Au messager des Dieux, qui tenait ce langage : « Je
désire que ta divinité me dise, répondit le rishi, quelles
sont les vertus des habitants du Swarga. 15,437.
» Quelles sont les qualités des hôtes du Swarga ? Quelle
pénitence on y cultive? Quelles résolutions on y prend?
Quel plaisir ou quelle peine, messager des Dieux, il y a
dans le Swarga ? 15,438.
» Agni est, dit-on, l’ami des gens de bien. Les hommes
vertueux sont dignes de sa famille. Ton amitié, seigneur,
m’inspire de t’adresser ces questions. 15,439.
» Dis-moi, sans balancer, ce qui est vrai, ce qui est
convenable ici. Quand je t’aurai entendu, je ferai ce que
ta bouche aura décidé. » 15,440.
» Le messager des Dieux lui dit :
« Tu as un noble esprit, toi, qui penses, maharshi, qu’il
fautsonger beaucoup, comme un ignorant, avant d’accepter
ces plaisirs bien grands du Swarga, que tu as mérités.
A80
LE MAHA-BHARATA.
» Ce qui est nommé le ciel et qui s’étend sur nos têtes,
est le monde du Swarga. Une conduite vertueuse, ana^
chorète, s’élève toujours en haut et va sur le char des
Dieux. 16,441—16,442.
» Là, ne montent jamais, Moudgala,ceux, qui n’ont pas
cultivé la pénitence, les hommes, que ne recommandent,
ni les sacrifices, ni les sacrificateurs, ceux, qui sont men-
teurs, et les athées. 15,443.
» Mais les hommes, qui ont donné leur âme au devoir,
qui se sont vaincus eux-mèmes, réprimés, placides, sans
jalousie, qui se plaisent dans le devoir de l’aumône, et les
héros, qui portent les cicatrices des batailles, s’élèvent,
après qu’ils ont pratiqué les plus hauts devoirs, accompli
la répression des sens et la tranquillité de l’esprit, dans
ces mondes purifiés, brahme, où circulent les hommes
vertueux. 16,444 — 15,445.
U Làsont, Maâudgalya, les Apsaras,les Gandharvas, les
formes de Dliaïua et d’Yama, les maharsbis, les Viçvas,
les Sâdhyas et les Dieux. 15,446.
» Us habitent en grand nombre chacun de ces jardins
célestes. Ces mondes .sont charmants, lumineux, doués
d’amour et formés de splendeur. 16,447.
» Là, se dresse à trente-trois mille yodjanas de hauteur
le Mérou, fait d’or, le roi des montagnes ; là sont, Moud-
gala, les jardins royaux des Dieux ; 15,448.
» Ces Ëdens purs, les promenades des hommes aux
œuvres saintes. Là, on ne connaît, ni la faim, ni la soif, ni
la fatigue, le froid ou le chaud, ni la crainte. 15,449.
n I.à, n’existe, ni le dégoût, ni le moindre malheur. Par-
tout, ce sont des odeurs délicieuses ; partout, ce sont des
choses agréables à toucher. 15,450.
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VANA-PARVA.
A81
< » De tous c6tés, on u’enteud que des sons, le charme
de l'oreille. Là n'est, anachorète, ni le chagrin, ni la
vieillesse, ni le travail, ni la plainte. 15,451.
» Tel est, anachorète, le monde, qui a pour cause le
fruit au mortel vertueux de ses propres actions. Les
hommes y sont réunis par les bonnes œuvres, dont chacun
est l'auteur. 15,452.
U Les corps des hommes, qui arrivent là, sont lumi-
neux, Maàudgalya ; ils naissent de leurs œuvres, non d'un
père, ni d'une mère. 15,453.
1) On ne connaît là, ni la sueur, ni la mauvaise odeur,
ni l'urine, ni l'excrément : jamais la poussière, anacho-
rète, n'y souille leurs vêtements. 15,454.
» Leurs guirlandes ne se flétrissent pas ; on ne voit pas
expirer leurs exquis et célestes parfums: des chevaux de
telle sorte, brahme, sont attelés à leurs chars. 15,455.
» Libres d'envie, de chagrin, de fatigue, exempts de
jalousie et de démence, les hommes, qui ont conquis le
Swarga, saint anachorète, y vivent au sein de la félicité.
» Par-delà ces mondes, qui sont de telle sorte, éminent
anachorète, sont pour l'humanité des mondes célestes,
remplis de qualités. 15,456 — 15,457.
» Là, sont des mondes enchanteurs, formés de lumière,
récompense des brahmes, où les rishis sont conduits, pu-
rifiés par leurs bonnes actions. 15,458.
V Là, sont les Dieux nommés les illbhous et d'autres
Dieux des Dieux mêmes : les plus grands de ces mondes sont
les mondes, auxquels sacrilient les Dieux ici-bas. 15,459.
» D'autres mondes resplendissants, qui tirent d'eux-
mêmes la lumière, versent toutes les choses, que l'on dé-
sire. Là, n'existe aucune peine, causée par les femmes; là,
IV 31
482 LE MAHA-BHARATA.
n’existe pas l'envie de la domination du monde. 15,460.
» Us ne vivent pas d’oblations, ils n’ont pas même
l’ambroisie pour nourriture ; leurs corps divins n’ont pas
de forme où ils soient enchaînés. 15,461.
» Ces Dieux éternels de.s Dieux ne sont pas au sein du
plaisir comme des amis du plaisir ; ils ne roulent pas,
entraînés dans les révolutions des mondes. 15,462.
» D’où pourraient venir à ces êtres la vieillesse et la
mort? Ils n’oat ni joie, ni plaisir, ni volupté : ils n’ont ni
plaisir ni douleur : d’où viendraient à eux, solitaire,
l’amour et la haine. 1 5,46S.
» Lne voie supérieure est désirée par les Dieux mêmes,
Maâudgalja. La suprême perfection est difficile à obtenir;
elle est inabordable à ceux, qui donnent leurs sens à
l’amour. 16,464.
» Ces Dieux sont an nombre de trente-trois: leurs mondes
sont visités par des sages, aux vœux les plus vertueux, aux
auménes conformes à la règle. 16.465.
» Tel est ce fruit, que produit l’aumône etqiii fut pieu-
sement gagné par toi : jouis de ce fruit, conquis par tes
bonnes œuvres, ô toi, de qui la splendeur est illuminée
par la pénitence. 15,466.
» Voilà quel est, brahme, le bonheur du Swarga, et ses
mondes sont de plusi?urs sortes. Je l’ai dit les qualités du
Swarga ; écoute-moi te dire quels en sont les défauts.
» 1æ fruit de l'œuvre faite ici-bas est mangé dans le
ciel : la rescision de la racine empêche de faire une autre
action et de goûter au fruit. 15,467 — 15,468.
» Le mal est ici, je pense, qu’il faut descendre à la fin
de ce fruit, et que l’on descend, Moudgala, des choses
mentales, occupées par fidée du plaisir. 15,469.
U Le déplaisir et le souci de voir les fortunes plus écla-
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' VANA-PARVA.
tuitps des antres est un spectacle bien odienx à ceux, qui
sont placés dans une condition inférieure. 15,â70.
a La connaissance et l’ignorance des faillis, l’orgueil par
’a qualité de passion, lacraintedes guirlandes fanées pour
les âmes, qui vont tomber, ces maux sont épouvamables,
Maâudgalya, dans tous les palais de Brahma. Cependant
les vertus des hommes aux bonnes œuvres sont par my-
riades dans le monde du ciel. 16,A71 — lô,&72.
» Voici pour les déchus du ciel, anachorète, la qualité
la meilleure entre les autres : c’est de renaître parmi les
hommes, associé à la poursuite du bien. Ainsi celui, qui
eut part aux joies du ciel, renaît vertueux. S’il en garde ici
la connaissance, il ne tombe pas dans une basse condition.
» On mange dans l'autre monde le fruit de l’action, que
l’on a f.ite dans cette vie : la terre des actions est ici-bas;
on estime, brahme, que la terre des fruits est lâ-baut.
15,478— 16,474-1 5,A75.
» iTai répondu à toutes les demandes, que ;u m'as
adressées, Moudgala; allons I par amour pour toi, ver-
tueux anachorète, ne tardons plus à nous rendre au ciel. »
» Dès qu'il eut oui ce discours, Maâudgalya, le plus
vertueux des anachorètes, l’ayant roulé dans sa pensée,
congédia le messager des Dieux et lui dit :
15,475— 15,477.
‘ « Adoration soit faite 4 toi, messager des Dieux I Va à
ton gré, Adorable : je ne doi^ rien faire, k ma grande
ftiute, par le Svrarga ou ]>ar le plaisir. 15,478.
» A la fin de la descente se trouve une grande douleur,
une peine bien épouvantable. Des hommes, qui ont eu
part au Swarga, marchent ici-bas : je ne désire donc plus
le Swarga. 15,479.
Lt MAHA-BHARATA.
hSà
U Je rechercherai seulement ce lieu étemel, où les
hommes, une fois qu'ils y sont allés, ne s'allligentplus, où
ils ne tremblent plus et d'où ils ne reviennent pas. »
Houdgala finit par ces mots :
« Tu m’as raconté ces grands maux du Swarga ; mais,
s’il en est un sans mal, parle-moi de ce monde I »
Le messager des Dieux lui répondit :
« Au-dessus du palais de Brahma, est la place supérieure
de Vishnou, que l'on appelle, brahme, la lumière suprême,
étemelle et pure. lô.ùSO — 15,A81 — 15,iS2.
U Là, ne vont pas les hommes, de qui l'âme est livrée
aux objets des sens, qui sont le jouet de l'hypocrisie, de
l'avarice, de la bouillante colère, de la folie et de la vio-
lence. lâ,âS3.
» Ceux, qui vont là, sont des hommes sans désir, sans
orgueil, sans querelle, qui ont réprimé les organes des
sens et sont voués à la méditation et à l'yoga. » 15,A8i.
’» Dès qu’il eut achevé ces mots et qu'il eut donné congé
au messager des Dieux, le solitaire, adonné au vœu de
nourrir sa famille par le glanage, obtint la plus haute pla-
cidité. 16,A85,
a Regardant comme égaux le blâme et l’éloge, estimant
au même prix l'herbe, la pierre et l'or, il était impertur-
bable dans sa méditation par l’union pure de la science.
U Ayant acquis la puissance par son association avec la
science, étant parvenu à une intelligence supérieure, il
atteignit une perfection éternelle, suprême, qui portait les
caractères de la béatitude absolue. lâ,A86— 15,A87.
» Ne veuille donc [)a.s, fils de Kounil, t’abandonner au
chagrin : déchu de ton opulent royaume, tu le recouvreras
par ta pénitence., là, ASS.
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VANA-PARVA.
A85
» La peine, immédiatement après le plaisir, le plaisir,
immédiatement après la peine, saisissent l'homme succes-
sivement et te' font tourner comme les rayons d’une roue.
» Une fois la treizième année écoulée, tu rentrera.s dans
le royaume de ton père et de tes ayeux, renonce donc à tes
peines d’esprit. » 15,189 — 15,490.
Quand il eut parlé de cette manière au fils de Pândou,
le révérend et sage Vyâsa s’en revint à son hermitage se
livrer à la pénitence. 15,401.
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LE RAPT DE DRAAÜPADI.
J^anamédjaya dit :
« Tandis que ces magnanimes fils dePândou habitaient
dans ces bois, où ils se récréaient aux différentes narrations
des anachorètes, et qu’ils nourrissaient, avec les diverses
viandes des gazelles de la forêt, les brahmes, que le besoin
de nourriture avaient conduits vers eux (mais Krishnâ avait
le soin de la nourriture immortelle, donnée par le soleil),
comment se conduisirent alors, grand anachorète, tous
ces Dhritarâsbtrides à l'àme perverse, Uouryodbana et les
autres, ces artisans d’iniquités, qui suivaient le sentiment
de Douççâsana, de Kama et de Çakouni.
» Üis-moi cela, révérend Valçampâyana, à moi, qui te
le demande. »
Vaiçampàyana lui répondit :
Quand il eut appris leur manière de vivre dans ce bois,
comme s'ils habitaient au sein d’une ville,
15,492— 15,493— 15,49i— 15,495— 15,496.
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VANA-PARVA.
AS7
Douryodhana songea au prime àl’égai'dde ces hommes,
puissant roi, avec Douççàsana, Karna et les autres, sa-
vants dans l’art des méchancetés. 15,â97.
Pendant que ces pervers roulaient pour eux la pensée
du crime, le vertueux, l’ascète, l’être à la bien grande re-
nommée, Dourvâsas vint de lui-même les trouver, envi-
ronné d’une myriade de ses disciples. Aussitôt que Dou-..
ryodhana vit arriver devant lui ce solitaire au caractère
le plus irascible, formant vite son âme à la modestie et à,
la répression des sens, le beau prince, accompagné de ses
frères, l’invita, suivant les règles de l’hospitalité.
Placé comme un serviteur, il honora le saint coqfor-,
mément aux lois de l’étiquette ; le plus vertueux des solir,
taires demeura chez lui quelques jours.
15,498—15,499—15,500—15,501.
Leroi Douryodhana, roi puissant, le servit, sans paresse,
lejour etianuit, dans la crainte de sa malédiction. 15,502.
« J'ai faim, roi des hommes, dit un jour l'anachorète;
prépare-moi vite de la nourriture.» Aces mots, il s'en alla
se baigner, et ne revint que long-temps après. 15,503.
O Je ne mangerai pas maintenant, je n'ai pas faim 1,
disait-il une autre fois ; et il entrait aussitôt dans l’invi-
sibilité. Une autre fois, il disait : « Donne-nous à manger,
et lais diligence ! » 15,504.
Quelquefois, il se levait au milieu de la nuit pour
adresser des reproches; ou, quand on avait préparé de la
nourriture, comme devant, il neniangeait pas et il blâmait.
Quand, au milieu d'une telle conduite, il vit le roi
Douryodhana ne pas moutrer de colère, ni aucun chan-
gement dans son esprit, l’anachorète fut satisfait.
15,505— 15,50(5.
LE MAHA-BHARATA.
m
L’intraitable Dourvâsas lui dit : « Je suis un donateur
des grâces. Choisis une grâce, s’il te plaît, dont le désir
soit dans ton cœur. 15,507.
» Quand je suis content, il n’est rien de juste, que tu
ne puisses obtenir ! n Dès qu’il eut ouï ces paroles du grand
saint, de qui l’ânie était domptée, Souyodhana se crut
ressusciter du tombeau. L’insensé commença par délibérer
avec Douççâsana, Rarnaet les autressurce qu’il fallait de-
mander à l’anachorète satisfait. Voici donc ce qu’il résolut,
et le monarque, au comble de la joie, demanda cette grâce:
« Puisque ta sainteté fut mon hôte avec ses disciples,
écoute! Le vertueux Youddhishthira, l’ aîné de notre fa-
mille, le plus grand, le puissant roi, vit dans les bois,
environné de ses frères ; deviens son hôte, vertueux ana-
chorète, doué d'un tel caractère.
15,508—15,509—16,510—15,111—15,512.
» Quand la princesse illustre, bien délicate, née danâ
la première des classes, ayant donné la nourriture à tous
les brahmeset à ses cinq époux, se sera assise à son aise,
et quand, fatiguée, elle prendra son festin, vas alors auprès
d’elle, si tu veux m’accorder cette faveur. »
« Je le ferai par affection pour toi ! * répondit à Dou-
ryodhana l’ Indra des brahmes, Dourvâsas lui-mème, qui
s’en alla comme il était venu. 15,513 — 15,Slâ — 15,515.
Alors Souyodhana de penser qu’il était parvenu au
comble de ses vœux, et, dans la joie la plus vive, de saisir
avec sa main la droite de Rama. 15,516.
Celui-ci, dans un élan de plaisir, dit au monarque,
accompagné de ses frères : « Oh bonheur ! Voilà ton désir
accompli 1 Oh bonheur! ta fortune augmente, rejeton de
Konrou. 15,517,
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VANA-PARVA.
A89
» Oh bonheur ! tes ennemis sont plongés dans un océan
infranchissal)Ie d’infortune ! Les fils de Pândou tombent
dans un feu, que va allumer la colère de Doun Asas !
» Ils vont tomber, par leurs propres et grandes fautes,
en des ténèbres difficiles à traverser ! » Parlant ainsi, ces
hommes, savants dans l’art des méchancetés, Douryodliaiia
et les autres, l’ànie dans la joie et riant, s’en retournent,
chacun dans son palais. 15,518 — 15,519 — 15,520.
- Un jour, ayant appris que les fils de Pândou étaient
paisiblement assis après leur festin et que Krishnâ était au-
près d’eux dans cette forêt, l’hermite Dourvâsas s’approcha,
environné de ses disciples, qu’on estimait au nombre d’une
myriade. Dès qu’il vit arriver cet hôte, le roi Youddhish-
thira, .Vtchyouta le fortuné, s’avança avec ses frères, tour-
nant vers lui sa face, et, joignant ses mains au front, il
le fit asseoir convenablement sur un siège élevé.
11 honora le saint conformément à l’étiquette, et l’invita
suivant les règles de l’hospitalité. (1) Quand il voulut
iortir; « Révérend, lui dit Youddhishthira, une fois que
tu auras vaqué aux occupations du jour, reviens prompte-
ment. » 15,521— 15,522— 15,523— 15,52â.
L’anachorète absolument tide de péchés alla se baigner
avec ses disciples : « Comment, pensa t-il (2), Youddhish-
thira pourra-t-il suflir à me donner la nourriture, à moi
et à mes disciples ?» 1 5,525.
La troupe des anachorètes se plongea dans l’eau avec
recueillement. Dans cet intervalle, sire, Draânpadl, la
(1) t^vidomment il y a ici ane lacune, que noua cherchons à remplir avec
GM quatre niote.
(1) Le telle porte : kaihamUyavitchintayai ; U faut : kathamitivyd'
tchiniayat.
490
LE MAHA-BHARATA.
meilleure des femmes et l’épouse fidèle, tomba en de pro-
fondes, réflexions au sujet de la nourriture, et, comme elle
ne trouvait pas dans ses pensées le moyen de fournir à tant
d’aliments, elle songea dans son cœur à Krishna, le meur-
trier de Kansa : « Krishna ! Krishna ! dit-elle ; fils aux
longs bras, impérissable de Dévakî,
a Vasoudévide, protecteur du monde, destructeur- à
l’arc sans cesse courbé, âme du monde, auteur du mond^
qui retire en toi le monde, seigneur, être sans fin,
15,626— 15,527-16,028— 15.529.
». Protecteur des personnes pieuses, protecteur des trou-
peaux, protecteur des créatures, être supérieur à ce qui
existe déplus parfait, instigateur des désirs et des pensées,,
je m’incline devant toi. 15,550.
» Chef et bienfaiteur éternel, sois la route de ceux, qui
manquent de route, homme antique, souille de l’existence,
objet des sens offert maintenant pour la conduite de l’âme,
» Inspecteur, de tout, inspecteur de ce qu’il y a de plus
élevé, j’ai recours à ta protection. Défends-moi avec com-
passion, Dieu, l’ami de ceux, qui se réfugient sous ton
appui, 15,531-r-15,532.
» Dieu aux yeux rou^ comme le calice du lotus, au
teint d'azur comme les pétales du nymphœa bleu, toi, re-
vêtu d’une robe jaune, paré du brillant Kaâustoubha,
» Toi, le commencement et la fin des êtres, toi, leur
voie supérieure, la plus grande des plus grandes lumières,
l’âme de tout, le principe de toutes choses.
15,533—15,534.
» On dit que tu es la racine suprême, le trésor de toutes
les prospérités. Avec toi pour protecteur, souverain des
Dieux, on ne craint pas les malheurs, quels qu'ils soient.
/ VANA-R\RVA.
AOl
U Daigne me tirer ici de ce défilé, comme je fns jadis
arrachée aux muns de Douççâsana dans l’assemblée, d
Ainsi loué par Krishnà, le Dieu, ami des personnes dé-
votes, aussitét qu’il connut l’embarras de Draàupadt, le
Seigneur, le Dieu des Dieux, Kéçava, le souverain du
moude, abandonna Roukmint, placée A ses cétés dans sa
couche, et ce dominateur, de qui la route surpassait l’ima-
gination, se rendit à la hâte aux lieux, où elle était.
15,535—15,536—15,537—15,538.
Dés que DraAupadi le vit, elle s’inclina au comble de,
la joie, et fît connaître auVasoudévide l’arrivée de l’ana-
chorète et de ses disciples. 15,530.
Krishna lui dit: • J’ai faim I je meure de besoin. Donne-
moi à manger, Krishnà, et je ferai ensuite tout ce que lu
détire*. 15,5i0.
A peine eut-elle entendu ce discours, Krishnà répondit
avec confusion : « Les aliments, qui res aient dans la mar-
mite du soleil, furent mis à ma disposition ptour manour-
riture. 15,5A1.
i> Je les ai mangée. Dieu ; il ne me reste donc plus rien.»
Bbagavat aux yeux delotusdlt alursà cette dame : 15,542.
« Krishnà, ce n’est pas le temps de s'amuser, quand je
suis malade du tourment de la faim. Va promptement,
fais apporter cette marmite, et montre-la-moi. » 15,543.
11 dit, et le continuateur de la race d’Yadou, Kéçava,
ayant fait avec instance apporter ce vase, vit une nourriture
de légunte attachée au cou de la marmite. 15,544.
Quand il feut mangée, Agni dit à Draâupadl : « Que
Hari-lçwara, l’ànie du monde, se réjouisse de cela et qu'il
en swt' satisfait ! 4 15,545. ,
Krishna aux longs bras, le destructeur des soucis, dit à
A92
LE MAHA-BHARATA.
BMmaséna: « Invitetousiesbrahraes, et sers-lenr promp-
tement cette nourriture. » 15,546.
Bhlmaséna à la haute renommée courut en dilii^nce
inviter, ô le plus vertueux des princes, tous les brahmes
au festin. 15,547.
Ils étaient allés, Dourvâsas à leur tête, se baigner dans
le fleuve des Dieux. Descendus dans l’eau, ils y firent l’a-
blution de leurs péchés. 15,548.
Remontés de cette rive, ils virent les uns et les autres,
comblés de la plus vive joie, ces ingrédients pour vomir,
ces mets et ces breuvages. 15,540.
A cette vue, tous les anachorètes dirent à Dourvâsas :
a Nous sommes allés nous baigner, sur f invitation da roi,
qui a fait préparer ce festin, 15,550.
n Le mangerons-nous jusqu’à saüété? ou laisserons-
nous ces aliments préparés en vain? Que devons-nous
faire ici ? » 15,551.
Dourvâsas leur répondit :
<1 Une grande offense fut commise à l’égard de ce saint
roi, qui a fait préparer ces aliments. Craignons qu’il ne
nous consume, en fixant sur nous un œil irrité. 15,552.
a Je n’ai pas oublié la dignité de ce roi saint, fils sage
d’Ambarisha, brahmes, et je crains extrêmement cet
homme, qui a pour asile les pieds de Hari. 15,553.
» Les Pàndouides sont magnanimes, ils sont tous adonnés
an devoir ; ce sont des héros, qui ont acquis les sciences,
fermes dans leurs vœux et placés dans la pénitence.
» Dévoués au Vasoudévide, ils se compladsent toujours
dans les bonnes mœurs ; ils pourraient nous consumer dans
leur colère, comme un tas de cotonniers. 15,554—15,555.
U Fuyez donc promptement d’ici, mes disciples, sans
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VANA-PARVA.
A93
même les interroger. >> A ces mots de l’anachorète, leur
gourou, tous les brahraes s'enfuirent aux dix points de
l’espace, sous la crainte des fils de Pàndou. Bhtiiiaséna,
ne voyant pas les plus vertueux des anachorètes dans le
fleuve des Dieux, s’en alla, les cherchant çà et là dans
les tlrthas de cette rivière. 11 apprit des ascùies, hôtes
de ces rives, qu’il s’en étaient enfuis.
Revenu vers Youddhishthira, il rapporta l’histoire à
son frère. Tous les fds de Pàndou, désirant le retour des
brabmes, se maintinrent, l’ânie domptée, quelque temps
dans l’attente : o Arrivant soudain au milieu de la nuit, il
peut venir nous surprendre !
15,666—16,557—15,658—15,669—15,560.
I) Comment échapperons-nous au malheur de l’arrivée
subite de cet être divin 7 » Les ayant vus plongés dans ces
pensées et poussant mainte et mainte fois des soupirs, le
bienheureux Krishna vint s’oflirir devant eux et leur tint
ce langage ; « J'ai connu le malheur de vos ahesses, causé
par l’arrivée de cet anachorète, extrêmement irascible, et
je suis accouru à la hâte, fils de Prithà, appielé par une
pensée de Draâupadi : vous n’avez rien à craindre du rishi
Dourvâsas, si peu même que ce soit !
n 11 fuit avant son retour sous la crainte de vos altesses
éclatantes de splendeur. Quels que soient les hommes im-
perturbables dans le devoir, ils ne succombent jamais.
15,561—15,562—15,663—15,564.
» Je vous dis adieu : je m’en vais. La félicité descende
à toujours sur vous ! «Quand ils eurent entendu ce langage
de Kéçava, leur âme rentra dans sa paix accoutumée.
Accompagnés de Draâupadi, les fils de Prithà lui répon-
dirent : « Nous étions plongés dans une grande mer, au-
guste Govinda, mais grâce à toi, notre protecteur, nous
LE MAH.\-BH\iUTA.
a£»4
avons traversé, comme sur un navire, cette infranchissable
infortune. Fais ta route avec bonheur. Sur toi descende la
félicité! » Congédié par ces mots, il revint à sa ville.
15,565—15,566—15,567.
Les fils de Pândou avec Draàupadl, \Trtueux seigneur,
habitèrent, l’ànie joyeuse, en ces lieu.t et passèrent le
temps de forêt en forêt. 15,568.
Ici, je finis de te raconter les choses, sur lesquelles je
fus interrogé par toi, sire: c’est ainsi qu’échouèrent les
diverses méchancetés, mises en œuvre par les criminels
Dhritarishtrides contre les fils de Pândou, au sein des
bois. 15,660 — 15,570.
Valçainpâyana dit encore :
Tandis que ces héros, les plus vaillants d’entre les Bha-
ratides, parcouraient cette forêt Kâniy.-.ka, riche en ga-
zelles, ils y coulèrent le temps, heureux comme des
Immortels. 15,571.
Ils contemplaient des sites bocagers de toutes sortes et
des parties éclatantes de bois très-(leuries, délicieuses,
suivant le temps et la saison. 15,572,
Ces Pândouides, adonnés à la cha.ssc, errants dans cette
grande forêt, et semblables à Indra, y vécurent un certain
temps, dompteur des ennemis. 15,673.
Ces tigres des hommes, fléaux des ennemis, sortirent
un jour tous â la fois et s’en allèrent chasser, pour les
brahmes, dans les quatre régions de l'espace. 16,574.
Ils avaient laissé Draàupadl dans l’hermilage avec l’as-
sentiment de Trinavindou , le niaharshi à la pénitence
enflammée, et de Dhaâumya l’archibrahme. 15,575.
En ce temps, le désir de trouver une épouse conduisait
chez les Çàlvéyas le roi des Sindhiens, le Vriddhakshatride
à la hante renommée. 15,576.
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VANA-P/VRVA.
i05
Il s’avançait, environné d’une grande suite, convenable
à un roi, accompagné de plusieurs monarques, vers le bois
KAinyaka. 15,577.
U vil là dans cette forêt solitaire l’épouse bien-aimée
des Pàndou’des, l’illustre Drâaupadt, qui se tenait à la
porte de l’hermiiage. 15,578.
Brillaute de beauté, portant une forme supérieure, elle
illuminait cette région de bois, comme l’éclair illumine un
sombre nuage. 15,579.
A salue , tous joignant leurs mains au front : « C’est
une Apsaral... C’est une jeune fdle des Dieux!... C’est une
Mâyâ, créée par les Immortels ! » dirent-ils, en contem-
plant cette jeune femme sans défaut. 15,580.
Alors, le roi des Sindhiens, I^ayatraiha, le Vriddhak-
shatride, à l’àme dépravée, admire en souriant cette per-
sonne aux membres irréprochables. 15,581.
Fasciné par l’amour, il dit au roi Rautikâsya ; a A qui
est cette dame au corps sans défaut, si toutefois elle (1) est
une fille de Manou. 15,582.
« Si j’obtiens cette femme d’une beauté supérieure, je
n’ai plus aucune raison pour aller me marier : je vais l’en-
lever et m’en retourner avec elle à mon palais. 15,583.
» Va, mon ami ! cherche à la connaître. .A qui est- elle?
Quel est son pays? Pourquoi cette femme aux sourcils
channants est-elle venue dans cette forêt épineuse?
i> Plaise aux Dieux que cette femme aux grands angles
extérienrs des yeux, au joli regard, aux belles dents, à la
taille svelte et gracieuse , veuille maintenant venir avec
moi! 15,581 — 15,585.
(1) Le coDteile de la phraae exige le retraocbement de la négatloo, que
porte ici 1a lettre.
LE MAHA-BHARATA.
A96
» Si j’obtenais cette femme , la plus belle des femmes,
je verrais mon amour accompli ! Va! sache, Kautika, qui
est son époux. » 1.5,586.
A ces mots, Kautikàsya aux riches pendeloques, étant
sauté à bas de son char, s’approche et interroge Drâau-
padi comme un chacal interrogerait la femelle d’un tigre :
Cl Qui es-tu, resplendissante dame, toi, qui, faisant plier
cette branche de kadamba, demeures esseulée dans cet
hermilage? Dame aux sourcils chai’mants, tu bril'es d'une
manière éclatante, telle que, durant la nuit, la flamme du
feu, agitée par le vent. 15,587 — 15,588.
Il Douée d’une beauté si grande, est-ce que tu ne crains
pas dans ces buis ? Es-tu une Déesse ? Ou bien une Yakshi?
Es-tu une Dânavl, ou une ravissante Apsarà, ou une belle
dame des Daily as 7 15,589.
» Es-tu la charmante tille du roi des serpents? ou une
nymphe des forêts? ou la femme d’un Géuie des nuits?
Dis-moi si tu es l’épou.se du roi V'arnuna, d’ Varna, de
Soma, ou du souverain, qui préside aux richesses ?
1) Es-tu venue ici du palais de Dhâtri, de Vidhàlri, du
soleil, de Vishnou même ou de Çakra? Tu ne nous de-
mandes pas qui nous sommes et nous ne voyons ici per-
sonne, qui te protège. 15,590 — 15,591.
» Nous te demandons avec respect , noble dame , la
naissance et ton époux. Dis-noux dans la vérité quels sont
tes parents, ton mari, ta famille, et ce que tu fais ici.
» Moi, je suis le prince, fds du roi Souralha, que les
hommes appellent Kautikàsya. Celui, que tu vois sur son
char aux ais d'or et brillant comme le feu, auquel on sacrifie
sur l’autel, c’est le fils aux grands yeux de lotus du roi,
qui tient le sceptre de Trigartta ; on nomme ce héros
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VANA-PARVA.
497
Kshémankara. Le plus près de ceiut-ci est Mahadhanoush-
mat, fils aîné du monarque de Koulinda.
15,592—15,593—15,594.
» Il te contemple de ses grands et larges yeux : chargé
de fleurs, il fait continuellement son habitation sur les
montagnes. Celui, qui se tient près du lac, admirable jeune
homme au teint d’azur, c’est le destructeur des ennemis,
le fils aux beaux membres du puissant roi Ikshwâkou.
Derrière lui s’avancent à l’ombre des étendards douze
princes des Saâuvîras : tous, montés sur des chars attelés
de chevaux rougeâtres, ils brillent comme les feux allumés
dans les sacrifices. Voici leurs noms : Angàraka, Koun-
djara, Gouptaka, Çatroundjaya, Srindjaya et Soupravrid-
dha, Bhayankara, Bhramara, Ravis, Çoûra, Pratàpa et
Kouhana. Cet autre, que suivent six mille maîtres de chars,
des éléphants, des chevaux et des fantassins, c’est Djayat-
ratha, si ce nom, verlueuse dame, est parvenu jusqu’à
toi ; c’est le roi des Saâuvîras. Après lui suivent ce mo-
narque ses frères au brillant courage, Valâhaka, Anîkavi-
dârana et les autres, jeunes hommes, pleins de force,
héros les plus distingués des Saâuvîras. Le roi s’avance,
défendu par ces compagnons comme Indra environné de la
troupe des Vents. (De la stance 15,595 à la stance
15,601.)
» Dis-nous, dame à la belle clievelure, à nous, qui l’i-
gnorons, de qui tues l’épouse, de qui tu es la fille? »
Interrogée ainsi par le chef des Çivis, Draâupadî, la
fille du roi , le considère lentement ; elle abandonne la
branche du kadamba, rassemble sa robe de soie , et lui
tient ce langage : 15,601 — 15,602.
a Mon intelligence me dit, fils de l’indra des hommes,
IV 32
A98
LE MAHA-BHARATA.
qu’une femme telle que je suis, ne doit pas causer avec toi-.
Mais il n’y a ici personne, qui puisse te parler ; il n’y a pas
un homme, ni même une femme pour te porter ma parole.
» Seule ici maintenant, il faut que je te donne une ré-
ponse, homme illustre ; écoute-moi donc ! Comment seule
dans ce bois, parlerai-je à toi seul, sans manquer à mon
devoir? lô,C03 — lâ,(iOâ.
I) Je sais que tu es le fils de Souratha et que les hommes
t’appellent Kautikàsya; je te dirai donc, enfant des Çi-
vicns, quels sont mes parents et quelle est mon illustre
famille. 15,fi05.
» Je suis la fille du roi Droupada, et les hommes m’ap-
pellent Krishna ; j’ai choisi pour mes époux cinq guerrière,
qui sont venus dans le Khândavaprastha : écoute leurs
noms! 15.006.
I) Youddhishthira, Bhîuuxséna, Arjouna et les deux fils
de Mâdrî, l’un et l’autre héros parmi les hommes. Ils
m’ont laissée ici et, s’étant partagé les quatre plages de
l’espace, les fils de Priihà sont allés à la chasse.
» Le roi occupe l’orient, Bhimaséna le midi, Arjouna
l’occident et les jumeaux le septentrion. Je pense que nous
sommes .nrrivés prè.s du moment, qui doit ramener ici ces
hommes éminents dans la conduite des chars.
» Bien traité par eux, tu f en iras, où t’appellent tes
désirs : meta pied à terre et délie tes chevaux I Le magna-
nime fils d'Yama aime les hùles, il sera content do vous
avoir vus. » 15,007 — 15,008 — 1.5,000.
Quand cette fille du roi Droupada au visage pareil à la
lune eut parlé ainsi au rejeton de Çivi, elle entra joyeuse
dans la c.ase illustre de feuillage, songeant à remplir les
devoirs de l’hospitalité envers eux. 15,010.
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TANA-PARVA.
km
An milieu de tons ces rois arrêtés ainsi, Bharatide, le
prince messager rendit compte de son entretien avec
Krishna. 15,(111.
A peine eut-il entendu ce langage de Kaâutlkâsya , le
Saâuvirien dit au rejeton de Ç.ivi : « Comme ces paroles,
sorties de sa bouche, me réjouissent le cceur! 15,(512.
» Comment ton altesse a-t-elle pu s’éloigner de ces
femmes d’une beauté supérieure ? Pour moi, depuis que
j’ai vu cette dame, les autres femmes ne me semblent plus
que comme les femelles des singes! Héros aux longs bras,
je te dis une vérité : par sa vue, elle a ravi mon cœur au
plus haut degré I 15,(513 — 15,611.
» Dis-moi , rejeton de Çivi , si cet être fortuné est une
fille de Manou. » — « C’est Krishnâ-Draâupadi, l'illustre
fdle de roi, lui répondit Kaàutikâsya. 15,615.
1) C’est la royale épouse des cinq fils de Pàiidou. Cette
femme vertueuse est en grande estime; c’est une épouse
également vénérée de tons les Pàndouides. 15,(516.
» Va la trouver, Saàuvira ; et reviens, tournant la face
A tes guerriers ! » 11 répondit : « Je veux aller voir Draân-
padi! » 15,617.
Et Djayatratha à l’âme méchante , le roi des Saàuviras
et des Sindhiens, entra, lui septième de sa personne, dans
le saint hennitage, comme un chakal dans la caverne des
lions. Là, il tint ce langage à Draâupadi : « Salut à toi,
dame à la taille charmante, et bonne santé à tes époux !
15,618—15,619.
a Tous ceux, de qui tu désires la santé, se portent-ils
bien? a — « Bonne santé à toi-même, lui répondit-elle,
à ton royaume, à ton gouvernement, à ton trésor, à ton
armée! 15,620.
590
LE MAHA-BHARATA.
U Est-ce que seul tu donnes tes justes lois aux riches
Çtviens. aux Saâuvtras, aux Sindhiens et à tous les autres
peuples, qui sont connus de toi? 15,021.
n Le fils de Kountl, le rejeton de Rourou, le roi Youd-
dhisbthira se porte bien ; il en est ainsi de moi , de ses
frères et des autres, dont la santé est le sujet de tes ques-
tions. 15,622.
n Accepte un siège, fils de roi, et de l'eau pour te laver
les pieds. Je vais te servir cinq fois cent gazelles à ton
déjeûner. 15,623.
U Des daims porcins, qui appartiennent à la famille des
gazelles, des nyankous (1), des cerfs, de jeunes éléphants,
des lièvres, des ours, des axis tachetés, des çambaras (2),
des gayals et de nombreuses antllo|)es, 15,62i.
» Des sangliers , des buffles et d’autres animaux
de la famille des quadrupèdes seront les présents, que
tu recevras d'Youddhishthira lui-mème , le fils de
Kountl. » 15,625 (3).
O Merci pour ton déjeûner ! reprit Djayatratha : j’ai tout
ce que tu veux me donner. Viens I Monte dans mon char :
obtiens le bonheur tout entier! 15,631.
»' Veuille bien retirer ton amour aux fils de Pritbi, ces
malheureux, qui habitent les bois, qui ont perdu l’esprit,
qui sont tombés du trône, et de qui la fébdté est éva-
nouie. 15,632.
U La femme sage ne se choisira pas un époux, de qui la
fortune s’est envolée ; elle s'unira k un mari convenable,
et n’habitera point dans la ruine de ses prospérités.
(1-2) Daims ou Wlea de Teapi^ce,
(3) Cette staace eat aumérolée 16,630. Nous sautoos comme le texte cinq
chiffres pour l'accompagner.
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VANA-PARVA.
501
» Les fils de Pândou sont déchus de la fortune, ils ont
perdu le trône pourdes années éternelles : assez long-temps
tu as souffert l’infortiine par ton dévouement pour eux.
» Abandonne -les! deviens mon épouse, femme char-
mante, et jouis du bonheur I Règne avec moi sur les Sin-
dhiens et les Saâuvîras entièrement ! »
15,633—16,634—15,036.
A ce langage du roi des Sindbiens, fait pour ébranler
son cœur, Krishna indignée s’éloigna de ce lieu, fronçant
les sourcils sur son visage ; 1 5,636.
Et, pleine de mépris, rejetant son discours : « Qu’il n’en
soit point ainsi! dit au Sindhien Krishnâ à la taille gra-
cieuse ; rougis de honte ! » 15,637.
(iette femme sans reproche, qui appelait ses époux de
ses désirs , enchanta le survenant beaucoup plus en joi-
gnant la répliqué aux paroles de l' audacieux. 15,638.
Les lèvres tremblantes, ses orgueilleux sourcils abaissés,
ses yeux beaux, mais rouges par l’indignation et frappés
de la passion de la colère, cette fille de Droupada tint ce
langage à cet homme, qui défendait le royaume des Saàu-
vîras : 15,639.
« Insensé, comment ne rougis-tu pas de jeter tes inju-
res à ces héros illustres, aux poisons mortels, semblables
au grand Indra, qui se complaisent dans leurs devoirs,
fussent-ils placés même au milieu des multitudes d’Yakshas
et de Rakshasas? 15,640.
» Les hommes pareils au chien, Sou^ira, ne savent rien
dire de louable, soit qu’ils parlent à un pécheur, en-ant
dans les bois, soit qu’ils s’adressent à un maître de mai-
son, ascète, qui a complété sa science. 15,641.
» Dans une telle assemblée de kshatryas répandus au-
502
LE MAHA-BHARVfA.
tour de toi, il n’en est pas un, je pense, qui puisse aujour-
d’hui le saisir de sa main et te ramener en arrière, quand
tu seras précipité dans la gueule du PàtAla. 1 5,6A2,
» Toi, qui espères vaincre Vouddhishthira, qui marche
tel qu’un éléphant en rut, semblable au sommet d'une
montagne, c’est comme si tu voulais avec un bâton écarter
des troupeaux, que la soif conduit au Gange. 15,653.
» Quand, l’ayant touché du pied, tu fuiras, à la vue de
Bhimaséna irrité , tu reconnaîtras que tu voulais, par un
jeu d'enfant, arracher les cils dans le sommeil à la face
d’un lion d'une vigueur épouvantable. 15,655.
» Si tu oses toucher avec la pointe du p ed un vieux lion
à la force puissante, plus terrible encore, endormi dans
les cavernes de la montagne, alors tu peux combattre le
formidable Arjouna dans sa colère ! 15,655.
» lusensé, tu foules du pied â l’endroit de la queue deux
serpents noirs, à la gueule vénimeuse, à la double langue,
toi, qui veux combattre avec les deux plus jeunes fils de
Pàndou, les plus grands des hommes. 15,656.
Il De mêu>e que le bambou , le bananier et le roseau
portent des fruits pour la mort, et ne reviennent plus à la
sève de la vie, de même tu m’enlèveras, malgré la dé-
fense de ces héros ; mai» tu m'abandonneras mort, comme
le crabe meurt en donnant la vie à ses enfants. » 15,657.
« Je le sais, Krihsnâ, lui répondit Djayatratha; c’est une
chose connue de moi : ces fds des Dieux et des hommes
sont de telle sorte que tu l'as dit. Mais il est impossible
que tu puisses nous arrêter ainsi [lar cette crainte.
» Nous aussi , Krisbnâ , nous somujes nés en dix-sept
familles élevées : ornés des six vertus royales, nous pen-
sons, Draàupadl, que les fils de Pàndou, en sont déchus.
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VANA-PARVA,
60»
» Monte promptement, ou sur mon éléphant, ou sur
mon char ; il est impossible que je sois arrêté par un seul
mot ; ou tiens un langage de malheureuse , et tu retrou-
veras la faveur du roi des Saàuviras. »
1 5,t)i8 — 15,040 — 15,050.
(I Je suis forte, reprit Draùupadî ; est-ce que le roi des
Saàuviras m’estime ici une femme faible? Dame renom-
mée, cet acte de violence ne me fera point adresser une
parole d’infortune au roi des Saàuviras. 15,051.
» Cette femme, de qui les deu.x Krishnas, montés sur
un même char, suivront de compagnie la roule, Indra lui-
même ne pourrait jamais la ravir : combien moins un
autre homme, qui n’aurait que la force d’un mortel !
« Kiriti, le destruaeur des héros ennemis, qui enlève
la vie à ses adversaires, Kiriti, monté sur son char, en-
trant à cause de moi dans ton armée, la dévorera, comme
le feu aux temps chauds consume une forêt de bois secs.
» Djanàrdana avec les héros Andhakas et Vrishnides, et
tous les Kaikéyas aux grands arcs, tous ces princes aux
formes pleines d'ardeur s’attacheront à suivre ma route.
15,052 — 15,053 — 15,054.
» Les flèches épouvantables, à la fougue impétueuse,
lancées par l’arc Gàndlva et décochées par la corde de cet
arc, retentissent d’un bruit plus effrayant, quand elles
ont touché la main de Ohanandjaya. 15,055.
B Quand tu verras Gàndiva envoyer ces nuées de grandes
flèches au vol rapide comme des midtitudes d’oiseaux, et
Arjouna déployer sa bravoure naturelle, c’est alors que tu
condamneras ta mauvaise pensée. 15,050.
B Quand, au bruit de sa conque, au retentissement de
son gantelet, l’archer de Gàndiva, envoyant ses flèches
LE MAHA-BHARATA.
fiOâ
coup sur coup, lancera ses traits dans ton cœur, où s’en-
fuira alors ton audace. 15,657.
» Une fois que tu auras vu Bhlmaséna accourir, sa
massue à la main, et les deux fils de Màdrl voler à
travers les points de l’espace, vomissant le venin, qui naît
de la colère, tu tomberas, vil monarque, en de longues
douleurs. 15,658.
» Je n’offenserai jamais d’aucune manière, fût-ce seu-
lement de pensée, des époux d’une telle valeur : aussi te
verrai-je maintenant tan$ pitié, réduit sous leur puis-
sance, et les Prithides traîner ton corps, sur le champ de
bataille. 15,659.
» Ce rapt, commis par toi, homme cruel, ne doit pas
me causer de la douleur, je serai de nouveau réunie aux
héros nés de Kourou et j’irai avec eux dans la forêt Kà-
myaka. » 15,660.
Elle regarde de ses grands yeux ces guerriers, qui cher-
chaient à la prendre ; elle dit en les menaçant : « Ne me
touchez, ne me touchez pas ! » et, dans son effroi, elle
appelle de ses cris DhaAuniya, rarchi-brahnie. 15,661.
Djayatratha voulut la saisir par le bord de son vêtement
supérieur, mais elle de le repousser. A ce mouvement
d’elle, le scélérat tomba, comme un arbre coupé par les
racines. 15,662.
Mais, appréhendée avec une grande vitesse, la fille de
roi, poussant mainte et mainte fois des soupirs, Krishnft,
s’étant jetée aux pieds de Dhaâumya, fut entraînée et
monta, malgré elle, sur le char. 15,663.
« Tu ne peux l’enlever, cria à son ravisseur Dhaâumya,
sans que tu n’aies vaincu les héros tes époux. Observe,
Djayatratha, le devoir antique du kshatrya I 15,661.
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VANA-PARVA.
SOS
» Tu fais une action basse et tu recevras le fruit de ta
mauvaise œuvre, il n’y a pas de doute, si tu rencontres les
héros, fils de Pândou, s’avançant à la suite de Dharma-
râdja ! » 15, 605.
C«la dit, marchant au milieu de la troupe des fantassins,
Dha&umya de suivre l’illustre fille de roi, qu’on enlevait.
Ensuite, lorsque les fils de Pritbâ, les plus habiles des
hommes, qui manient l’arc, eurent parcouru chacun de
son côté la terre, et qu'errant dans ces quartiers ils eurent-
abattu des gazelles, des sangliers et des buffles, ils se
réunirent de nouveau. 15,666 — 15,667.
En ce moment, la vaste forêt, pleine de tigres et de di-
vers animaux, retentissait du gazouillement des oiseaux.
Ayant entendu les cris, jetés par les bêtes fauves, Youd-
dhishthira dit à ses frères : 15,668.
« Ces quadrupèdes se rendent vers la plage enflammée
par le soleil : les ramages de ces oiseaux annoncent une
cruelle, une épouvantable infortune : l’invasion de la
grande forêt par des ennemis ! 15,660.
» Retournez vite : c’est assez pour nous de ces gazelles ! '
l’inquiétude émeut et brûle mon esprit. Mon cœur éclipse
ma pensée couverte de soucis, et s'agite dans mon sein.'
» Le Kàmyaka semble à mes yeux un lac, dont Ga-
rouda a enlevé les serpents, un royaume sans roi et déchu
de ses prospérités, et tel qu’un vase, dont les buveurs ont
tari la spiritueuse liqueur, n 15,670 — 15,671.
Aussitôt, ces plus vaillants des hommes, portés sur de
riches et grands chars, attelés de rapides chevaux Sin-
dhiens, à la marche plus légère que le vent, tournent la
face à l’hermitage. 16,672.
Tandis qu’ils s'en retournaient, un chacal au cri pro-
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506
LE HAHA-BHiHATA.
longé, survemuit à leur côté gauche, glapit, et, réfléchissant
à ce bruit, Youddhishthira dit à Bhima et Dhanandjaya :
« Comme l'annonce ce vil chacal, venu sur notre côté,
il est bien certain que les fils de Kourou nous ont méprisés,
et que ces méchants nous font uoe violente guerre ! <>
Il dit : et de la grande forêt, qu’ils avaient parcourue à
la chasse, ils entrent dans le bois, où ils voient toute en
larmes une jeune suivante de leur épouse et sa sœur de
laiL 15,673 — 15,675 — 15,675.
Indraséna saute à bas du char, s'avance à la hâte, court
vers elle et, tout troublé, il tient ce langage à la sœur de
lait : 13,676,
« Pourquoi pleures-tu, tombée à terre 7 Pourquoi ton
visage est-il desséché et ta couleur fanée ? La fille de roi,
Draâupadi aurait-elle reçu un outrage des méchants, ces
artisans d'actions criminelles ? 15,677.
» Cette reine à la beauté inconcevable, aux bien grands
yeux, égale pour le corps à ces éminents Kourouides, fùt-
elle entrée même dans la terre, ou montée au ciel, ou
cachée dans la mer, les fils de Prithà suivront sa trace,
tant le fils d'Yama est accablé de douleur ! Quel insensé
voudrait enlever, comme une perle précieuse, cette épouse
si chère, égale aux souilles de la vie, à de tels guerriers,
qui broyent les ennemis, qui n'ont jamais subi une défaite,
et qui supportent l'infortune avec tant de courage? 11
ignore quelle a maintenant ici, pour défenseur, le cœur
vivant des Pàudouides, 15,678 — 15,679 — 15,680.
» De qui après avoir percé le corps, leurs flèches puis-
santes, acérées, terribles, entreront-elles dans la terre? Ne
t'afilige pas sur elle, vierge timide : sache que Krishna
reviendra aujourd'hui même. 15,681.
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VANA-PARVA.
607
K Quand ils auront immolé tous leurs ennemis jusqu’au
dernier, les fils dePritbà se réuniront à Yajnasénl.» Alors,
essuyant son charmant visage, la sœur de Imt répondit au
cocher Indraséna : 15,682.
« Au mépris des cin(| héros, semblables à Indra, I^ayat*
ratha a ravi de force Draâupadl. Vois ces traces encore
fraîches de sa route: ces branches cassées des arbres n'ont
pas eu le temps de se faner. 15,683.
* Faites volte-face, suivez-la promptement : la princesse
n'a pu aller bien loin. Guerriers pareils à Indra même,
endossez tous vos grandes et belles cuirasses. 15,68&.
» Prenez vos flèches et vos arcs d'une grande richesse :
vite, suivez sa route! Déjà cette indignité est un supplice,
qui égare son esprit, qui aliène sa pensée et flétrit son
visage. 15,685.
■> Abandonne-t-on au premier venu, qui en est indigne,
un corps si délicat, comme on jette dans la cendre une
spatule remplie de beurre clarifié? Telle qu’une oblation
de beurre purifié, qui serait versée dans un feu de paille,
telle qu'une guirlande, qui serait déposée et laissée dans
un cimetière, telle qu'une offrande d'asclépiade acide,
tombée d'un sacrifice et qu'un cbien aurait léchée : tel,
pendant que vous erriez à la chasse dans la grande forêt,
ce chacal s’est plongé dans ce beau massif de lotus.
» Qu’un misérable artisan de choses défendues ne touche
pas, comme un chien, l'offrande placée sur l'autel, ce vi-
sage calme, charmant, de votre épouse au nez bien fait,
au.x yeux ravissants, qui a la majesté de l'astre des nuits!
15,686—15,687—15,688.
i> Suivez promplemmit ces routes : bâtez- vous de mettre
ici ce temps à proUt I » — « Arrête ! dit Youddhisbthira ;
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508
LE MAHA-BHARATA.
retiens ces mots ! Pas devant nous ces paroles insultantes !
Si ces rois ou ces fils de roi sont enivrés de leur force, ils
perdront bientôt cctie illusion ! » 15,689.
A ces mots, ils s’avancent, en suivant ces routes : ils
poussent mainte et mainte fois des soupirs, comme des
serpents, et font résonner la corde de leurs grands arcs.
Bientôt ils aperçurent la poussière soulevée de cette
armée, que les chevaux élevaient sous leurs sabots; et ils
virent Dhaâumya, qui, marchant au milieu des hommes
de pied, appelait Bhlma et criait : « H&te-toi ! »
16,690—15,691. •
Les princes, l'àme afifigée, de consoler Dha&umya;
« Que ta sainteté marche en paix ! » lui dirent-ils ; et tels
que le faucon, à la vue de la chair, ils fondirent avec im-
pétuosité sur l’année ennemie. 15,692.
A la vue de Djayatratha et de leur épouse, debout sur
son char, la fureur enflamma la colère de ces héros, sem-
blables à Mahéudra, par le sentiment de l'outrage fait à
Yajnasénl. 15,695.
Alors Vrikaudara, Dbanandjaya, les deux jumeaux et le
roi, qui portait un grand arc, de pous.ser des cris contre
le roi des Sindhiens, et les plages de l’espace se troublent
aux yeux des ennemis. 15,69A.
Les kshatryas irrités élevèrent en même temps sous la
forêt un cri plus épouvantable encore à l’aspect de Bhl-
maséna et d’Arjouna. 15,695.
A la vue des étendards supérieurs des héros de Kourou,
l’inique roi, Ujnyatratha, la force déjà perdue, tint ce
langage à la radieuse Yadjnaséni, debout sur son char :
O Voilà cinq grands chars, qui s’avancent contre moi:
ce sont, je pense, krisbnà, tes époux. Tu les connais :
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VANA-PARVA.
m
ainsi, iais-moi connaître, dame aux jolis cheveux, chacun
des Pàndouides, monté dans son char. » 15,606 — 15,697,
« Qu’ as-tu besoin de connaître ces héros, armés de
grands arcs, lui dit-elle, insensé, qui as commis un acte
affreusement épouvantable, auquel n’est pas liée une longue
vie ? Tous ces héros de compagnie sont mes époux : il ne
vous en manquera pas un seul pour le combat. 15,698.
» 11 faut que je réponde à toutes les quesiions, que tu
m’adresses, homme, qui vas mourir : c’est là mou devoir.
Je n’éprouve ni trouble d’esprit, ni crainte, maintenant
que je vois Dharmarâdja devant moi, avec ses frères plus
jeunes. 15,699.
a Ceguerrier, qui porteàl’extrémité de son drapeau deux
tambours retentissants, Nanda et Oupananda, aux belles
formes, au son harmonieux, est celui, qui possède la
science de l’essence de son devoir et que suivent des
hommes, qui ont un commun intérêt ; c’est le héros à la
taille élancée, aux grands yeux, au nez proéminent, à la
couleur jaune comme l’or pur, que l’on dit le plus excel-
lent des Kourouides, Youddhishthira, fils d’Yama et mon
époux. 15,700 — 15,701.
U Ce héros entre les hommes, qui suit le sentier du
devoir, accorderait même la vie à un ennemi, qui viendrait
implorer son pardon. Va donc promptement à lui, insensé,
lui demander la vie, rejetant les armes et portant au front
les mains jointes. 15,702.
» Ce guerrier aux longs bras, que tu vois après lui,
monté sur un char, et qui, gr.and comme un chêne, mord
ses lèvres, contracte ses sourcils, naturellement réunis,
on l’appelle Vrikaudara, et c’est aussi mon époux.
» Des chevaux vigoureux de bonne race, bien domptés.
610
LE MAHA-BBARATA.
à la (grande force, traînent ce héros, de qui les espltrite
sont au-dessus de l'humanité. Son nom, répandu sur toute
la terre, est Bhtma. 15,703 — 16,704.
» Ceux, qui l'ont offensé, reçoivent la mort ; il n’oublie
jamais une ancienne injure. Quand il s'est proposé la fin
d’une inimitié, il arrive à son ternie ; mais il n’anive ja-
mais ensuite à un parfait apaisement. 15,705.
» Ce héros des hommes aux organes vaincus, ce roi
des archers, plein de fermeté, de gloire, de re.spect envers
les vieillards, c’est le frère etle disciple (TYouddhishthira.
On l’appelle Dhanandjaya et il est mon époux. 15,706.
« Ni par amour, ni par crainte, ni par cupidité, il ne
désertera jamais son devoir, il ne fera jamais rien de cruel 1
Ce fils de Kountl, égal au feu en splendeur, soutient le
ckoe des ennemis et les détruit. 15,707.
» Ce guerrier intelligent, à qui sont connues toutes les
décisions en matière de devoir, qui ravit la crainte aux
hommes, vivants sous le joug de la crainte ; lui, de qui
la beauté est dite supérieure sur la terre, et qui, dévoué
aux PAndouides, plus cher à chacun d’eux que le souffle
de l’existence, est défendu par eux de tous les côtés, ce
héros est Nakoula et c’est mon époux ! De haute taille,
prudent, la main prompte et variée, Sahadéva, son frère
jumeau, combat armé d’un cimeterre. 15,708 — 15,700.
» C’est un héros, plein d’esprit et de cœur, consommé
dans les armes, occupé de devoirs agréables à son roi et
de qui tu verras tout à l’heure dans le combat des exploits
égaux à ceux de Çatakratou au milieu des armées Daltyas.
» Ce dernier-né est d’une splendeur pareille à la lune
et au soleil ; il est cher aux fds de Pàndou, il n’existe pas
un homme, qui soit égal à lui par l’intelligence, ni, parmi
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VANA-PARVA.
bll
les sages, un orateur, qui connaisse mieux les décisions.
» Sahadéva , ce héros , toujours impatient , réfléchi et
savant, est mon époux ; il abandonnera la vie, il entrera
dans le feu, mais il ne dirajninais rien d’étranger au de-
voir. 15,710—15,711—16,712.
» C’est un vaillant guerrier au milieu des hommes, tou-
jours intelligent , qui se complaît dans les devoirs du
kshatrya, et qui est plus cher à Kountl que le souille
même de l’existence. Tu verras les lils de Pândou jeter le
trouble dans cette armée de loi (1), comme on voit à la
surface des mers un navire chargé de pierreries se fendre
sur le dos d'unmakara. Ici, j’ai fini de te décrire ces fils de
Pândou, que tu as méprisés dans ta folie. 15,713-15,711.
» Si tu leur échappes , le corps couvert de blessure»,
estime alors que tu as reçu une seconde fois la naissance,
et jouis même de la vie ! » Les cinq fils de Pândou, sem-
blables â cinq Indras, épargnant les fantassins épouvantés
et joignant les mains, lancèrent de tous côtés leurs traits
avec colère sur l’armée des chars (2), qu'ils mirent dans
les ténèbres d’une pluie de flèches. 15,715.
K Tenez ferme ! frappez vite ! Cernez l’ennemi 1 » C’est
en ces termes que le roi des Sindhiens excitait les princes
de son armée. 15,71d.
En ce moment , il s’éleva dans le combat le plus
épouvantable cri, jeté par les guerriers à la vue d’Youd-
dhishthira, accompagné de Bhima, d’/Vrjouna et des ju-
meaux. 15,717.
(1) Saiiubi tarai 'nulm, écrit Ropp dtus un eiempla cité de son Leii-
que; leçon, qui c»l luins contredit bien meilleure.
(2) Rathéni/uiHf écrit encore Bopp, et «on édition e*t ici préférable à
notre texte imprimé.
6i2
LE MAHA-BHARATA.
La consternation naquit alors parmi les Çivis, les SaAu>
viras et les Sindhiens à la vue de ces héros, semblables à
des tigres, enivrés de leur force. 15,718.
Ayant saisi une longue massue de fer, ornée de pein-
tures d’or et toute enrubannée , Bhtmaséna coumt sur le
Sindhien, que poussait la mort. 15,719.
Aussitôt K.autikâsya l'arrête, lui résiste et enveloppe
Vrikaudara avec une grande multitude de chars. 15,720,
Inondé même par des pluies de lances, de leviei-s et de
flèches de fer, lancées par les bras de ces héros, le cœur
de Bhlma n'en fut pas ébranlé. 15,721.
D’un coup de sa terrible massue, Bhîma renverse au
front de l'année Sindbienne un éléphant , le guerrier
monté sur lui et quatorze fantassins. 15,722.
Dans son désir d'atteindre au monarque des Saàuvlras,
le fils de Prithâ, Arjouna immole 5 la tête de l'armée
cinq cents héros montagnards aux grands chars. 16,723.
I,e roi Youddhinhthira abat de sa main dans un clin-
d’œil au milieu du combat une centaine de guerriers, les
principaux des Saàuvlras. 15,72A.
En ce moment, paraît Nakoula, qui, êauté à bas de son
char , le cimeterre à la main , sème çà et là comme des
graines les têtes des fantassins. 15,725.
Mais, s'étant approché avec son char des guerriers, qui
combattent sur des éléphants, Sahadéva les renverse avec
ses flèches de fer, comme on abat des paons du haut des
arbres. 15,726 — 15,727.
Cependant le roi de TrigartfX à l’arc terrible , étant
descendu de son grand char , tua avec sa massue quatre
chevaux du roi. 15,728.
Le fils de Rountl le voit s’avancer à pied , et Dharma-
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VANA-PARVA.
61S
râdja le transperse à travers la poitrine avec une flèche,
aruiée d’un fer en forme de lune. 15,729.
Ses chevaux tués, Uharuiaràdja saute à bas de son char,
accompagné d'Indraséna, et se réfugie dans le grand char
de Sahadéva. 15,730.
Kshéuiankara et Mahànioukha, ayant pris Nakoulapour
but, font pleuvoir sur lui deux averses de flèches acérées,
comme deux nuages, qui verseraient une pluie de pieux
en fer. Le fils de Màdri les tue l’un après l'autre avec une
flèche. 15,731—15,732.
S’approchant du timon de son char, Souratha, le roi de
Trig.vtta, renverse sa voiture à l’aide d’un éléphant, qu’il
sait conduire habilement. 15,733.
Mais l’intrépide Nakoula, son épée d’une main, son
bouclier de l’autre, saute de ce char, et se place dans un
lieu, où il se tient, immobile comme une montagne.
Souratha de pousser pour la mort de Nakoula son
excellent éléphant, qui s’avance avec colère, élevant sa
trompe. 15,734 — 15,735.
Mais, s’approchant du proboscidien,qui recule, Nakoula
tranche d’un coup de cimeterre la trompe à sa racine avec
les défenses. 15,736.
L’éléphant, orné de bracelets et de colliers, jette un
grand cri ; il tombe la tète en bas, et fait tomber avec lui,
sur la terre, les guerriers, qu’il porte. 15,737.
Quand il eut accompli ce glorieux exploit, le héros au
grand char, fils de Màdri, se retire auprès du char de Bhi-
maséna, et il en savoure la joie. 15,738.
Tandis que le roi Kautikô.sya fond sur lui dans ce com-
bat, Bhlma enlève avec une flèche la tète du cocher,
dans le temps même qu’il stimule ses chevaux. 15,739.
IV 38
61&
LE MAHA-BHARATA.
Le roi ne s’aperçut pas que le héros an bras vigoureux
avait tué son cocher; ei ses chevaux, privés de conducteur,
coururent çà et là sur le champ de bataille. 15,740.
Le roi, qui a perdu son cocher, tourne le dos ; Bhlma,
le plus brave des combattants, le poursuit et le tue avec
un trait barbelé, qui vients'unirau sol delà terre. 15,741.
Dhanandjaya tranche de ses bhallas acérés, et les arcs,
et les têtes de douze Saàuvlras à la fois. 15,742,
Ce guenier habile à combattre sur un char immole,
dans ce combat, et les Çivis, et les premiers des Ikshwâ-
kidcs, et les Trigartias, et les Sindhiens, qui vieuuentala
portée de ses flèches. 15,743.
On voyait en grandes troupes les corps des guerriers
abattus par l’Ambidextre, et les éléphants avec leurs
étendards, et les grands chars avec leurs drapeaux.
Sur tout le champ de bataille, ce n’était <|uc des corps
privés de tètes, ou des tètes séparées du corps, couvrant
la terre. 15,744 — 15,745.
Les chiens, les faucons, les ardées, les corbeaux, les
vautours, les chacals, les corneilles, se rassasiaient là du
sang et des chairs des héros immolés. 15,746.
A la vue de tous ces guerriers expirés, le roi des Sin-
dhiens, Djayatratha efl'rayé abandonna Krishnà et tourna
son esprit à la fuite. 15,747.
Au milieu de son armée dans la confusion, il lit des-
cendre Yajnaséni, et, désireux de sauver sa vie, il s’enfuit
vers la forêt, comme le dernier des hommes. 15,748.
Dès qu’il vit Draâupadî, que Dhaâumya précédait,
Yonddhishthii a de donner au héros, lils deàiâdrl, l'ordre
de la faire monter dans son char. 15,749.
Après la fuite de Djayatratha, A entre-de-ioup, visant
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VA.NA-PARVA.
6iô
et révisant l'armée en déroute, l’immola sous ses flèches
de fer. 15,750.
Mais l’Ambidextre, qui avait vu s’enfuir Djayatratha,
d’arrêter Bhima dans le carnage des guerriers Sindhiens :
« Je ne vois pas sur le champ de bataille, dit-il, ce
Djayatratha, par la méchanceté de qui nous est arrivée
cette insupportable infortune ! 15,751 — 15,752.
» Cherche-le, s’il te plaît. A quoi bon t’acharnersurdes
guerriers abattus ? C'est une œuvre sans plaisir ! Ou que
pense ton altesse? » 15,753.
A ces mots du sage Goudakéça, l’éloquent Bhimaséna
tourne ses yeux vers Youddhishihira, et lui tient ce lan-
gage ; 15,75A.
K Les ennemis ont perdu leurs plus vaillants guerriers ;
ils fuient au plus vite à tous les points de l’espace. Prends
Draâupadi, sire, et que ta majesté s’en aille d’ici. 16,755.
» Emmène les jumeaux, Indra des rois, avec le magna-
nime Dhaàumya, et, quand tu seras arrivé à l’hermitage,
sire, console Draâupadi. 15,756.
» L’insensé roi des Sindhiens ne m’échappera pas vi-
vant, eût-il pour son cocher l’indra, qui règne au fonddu
Pàtàla I » 15,757.
Youddhishthira lui répondit :
« Quelque. méchante que soit l’âme du Sindhien, il ne
fautpas luiûterlavie,ensouvenirde Oouççâlaetdel’illustre
Gândhàrl! » 15,758.
A ces mots, Draâupadi adresse la parole à Bhtma ; et,
les sens émus, saisie de colère : rougissante de pudeur, la
sage dame parle ainsi à ses époux, Bhimaséna et Arjouna:
« Si l’on doit faire une chose, qui me sera agréable, il
faut tuer ce dernier des hommes, ce scélérat à l’esprit
516
LE MAHA-BHARATA.
méchant, le plus abject des Sindhiens et l’opprobre de sa
famille; 15,759 — 15,760.
» Cet adversaire, qui vous a ravi votre épouse; cet
ennemi, qui vous a dépouillé du royaume ! Vous suppliét-il
dans le cumbat. refusez de lui accorder la vie de toute ma-
nière!» 16,761.
Cela dit, les deux héros s’avancent du côté où s’était
retiré le Sindhien ; et le roi, ayant pris avec lui Krishnâ,
s’en revint avec l’archi-brahuie. 15,762.
Ils entrèrent dans l’enceinte de l’hermitage, dont les
cellules avaient leurs coussins et leurs sièges renversés :
ils le virent plein de saints, Màrkandéya et les autres, qui,
réunis aux brahmes, déploraient ce rapt de Krishnâ. Le
monarque s’y avança avec son épouse, et marchant au
milieu de ses deux frères. 15,763 — 15,764.
Les herniites se réjoui lent de voir le prince de retour,
victorieux des Sindhiens et des Saâuvtras, après qu’il leur
avait repris Di-aâup.idi. 15,765.
Le roi, environné d’eux, s’assit là et l’illustre dame
Krishnâ entra dans l’hermitage, accompagnée des ju-
meaux. 15,766.
Ayant appris que leur ennemi s’était avancé jusqu’à la
distance d’un kroça (1), les deux héros Arjoiina et Bhtma
y coururent avec rapidité, excitant eux-mènies leurs che-
vaux. 15,767.
Le vaillant Arjouna accomplit un exploit plus que mer-
veilleux en ce qu’il tua les chevaux du Sindhien, qui avaient
mis entre eux et lui toutcetintervallc d’un kroça. 15,768.
Doué d’astras célestes, calme à l'heure du danger, il
(i) Vne lieue de quatre mille coudées.
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VANA-PARVA.
617
exécuta cette œuvre difficile à l’aide de ses flèches, en-
chantées par de puissants astras. 15,769.
Les deux héros, Bhîœa et Arjouna, de courir sur le
Sindhien, de qui les chevaux étaient expirés, qui était
seul, épouvanté et de qui l’àuie était toute émue. 15,770.
Le Sindhien regardait avec une profonde douleur ses
chevaux iuimolés et Dhanandjaya, qui avait accompli cet
exploit au-dessus du courage. 15,771.
Aussi courait-il à travers la forêt, mettant toutes les
forces de son âme dans la fuite. Quand il vit s’enfuir le
monarque vaincu, Phalgouna aux longs bras le suivit et
lui adressa ces mots ; « Comment avec si peu de courage
as-tu pu désirer une femme, que tu devrais à ta force
seule? 15,772—15,773.
» Reviens, fils de roi I La fuite ne te sied pas ! Conmient
peux-tu fuir au milieu des ennemis, qui ont tué les gens
de la suite?» 15,77â.
Ainsi apostrophé pai' le fils de Prithâ, le Sindhien ne
s’arrêtîdt pas; et le vigoureux Bhîma courait avec rapidité
sur lui, en criant: « Tiens ferme ! tiens ferme I » 15,775,
« Ne le tue pas ! » lui dit Phalgouna, ému de com-
passion. 16,776,
LA DELIWANCE DE DJAYATRATHA.
A la vue de ces deux frères, les armes levées, Djayat-
ratlia fuyait à toute vitesse, troublé, dans la plus vive
douleur et désirant sauver sa vie. 15,777.
Le vigoureux Rhimaséna sauta 5 bas de son char, il
courut sur le fuyard, et, dans l’impatience de la colère, il
le saisit par ses cheveux épais. 15,778.
Rhiuia, r.iyant .soulevé, le broya sur le sol de la terre,
et, lui prenant la tète, il frappa ce inonarc|ue. 15,779.
Le vaincu voulait sauver sa vie et s'ellbrçait de se lever ;
mais le héros aux longs bi'as frappa de son pied sur la
tète du roi gémissant. 15,780.
Bhima lui mil un genou sur les cuisses, il fouladu coude
sa poitrine ; et le roi, accablé par le poid» dn plus gi-and
des héros, tomba dans révanouissement. 15,781.
Le Kourouide Phalgouna d’arrêter la colère de Bhima
et de lui rappeler ce que le monarque avait dit au sujet
de Douççàla. 1 5,782.
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VANA-PARVA.
619
« Cet homme, ivre d’orgueil, aux mœurs criminelles,
n’est pas digne de vivre : c’est le plus vil des hommes,
répondit Bhima ; il a c ausé les peines de Krishnâ, qui ne
méritait pas cette offense ! 15,783.
O Est-ce que je ne puis faire ce que fait bien A’oud-
dhishthira, quoique son esprit soit toujours disposé 5 la
pitié? Mais tu nous arrêtes toujours d’une pensée frivole. »
A ces mots, armé d’une flèche en demi-lune, Bhima,
lui ratant ta léte, fit cinq faisceaux de cheveux sur le chef
du roi, qui n’articula pas un seul mot. 15,78i — 15,785.
Ensuite, adressant au monarque une félicitation mo-
queuse, Vrikaudara lui dit : » Si tu as le désir de vivre,
écoute de ma bouche, insensé, quelles sont mes conditions.
<c Je suis un esclave ! « devras-tu dire dans les assem-
blées du peuple et les conseils des rois. Sous cette réserve,
nous te laissons la vie : telle est la loi du vainqueur. »
cc Qu’il en .soit ainsi 1 » dit le roi contraint, Ujayatratha
à Bhima, le tigre des hommes, qui avait la beauté des ba-
tailles. 15,780—15,787—15,788.
Le fils de Prithà, Vrikaudara, le lia, malgré sa résis-
tance, et fit monter sur son char ce malheureux, couvert
de poussière et la connaissance évanouie. 15,789.
Alors Bhima, le frère puiué d’ Vouddhishthira, monta
sur le char, se rendit vers ce prince et s’approcha de lui,
placé au milieu de son hermiittge. 15,790.
Bhima lui montra Djayatratha dans cette triste condi-
tion ; le roi sourit et dit: a Qu’on le mette en liberté! »
0 Dis cela à Draâupadi I répondit Bhima au roi ; car
cet homme aux pensées criminelles est tombé dans l’état de
servitude à l’égard des fils de Pândou. 15,791 — 15,792.
Son frère ainé lui dit ces paroles, accompagnées de
520
LE MAHA-BHARATA.
bienveillance : n Relâche cet homme aux mœurs viles, si
nous avons quelque autorité sur toi ! » 16,793.
Draâupaudi ajouta, en jetant les yeux sur Youddhish-
thira : n Relâche ce prisonnier, de qui tu as changé la
couronne de roi en celle de l’esclave ! » 15,794.
Celui-ci, délivré de ses liens, s’approche du roi ; il se
prosterne aux pieds d’Youddhishthira ; il salue aussi, le
cœur agité, .sire, les anachorètes, qu’il aperçoit. 15,795.
Le roi, fils d’Yama, dit avec compassion h Djayatratha,
qu’il vit tombé dans les mains de l’Ambidextre : 16,796.
« Tu n’es plus un esclave : vas en liberté ! Mais ne
commets plus nulle part un pareil fait ; ou malheur à toi,
amoureux des femmes! Tu es un homme vil, qui a des
hommes vils pour compagnons. 1 5,797.
» Quel être abject, autre que toi, ferait jamais une telle
action ? » Mais, ayant vu l’auteur de cet acte criminel, qui
ressemblait à un homme expiré, le plus vertueux des Bha-
ratides, le souverain des hommes en eut compassion et lui
dit; « Que ton âme croisse dans la vertu, et ne mets plus
ta pensée dans le vice ! 15,798 — 15,799.
» Va en paix avec tes chevaux, tes chars et tes fan-
tassins ! I) A ces mots, accablé de douleur, plein de con-
fusion, gardant le silence et baissant quelque peu la tète,
il s’en alla, sire, aux portes de la Gangâ, où il se mit sous
la protection du Dieu aux trois yeux, l’époux d’Oumâ.
15,800—15,801.
Il s’infligea une grande pénitence, et le Dieu, qui porte
un taureau dans le champ de son étendard, en fut satisfJt.
Trilautchana (1) lui-même accepta joyeux son offrande.
(t) Trùiocultu, un de* nom!» de Çivâ.
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VANA-PARVA.
631
Ce Dieu lui donna une grâce, il la reçut : écoute cela.
15,802—15,803.
« Puissé-je vaincre en bataille, dit nj.ayalratha, tous les
cinq fils de Pândou, combattant sur leurs chars ! » —
« Non ! » répondit le Dieu au roi pénitent. 15,80â.
>t On ne peut les vaincre, on ne peut les tuer, mais tu
les arrêteras dans le combat, excepté Arjouna aux longs
bras, surnommé Nara, le souverain des Dieux. 15,805.
U En compagnie de Nârâyana, ce héros s'adonne aux
mortifications sur le Badari : il est invincible à tous les
mondes ; les Dieux mêmes ne peuvent lui disputer la vic-
toire. 15,800.
» Je lui ai donné Paçoupata, (lèche sans égale et cé-
leste. Il a obtenu des gardiens du monde la foudre et les
autres dards puissants. 15,807.
» C'est Vishnou, le Dieu des Dieux,' l’Auguste, le pré-
cepteur de Souras, l’homme fj'pe, l'indistinct, l'âme de
tout, et le corps de toutes choses. 15,808.
» Le terme fixé à un youga arrivé, le feu de la mort
incendie le monde, avec ses montagnes, ses mers et ses
Iles, avec ses collines, ses bois et ses forêts. 15,809.
» Il brûle les mondes des Nâgas, qui serpentent au fond
du Pâtâla. Ensuite, au sein de l'atmosphère s’élëventdans
toutes les plages de vastes nuages aux diverses couleurs,
au bruit effrayant, qui retentissent, appuyés sur des
foudres, et versent la pluie de tous les côtés,
» Destructeurs de l'incendie, qui termine les mondes,
ils éteignent le feu, et se tiennent, remplissant tout avec
des gouttes d'eau non moins grosses que des dés.
15,810—16,811—15,812,
» Dans ce monde, qui n’est plus qu'une seule mer, où
622
I.i; MAHA-BHARATA.
Ips choses immobiles et mobiles ont péri, où lalune, le soleil
et. le vent ont disparu, et qui n'a plus ni constollations, ni
planètes, 15,8iS.
Il A la fin de quatre mille yougas, la terre est submergée
dans las eaux. Alors ce Dieu, qu’on appelle Nàràyana aux
mille yeux, aux mille pieds, aux mille tètes, cet être su-
prême, qu'on ne peut atteindre par les sens, désire goûter
le sommeil, et ce bienheureux Immortel dort au milieu de
l'océan. Il a pour son palanquin le serpent Çésha nu, aux
mille chaperons, éblouissant comme mille soleils, on tel
qu'une multitude d’astres radieux, éclatant à l’égal du
nymphéa blanc, des filaments du lotus, du lait, des perles,
de la lune ou du jasmin d’Arabie. Cest ainsi que Vishnou
ne permet pas aux ténèbres d’occuper la durée de .sa nuit.
» Réveillé par l’énergie de son Ame, il voit que 1«
monde est vide. Voici un çioka, que l’on répète sur iNâ-
rAyana à cette occasion :
15,814— 16,816— 16,81ft— 16,817— 16,818.
« Les eaux sont appelées Nâràs; les écritures nous
disent que le nom de son corps est celui des eaux. Il fait
route, Ayanam, sur elles ; et c’est pour cela qu’il est
appelé Nàràyana. 15,810.
» Dans le temps même de sa méditation, l’Éternel songe
à créer les êtres, auguste roi, et un lotus s’élève de son
nombril au moment qu’il médite. 16,820.
» C’est pourquoi l’on dit que Brahma naquit du lotus
poussé sur ce nombril; l’ayeul des mondes se hâta d’y
prendre sa place. 13,821. v
U Quand il vit le monde entièrement vide, il créa les
rishis, Maritchi è leur tête, âmes semblables à lui-même.
» Ceux-ci, à l’aspect du monde aùui détert, de créer
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VANA-PARVA.
52!)
tous les êtres, immobiles et mobiles, les Yaksbas, 'les
Rakshasas et les Blioùtas, les Piçâtchas, les Oiiragas et
les hommes. 16,822 — 15,82S.
n 11 rrée sous la forme de Brahma ; il conserve, quand
il prend celle de VUhnou ou de l’homme, il détruit sous
la forme de Roudra : tels sont les trois états du Pradjà-
pati. 15,82i.
» N’as-tn pas ouï dire, roi des Sindhiens, les actions
merveilleuses de Vishnou? Elles sont racontées par les
anachorètes et les brahmes, qui sont parvenus au bord
ultérieur des Védas. 15,825.
» La surface de la terre était plongée de toutes parts
dans les ondes : Vishnou errait dans cetespace, qui n’était
plus que le ciel et l’eau. 15,820.
» 11 était alors cherchant de tous côtés la tprre, afin
d’y reposer son pied, dans cette époque de pluies, comme
la mouche de feu dans la nuit. 15,827.
» Voyant la terre submergée sous les eaux, il désire
dans son cœur l’en retirer : « Quelle forme prendrai-je,
se dit-il, pour arracher la terre à cette eau ? » 16,828.
» Lorsqu’il eut songé ainsi et qu’il eut cherché avec son
regard céleste, il se souvint de la forme d’un sanglier, qui
s’ébat dans les eaux, et cette idée lui sourit. 15,829.
» 11 se fit un corps de sanglier, composé de paroles et
tel que les Védas ^ il avait dix yodjanas en largeur, et sa
grandeur s’étendait jusqu’à cent yodjanas. 1 5,830.
» Il était lumineux comme la flamme, il ressemblait
en hauteur à une grande montagne, il avait les dents
acérées, il était pareil aux sombres nuages et disséminant
un bruit tel que celui des nuées orageuses. 15,831.
a Devenu le sanglier du sacrifice, Vishnou entra dans
52A
LE HAHA-BHABATA.
l'eau et, prenant la terre avec un seul boutoir, il la remit
à sa place. 15,832.
» Le Dieu aux longs bras se Ct ensuite une forme, qui
n'avait jamais été vue : son corps était moitié homme et
moitié lion. 15,833.
» Il s'avança ainsi vers le palais du roi des Daltyas, de
qui il toucha la main de sa main. Le premier homme des
Üaityas, l'ennemi des Dieux, le fils de Dili le vit dans ce
rx>rps8ans précédent, et ses yeux rougirent de colère. Paré
d'une guirlande, tenant levée une lance, semblable à une
niasse de sombres nuées, le héros fils de Diti, Hiranyaka-
çipou fondit sur l'homme-lion avec un b."uit pareil au
tonnerre desnuages. lb,83é — 15,835—1 5,836.
» Mais à peine se fut-il approché du vigoureux monarque
des quadrupèdes, qu’il fut mis eu pièces cruellement par
les griffes acérées du Dieu incarné dans un homme-lion.
» Quand l'adorable Vishnou aux yeux de lotus bleu eut
donné la mort à l’Indi-a des Daltyas, le cruel immolateur
de ses ennemis, il se revêtit d’une autre forme pour le bien
des mondes. 15,837 — 15,838.
» Heureux fils de Kaçyapa, il fut porté dans le seiu
d’Aditi ; et, quand se fut accompli la révolution de mille
années, elle mit au monde ce fruit éminent. 15,839.
U Les yeux enflammés, il avait, semblable à des nuées
grosses de tempêtes, la forme d’un nain. Révérend, il por-
tât le triple bâton, la tasse pour mendier, les cheveux eu
gerbe et le cordon du sacrifice : sa poitrine était ornée
d’un çrivatsa et U avait l’extérieur d’un nain. Le fortuné
s'avança vers l'enceinte du sacrifice du roi des Dânavas.
15,840—15,841.
» 11 avait pour compagnon Vrihaspati, et il entra dans
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VANA-PARVA.
526
le sacrifice de Bail , qui joyeux , aussitôt qu’il l’eut
aperçu, dit au Dieu, caché dans le corps d'un nain :
<• Je suis content de te voir, brahme ; dis-moi 1 que
dois-je te donner? » A ces mots de Bail, le nain répondit :
15,84-2—15,843.
B Merci ! » Ce mot dit, le Dieu lui tint ce langage en
souriant : » Donne-moi, souverain des Dànavas, autant
de terre, que peuvent, en mesurer trois de mes pas ! «
» Bali d'une âme satisfaite la donna au brahme à la
splendeur infinie. Aussitôt Hari de passer à une forme
céleste et des plus merveilleuses. 15,844 — 15,845.
» L'immuable Dieu lui enleva promptement la terre en
trois pas et l'éternel Vishnou donna ce globe à Çakra.
» J'ai fini de te raconter celte manifestation, nommée
le Nain, par laquelle furent rétablis les Dieux, et le
monde fut qualifié de Vishnouvien. 15,840 — 15,847.
» 11 est descendu et il est né dans la maison d'Yadou
pour châtier les méchans et sauver les hommes vertueux.
» Cet adorable Vishnou maintenant est nommé ici-bas
Krishna. C'est de cet auguste Dieu, sans naissance, ni
commencement, ni fin, adoré de tous les mondes, Sin-
dbien, que les sages célèbrent les exploits : c’est lui, que
l’on appelle Kris’.ina l'invaincu, qui porte la ma.ssue, le
disque de guerre et la conque ! 15,848-15,849-15,850.
» Ce Dieu est orné du çrivatsa, il est revêtu d'une
robe de soie jaune, il est versé dans tous les Traités, il
est le Dieu suprême : Arjouna est le protégé de Krishna.
U Le fortuné au.v yeux de lotus bleu, au courage sans
égal, est son compagnon : ce Dieu, immolateur des héros
ennemis, un jour montera dans le même char que le fils
de Prithâ. 15,851 -15,852.
626
LE MAHA-BHARATA.
» Avec lui, il est impossible de le vaincre, puisqu'il est
invincible aux Dieux mêmes : qui donc, n'ayant qu'une
nature humaine, pourra vaincre Arjouna en bataille?
a A l'exception de lui seul, tu peux triompher dans un
seul jour, sire, de toute raruiée d' Youddhishthira et des
quatre tils de Pàndou, les ennemis I » lô,8ô3 — 15,SôA.
A ces mots dits au monarque, Hara, qui enlève tous
les péchés au monde, l'époux d'Oumâ, Paçoupati, celui,
qui renversa le sacrifice de Daksha, le destructeur de
Tripoura, horrible à voir, épouvantable ii entendre,
environné de terribles compagnons, nains, bossus, aux
longues dents, munis d'armes variées, aux dards toujours
levés, l'adorable Tryambaka, le meurtrier de Bhaganétra,
accompagné d'Oumâ, tigre des rois, disparut au même
instant. 15,8ââ — 15,856 — 15,857.
DJayatratha lui-même retourna dans son palais, l'âme
peu satisfaite, et les (ils de Pândou continuèrent d'habiter
dans ce l>ois du Kâmyaka. 15,858.
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U LÉGENDE DE RAMA
Djanamédjaya dit :
<1 Après le rapt de Krishnâ, que firent les Pândouides,
ces tigres des hommes, quand ils eurent subi cette
douleur extrême ? >> 15,859.
Vatçampaya répondit ;
Après qu'il eut ainsi délivré Krishnâ et vaincu Djayatr-
ratha, Youddhishthira-Dharmarâdja s’assit environné
par les troupes des anachorètes. 15,860.
Au milieu de ces maharshis écoutant et s’aflligeant, le
fdsde Pândou tint ce langage à Màrkandéya : 15,861.
U Révérend, les Dévarshis racontent que tu sais et ce
qui fut et ce qui sera. Je t’interroge; dissipe ce doute,
qui s’est élevé d ms mon cœur. 15,862.
a La fille de Oroupada, cette dame vertueuse, qui est née
au milieu d’un autel et qui pour naître n’eut pas besoin
du sein d’une femme, cette bru du magnanime Pândou,
628
LE MAHA-BHABATA.
» Je pense que c'esl l'auguste Mort, le destin fatalement
créé, la nécessité pour les êtres, par laquelle n’est jamais
commise aucune faute. 15,863 — 13,866.
» Quiconque toucherait cette épouse de nous, qui sait
le devoir, qui marche dans le devoir, il serait comme un
homme à l’esprit pur, qui toucherait au mensonge ou au
vol. 15,865.
» Elle n’a commis aucun péché, nul acte blâmé ne se
trouve nulle part dans sa vie. DraâupadI même observa
bien le grand devoir à l'égard des brahmes. 15,866.
» Le roi DJayatratha à l’àme insensée l’a ravie de force.
Ce rapt le rendit criminel et l’on lit tomber les cheveux
de sa tête. 15,867.
» 11 subit une défaite dans la bataille avec ses compa-
gnons : Krishna fut reconquise par nous, qui immolâmes
l’armée des Sindhiens. 15,868.
» La reprise par nous de notre épouse fut contre noire
espérance ; cette habitation dans les forêts est pénible, et
la chasse est l’unique soutien de notie vie. 15,86».
» Habitants des forêts, nous causons du mal aux ani-
maux, nos parents, qui habitent les forêts ; et ces résolu-
tions des brahmes d’habiter avec nous ne sont pas
fondées sur la vérité : telle est notre vie. 16,870.
D Est-il un homme plus malheureux que je suis, que ta
sainteté ait vu jamais, dont elle ait jamais entendu
parler?» 15,871.
Mârkandéya lui répondit :
a Râma, 0 le plus vertueux des Bharatides, éprouva
une infortune sans égale : la Djanakide, son épouse, lui
fut enlevée par un vigoureux Raksha.sa ! 15,872.
» Recourant à la magie, Râvana, le coupable Indra des
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VANA-PARVA.
520
Rakshasas, l’enleva de son herniitage et accabla de sa
force le vautour Djatâyoush. 15.S73.
» Rama la reprit, aidé par les armées de Sougrlva;
il jeta un pont sur la mer et ses flèches acéi'ées consumè-
rent Lanka. » 15,874.
« Dans quelle famille était né Râma? lui demanda
Youddhisbthira. Quelle était sa vigueur? Quel fut son
courage ! De qui Râvana était-il né le fils ? Quelle fut
.son inimitié ? Avec qui eut-il à la soutenir ! 15,875.
» Je désire que tu me racontes entièrement toutes ces
choses, révérend : je désire entendre l’histoire de ceRàma
aux travaux infatigables. » 15,876.
« Adja, répondit Mârkandéya, fut un roi né dans la
famille du gr.and Ikshwùkou ; il eut pour fils Daçaratha,
prince religieux, continuellement voué à la lecture des
saintes écritures. 15,877.
» (ielui-ci eut quatre fils, versés dans les choses du de-
voir: c’étaient Râma, Lakshmana, Çatroughna et Bharata
à la grande force. 15,878.
» Kaâuçalyâ fut la mère de Râma, et Kalkéyî celle de
Bharata: Lakshmana et Çatroughna, héros formidables,
étaient les fils de Suumitrâ. 15,879.
■ » Djanaka était, seigneur, le roi du Vidéha ; il eut pour
fille Sità, que le créateur fit de ses mains pour devenir la
bien-atmée et la royale épouse de Itàma. 15,880.
» Ici, je t’ai raconté la naissance de Râma et de Sitâ;
je vais maintenant t’exposer, monarque des hommes,
l’origine de Râvana lui-môme. 15,881.
a Le Pradjàpati, le Dieu aux grandes pénitences, le
maître de tous les mondes, rÈtre-existani-par-lui-méme,
le Créateur en personne fut l’aïeul de lUvana. 15,882.
IV 34
630
LE MaHA-BHAUATA.
B Le fils mental et bien-aimé de Brahma eut nom Pou-
lastya, et celui-ci eut pour son fils premier-né Valçravana.
» Abandonnant son père, ce lils s’approcha de son
meul, et Poulastya de colère fit sortir de lui-mème, sire,
un nouvel être. 15,883 — lô,88â.
» Le brahme irrité, Viçravas naquit, formé d’une moitié
de ce Dieu, pour tirer vengeance de Vaiçravana. 13,885.
Il L’aïeul enchanté donna 5 ton petii-fils Vaiçravana
l’immortalité, l’enipiie des richesses, la garde du monde,
l'amitié de (iiva et un fils, qui fut nommé Nulakoûvara.
L'auguste Dieu lui donna pour sa ville capitale LankA,
remplie d’armée de Rakshasas, un char appelé Poush-
paka, qui allait de soi-même au gré des désirs, la domi-
nation sur les Yakshas et la souveraineté absolue des
Rakshasas. 15,886—15,887—15,888.
I) Le solitaire, nommé Viçravas, de qui la moitié du
corps était faite de la colère du mouni Poulastya, jeta sur
Vaiçravana un regard irrité. 15,880.
B Kouvéra, le souverain des richesses, s’aperçut alors
que son père était courroucé, et, sire, il s’efforça de capti-
ver sa bienveillance. 15,890.
B Le roi des rois, qui faisait porter sa litière à des
hommes, demeurait à Lanka : il donna à son père trois
Rakshasts pour servantes. 16,801.
B Habiles dans le chant et la danse, elles s’efforçaient,
éminent Bharatide, de tenir sans cesse le magnanime rishi
sous le charme du plaisir. 15,802.
B Elles se nommaient, souverain des hommes, Poush-
pautkaia, Ràkâ et Mâlinl : elles avaient une taille svelte,
sire, et faisaient naître l’amour à l’envi l’une de l’autre.
» Le magnanime révérend accorda individuellement à
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VANA-PARVA.
531
chacune d'elles la grâce de mettre au jour des fils, sem-
blables aux gardiens du monde, et tournés au gré de leurs
désirs. 13,803 — l.‘>,89â.
» Poushpautkatà donna la naissance à deux fils, Koum-
bhakarna et Daçagriva, souverains des Rakshasas, qui
n’avaient pas d’égal en vigueur sur la terre. 13,80.’).
» Mâlint fut la mère d'un seul (ils, Vibhish.m.'i, et Râkâ
eut un couple d'enfants, Khara et Çoûrpanakâ. 15,89tt.
U Vibhtshana leur était supérieure à tous en beauté ; il
était vertueux, observateur du devoir, et mettait sa volupté
dans les céréuionies religieuses. 13,897.
» Daçagriva ou Râvana, l'ainé de tous, était l’empereur
des Rakshasas ; il excellait par l’elTori ; il avait une grande
vigueur, un grand courage, une grande âme. 13,898.
» Koumbliarkarna l’emportait sur tous ses frères pour
la force dans les combats ; c’était un noctivagiie terrible,
ivre de batailles, adonné â la magie. 15,899.
s Brave, l’arc à sa main, Khara était un mangeur de
chair, ennemi des brahmes, et l’horrible Çoûrpanakâ se
plaisait â jeter des obstacles devant les Sid lhas. 13,iK)0.
» Tous étaient instruits dans les Védas, tous étaient des
héros, tous observaient fidèlement leurs vœux; ils ha-
bitaient joyeux avec leur père, sur le mont Gandharoâ-
dana. 13,901.
i> Us virent là V’alçravana, qui fait porter sa litière par
des hommes, assis avec son père, et doué d’une suprême
abondance. 15,902.
» 1.A colère allumée, arrêtant ferme leur résolution d.an.s
la pénitence, leurs mortilicatiom causèrent la joie de
Brahma. 15,903.
» D.açagiiva dans une recueillement parfait se tint mille
632
LE AlAHA-BHARATA.
ans sur un seul pied, se nourrissant d’air et placé au milieu
de cinq feux embrasés. 15, DCA.
» Kouiiibhakarna aux vœux comprimés coucha sur la
terre et se refusa la nourriture. La .seule feuille desséchée
forma les aliments de Vibhlsliana. 15,905.
)j C.e prince ferme, à l’intelligence noble, et livré tout
entier it la prière, faisait du jeûne sa volupté et passait le
temps dans une horrible pénitence. 15,906.
» Khara et (joi’irpanakhâ servaient ces héros, voués ai:x
mortifications, et, l’âme exaltée, ils veillaient â leur garde.
» Quand un millier d’années eut achevé sa réiolution,
le mclirague aux dix chefs de couper une de ses tètes, et
l’intraitable de la sacrifier dans le feu. Le maître du
monde eut cette oblation pour agréable. 16,907 — 15,908.
I) Brahma vint lui-même, fit cesser leurs mortific.ations
et les récompensa tous individuellement par le don d’une
grâce. 15,909.
(I Je suis, leur dit Brahma, satisfait de vous ; cessez,
mes fils, et choisissez une grâce. Obtenez toute chose, qui
est l’objet de vos désirs, à l’exception de l’immortalité !
1) Toutes ces têtes, que tu as sacrifiées dans le feu par
le désir d’une grande chose, elles se retrouveront toutes
dans ton corps à ta volonté. 15,910 — 15,911.
» 11 n’y aura point de difibrmité dans ta personne, et tu
porteras un corps fait pour l’amour : tu seras, il n’y a
aucun doute, le vainqueur des ennemis dans la bataille. »
« Que je n’éprouve jamais une défaite, lui répondit
llâvana, ni des Bhuûtas, des Rinnaras et des serpents, ni
des Rakshasas et des A'aksh.as, ni des Asouras, des Gan-
dharvas et des Dieux ! » 15,912 — 15,013.
n Ces êtres, que tu m’as nommés là, ne doivent t’ins-
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VANA-PARVA.
533
pirer nulle crainte, dit Brahma ; j'ai disposé tout ainsi :
la félicité descende sur toi ! » 15,914.
1) A ces mots, Daçagrtva fut transporté de joie, et ce
Démon (it mépris des hommes, qu'il dévorait. 15,915.
» I.e céleste aïeul s'adressa aus.si à Koumbbakarna, et
te mauvais génie, de qui l'esprit était en proie à la qualité
lamas, opta pour un sommeil profond. 15,916.
U Quand il eut dit : h 11 en sera ainsi ! » Brahma tint ce
langage àVibhtshana: a Choisis toi-même une grâce, mon
fils : je suis content de toi 1 lui dit-il â deux et trois fois.
n Tombé au plus grand des malheurs, que je maintienne
mon esprit dans la vertu, reprit Vibhlshaua ; et que l'astra
de Brahmam'apparaisse sans l'avoir appelé parla science. »
15,917—16,918.
(c Parce que ton esprit se tient dans la vertu, quoique tu
sois né dans une matrice de Rakshasas, ô toi, qui traînes
xur le champ de bataille les corps de tes ennemis, je te
donne l'immortalité. 15,910.
■) Quand il eut obtenu la grâce, monarque des hommes,
le Raksba.sa Daçagrtva vainquit dans la guerre le maître
des richesses, et l'expulsa de Lanka. 15,920.
n Abandonnant cette ville, l’adorable Dieu entra dans le
Gandbamàdana, suivi par des Yaksbas et des Candharvas,
accompagné de Rakshasas eide Kimpourousbas, 15,921.
O Râvana lui enleva de force son char Poushpaka;
mais V'aiçravana le maudit : » Ce char ne te portera pas !
lui dit-il. 15,922.
» Mais il portera le héros, qui t'enlèvera la vie dans mi
combat. Maintenant que tu as méprisé ton maître spirituel
et moi, tu n'as pas long-temps à vivre. » 15,923.
» Le juste Vibhtshana, n'oubliant pas la vertu, puis-
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63A
LE MAHA-BHARATA.
aant roi, suivit, doué de la plus haute fortune, la route
des gens de bien. •10,924.
» L’adorable et sage maître des richesses, son frère, lui
donna, comme un témoignage de satisfaction, le suprême
a)nimandement sur les deux armées d”i'akshas et de
Kaksliasas. 15,925.
» Les Rakshasas et les anthropophages Piçâtchas à la
grande force, s’étant rassemblés tous, sacrèrent le Démon
aux dix têtes comme leur monarque. 15,926.
» Daçagilva, enivré de sa vigueur, voyageant au sein
des airs sous une forme, qu’il changeait à volonté, enleva
de vive force les pierreries des Daityas et des Dieux.
» 11 fit pleurer (1) les mondes, c’est pour cela qu’il fut
appelé Râvana : il imposa la crainte aux Dieux par sa
vigueur, qui obéissait à sa X'olonté. 15,927 — 15,928.
» Ensuite tous les brahmarshis, les Siddhas et les
Dévarshis, sous la conduite du Feu, vinrent implorer la
protection de Brahma : 15,929.
O Ce Daçagrîva à la grande force, le fils de Viçravas,
ne peut être mis A mort : et c'est la grâce, que tu lui as
jadis accordée. 15,930.
» Ce mauvais Génie immole toutes les créatures par ses
méchancetés. Que l' Adorable veuille bien nous sauver:
il n’existe pas d’autre défenseur pour nous. » 15,931.
<■ 11 est impossible de le vaincre, Agni, aux Asouras
et même aux Dieux, répondit Brahma. Voici un moyen,
que j’ai disposé ici près de vous et qui sera sa répres-
sion. 15,932.
» Pai- mon ordre, Vishnou aux quatre bras, le plus
(I) hïvayàitâia.
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VANA-PARVA.
5M
vaillant des combattants, descendra ici-bas pour ce dessein,
et il accomplira cette affaire. » 15,933.
» L'aïeul suprême des créatures dit à Çakra en présence
de ces suppliants : « Nais, toi ! sur le sol de la terre avec
tous les chœurs des Dieux. 15,934.
» Engendrez de tous les côtés, pour être les compa-
gnons de Vishnou, des héros, vos lils, remplis de force,
dans les femelles des ours et des singes. » 15,935.
<> Aussitôt les Dânavas, les G indharvas et les Dieux
résolurent tous de descendre sur la surface de la terre
fractionnellement et suivant les portions de l’individu.
» Le Dieu, qui distribue les grâces, dit, en leur pré-
sence, â la Gandharvi, nommée Doundoubhi : » Va pour
le succès de l’affaire, qui doit être exécutée là.
15,936—15,937.
» Dès qu'elle eut ouï ces paroles de l’aïeul suprême des
créatures, la Gandharvi Doundoubhi naquit alors rlans
le monde des hommes, femme bossue, sous le nom de
Mantharâ. 15,938.
» Tous les plus grands des Dieux, Çakra et les autres,
engendrèrent des lils dans les plus charmantes femelles
des ours et des singes. 15,939.
» Tous, ils ressemblaient à leurs pères en renommée et
en vigueur; ils brisaient des cimes de montagnes, ils
avaient pour armes des rochers, des palmiers et des
chênes. 15,940.
» Tous étaient habiles dans la guerre, tous avaient des
corps de diamant, tous avaient la force des fleuves, tous
avaient du courage et de la vigueur à volonté. 15,941.
» Ils avaient des souilles de vie égaux à ceux d'une my-
riade de serpents, ils rivalisaient en vitesse avec la rapi-
536
LE MAHA-BHARATA.
dité des vents ; quelques-uns de ces habitants des bois
mirent leur habitation là où était leur désir. 13,0&2.
» Après que l'adorable auteur des mondes eut ainsi
disposé tout, il instruisit la Mantharâ de ce qu'elle avait à
faire et de la manière, dont il fallait agir. 15,9A3.
I. Quand elle eut connu sa parole, elle, aussi prompte
que la pensée, elle fit ainsi et, dans sa marche, elle se
plaisait çà et là à allumer l'inimitié. » 15,0&A.
Il Ta sainteté, interrompit Youddhishthira, m'a raconté
la naissance de Râma et des autres, chacun en particulier ;
je désire entendre mainteiuint la cause de leur départ !
Raconte-moi donc, brahme, comment ces deux héroïques
frèi'es, Ràma et Lakshmana, fils de Daçaratba,et l'illustre
Mithilienne sont allés dans les forêts. » 15,0A5 — 15, 9A6.
Hârkandéya lui répondit alors :
« La naissance de ses fils combla de joie Daçaratha, sire,
(jui mettait sa volupté dans les cérémonies religieuses, son
plaisir dans le devoir, et qui savait honorer toujours les
vieillards. 15,947.
» Ses fils à la grande force prirent successivement leur
croissance, parvenus à la rive ultérieure dans la science
de l'arc et dans les Védas, accompagnés de leurs mystères.
» Alors qu'ils furent sortis du noviciat et qu'ils se
furent choisi des épouses, Daçaratha fut heureux et livra
son cœur à la joie. 15,948 — 15,949.
» Ràma était leur atné, il était les délices des sujets, et
sage il réjouissait le cœur de son père avec ses qualités
aimables. 15,950.
» Le prudent roi, pensant qu’il était supérieur à ses
fi'ères par l’âge, délibéra avec ses ministres et ses ver-
tueux archi-bralimes sur le sacre de Ràma dans la royauté
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VANA-PAKVA.
687
de la jeunesse. Tous les plus sages ministres, Bharatide,
furent d’avis que le temps était arrivé. 16,951 — 15,962.
Il Le monarque à la vue de ce fils aux yeux dorés, aux
longs bi'as, à l'étreinte vigoureuse, 6 la vaste poitrine, à
la chevelure Irisée et noire, qui avait la démarche d’un
éléphant enivré ; à l’aspect de ce héros, rayonnant de
beauté, non inférieur à Çakra dans les combats, accom-
plissant tous les de\ oirs, égal à Vribaspatidans le conseil,
habile dans toutes les sciences, victorieux des sens, qui
avait mérité le dévouement de tous les sujets et charmait
les yeux de ses ennemis eux-mêmes ; à la vue de cet
oppresseur des méchants, observateur des vertus, ferme,
inaiïrontable, vainqueur invaincu, de ce défenseur, qui
augmentait la félicité de Kaàuçalyâ, le roi goûtait la joie
la plus douce, glorieux fils de Kourou.
15,958—15,954—15,955—15,956—15,957.
« Ce monarque puissant à la grande splendeur, ayant
considéré dans sa pensée les vertus de Kàma, tint joyeux
ce langage, s’il te plaît, à son archi-brahme : 15,958.
« Aujourd’hui, Poushya, dans cette nuit, brahme, arrive
à une conjonction heureuse ; qu’on fasse les préparatifs,
et que Ràma soit consacré ! » 15,959.
0 Ayant appris ce discours du roi, Mantharà s’approche
de Kalkéyt et lui dit à propos ces paroles : 15,960.
« Aujourd’hui, Kaikéyl, le roi t’annonce une grande
infortune. Qu’un serpent en colère te morde, malheureuse,
de sa dent irritée. Une le fera pat autant de mal. 15,961.
U Heureuse est Kaàuçalyâ, certes ! elle, de qui le fils
est sacré. D’oü le bonheur pourrait-il te venir à toi, de qui
le fils n’est pas roi? » 15,962.
» A peine eut-elle euiendu ce langage que, parée de
aS8
LE MAHA-BHARATA.
tous ses atours, son doigt du milieu orné d'un anneau,
toute revêtue d’une beauté supérieure, elle joignit, sou-
riante, son époux dans un lieu solitaire, et lui adressa ces
douces paroles avec un sourire innocent, comme si elle
manifestait sa bienveillance : 1&,963 — 13, OSA.
<1 O toi, qui jamais ne promets en vain, accorde-moi la
réalisation de l’unique promesse, que tu m’as faite ; dé-
gage-toi de cette dilTiculté. » 15,965.
«Si je t’ai fait une promesse, lui répondit le roi, eh
bien ! obtiens aujourd’hui ce que tu désires. Quel homme
faut-il envoyer à la mort, bien qu’il ne doive pas mourir?
Ou quel homme, digne de mort, faut-il relâcher de ses
liens? 15,966.
» De qui faut-il te donner les richesses? A qui dois-je
enlever ses trésors? Toute richesse quelconque ici m’ap-
partient, hormis celle du brahme. 15,967.
» Je suis le roi des rois sur la terre et le conservateur
des quatre classes. Dis-moi le vœu, que tu formes dans
ton cœur ; dame illustre, ne tarde pas ! » 1 5,968.
» A peine eut-elle ouï cette parole qu’elle enchaîna le
roi et, connaissant la force, qu’il avait sur lui-même, elle
dit ces mots ; 15,969.
a Que Bharata obtienne cette consécration, qui est
préparée à cause de Râma, et que le Raghouide s’en aille
dans les forêts! » 15,970.
» Quand le roi entendit cette parole épouvantable,
comme x’iV voyait un autre de malheur se lever sur l’ho-
rizon, accablé de douleur, ô le plus vertueux des Bhara-
tides, il n’articula pas un seul mot. 15,971.
» Aussitôt que l’énergique Ràma eut appris que son
père avait consenti à ces paroles, l’homme juste s’en alla
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VANA-PARVA.
630
dans les bois, u Que le roi, dit-il, soit dans la vérité ! »
» L'archer Laksbmana le suivit comme la Fortune et la
Vidébaine SItA, son épouse, s'il te plaît, la fille du roi
Djanaka. 16,072 — 15,073.
» Râiiia parti pour la forêt, la mort, par la révolution du
temps, enleva de ce monde Daçaratha. 15,97é.
» A la nouvelle que le jeune prince s'était exilé et que
le roi avait rendu l'esprit, la reine Kalkéyl fit appeler
Bharata et lui tint ce langage : 15,975.
« Daçaratha est monté au ciel, Râma et I..aksmana vivent
dans les bois: saisis-toi de ce royaume vaste, heureux,
débarrassé de ses ennemis ! » 15,076.
« Oh malheur ! lui répondit cet homme juste ; on a
commis un crime ! Tu as tué ton époux et détruit cette
famille par la soif des richesses ! 15,977.
•) Tu as faittomberfinfamiesurniatète, toi, l'opprobre
de ta race I Sois donc, ma mère, au comble de t^ vœux ! »
Il dit et se mit à pleurer. 15,978.
I) Il purifia .sa vie en présence de tous les snjetset suivit
Ràuia, son frère, avec le désir de le ramener dans
Ayodhyà et sur le trône. 15,979.
» Accablé de douleur, il fit partir devant lui, sur des
chars, Kaàuçalyà,Soumitrâ et Kalkéyl; il se mit en route,
accompagné de Çatrougbna, précédé par Vaçishtha, Vâ-
madéva et les autres brahmes à milliers, et suivi par les
habitants des campagnes et de la ville, dans le désir de
ramener avec lui Râma. 15,980 — 15,981.
» 11 vit, sur le mont Trikoûta, en compagnie de Laksh-
mana, Râma, habile à manier Tare et portant la parure
des pénitents. 15,982.
» Religieux observateur de la parole donnée par son
560
LE MAHA-BHARATA.
père, Ràma le congédia : ce jeune prince fit de Nandigrâma
la capitale de son royaume, et mit sur le trône les sandales
de son frère. 15,983.
U Dans la crainte du retour des campagnards et des
citadins, Ràma s’enfonça dans la grande forêt, vers l'her-
mitage de Çarabhaiiga. 15,986.
» Quand il eut honoré cet ascète, il entra dans la forêt
Dandaka, et, parvenu à la rivière Godâvarl, il habita sur
.ses rives. 15,985.
» Tandis qu'il demeurait en ces lieux, Çoûrpanakhâ lui
suscita une grande guerre avec Khara, qui habitait le
DJanasthàna. 15,986.
» Le Raghouide, ami du devoir, fit mordre la pous-
sière à quatorze mille Rakshasas pour le salut des péni-
tents. 15,987.
« Après qu’il eut tué Doùshana et Rbara à la bien
grande force, le sage rejeton de Raghou fit rentrer le
bonheur dans le bois du devoir. 15,988.
» Ces Rakshasas morts, Çoûrpanakhâ, les lèvres et le
nez coupés, transporta sa fuite à Laukà, résidence de son
frère. 15,989.
U Arrivée près de Râvana, la Rakshasl, pleine de dou-
leur et le visage couvert de sang desséché, se laissa tomber
aux pieds du monarque. 15,990.
» Quand il la vit ainsi défigurée, Râvana, bouillant de
colère, s’élança de son trône, en courroux et grinçant les
dents. 15,991.
I) 11 congédia ses ministres et, aussitôt qu’il fut seul avec
elle, il dit ; « Qui t’a mise en cet état, noble dame, sans
penser à moi, et au mépris de ma puissance? 15,992.
» Qui, tombé sur un pal acéré, s’y attache de tout son
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VANA-PARVA.
6A1
corps 7 Qui dort en paix avec conHance, quand il a mis un
oreiller de feu sous sa tête? 15,993.
» Qui touche ici du pied le plus terrible des serpents?
Qui s’arrête devant un lion à la longue crinière, dont il a
touché les grandes dents ?» 1 f,99â.
«Tandis qu’il parlait ainsi, de ses oreilles jaillissaient
des flammes de feu: tel, pendant la nuit, sort le feu par
les trous d’un arbre, qui brûle. 15,995.
Sa sœur lui raconta tout, et le courage de Râroa, et la
défaite des Rakshasas, avec la mort de Khara et Doûshana.
» .Après qu’il eut arrêté son dessein et consolé sa sœur,
le roi s'élança au sein des airs, ayant mis l’ordre dans sa
ville. 15,996—15,997.
» Quand il eut franchi le Trikoûta et la montagne Noire
elle-même, il vit la mer aux profondes eaux, l’habitation
des makaras. 15,998.
» L’océan traversé, le Démon aux dix têtes s’avança vers
Gokarna, demeure chérie et sans trouble du magnanime
Dieu, qui tient à sa main le trident. 15,999.
» Là, il s’approcha de Màritcha, son ancien ministre, à
qui la crainte de Râuia fit embrasser la vie ascétique.
» L’hermite fut troublé à la vue de son maître, qui
arrivait et qu’il honora avec des fruits, des racines et les
divers autres bons traitements. 16,000 — 16,001.
» L’anachorète assis pensa que le voyageur assis était
fatigué, et, savant dans les discours, habile à manier la
parole, il lui adressa ce langage modeste : 16,002.
« Ta couleur ne ressemble point à celle de la nature.
La félicité règne-t-elle dans ta ville ? Tous les sujets con-
servent-ils pour toi l’amour, qu’ils avaient autrefois.
» Quel est le motif de ta venue en ces lieux ? Quelle
5A2
LE M/VH4-BHARATA.
chose, monarque des Rakshasas, faut-il que l'on fasse
pour toi 7 » — » Sache cela, dit Râvana ; si c'est une
action, qui sera bien diflicilel » Et, saisi de ressentiment
et de colère, il lui exposa toute l'histoire de R&ma et ses
exploits en abrégé. 16,003 — 10,00i — 16,005.
» Dès que Mârttcha eut ouï le sommaire de Râvana :
• Loin de toi, répondit-il, cette attaque de Râmal Je
connais assurément sa vigueur. 16,006.
U Qui est capable de supjmrter la fougue des flèches de
ce maguanime ? Mon exil hors de ta cour n’a pas d'autre
cause que cet homme éminent. 16,007.
» Quel esprit méchant fit connaître à ta majesté cette
source de destruction ? » Râvana reprit avec colère, eu le
menaçant; 16,008.
« Si tu ne fais pas ma parole, la mort, pour sûr, sera
ton châtiment 1 » Mâritcha de penser que la mort devait
l'emporter sur las considérations les plus éminentes.
U Puisque la mort doit m'airiver nécessairement, .son-
gea-t-il, je ferai ce qui est dans sa pensée. » Alors Mâri-
tcha répondit au souverain das Rakshasa.s :
16,009—16,010.
« Quelle action faisable veux-tu que je fasse ? Je l'exé-
cuterai malgré moi. » — « Va ! dit le Démon aux dix
tètes, et fais naître les désirs de Sitâ. 16,011.
» Deviens une g zelle aux cornes de pierreries, au poil
de gemmes variées; il est certain qu’à ta vue, Sitâ ne peut
manquer d’exciter sou Râma à ta poursuite. 16,012.
v Le Kâkoutsthide une fois éloigné, Sitâ est à ma dis-
crétion ; je la jirends, je l’enlève, et la séparation d'avec
son épouse tuera l'insensé Râma : fuis cette chose, qui est
très-faisable, u A ces paroles, Mâritcha de verser l'eau.
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VANA-PARVA.
6AS
dont la source était en hii-mème. 10,013 — lO.OlA.
» Il suivit Ràvana, qui marchait devant lui : ils arri-
vèrent de compagnie à l'hermiiage de ce Râina aux tra-
vaux infatigables. 16,015.
U Ils exécutèrent tout de la manière, qu’ils l’avaient
d’avance délibéré ensemble. Ràvana devint un Yati à la
tête rasée, portant la tasse pour mendier et le triple bâton.
» Mârîtcha prend les formes d’une gazelle. Ils arrivent
au lieu désigné, et iMàritcha, revêtu de l’extérieur d'une
antilope, se montre à la Vidéhaine. 16,016—16,017.
» Excitée par le Destin, elle excite Ràma à poursuivre
la bête ; et celui-ci, empressé de faire une chose, qui lui
est agréable, saisit son arc à la hâte. 16,018.
» Il prépose Lakshmana à la garde de son épouse et sort
avec le désir de prendre la gazelle. Portant son arc, le car-
quois lié sur les épaules, son cimeterre au côté et la main
défendue par le gantelet ; il courut à la suite de l’antilope,
tel que jadis Çiva derrière la gazelle Târâ. Le Rakshasa
disparaissait et rendait sa vue de nouveau aux yeux du
chanseur 16,019 — 16,020.
» Ràma fit ainsi une longue route ; enfin, il l’apperçut:
et, reconnaissaint que c’était un noctivague, l’intelligent
Raghouide encocha un dard infaillible et le tua .sous les
formes de la gazelle. Le Démon, blessé par la flèche de
Ràma, contrefit faccent de sa voix : « Hâ, Slià ! Hà,
Lakshmana! » cria-t-il avec une imonation de détresse.
La Vidéhaine entendit cette voix déplorable.
16,021 — 16,022—16,023.
» Elle s’élança vers le lieu, d'où partait le son, et Laksh-
uiana lui dit : « ('.esse ta crainte, femme timide ! (^ui
pourrait blesser Ràma ? 16,024.
LE MAHA-BHARATA.
5«A
b Tu reverras dans un instant Râma, ton époux, dame
au candide sourire. » A ces mots, la femme éplorée de
soupçonner Lakshmana. 16,025.
>> Cette dame chaste, vertueuse, qui portait les orne-
ments d’une vie pure, excitée par sa nature de femme, se
mit à lui jeter des paroles amères ; 16,026.
« Cet amour, que tu désires dans ton cœur, ne sera
point ; car, saisissant une arme, je me donnerais plutôt la
mort de ma main ! 16,027.
» Je me précipiterais du sommet d'une montagne, je
monterais sur un bûcher ; mais je n’abandonnerais pas
Râma, mon époux, pour te suivre, toi, de qui les qualités
sont inférieures, comme une tigresse ne court pas après
un chacal. » En entendant ces paroles, le vertueux Lak.«h-
mana, plein de tendresse pour son frère, se cacha les
oreilles, et, prenant le chemin par où était parti le Ra-
ghouide, il s’avança, l’arc à sa main.
16,028—16,029—16,950.
» Il s’en alla, jetant un dernier regard sur la femme aux
lèvres de vimba. Dans le même instant, se montra le Dé-
mon Râvana. 16,031.
» Caché sous le costume d'un pénitent, comme le feu
sous la cendre, ennemi sous une fomie amie, il dé.sirait
enlever cette femme irréprochable. 16,032.
» Aussitôt quelle le vit s’approcher, la vertueuse fille
du roi Djanaka l’invita à manger, et lui offrit des racines,
des fruits et d’autres aliments. 16,033.
» 11 dédaigna tout, et, reprenant sa forme naturelle,
l’éminent Rakshasa se mit à caresser la Vidéhaine en pa-
roles : 16,03â.
« Sttâ, je suis le roi des Rakshasas, connu sous le nom
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V,VNA-PARVA.
5A5
de Ràvana : la délicieuse ville de LankA, sur le bord de la
grande mer, est ma capitale. l(i,03.'>.
U Là, tu brilleras avec moi au milieu des hommes et des
femmes. Deviens mou épouse, femme chariuanle; aban-
donne ce fils pénitent de Raghou ! » lii,036.
» Entendant ces paroles et d'autres semblables, la ra-
viss.inte Djanakide se couvrit les oreilles de ses mains, et
dit ces mots : « Ne parle pas ainsi I 16,037.
U Le ciel tomberait avec ses constellations, la terre s’en
irait en morceaux, le feu passerait àla froidure, avant que
je pusse abandonner le fils de Raghou. 10,038.
» Comment une éléphante, qui eut commerce avec un
noble éléphant, habitant des bois, aux joues fendues par
la fièvre de rut, pourrait-elle s’unir avec un pourceau!
» Comment une femme, qui a bu une liqueur agréable,
qui a bu des sirops composés de sucre et de miel, pourrait-
elle mettre son désir dans un acide gruau 7 » Elle ainsi
de lui opposer toutes ces réminiscences. 10,039 — 16,0A0.
« Après cet entretien avec lui, elle rentra dans l’her-
mitage, agitant inrintes fois ses mains, et la colère faisant
trembler ses lèvres 16.041.
U Ràvana, se précipitant derrière elle, arrêta cette dame
fharmante, menaçant de ses paroles cruelles cette femme
à l’esprit h irs d’elle-mème. 1C,042.
« 11 la saisit par les cheveux et l'emporta au sem des
ai'‘s. Il fut aperçu par le vautour Dja.âyoush. perché au
1. .te d’une montagne. 16,043.
O Ràma ! Ràma ! » gémissait la femme pénitente ravie.
» Ce vautour Djatâyou.sh, le fils d'Arouna, était l’ami de
Daçaratna : te roi des vautours était un grand héros, de
qui Sampttti était le frère germain. 16,044 — 16,045.
tv 35
5A6
LE MAH V-BH VRATA.
n II vit Sitâ, la bru de son ami, placée snr l'anka de
Bâvana, et l'oiseau irrité de fondre sur le monarque des
Rakshasas. 10,0i0.
« Lâche la Mitliilienne ! lui dit le vautour. Làche-la 1
Comment la raviras-tu, moi vivant, noctivaguel 16,047.
» Tu ne m’échapperas pas, la vie sauve, si tu ne remets
cette épouse en liberté! » A ces mots, il déchira cruellement
de ses ongles l' Indra des Rakshasas. Affaibli par les coups
de bec et d'ailes, donnés à centaines, celui-ci versait un
fleuve de sang : tels sont des rivières sur une montagne.
16,048—10,049.
» Blessé par le vautour, qu’animait le désir du bien de
Râma, le Démon prit son cimeterre et coupa les deux ailes
du volatile. 16,050.
» Le Rakshasa abattit le roi des vautours, semblable à
un grand nuage rompu, et s’élança dans les airs, empor-
tant Sua dans son anka. 16,051.
1) Partout où la Vidéhaine voit une enceinte d’hermitage,
un lac ou un fleuve, elle y jette quelque partie de ses pa-
rures. 16,052.
n Elle aperçut sur le faîte d’une montagne cinq héros
des singes : l’intelligente femme y laissa tomber sa
grande et céleste robe. 16,053.
» Emporté par le souffle du vent, le vêtement d’un jaune
éclatant s’abattit au milieu des cinq Indras des singes,
comme un éclair au milieu des nuages. 16,054.
» Le Génie ailé ne courut pas long-temps, attendu qu’il
voyageait à travers le ciel ; il vit sa délicieuseet ravissante
ville aux nombreuses portes, environnée de remparts et
de retranchements, l’ouvrage de Viçvakarina. Le monarque
entra avec Silà dans la cité de Lanka. 16,055 — 16,056.
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VANA-PARVA.
5A7
• » La Vidéhaine enlevée de cette manière et la grande
gazelle tombée sous ses coups, le sage Râma de retour vit
son frère Lakshinana. 16,057.
« Pourquoi viens-tu ici, ayant laissé dans ce bois, fré-
quenté des Rakshasas, la princesse du Vidéha seule ? »
s’écria-t-il à la vue de son frère, qu’il blâma. 16,058.
» Et, rapprochant dans sa pensée /e rri, ^w^leRakshasa
aux formes de gazelle avait pour l’écarter, et l’arrivée
de son frère, il fut douloureusement affligé. 16,059.
» Blâmant le fils de Soumitrâ, leRaghouide s’approcha
de lui à la hâte : « La Vidéhaine vit-elle encore ? Je ne la
vois point avec toi, Lakshmana 1 » 16,060.
» Celui-ci raconta entièrement les paroles de Sîtâ, et
les derniers mots intolérables, que la Vidéhaine avait pro-
noncés. 16,061.
» Râma accourut à son hermitage, le cœur troublé ; il
vit alors, semblable à une montagne, le vautour blessé.
« Dans le soupçon que ce pouvait être un Rakshasa, le
Kakoutsthide bande son arc avec force et court sur lui
avec Lakshmana. 16,062 — 16,063.
» Le robuste volatile dit aux deux compagnons, Râma
et Lakshmana : « Je suis le roi des vautours et l’ami de
Daçaratha : sur vous descende la félicité ! » 16,06A.
A ces mots, ils retiennent leurs arcs brillants : « Quel
est le nom de cet être, se disent-ils, qui parle de notre
père ? » 16,065.
» Ils virent alors que cet oiseau avait les deux ailes cou-
pées, et le vautour de leur dire qu’il avait reçu la mort de
Râvana à cause de Sttâ. 16,066.
» Le rejeton de Raghou interrogea le vautour sur Râ- .
vana : « Dans quelle plage s’est-il enfui ? » L’oiseau ré*
5Â8
LE MAHA-BHARATA.
pondit par des mouvements de tête, et mourut. 16,067.
» C’est dans la plage méridionale ! » s’écria le Kakout-
sthide, interprétjmt son geste. 11 honora cet ami de son
père, et célébra ses obsèques. 16,06S.
U Ensuite, il vit l’enceinte de son hermitage, infestée
par des centaines de chacals, avec ses sièges et ses temples
négligés, avec son aiguière renversée. 16,0'19.
» Pénétrés de douleur et de chagrin, tourmentés du rapt
de la Vidéhaine, ces deux fléaux des ennemis s’en allèrent
au midi dans la forêt Dandaka. 16,070.
» Ràma, accompagné de Lakshmana, vil dans ce grand
bois des troupeaux de gazelles, qui fuyaient de tous les
côtés. 16,071.
» Us entei. dirent un bruit épouvantable d’animaux ; il
s’accroissait comme l’incendie d’une forêt, et, dans le
même instant, ils virent Rabandha à l’aspect effroyable.
» 11 ressemblait à une montagne ou à une masse de
nuages ; il avait des épaules de chêne, de grands bras, une
grande bouche, un grand ventre, de larges yeux au milieu
de sa poitrine. 16,072 — 16,073.
» Ce monstre terrible, agissant de sa libre volonté,
saisit Lakshmacia dans sa main ; et la terreur au même
instant, Bharaiide, s’empara du fils de Soumitrà. 16,074.
» Alors, jetant un regard troublé sur Ràma dans le
temps où il est entraîné vers la bouche du monstre: « Vois
lui dit-il, quelle est ma condition : 16,075.
» L’enlèvement de la Vidéhaine, cette infortune de moi,
la chute du trône de ta majesté et la mort de mon père!
» Je ne te verrai pas de compagnie avec la Vidéhaine
de retour à Kançalà rétabli dans l’empire, que mon père
et mes ayeux p ^ sédaient sur la terre. 16,077.
VANA-PARVA.
hk9
h Heureux ceux, qui verront comme la lune au milieu
des nuages dissipé», tou noble visage, consacré avec des
fragments de légumes, symboies de la prospérité ! »
» Quand le sage Lakshmana eut ainsi gém'' de diverses
manières, le rejeton de Kakoutstna, intrépide au milieu
des terreurs, lui dit : 10,078 — 10,070.
« Ne tremble pas, tigre des hommes : ceci n’est rien,
quand je suis là. Tranche-lui son bras droit, tandis que je
vais lui couper son bras gauche ! » 16,080.
U Bàma n'avait pas fini de parler que le bras i/aurhe de
l'ètre informe tomba sous le tranchant finement acéré du
cimeterre, comme on fauche un amas de tilas. 10,081.
» Puis, le vigoureux Soumitride abattit, de son sabre,
le bras droit; et, voyant son frère déterminé, Lakshmana
de frapper un second coup, fortement asséné dans le flanc
du Rakshasa. Le colossal Kabandba tomba sans vie sur la
terre. L'âme sortit de son corps sous une forme céleste,
et on la vit s'élever au ciel, comme le soleil, qui plane ra-
dieux au sein des airs. 16,082 — 16,083 — 16,084.
» Râma, doué d'une parole facile: « Qui es-tu 7 lui
demanda-t-il. Réponds à ma question ? Quel est ce pro-
dige admirable, qui se montre librement â mes yeux ? »
« Prince, lui dit le Gandharva, je suis Viçvâvasou,
tombé, par la malédiction d’un brahme, dans une matrice,
domicile accoutumé des Rakshasas. 16,086 — 16,086.
» Sltâ fut enlevée par Râvana : ce roi habite Lanka. Va
trouver Sougrtva : il se liera d’amitié avec toi. 16,087.
g Non loin de la Pampâ aux ondes fortunées, peuplées
de cygnes et de canards, près d’un lac, voisin du mont
Risbyamoûkba, demeure Sougriva avec quatre ministres.
C’est le frère du roi des singes, Bàli âla guirlande d’or.
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550
LE M\HA-BHARm.
» Va t’aboucher avec lui ; expose la cause de la peine ;
et ce prince, doué d’un caractère vertueux, fera alliance
avec ta majesté. 16,088 — 16,089 — 16,090.
» Voilà ce qu’il nous est possible de te dire : tu verras
la fille du roi Djanaka. Pour sûr, le monarque des simiens
saura bien trouver Râvana et les autres. » 16,091.
» A ces mots, disparut l’âme céleste à la grande splen-
deur, et, saisis d’admiration, les deux héros, Râma et
Lakshmana, de continuer leur chemin. 16,092.
» Ensuite, non loin d’un lac, abondant en nymphées et
en nélumbos, Râma, qüe le rapt de Sîtâ accablait d’afiUc-
tion, rencontra la Pampâ. 16,093.
» Dans ce bois éventé par un zéphyr bien frais, doux,
aux senteurs d’ambroisie, il tourna sa pensée vers son
épouse. 16,09A.
n Consumé par les flèches de l’Amour, l’ Indra des rois
gémit, en se rappelant sa bien -aimée, et le Soumitride
lui tint ce langage : 16,095.
« Un caractère tel que le tien ne doit pas s’eflacer, 6 toi,
qui don nés Y hon neur. La mal adi e frappe également l’ homme
vertueux et le vieillard, comme le sage. 16,096.
» Maintenant que tu as reçu des nouvelles de la Vidé-
haine et de Râvana, reconquiers-la par ton énergie et ton
intelligence. 16,097.
» Allons trouver Sougrîva, le roi des singes, sur la
montagne, où il se tient : aie confiance en moi, ton dis-
ciple, ton serviteur et ton ami. » 16,098.
» A ce langage de Lakshmana et à d’autres paroles de
différentes sortes, le Raghouide rentra dans son naturel et
revint immédiatement à son affaire. 16,099.
V Après qu’ils eurent habité les eaux de la Parnpâ et
VANA-l’ARVA.
5âl
rassasié de libations leurs ancêtres, les deux héroïques
frères, Kâma et Laksbinaiia, partirent de cette rive.
» Arrivés au Risliyainoùka, abondant en arbres, en
racines et en frui's, les deux vaillants guerriers virent des
singes au nombre de cinq sur la cime de la montagne.
U Soügrlva d’envoyer vers eux le singe Hanoûuiat, son
intelligent conseiller, immuable comme rHimàlaya.
Il Quand ils eurent causé avec lui, ils s'avaucèrenl
d’abord vers Sougrîva ; et Kâma, sire, fit alliance avec
le roi des singes. 18,100 — 10,101 — 18,102 — 16,103.
» Son affaire exposée, ils lui montrèrent la robe, que Sîtâ
enlevée avait laissée tomber au milieu des singes. I8,10â.
U Dès qu’il eut reçu ce témoignage, auquel il pouvait
donner sa confiance, Kâma lui-même sacra le roi des singes
dans l’empire souverain des simiens sur toute la terre.
» Le Kakoutshide s’engagea â porter la mort à Bâli,
dans un combat; et Sougrîva, sire, à lui ramener la Vi-
débaine. 18,105 — 18,108.
» Ayant causé ainsi, s’étant liés par un traité et s’étant
inspiré de la confiance l’un à l’autre, ils s’approchèrent
tous de la caverne Kishkindhyâ et s’y tinrent, désirant le
combat. 18,107.
» Arrivés à Kishkindhyâ, Sougrîva de pousser un cri,
pareil au bruit des flots; Bâli ne i>eut lesupporter et Târà
essaie de l’arrêter : 18,108.
« Aux cris, que jette ce vigoureux singe Sougrîva, je
pense qu’il vient avec un protecteur : ne veuille pas
sortir. » 18,100.
» Le roi des simiens, son éloquent époux à la guirlande
d’or, Bâli répondit en ces termes à Tàrâ, de qui le visage
rappelait celui de la reine des étoiles : 18,110.
652
LE M VH V-BHARATA.
ei Femme douée d’intelligence, ù toi, qui sais ce que
signilient les ramages de tous les oi saux, vois que ce
méi linnt, qui de mon frère n'a que le nom, vient ici privé
de protecteur ! a 10,111.
La savante Tàrâ, semblible àla reine des étoiles, quand
elle eut songé un instant, dit à son époux ; « Ecoute, sou-
verain des peuples simiens. 16,112,
0 Ràmri à la grande valeur, le ûls du roi Daçaratha, est
un prince, à qui l'on a ravi son épouse ; habile à manier
l'arc, il a fait alliance avec Sougriva, ton ennemi, traité de
la même manière. 16,113.
n 11 a pour frère, le fils de Soumitrâ, Lakshroana aux
longs bras, invincible, intelligent, placé dans le succès des
choses de son affaire. 16,115.
» Sougriva a pour ses conseillers Malnda. Dwivida, Ha-
noûmat, fils du Vent, et Djâmbavat, le roi des ours.
O Tous, ils sont magnanimes, doués d'intelligence, à la
grande force : c’est assez pour ta perte que Sougriva soit
abrité sous le courage et la force de Râma ! »
16,115-16,116.
» Le monarque de tous les peuples simiens méprisa
cette parole, qu’elle disait pour son bien, etsa jalousie lui
fit soupçonner que le cœur de sa femme était incliné vers
Sougriva. 16,117.
» 11 répondit à Tàrâ une parole injurieuse, et sortit de
la bouche de sa caverne : il parla à Sougriva placé auprès
dulUàiyavat: 16,118.
n Plus d’une fois déjà, trop ami de la vie, tu fus vaincu
par moi ; mais je me suis dit : « C'est mon frère 1 » et je
t'ai laissé la vie. Quelle si grande hâte te pousse mainte-
nant à la mort ?» 16,119.
. VANA-PAKVA.
653
» A ces mots, Sougrtv.i, le meurtrier des eunemis, tint
à son fiére ce langage fondé en raison, paraissant annon-
cer à Ràma que le moment était arrivé: 16,120.
0 Toi, sire, qui m’as enlevé mon épouse, qui m’as dé-
pouillé de mon royaume, sache quelle puissance il m’est
arrivé pour vivre 1 I) 16,121.
» A ces mots, répétés de plusieurs manières, Bâli et
Sougriva de fondre l’un sur l’autre pour le combat, ayant
comme armes de„s rocs, des palmiers et des chênes.
» lis se frappèrent mutuellement, ils tombèrent ensemble
sur la terre, ils se relevèrent en bondissant, et se meur-
trirent l’un l’autre à COI ps de poings. 16,122 — 16,123.
U Les deux héros, baignés de sang, blessés à grands
coups d’ongles et de dents, brillaient alors tels que deux
kinçoultas en fleurs. 16,12i.
U Comme on ne voyait aucune différence entre eux dans
la bataille, Hanoûmat attacha une guirlande au cou de
Sougrtva. 16,125.
» Suspendue sur sa poitrine, cette tresse alors fit briller
ce héros, telle qu’une guirlande de nuages embellit le grand
mont, le fortuné Malaya. 16,126.
Il üès qu’il vit celte marque faite à Sougriva, Ràma, le
grand archer, banda le meilleur des arcs et visa Bàli
comme un but. 16,127.
» Le bruit de la corde de cette arme sembla celui
d’une machine. Bàli trembla et lut blessé au cœur par la
flèche. 19,128.
» Le cœur fendu par ce trait, il vomit de sa bouche un
fttuve de sang, et c’est alors qu'il apperçut Ràma en com-
pagnie du fils de Soumitrà. 16,129.
1) Adressant un reproche au Kakoutsthide, il tomba
LE MAHA-BHARATA.
5ÔA
évanoui sur la terre, où Târâ le vit, brillant d'une splen-
deur égale à la lueur de la reine des étoiles. 16,1 30.
» Bâti mort, Sougrlva fut rétabli dans Kisbkindhyâ et
redevint l’époux de Tàrâ, qui avait perdu son oiailre et
de qui le visage ressemblait à l'astre des nuits. 16,131.
U Le sage Ràma mit quatre mois sa demeure sur le dos
charmant du Màlyavat dans la compagnie de Sougrlva.
U Arrivé dans sa ville de I..ankà, Râvana, subjugué par
la puissance de l’Amour, établit SUà dans son palais, sem-
blable au Nandana. 16,132 — 16,133.
» Celte femme aux grands yeux, portant le costume
d'une pénitente, le corps exténué par le souvenir de son
mari, passa ses jours dans le jeûne, vouée aux macérations,
en un bocage d'açokas, pareil à une forêt d’ascètes. Elle
s’y condamna k une douleureuse habitation, faisant toute
sa nourriture de fruits et de racines. 16,13â — 16,133.
Il Le monarque des Rakshasas commanda pour sa garde
des Rakshasts, armées de torches, de maillets, de lances
en fer, de haches, d’épées et de traits barbelés. 16,136.
D Les unes ont deux yeux, les autres ont trois yeux,
celles-ci n’ont qu’un œil au milieu du front, celles-là ont
des langues allongées ; plusieurs n’ont pas de langue,
beaucoup ont trois seins; il en est, qui n’ont qu’un seul
pied, ou qui n’ont qu’un seul œil, ou qui ont trois che-
velures en gerbe à la fois. 16,137. '
» A celles-ci et à d’autres aux yeux enflammés, aux
trompes d’éléphant, aux forêts de cheveux : « Restez sans
paresse, dit-il, autour de Sltà jour et nuit. » 16,138.
» Ces Piçàtchis effroyables, aux paroles d’ironieamère,
aux voix teiTibles, menacent sans cesse la femme aux
grands yeux ; 16,139.
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VANA-PARVA.
ÔS5
« Mangeons-la ? Perçoiis-la ! Divisons-la en morceaux !
cette femme, qui vit encore ici, après quelle a méprisé
notre maître ! » 16,140.
» C'est ainsi que ces Furies l’épouvantaient. Effrayée
mainte et mainte fuis, elle soupire et, pénétrée du chagrin
d’être séparée de son époux, elle leur dit : 16,141.
(I Ignobles femmes, dévorez-moi vite ! Mon désir n’est
pas dans la vie sans mon époux aux yeux de lotus bleu,
aux cheveux noirs et bouclés ! 16,142.
» Séparée du bonheur de ma vie, me privant moi-même
de nourriture, je dessécherai mon corps comme une ser-
pente autour d'un palmier en éventail. 16,143.
» Mais je ne m’approcherai jamais Ü’un autre homme
que du fils de Raghou. Maintenant que vous savez cette
vérité, faites à l’instant de moi ce que vous désirez ! »
« A peine eurent-elles ouï ce langage de SItâ, les Rak-
shasts aux voix dures s’en allèrent de là raconter tout à
rindrades Kakshasas. 16,144 — 16,143.
n Celles-ci toutes parties, une vertueuse Rakshast aux
paroles aimables, nommée Tridjatâ, de consoler la \ idé-
haine : 16,146.
« Sttâ, prête-moi ta confiance, mon amie : j’ai quelque
chose à te dire. Abandonne la crainte, dame charmante ;
écoute cette parole de moi. 16,147.
» 11 est un vieux sage, le prince des Rakshasas, nommé
Avindhya. Il cherche le bien de Ràma, et m’a dit pour toi
ces paroles ; 16,148.
« Il faut t’approcher de Sltà, la consoler et lui répéter
ces paroles de moi : « Le puissant Ràma, ton époux, va
bien, ainsi que Lakshmana, son compagnon. 16,149.
» Le fortuné Raghouide a fait alliance avec le roi des
ôôO
LE MAHA-BLARATA.
singes, de qui la splendeur est égale à celle de Çakra, et
tous >es elTorts sont pour toi. lii,150.
» N’aie pas de crainte, femme tiulide, de ce Ràvana,
blâmé du monde ; tu es protégée, ma fille, par la malé-
diction de Nalakoùvara. lt>,lâl.
» Jadis ce scélérat commit une violence à l’égard d’une
femme charmante et fut maudit ; ce Démon aux sens fou-
gueux nepeuts'unir d’amour avccuoe femme, malgréelle.
Il Bientôt viendra ton sage époux, aidé par Sougrlva,
accompagné du Soumitride, et il t'arrachera d'ici.
16,162—16,153. .
» En effet, il m’est apparu des songes, bien grandement
horribles et d'un aspect épouvantable, qui m’annonçaient
la perte de cet insensé, qui entraîne à sa ruine la famille
de Poulastya. 16,lôA.
O Ce rôdeur de nuits eil’rayant, à l’âme méchante, aux
actions viles, accrot. nos dangers d'après la disposition de
sa nature et par la faute de son caractère. 16,156.
U Ce Génie, de qui l’esprit est Irappé déjà par la mort,
rivalise avec tous les Dieux, et debout sur son char, attelé
d’ânes, il semble plus d’une fois danser ! 16,166,
» Koumbbakarna et les autres aux corps nus, aux che-
veux rasés, parés d’onguents et de guirlandes rouges, se
dirigent vers la plage méridionale. 16,157.
» Vibhlshana seul parait, dtmt ces rfves, monté sur le
mont Swéta, ceint du diadème, abrité sous une blanche
ombrelle, avec des onguents et des guirlandes blanches.
U Quatre ministres C mdstent, parés, comme lui, de
blancs onguents et de blanches guirlandes : élevés sur le
mont Swéta, ils nous délivrent d’un grand danger.
16,158—16,159.
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VANA-PARVA.
667
» La terre avec ses mers sera environnée par l'astra da
vailtant Ràma ; ton époux remplira ce globe entier de sa
gloire. 16,160.
» J’ai vu aussi dans mes songes Lakshmana, monté sur
un amas d'ossements, manger des offrandes de miel, dé-
sirant jeter l'incendie à la ronde dans les points de l’espace.
I) Souvent tu me fus présentée par un songe, éplorée,
le corps inoulllé de sang, dirigeant tes pas, défendue par
un tigre, vers la plage du septentrion. 16,161 — 16,162.
» Vidéhaine, tu iras bientôt à la joie, accompagnée de
ton époux; il ne s’écoulera pas long-temps, Sîtâ, avant que
l’on te voie réunie au fils de Raghou, ton mari. » 16,163.
M Tridjatâ dit ; et, quand elle eut ouï son langage, la
jeune dame aux yeux de faon de gazelle revint à l’espé-
rance de se réunir à son époux. 16,164.
» Dans ce temps revinrent les horribles Piçâtchîs, et ces
furies épouvantables la virent assise, comme auparavant,
avec Tridjatâ. 16,165.
» Blessé par les flèches de l’Amour, Râvana vit celte
chaste femme triste, en larmes, déchirée par le regret de
son mari, parée avec le reste de ses joyaux, revêtue d'une
robe souillée, assise sur la surface d’une roche et envi-
ronnée de Rakshasîs au-dessous d’elle : il s’approcha.
16.166—16,167.
» Lui, que jamais n’avaient pu vaincre dans les com-
bats, ni les Kimpnuroushas, ni les Yakshas, ni les
Gandharvas, ni les Dànavas, ni même les Dieux, il
s’avançait dans le bois d’açokas, en proie à l’amour.
» Beau, revêtu d’une robe céleste, portant des pende-
loques d’une éclatante splendeur, un diadème et des
guirlandes admirables, on eût dit Vasania, le Dieu du
658
LE MAHA-BHARATA.
printemps, qui avait pris un corps. 16, IBB — 16,109.
» Semblable à un ari)re Kalpa, orné même avec soin,
il inspirait de l'eiTroi ; tel, dans un cimetière, un arbre
tchaitya remplit d'épouvante, malgré ses ornements.
» On vit le noclivague s'avancer vers la dame à la (aille
svelte, tel on voit la planète Saturne s’approcher de Kohinl.
» Frappé par la flèche du Dieu à l’enseigne de fleurs, il
salua la femme ravissante, et tint ce langage à la dame
tremblante comme une gazelle: 16,170-16,171-16,172.
« Stlâ, c’est assez témoigner de la tendresse à ton
époux! Accorde-moi ta faveur, dame aux membres dé-
licats, et purifie-toi de tes souillures. 16,173.
U Aime-moi, femme à la taille gracieuse ! Revêts-toi
d’une robe, pare-toi d’ornements de grand prix et sois,
noble dame, la première de toutes mes femmes! I6,17â.
» J’.Vi des filles des Dieux, j’ai des femmes deGandhar-
vas, j’ai des filles de üânavas, j’ai des femmesde Dattyas.
» Quatorze Lotis de Piç.ltchas obéissent à ma voixl Je
commande à deux fois autant de Rakshasas antropophages
aux actions épouvanUbles. 16,175 — 16,176.
» Un nombre triple d’Yakslias exécutent ma parole:
quelques-uns ont suivi seulement Kouvéra, mon frère.
» Vais-je boire, noble dame, dans un lieu i cet usage
consacré, des Gandharvas et des Apsaras m’y servent sens
cesse, femme ravissante, comme ils servaient mon frère.
» Je suis le (ils d’un hrahmarsbi, du solitaire Viçravas
lui-môme ; je suis le cinquième des gardiens du monde :
à ces titres, ma renommée est célèbre.
16,177—16,178—16,179.
» J’ai des aliments et des mets célestes, des breuvages
de mainte espèce ! De tout ce que possède le souverain des
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VANA-PARVA.
559
Dieux, je suis maître également, noble dame. 10,180.
U Que l'œuvre douloureuse de ton habitation dans les
bois prenne fin ici. Deviens mon épouse, femme char-
mante, comme l'est Mandaudari. » 16,181.
D A ces mots, la Vidéhaine, ayant caché son beau vi-
sage et désertant le gazon, où elle était atiite, répondit en
ces termes au noctivague. 10,182.
» La jeune femme inondait continuellement de fonde
infortunée de ses yeux, ses cuisses ravissantes et scs deux
seins relevés, (juc nul intervalle ne sépare. 16,183.
» La Vidéhaine, qui avait pour Dieu son époux, répon-
dit en ces termes à cei être abject : « Plus d'une fois, dans
mon malheur, j'ai déjà entendu sortir de ta bouche, monar-
que des Rakshasas, une telle parole, jointe à la terreur. O
toi, qui jouis de la plus haute fortune, que ton esprit, s'il te
plaît, ne s’écarte pas de cette condition! 16,184 — 16,185.
» Je suis l'épouse d'un autre, et je garde toujours la foi
à mon époux, tu ne peux donc m’obtenir! Je ne suis pas
même une épouse, assortie à toi, puisque je suis une lille
infortunée de M.anou. 16,186.
» Tu m’as enlevée malgré moi : quel plaisir espères-tu ?
Ton père eut Brahma pour son père : c’est un brahme égal
au Pradjâpati. 16,187.
» Comment toi, qui es fégal d’un gardien du monde,
ne gardes-tu pas le devoir? Comment ne rougis-tu pas
d’appeler ton frère f auguste Kouvéra, le roi des rois, fami
du grand Çiva? » Aces mots, Sitâ se mit à pleurer, et la
douleur ébranla ses deux seins. 16,188 — 16,189.
» Cette femme aux membres délicats couvrit son col et
sa bouche avec sa robe ; et la longue tresse, luisante et
bien noire, de cette infortunée pleurant, irritée, sembla
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660
Lii MAHA -BHARATA.
environner son front comme d’un noir serpent. Quand
Râvana entendit le discours solide, qu’avait prononcé
Sitâ, l’insensé, quoique repoussé par elle, lui répondit ces
mots: U Volontiers, Sitâ!
» J’abandonne mon corps au Dieu , qui porte comme
drapeau un poisson : qu’il en soit le bourreau !
16,190—16,191—16,192.
» Tu n’as pas d’amour; que m’importe? Je m’unirai
d’amour avec toi, femme charmante au joli sourire. Mais
ne puis-je faire que lu cesses d’aimer à l’instant même
ce Râma, un homme, destiné à nous servir de nourri-
ture? » Cela dit à sa captive aux membres in-éprochables,
le souverain maître des Rakshasas disparut à l’instant
même et .s’en alla au lieu , où le portait stm désir. Envi-
ronnée par les Raksbasis, la Vidéhaine, en proie aux cha-
grins, continua d habiter là, servie par Tridjatâ.
16,193—16,194—16,195—16,196.
U Tandis que le Raghouide , accompagné du fils de
Soumitrâ et protégé par Soupriva, demeurait sur le dos
du Malyavat, il vit le ciel débarra-ssé de ses nuages.
» Quand le meurtrier des ennemis eut , dans une
atmosphère pure, vu la lune éclatante, suivie des planète.s,
des constellations et des étoiles, planer dans l'espace
rafruichi par le vent, chargé du parfum des néluinbos
rouges, des nymphœas bleus et des lotus blancs, le souve-
nir de Sitâ ne tarda point à se réveiller en lui sur la
montagne, où ii av„;t établi son séjour.
16,197— 16,198— 16,199.
» L’homme juste aux pensées douloureuses, s étant
rajtpelé au point du jour que Sitâ était enfermée dans le
palais de Râvana , tint ce langage au héros Lakshmana.
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VANA-P/VRVA. ‘
Ô61
• M Va , Laksbmana , et constate dans Kishkindhÿâ que
le monarque des singes est négligent, adonné à des vertus
grossières, ingrat et savant pour ses affaires seules ;
16,200—10,201.
» Cet insensé , le dernier de sa race , que j’ai sacré
moi-même sur le trône et qui reçoit les hommages de tous
les simiens, les singes à queue de vache et les ours ;
» Lui, à cause de qui, continuateur de la race issue de
Raghou , j’ai immolé avec ton appui , guerrier aux longs
bras, Bâli dans les bocages de Kishkindhÿâ I
16,202—16,203.
» Je pense que cet abject singe est un ingrat sur la
terre, l’insensé, qui ne sait pas maintenant, Lakshmana,
que je suis réduit à cette condition. 16,20A.
» 11 ne sait pas observer les clauses du traité, lui, qui,
dans la petitesse de son intelligence, me méprise sans
doute après le secours, que je lui ai prêté. 16,205.
» Si, maintenant qu’on le réveille, il continue à dormir,
assoupi dans le plaisir même de l’amour, fais-le entrer
par la voie de Bàli dans la route de tous les êtres. 16,206»
» Si au contraire le roi des singes marche lui-même
dans notre affaire , prends-le , Kakoutsthide , et fais dill-
. gence : ne tarde pas. » 16,207.
» A ces mots de son frère, Lakshmana , qui trouvait
son plaisir dans le bien des paroles de l’homme , à qui il
devait l’obéissance, partit, ayant pris un arc éclatant,
muni de sa corde, avec une flèche. 16,208.
» Arrivé à la porte de Kishkindhÿâ , il entra sans em-
pêchement : « 11 est en colère I » pensa le roi simien ,
qui se porta à sa rencontre. 16,209.
» Le monarque des singes, Sougriva joyeux, l’âuie
IV 36
LE MAttV-OTARATA.
ses
aqinise , accompagné de son épouse , le reçut avec tous
IcS’ hoimeurs , dont il était digne. 10,210.
» L'intrépide Souoiitride lui répéta le discours de
Ràma. Incliné et les mains jointes, avec sou épouse et
ses familiers, l’Indra des rois, Sougrlva, le monarque des
singes, écouta toute cette allocution entièrement. Il dit
joyeux ces paroles à [.akslimana, le premier des hommes :
« .le ne suis pas un ignorant, ni un ingrat, l.akshniana ;
je ne suis pas san.s pitié. É oute quels efibrts j’ai déjà
tentés pour la recherche de Sitâ. 10,211-16,212-16,213.
» Des singes obéissants ont tous été envoyés par moi
aux différentes plages; un terme leur a été fixé à tous :
ils doivent revenir dans un mois. 16,214.
» Ils sont chargés, héros, de fouiller cette terre avec
.sa robe de mers, avec ses bois, ses montagnes, ses villes,
avec ses multitudes de bo-.irgs et de villages. 16,216.
» Encore cinq nuits et ce mois sera complet : alors, tu
entendras, accompagné de Ràma, d'agréables et bien
• grandes nonvelle.s. » 16,216.
. >• A ces mots du sage roi des singea , l.akshmana d’a-
bandonner sa colère, et, d'une àme non consternée , il
-répond anx hommt^es de Sougrlva. 16,217.
» Accompagné de celui-ci , il s’ on fut trouver RAma,
placé sur un liane du Màlyavat , et lui raconta l’heureux
coimnciiccmcnt de cette affaire. 16,218.
. » A l’ordre du prince , les rois des singea se rassem-
blent par milliers. Alors, ceux, qui av.aient fouillé trois
-plages et n’étaient pnini ailés dans la méridionale, annon-
cèrent à Ràma qu’on avait .scruté la terre ceinte avec une
zône de mers et que l’on n’avait vu , ni la Vidéhaine , ni
Râvana. 16,219—16,220.
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VANA-PARVA.
«68
» Mais des héros singes avaient porté leurs recherches
dans la région du midi : plein d’espérance en eux ; le
malheureux Rakoutsthide , les attendant , conserva la
vie. 16,221. '
» Le temps fixé d’abord était passé ; deux mois s’é-
talent écoulés , quand les singes vinrent à la hâte répéter
Ce discours à Sougrtva : 11,222.
« Le fils du Vent, le plus vaillant des singes, Angada,
le fils de Bâli, et les autres héros simiens, que tu avais
envoyés , sire, fouiller la plage méridionale , ont mangé
ton vaste, ton abondant bois du miel , qui jadis était
défendu par le bras de Bàli. » 16,223 — 16,224.
» Dès qu’il eut appris la confiance , que les coupables
avaient en eux -mêmes, il pensa qu’ils avaient réussi dans
leur mission : car une telle présomption n’appartient
qu’à des serviteurs , qui ont conduit leur affaire à bonne
fin. 16,225.
» Le sage 'roi des singes l’annonça à R.àma , et celui-ci
en conclut par induction qu’ils avaient dû voir sa Miti-
lienne. 16,226.
B Enfin les simiens reposés , Hanoûmat à leur tête ,
viennent s’offrir devant l’Indra des singes en présence de
Râma et de Lakshmana. 16,227.
U A peine eut-il vu la démarche d’Hanoûmat et la cou-
leur de son visage, Râma conçut encore plus de confiance,
Bharatide ; a 11 a vu SItâ ! » pensa-t-il. 18,228.
» Les singes, l’âine satisfaite, conduits par Hanôûinat,
s’inclinèrent suivant l’étiquette devant Râma , Sougrtva
et Lakshmana. 16,229.
Il Le Ragbouide, tenant sa flèche et son arc à la main,
dit aux simiens de retour : « Vous m’arrachez au tom-
66A
LE MAHA-6HARATA.
beau même ; vous avez accompli votre mission ! 16,2^0.
» Je porterai de nouveau la couronne dans AyodhyA,
après avoir tué les ennemis dans la bataille et reconquis
la fille du roi Djanaka. 16,231.
n Je n’ai pas la force de vivre, n’ayant pas dél'vré m'a
Vidéhaine, tué les ennemis dans le combat, et abandon-
nant le soin de reprendre mon épouse enlevée ! » 16,232.
» A ces mots, que prononçait Râma , le fils du Vent
répondit : « Je t’annonce une heureuse nouvelle, Ràroa ;
j’ai vu la fille de Djanaka. 16,233.
» Quand nous eûmes fouillé toute la plage méridionale
avec ses multitudes de forêts et de montagnes, fatigués, le
temps étant p.assé, nous aperçûmes une vaste caverne.
» Nous pénétrâmes dans cette cavité grande de plu-
sieurs yodjanas : elle était obscure , bien hérissée de
forêts impénétrables et fréquentées des sangliers.
16,23â— 16,235.
» Ayant marché une très-longue route aussi loin que
le soleil étendait sa lumière , nous vîmes lâ au milieu
d’elle un céleste palais. 16,236.
» C’était , fils de Raghou , l’habitation de Maya , le
Daltya : une ascète, nommée Prabhàvati, y pratiquait une
austère pénitence. 16,287.
» Lorsque nous eûmes mangé les mets, bu les divers
breuvages , quelle nous offrit , et réparé nos forces , nous
entrâmes dans la route, quelle nous indiqua. 16,238.
a Sortis de ce lieu, nous vîmes près de fonde salée
Sahya, Malaya et le grand mont Dardoura. 16,239.
a Ensuite, montés sur le Malaya, nous contemplâmes,
consternés, pénétrés de douleur, épuisés, livrés à nos
pénibles pensées, sans aucune espérance dans notre vie.
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VANA-PARVA.
6«6
l'humide séjour de Varouna, ce grand réceptacle des
eaux, qui s'étendait sur plusieurs yodjanas, la demeure des
poissons, des crocodiles et des cétacées. 16, •240-10,241.
» Nous nous assîmes là dans la résolution de nous y
laisser mourir de faim. Alors, sur la fin d'un entretien ,
on fit mention du vautour Djatàyoush. 16, '242.
U Nous vîmes aussitôt un oiseau épouvantable , à la
forme effrayante , semblable à la cime d'une montagne et
tel qu'un second Garouda. 16,243.
n 11 était venu , conduit par la pensée que nos corps
lui serviraient de pâture. 11 nous tint ce langage : « Oh I
qui est celui, qui parle ici de mon frère Djatàyoush 7
U Je suis le monarque des oiseaux, son frère aîné; mon
nom estSampati. A l'émulation l'un de l’autre, nous mon-
tâmes, désirant nous élever jusqu'au soleil.
16,244—16,246.
» Alors mes deux ailes furent ctmsumées et celles de
Djatâyousii ne furent pas brûlées ; mais je fus long-temps
séparé de la vue chérie de mon frère, ie roi des oiseaux.
» Je suis tombé, volatile privé d’ailes, sur cette grande
montagne. » A l'oiseau , qui parlait ainsi, nous apprîmes
que son frère avait été tué. 16,246 — 16,247.
» Nous lui dîmes en abrégé le malheur de ta majesté.
A peine eut-il appris cette afiligeante nouvelle, Sampati
nous demanda, vaillant monarque, d'un esprit ému :
« Qui est ce Ràma 7 (Comment 8ttâ lui fut-elle enlevée 7
Comment Djatàyoush fut-il tué? 16,248 — 16,240.
» Je désire entendre narrer tout cela, 0 les plus excel-
lents des singes. » Alors je lui racontai avec détail ce
malheur survenu à ta majesté, cause que nous étions assis
là pour y mourir de faim. Le monarque des oiseaux releva
LE MAHA-BHARATA.
M6
votre moral abattu avec ces paroles ; 16.250 — 16,251.
, Il Ràvaoa ui’est connu, sa ville capitale est Lankâ. Je
l’ai vu sur la rive ultérieure de la mer, dans une caverne
du mont Trikoùta. 16, 252.
» C'est là que la Vidébaine est actuellement : il n’y a
pas l’ombre d’un doute pour moi 1 » A ces mots, nous nous
levons tous à la hâte. 16,25$.
. U Nous délibérons en conseil sur les moyens de traverser
la mer : et, comme personne n’osait prendre la résolution
de fiwicbir cet immense intervalle, j’entrai dans mon père ;
je traversai, fléau des ennemis, le grand océan, étendu
sur cent yodjanas, et je tuai en patsanl la Raksbasl de
ces eaux. 16,25à — 16,255.
» Je vis alors Sltâ : elle était dans le gynœcéc de Rà-
vana, adonnée à la pénitence et au jeûne, toute livrée au
désir de revoir son époux. 16,256.
» C’était une pénitente, maigre, abattue, les cheveux en
gerbe, le corps souillé d’impuretés ; à ces marques, con-
sidérées chacune en particulier, je reconnus Sltâ. 16,257.
» Je m’approche, je m’avance vers celte noble dame,
laissée un moment seule, et je lui dis : « SUâ, je suis l’en-
voyé de Ràma ; je suis un singe, fils du Vent. 16,258.
» Je suis arrivé ici par les routes de l’air, désirant
obtenir ta vue. Les deux frères, fds de roi, Râmaet Laksh-
mana, se portent bien. 16.259.
‘ U Le monarque de toutes les hordes simiennes les dé-
fend l’un et l’autre, Ràma, en compagnie du Soumitrido,
te souhaite une bonne santé, Sltâ ! 16,260.
» Inspiré de sou amitié, Sougrlva demande si tu vas
bien. Ton époux ne tardera pas d’arriver avec tous les
bataillons des singes. 16,261,
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VANA-PARVA.
W7
» Accorde*im>I Ui confiance, reine : jesnis sa singe, non
un Raksbasa ! » Sitâ réfléchit un moment et me répon-
dit : 16,2(52.
a Je sais que tu es Hanoùmat d’après la parole
d’Avindhya : c'est un vieux Raksbasa, très-estimé, guer-
rier aux longs bras. 16,263.
» Il m’a raconté que Sougrîva était environné par des
conseillers de ton espèce : adieu ! u A ces mots, Sltâ m’a
donné en signe de crédit cette p rie, avec laquelle la
Vidébaine a vécu ce temps sans reproche. La fille du ro
Djaualta m’a confié aussi, pour me faire reconnaître par ta
majesté, tigre des hommes, cette aventure d'une flèche,
que tu détmchas à la corneille sur la grande montagne
du Tchitrakoûta. 16,26A — 16,265 — 16,266.
I) Ensuite, je me suis fait prendre, j'ai incendié Lankà
et je suis venu. » 11 dit, et Ràma d'honorer ce simien aux
paroles véridiques. 16,267.
» Tandis r(ue Ràma était assis là avec eux, voici qu’ar-
rivent, sur l’ordre de Sougriva, les principaux des singes.
» Environné par mille kotis de simiens agiles, le for-
tuné Sousféna, le beau-père de Ràii, se présente devant
Ràma. 16,268—16,269 (1).
» Entourés par cent mille kotis, Gaya et Gavayamëme,
deux puissants Indras des singes, s’avancent chacun à part.
» Après lui vient, grand roi, entraînant sur ses pas
soixante mille kotis, le singe à queue de vache Gavàksha,
à l’aspect épouvantable. 16,271 — 16,272.
» Le fameux Gandhâmadana, habitant la montagne.
(1) Le texte chiffre ce çloka 16,270; doux allons suivre son ordre natné*
rHlQe.
VANA-PARVA.
560
cette armée était défendu par l'intrépide Somuitride.
» Les deux fils de Raghou, le cuir, défense de leura
doigts, attaché au poing, s’avançaient, environnés des
principaux ministres singes, comme le soleii et la lune le
sont par les planètes. 46,284 — 16,285.
» Cette armée do simiens, qui avait pour ses armes des
pierres, des palmiers et des chênes, brillait, comme un
immense bois 4 la couleur de riz, exposé au lever du soleil.
» Protégée par Nata, Nlla, .4ngada, kràtha, Matoda et
Dwivida, cette innombrable armée s’avançait pour le succès
de l’entreprise du fils de Raghou. 16,286—16,287.
» Les bataillons des singes cheminaient vers la mer de
lait, habitant, sans y causer de grands dommages, dans
les différents bois, riches de fruits et de racines, .-.bondants
en miel et en chair, sur les ‘rives des lacs fortunés et sur
les plateaux des montagnes. 16,288—16,289.
» Cette puissante armée, aux nombreux étendards, ar-
rivée sur le rivage de l'océan, telle qu’une seconde mer,
assit là son camp. 16,200.
» Alors, le fils charmant du roi Daçaratha adresse à
Sougrlva, au m lieu des principaux singes, ces paroles
opportunes : 16,201.
« Quel moyen vos majestés imaginent-elles pour tra-
verser cette mer : car voici une immense armée et cet océan
est d’une traversée plus que difficile. 16,292.
O D’autres singes d’une grande présomption nous ont
dit qu’ils étaient capables de le franchir ; mais toutes ces
paroles ne sont pas des moyens de succès. 16,293.
» Les uns sont d'avis qu’il faut employer difféi'ents vais-
seaux, les autres divers moyens de natation. » C’est ainsi
que Ràma leur parlait à tous, sans les flatter. 16,294.
670
LE MAHA-BHABATA.
» Aacundesângesn'est-il capable de traversercebasNO,
qui s'étend sur une centaine d'yodjanas? Cette opinion,
héros, n'est-il pas votre dernier avis ? 16,295.
» L'armée n'a pas un grand nombre de vaisseaux pour
cette traversée : de plus, nous traînons à notre suite un em-
barras de marchands : comment cette classe passera-t-elle?
Il L'ennemi peut saisir un défaut dans notre année trop
étendue, et la détruire. Je n'approuve donc pas ce moyen
do passer en barques et sur des radeaux.
» Je capterai la bienveillance de la mer par uu moyen :
je me coucherai vis-à-vis d'elle, observant le jeûne, et elle
se montrera à moi. 16,296 — 16,297 — 16,298.
n Si elle refuse de m'indiquer une route, je la consu-
merai avec mes flèches irrésistibles, flamboyantes, comme
la flamme du plus grand feu !*» 16,299.
K Cela dit, le fils de Raghou se purifie avec le Sou-
mitride, et se couche vis-à-vis de la mer, sur une jonchée
d'herbes kouças, suivant larègle. 16,SOO.
» Alors l'Océan, ce Dieu, qui nourrit les fleuves et les
rivières, se montre, environné d'une troupe d'animaux
aquatiques, au fils de Raghou dans un songe. 16,301.
« O toi, lui dit-il, qui as Kaâuçalyà pour ta mère ! » Ce
mot plein de douceur lui fut adressé par ce Dieu, entouré
de pierres fines par centaines. 16,302.
U Dis-moi quel service d’amitié dois-je te rendre ici, é
le plus grand des hommes !» — « Je suis un descendant
d’ikshwâkou, ton parent, lui répondit Râma. 16,303.
» Je désire que tu donnes une route àmon armée, sou-
verain des fleuves et des rivièree, par laquelle je puisse
aller tuer le Démon aux dix tètes, l’opprobre de la race de
l’üulastya. 16,30à.
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VANA-PAJRVA'.
571
» Si ta majesté ne m’accorde pas cette route, que je loi
demande ainsi , je tarirai tes eaux par mes flèches , que
des astras divins ont charmées. >> 16,305.
» <>uand ï Océan, séjour de Varouna, eut entendu ces
mots sortis de la bouche de Râma, il reprit, agité par la
crainte et se tenant , les mains jointes ; 16,306.
« Je ne veux pas t’empêcher, et je ne serai point une
cause d'obstacles ; mais écoute cette parole et fais ensuite,
Râma, ce qui est à faire. 16,307.
» Si l’on sait que j’ai accordé une voie pour le passage
de ton armée , d'autres m’en feront une loi par la puis-
sance de leur arc. 16,308.
» 11 y a ici un singe vigoureux , appelé Nala et réputé
un artiste : c’est le fils de Viçvakarma, ce divin ouvi ier en
bois. 16,309.
» 11 jetera dans mes eaux des bois, du gazon ou de la
pierre; je supporterai tout cet amas, et delà il naîtra pour
toi un pont, » 16,310.
» A ces mots, il disparut, et Râma dit à Nala ; a Cons-
truis-nous un pont dans la mer ; je pense que tu es capa-
ble d’un tel ouvrage. » 16,311.
,) De cette manière, le Kakoutstbidc fit jeter sur le
grand bassin des eaux un pont , qui avait une longueur
de cent yodjanas sur dix yodjanas en largeur. 16,312.
» C’est le pont célèbre dans le monde sous le nom du
Pqqt-de-Nala, et qui , à l’ordre obéi de Râma, est sorti des
eaux, pareil à une montagne. 16,313.
v Tandis que le fils de Raghou se tenait dans ces lieux,
le vertueux Vibhisbana vint se joindre à lui avec quatre
ministres : il était frère de l’ Indra des Rakshasas.
» Le magnanime Râma l’accueillit avec une parole de
672
LE MAHA-BHARATA.
bien-venae ; mais Sougriva eut ud soupçon : a Ce doit être
un espion. » 16,316 — 16,315.
U Quand il eut le plaisir de connaître sa vraie nature,
Ràma de l' honorer avec de sincères élans du cœur et des
gestes parfaitement accomplis, suivant les convenances.
U 11 sacra Vibhlshana dans l’empire sur tous les Rakha-
sas, et lit de lui son jeune frère dans les conseils et l'ami
de Lakshmana. 16,316 — 16,317.
n Avec son approbation il franchit à la tète de son
armée le grand océan par ce pont, et son passage, monar-
que des hommes, consuma tout un mois. 16,318.
U De là , continuant sa marche et s’étant approché de
Lankâ, il dévasta par la main de ses singes à différentes
fois de grands et nombreux jardins royaux et publics.
» Vibhlshana fit arrêter deux espions, Çouka et Sàrana,
ministres et conseillers de Ràvana, qui, sous la forme de
singes, avaient péuétré dans le camp. 16,319 —16,320.
» Quand ces deux noctivagues eurent repris la forme
de Rakshasas, Ràma les fit promener dans l’armée et les
congédia. 16,321.
» Avant cela , il avait établi l’armée dans on bocage et
envoyé un docte singe , Angada, en mission à Ràvana.
U Lorsqu’il eut distribué son armée dans ce bois abon-
dant en vivres et en eau, rempli de fruits et de racines,
le Kakoutsthide la défendit suivant les théories de l’art.
16,322—16,323.
» Ràvana établit dans Lankà une règle instituée par
les Çàstras, et, cela fait, il donna à la ville des portes
arcadées et des remparts solides, inexpugnables. 16,326.
» Il y avait sept fossés aux profondes eaux, remplis de
crocodiles et de poissons dévorants, relranc/iements
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VANA-PARVA. '
578
infranchissables , où se trouvaient accumulées les pointes
du khadira. 10,826.
» Là, étaient d'invincibles machines et des portes avec
des rocs amassés et des guerriers, assistés par des serpents
venimeux et des troupes d’éléphants , avec de la pous-
sière, avec de la résine. 16, .826.
» Ils avaient des maillets d’armes enduits de cire d’a-
beilles ; ils étaient munis de haches , d’épées , de leviers
et de fléchis en fer, de tisons embrasés, de massues et de
çataghnls. 16,327.
» A chaque porte de la ville , se tenaient des divisions
d’êtres immobiles et mobiles, d’innombrables fantassins,
des chevaux et des éléphants en abondance. 16,828.
« L’intrépide Angada à la force immense , arrivé à la
porte deLankà, entra sans déguisement au inilirn de ces
nombreux Rakshasas. L’Indra de ces Démons brillait,
environné d’eux , comme le soleil , entouré par une guir-
lande de nuages. 16,320 — 16,330.
» L’éloquent Angada s’approche du Poulastyade, en-
vironné de ses ministres, le salue et commence à lui
raconter ce dont Ràma l'avait chargé : 16,331.
« Voici que te dit, sire, le descendant de Raghou,
rindra de Koçala à la vaste renommée ; reçois cette porole
opportune, et veuille bien l’accomplir. 16,332.
» Les vices, entrés dans tes places et dans tes villes,
les détruiront, monarque insensé, qui fais du vice ton
plaisir. 16,333.
» Tu as commis une oITense envers moi : tu m’as en-
levé Sttà de force! Seul, tu fu» coupable, mais ce fait
n'en sera pas moins pour lu mort de ceux, qui sont inno-
cents à mon égard. 16,33ù.
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S74
LE MAHA-BHARATA.
» Enivré de ta force et de ton orgaeil, tu as déjà per-
sécuté les rishis, qui habitent les bois, tu as méprisé les
Dieux mêmes. 16,335.
» Tu as donné la mort aux saints rois, tu as ravi des
épouses éplorées : voici le temps où arrive à sa maturité
le fruit de ton péché. 16,336.
» Je suis ici pour t'immoler avec tes ministres : com-
bats ! sois un homme de cœur I Vois, noctivague, quelle
est uia vigueur, l’arc à la main, tout enfant de Manou que
je suis. -46,337.
» Délivrasses-tu Sitâ, la fdle du roi Djanaka, tu ne
seras jamais délivré de moi ! mes flèches acérées vont
dépeupler ce monde de ses Rakshasas ! » 16,338.
» Plein de colère, le puissant Ràvana ne put supporter
cet amer langage, dont la bouche de l’envoyé frappait ses
oreilles. 16,339.
» Quatre noctivagues, habiles à deviner les gestes de
leur maître, le saisissent par les quatre membres, comme
des oiseaux, qui saisiraient un tigre. 16,340.
» Mais prenant las rùdeurs de nuit , attachés à son
corps, Angada de s’élancer dans les airs et d'atteindre
mec eux la terrasse au faîte du palais. 16,341.
1) Tandis qu’il s’envolait avec rapidité, les noctivagues
tombaient sur la terre, le cœur en éclat, écrasés par le
plus vaillant des combattants. 16.342.
» Et lui, du sommet de ce palais, où il prit son élan,
il sauta par-dessus la ville de Lankâ et s’en alla tomber
près de son armée. 16,843.
» Il s’approcha du monarque de Koçala, lui fit part de
tout, et, félicité par le petit-neveu de Raghou, le singe
vigoureux se reposa. 16,344. ■’
Digitizee* / Gu'-- jl^
VANA-PARVA.
675
» Le Ragfaouide à la tète de toutes les forces des si-
niieas, aussi rapides que le vent, brisa les remparts de
Lankâ. lO.SAô.
» Marchant sur les pas de Vibhlshana et du roi des
ours, Lakshmaoa de broyer la pwrte méridionale inacces-
sible de la ville. 16,346.
U II accourut dans Lankâ avec une centaine de
mille kolis de singes, doués de la science des combats,
aux membres fauves cooinie de jeunes chameaux.
> Il fit disposer en bataille trois kotis d'ours au poil
bistré, agiles dans leurs jambes, leurs mains et leurs bras
longs. 16,347 — 16,348.
» Des singes, qui volaient, qui descendaient, qui mon-
taient, offusquaient la vue du soleil, comme la poussière,
qui détruit .sa lumière. 16,349.
» Les Raksbasas, les femmes et les vieillards virent
avec étonnement jaunir de tous cétés, sire, le rempart
sous des singes pareils au chanvre mûr, égaux au soleil
adolescent, semblables à la fleur de çirlsha, ou tels que
la tige du riz. 16,350 — 16,351.
> Les assaillants brisèrent les colonnes de pierreries et
les cimes des palais en mirrbre de Rarnâta : ils disper-
sèrent çà et là les machines aux sommets rompus et
broyés. 16,352.
» Saisissant, et les tchakras, et les çatagbnls, et les
boulets de pierres, ils les décochaient avec toute la
fougue des bras au milieu de Lanka, en poussant de
grands cris. 16,353.
» Quelques troupes de noctivagues, qui se tenaient
sur les remparts , s’enfuirent par centaines devant les
singes, qui accouraient. 16,354.
Ô76
LE MAHA-BHARATA.
>1 Ensuite les Rakshasas, aux figures déformées et qui
changeaient d'extérieur à volonté, sortirent de leurs quar-
tiers, à la voix du souverain, en troupes de cent mille à la
fois. 16,356.
» Les habitants des bois, les dispersant sous une grêle
de flèches et déployant la plus grande valeur, décorèrent
de leurs bataillons les remparts. 16,356.
0 Des Rakshasas, aux formes épouvantables et sem-
blables à des amas de nuages (1), firent évacuer de nou-
veau le retranchement aux escadrons simiens. 16,357.
» Les plus vaillantsdes singes tombaient en foule, brisés
par les épieux de fer : les Rakshasas tombaient, rompus
sous les débris des portes arcadées et des colonnes.
» Alors s’éleva entre les héros nocti vagues et les singes
un combat à prise de cheveux, où les combattants des deux
parts se dévoraient mutuellement à belles dents, mis en
pièces par les ongles. 16,3.'i8 — 16,359.
» Roulants, blessés, gémissants sur la terre, les singes
et les Rakshasas des deux côtés ne cessaient de se tuer
réciproquement embrassés. 16,360.
» Râma, semblable au nuage, fit pleuvoir les multitudes
de ses traits qui, infestant la ville de Lankâ, y donnaient
la mort aux rôdeurs de nuits. 16,361.
1) Le Soumiti’ide, archer solide, aux flèches de fer, vi-
sant et révisant les Rakshasas, qui garnissaient les plate-
formet de» citadelles, les abattait tur la terre. 16,862.
» Ce carnage accompli, Râma fit proclamer un armis-
tice parmi les singes, et sa première victoire atteignit au
but pour la prise de Lankâ. 16,363.
(1) mot, sur lequel se Uisent tous les Dictionnaires.
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VANA-PARVA.
677.
3 Les suivants de RAvana, en plusieurs troupes de
Piçâtchas et de vils Rakshasas, vinrent ensuite attaquer les
années ennemies entrées dans la ville ; 16,364.
» C'étaient Parvana, Patana, Djamba, Khara, Krodha-
vasa, Hari, Praroudja et Aroudja, Praghasa lui-méme et
d’autres de telle condition. 16,365.
» Vibblshana, à la connaissance duquel ils ne pouvaient
échapper, fit donner à ces méchants, qui se ruaient in-
visibles, une mort dérobée aux yeux. 16,366.
» Apperçus enfin par les singes vigoureux et venus de
contrées lointaines, ils tombèrent de toutes parts, sire,
blessés, sans vie, sur la terre. 16,367.
U Le puissant Ràvana sortit, impatient, environné
d'armées épouvantables de Piçâtchas et de Rakshasas.
B Tel qu'un autre Ouçanas, qui connaît les règles des
Traités sur la guerre, il rangea son armée suivant l'ordre
d’Ouçanas, et commanda de combattre les singes.
16,.368— 16,369.
U Le fils de Raghou opposa ses bataillons suivant l'or-
donnance de Vrihaspati contre le noctivague aux dix tètes,
sorti avec une nombreuse armée. 16,370.
» Les deux armées se rencontrent, et Ràvana livre ba-
taille à Râma. I.akshmana combaitit avec Indradjit, Sou-
grlva avec Viroûpàksha, Nikharvata vecTâra, Nalaavec
Tounda, et Patouça avec Panasa. 16,371 — 16.372.
» On abordait celui, que l'on croyait pouvoir être
vaincu ; et, secondé par la seule force de ses bras, on
combattait avec lui sur la lisière du champ de bataille.
U Les tambours, inspirantlacrainte, augmentaientleurs
épouvantables roulements, effroi des monde.s, tels que jadis
dans le combat des Asouras et des Dieux. 16,373 — 16,374.
IV 37
»78
LE MAHA-BHARATA.
» RAvana aborde Râma avec des pluies d’épées, de
tridents, d'épieux en fer: et Râma aborde RAvana avec
une grêle d’armes en fer, coupantes, acérées. 16,375.
V Lakshmana de percer Indradjit au ntilieu de ses efforts
avec des flèches, qui tranchent les articulations; Indradjit
de |)ercer Lakshmana avec une foule de traits. 16,376,
» Vibhishana déverse sur Prahasta, et Prabasta sur Vi-
bhtshana, l'un et l’autre sans trouble, un orage de dards
aigus, aux ailes d’oiseaux. 16,377.
» Le premier choc de ces guerriers vigoureux, aux
grands astras, fut tel que les trois mondes avec leurs êtres
immobiles et mobiles était entièrement troublé. 16,378.
» Ensuite Prahasta, intraitable au combat, se porte
impétueusement sur Vibhlshaua et le frappe de sa massue,
en poussant un cri. 16,379.
» Atteint par cette arme à la fougue épouvantable, le
sage guerrier aux longs bras, aussi ferme quel’Uimâlaj'a,
n’en fut pas même ébranlé. 16,380.
» Aussitêt, saisissant un grand et large épieu de fer,
orné de cent clochettes, Vibhishana le charme et l’envoie
tomber sur la tête de son ennemi. 16,381.
» Frappé par cette arme, aussi prompte que la foudre,
le Rakshasa perdit sa fougue à l'instant même; et, le chef
enlevé, il parut comme un arbre, que le vent a brisé.
» A la vue du noctivague Prahasta immolé dans cette
bataille, Dhoûmrâksha de courir avec une grande impé-
tuosité sur les singes. 16,382 — 10,383.
» Dès que les héros simiens voient accourir cette figure
effrayante, semblable A un nuage, ils se débandent à la
bAte sur le champ de bataille. 16,38A.
» A peine le tigre des singes, Hanoûmat, le fils du Vent,
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WNA-PARVA.
370
eut-il TU s'enfuir les plus braves des singes, il accourut A
la rescousse. 16,385.
> Aussitôt qu’ils ont vu le fils de Maroute deuièurer
ferme dans la bataille, les simiens de tous K s côtés s’em-
pressent Afenvi de faire volte-face. 16,380.
» Ce fut alors, effroi des mondes, un grand bruit confus
des armées de Râma et de Ràvana, qui couraient l’une
sur l’autre. 16,387.
» Tandis que cet épouvantable combat se livrait au
milieu d’une boue de sang, Dhoômràksha mit en fuite
l’arniée simienne à coups de flèches. 16,388.
» Le Rakshasa, victorieux de ses ennemis, reçut Ha-
noômat, qui accourait avec sa grande taille. Le fils du
Vent fondit sur lui rapideuient. 16,889.
» Le cenibat de ces deux héros, singe et Rakshasa, qui
voulaient remporter l'un sur l'anire la victoire, fut aussi
terrible que celui d'Indra et de Prahlâda. 16,590.
» Le Démon frappa le singe avec des pilons et des
massues, et le singe frappa le Démon avec des arbres au
tronc vêtu de ses branches feuillues. 16,391.
n Irrité, le fils du Vent, Hanoômat, dans un excès de
colère, brisa le char du Rakshasa et le tua, lui, ses che-
vaux et son cocher. 16,392.
» A la vue du plus grand des noctivagnes, Dhoûm-
r&ksha mort, les singes reprennent de la confiance en
eux-mêmes, ils reviennent sur le champ de bataille et
s’approchent des guerriers. 16,893.
» Maltraités par les singes, vigoureux et triomphants,
la terreur chassa dans Lankâ les Rakshasas, dont les
pensées se tournèrent à la crainte. 16,393.
a Le reste des noctivagues, échappés au carnage.
680
LE MABA-BHARATA.
accourt brisé dans la ville et fait part au monarque Râ-
vana de ce qui était arrivé. 10,395.
Il A |>eiMe eut-il appris d'eux que Prahasta avait suc-
combé dans la guerre et que les plus vaillants des singes
avaient détruit le héros Uhoûinrâlcsha et son armée, il
s'élança hors de son trône : « Voici le moment arrivé, dit-
il, de mettre A l’ouvrage Roumbhakarua ! »
10.396—16,897.
Il Dès qu'il eut ainsi parlé, il fit réveiller avec diveie
instruments de musique aux vastes sons le guerrier, pro-
fondément endormi dans sa couche. 16,398.
Il Enfin le monarque des Rakshasas, sous l'empire de
la crainte, réveilla avec un grand elTort ce héros sans
trouble, hors du sommeil, assis et résolu. 16,399.
« Heureux es-tu, Koumbhakarna, toi, qui peux jouir
d'un tel sommeil ! dit au colosse le souverain aux dix
tètes; 16,600,
» Toi, qui ne sais rien encore de ce grand danger, aux
formes épouvantables ! Voici que Râma a traversé la mer
sur un pont avec une armée de singes. 16,601.
Il Nous ayant méprisés tous, il répand un vaste effroi.
J'ai enlevé son épouse, nommée Sltâ, la fille du roi
DJanaka. 16,602.
> 11 a jeté un pont sur la grande mer, et il est venu ici
pour l'emmener ; il a tué Prahasta et les autres, noti«
haute parenté. 10,603.
» 11 n'est personne, si ce n'est toi, qui puisse lui donner
lamort,ôtoi, qui traînes les corps de tes ennemis. Endosse
ta cuirasse et sors à la tète d'une armée, ô le plus fort des
forts. 10,60 i. .
« Tue RAma dans le combat et tous les autres ennemis.
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VANA-PARVA.
m
dompteur de tes rivaux. Vadjravéga et Pramâtbln (1), les
deux frères éminents de Doûsh:ina, te suivront tous deux,
accompagnés d'une grande armée. » Quand le monarque
des Rakshasas eut adressé ce langage à l’impétueux
Koumbhakarna, il commanda à ces deux jeunes béros ce
qu’ils avaient à faire. « Qu’il en soit ainsi 1 » répondent à
Râvana les deux béros, frères puînés de Doùshana et,
mettant à leur tête Koumbhakarna, ils sortent de la ville
à pas rapides. Id.iOô — l«,â06 — 16,407 — 16,408,
» Aussitôt qu’il fut sorti de la cité, Koumbhakarna vit
avec ses suivants l’armée victorieuse des singes, qui se
tenait rangée devant lui. 16,400.
n Tandis qu’il contemplait cette armée dans le désir
d’y voir Râma, il apperçut le Soumitride , résolu devant
lui,' un arc à la main. 16,410.
U Les singes de s’approcher à grands pas; ils environ-
nent le Rakshasa de tous les côtés et le frappent avec de
nombreux arbres aux énormes troncs. 16,411.
i> Surmontant une peur extrême , d’autres le déchi-
raient avec leurs ongles. Les simiens , combattant par les
dilTéren tes voies du combat, bles.saient l’Indrades Rak-
shasas avec des traits variés et terribles ; mais le monstre
blessé dévorait les singes en riant. 16,412 — 16,413.
» Il fait ï-a proie du simien Bala, de Tchanda-Bala et
de Vadjrabâhou. A l’aspect de ces actions douloureuses
du Rakshasa Koumbhakarna , Tara et les autres de pous-
ser des cris d’elTroi. Dès qu’il eut ouï ces hautes clameurs
jetées par les guerriers chefs des troupeaux de singes ,
Sougrtva fondit, l’âme sans crainte, sur Koumbhakarna.
(I) ProQOQcex le mot comme s'il était écrit PramAtkiw.
582
LE MÂHA-BHAllATA.
Arrivé rapidemeDt sur lui, le magnanime éléphant des
singes le frappa vigoureusement sur le front avec le tronc
■'d’un shorée. Le singe à la grande vitesse brisa du coup
son arbre , et n’en fut pas même effrayé. Mais, réveillé
soudain au contact de ce shorée, Kouinbhakarna pousse
un c.ri , étreint Sougrlva dans ses bras et l’enlève malgré
lui. Aussitôt que le Soumiiride l’eut apperçu, ce héros, la
-joie de ses amis, courut sur le Rakshasa, qui emportait
Sougrlva! Arrivé près du monstre, le terrible Lakshinana
saisit une grande flèche empennée d’or, à la grande vî-
‘tesse, et l’envoie à Roumbhakarna. Le trait fendit sa cui-
rasse et son corps. ( De la stance 16,413 à la stance
16,421.)
» Dégouttant de' sang , il entrouvrit la terre et s'y
plongea. Le héros Kouinbhakarna, le cœur brisé, de
s’armer d’une roche et d’abandonner le monarque des sin-
ges. Il courut, tenant son vaste rocher en l’air, sur le fils
de Souniitrâ. 16,4*22 — 16,423.
» Dans l’instant qu’il s’élançait, celui-ci trancha ses
deux mains levées avec des flèches en rasoir au tranchant
acéré. Le géant avait quatre bras. 16,4*24.
» Le Soumitride, employant un prompt astra, lui confia
de ses rasoirs tous les bras, armés de rocs saisis. J 6,425.
» Koumbhakama était un colosse à beaucoup de bras,
de têtes et de pieds : Lakshmana, aidé par l’ astra de
Brahma, le mit en pièces, tel qu’un amas de monta-
/gnes. 16,426.
» Frappé de l’astra céleste, le guerrier vigoureux
. tomba , comme tombe avec ses rameaux un arbre con-
sumé par un grand coup de la foudre. 16,427.
» Aussitôt qu’ils virent l’impétueux Koumbhakama
VANA-PARVA. 58S
abattu sans vie, tel que Vritra, sur la terre, la crainte
dispersa les Rakshasas de tous les côtés. 16,A28.
» A peine ont-ils vu leurs guerriers s'enfuir, les frères
puînés de Doùshana les arrêtent et courent irrités sur le
Souiuitride. 16,^29.
» Voyant Pranicàthin et Vadjravéga accourir avec co-
lère, celui-ci, poussant un cri, les reçut l’un et l'autre
avec ses flèches. 16,A30.
> Alors un combat très-tuntultueux, effroi du monde,
üls de Kounil , s'éleva entre les deux frères puînés de
Doùshana et le sage Lakshmana. 1(5, AHl.
U 11 fit pleuvoir sur les deux Raksbasas une grande
pluie de flèches, et ces héros irrités firent crever sur lui
le nuage de leurs traits. 16,A32.
U La batailie aux formes bien effrayantes entre PramA-
tbin, Vadjravéga et le Souniitride aux longs bras dura
une heure d'une telle mani>re. 16,é33.
» Hanoûmat, le fils du Veut, saisit alors une ctroe de
montagne, s'élance avec elle et ravit le souffle de l'exis-
tence au Démon Vadjravéga. 10,è3è.
» Mla , singe à la grande force , courut et broya sous
un vaste rocher Praïuàtbin , le frère mineur de Doù-
sbana. 16.A35.
n Ensuite s’alluma de nouveau une bataille au lever
pltin de violents orage* entre les armées de Ràma et de
Ràvana, qui fondaient l'une sur l'autre. 10,A30.
» Les hommes des bois immolaient par centaines les
Nairritas, et ceux-ci par centaines sacrifiaient les hommes
des bois; mais ordinairement c’étaient les Nairritas et non
les singes, qui mouraient. 16,éS7.
<1 A la nouvelle que Koumbliakama , ayant succombé
LE MAHA-BHARATA.
68A
dans cette latte avec ses compagnons, avait suivi au tom-
beau le héros Prahasta et Dboümrâksha à la grande
vigueur, Râvana dit au vaillant Indradjit, son fils : « Tue,
immolateur des ennemis, et Ràma, et Sougrlva, et
Laltshmana. 16,AS8 — 16,A39.
U Par ta victoire dans le combat sur le Dieu aux mille
regards, sur l'époux de Çatcht, qui tient la foudre, tu as
acquis pour moi, noble lils, une gloire éclatante. 16,AA0.
» Apparent ou caché, tue mes ennemis avec ces flèches,
dont la grâce te fut accordée, immolateur de.s ennemis,
6 le plus excellent des hommes instruits dans les Çâstras.
» Ràma , Sougrlva et Laltshmana ne sont pas capables
de soutenir le contact de tes flèches, guerrier sans repro-
che : à plus forte raison , les hommes, qui suivent leurs
pas. 16,441-16,4V2.
n Les combats de Prahasta et de Khoumbbakarna
n'ont pas mis fin à mon inimitié : marche l'éteindre, héros
aux longs bras. 16,443.
U Que tes flèches acérées, immolant mes ennemis et
leurs armées, me réjouissent aujourd'hui, mon fils, comme
jadis ta victoire sur Indra ! » 16,444.
» Il dit. « Qu'il en soit ainsi ! » répond Indradjit,
qui , revêtu de sa cuirasse , monte sur son char, sire , et
s'avance à pas hâtés vers le champ de bataille. 16,445.
» Le plus excellent des Kakshasas proclame à haute
voix son nom , et défie au combat I.akshmana, le fortuné
Lakshmana. 16,446.
Il Soudain celui-ci prend son arc et sa flèche ; il s’é-
lance, effrayant par ses cris, comme un lion épouvante les
viles gazelles |>ar le son profond de sa voix. 16,447.
» Aussitét il s'élève un immense combat entre ces
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VANA-PARVA.
586
deux rivaux, qui rivalisaient l’un sur l'autre, qui avaient
les astras divins et qui désiraient la victoire. 16,i&8.
» Quand le Ràvanide vit qui! ne pouvait triompher
ainsi avec des (lèches, il eut recours, le plus vigoureux
des êtres vigoureux, à un plus vaste effort.
U 11 harcela son ennemi avec des h viers de fer à la
grande vitesse, et le Soumitride les trancha dans leur vol
avec des (lèches acérées. 16,A50.
» Coupés par les traits mordanLs , ils tombèrent sur le
sol de la terre. Le fils de Bâli, le furtiiné Angada, levant
un aibre, court avec une grande vitesse et l'en frappe sur
la tète. Le robuste liidradjit n'en fut pas même ébranlé;
il voulait répondre au coup par une (lèche barbelée, mais
Lakshmana la trancha en deux. Le fils de Ràvana frappa
dans le flanc gauche le plus excellent des singes, le héros
Angada, venu à la portée de sa mas.sue. Le vigoureux
enfant de Bàli, sans penser à ce coup, décharge irrité sur
Indradjit le tronc d'un shorée. Cet arbre, lancé parla
colère d' Angada pour la mort d' Indradjit, frappa, guerrier
ué de Priihà, son char, sesrdievaux et son cocher. Le fils
de Ràvana, sire, qui avait perdu son cocher, s,iuta à bas de
son char aux coursiers sans vie, et disparut en ce moment
par l'effet de la magie. Dès que Râma sut que le Démon
s’était caché dans la magie, dont il était si puissamment
doué, il vint eu ce lieu et veilla sur l'armée. Le héros,
visant Râma avec ses flèches, dont la grâce lui fut accor-
dée, le blessa dans tous ses membres , lui et Lakshmana
à la grande force. Les deux frères alors de combattre à
coups de flèches le Ràvanide invisible, enveloppé dans sa
magie ; et lui d'envoyer encore plus, dans sa colère, par
cen aines et par milliers, ses traits dans tous les membres
de CCS deux lions des hommes. Les singes , pensant que
686
LE MAHA-BHARATA.
le guerrier, qui envoyait continuellement tous ces dards ,
était caché dans l'invisibilité , prirent de grandes flèches
et entrèrent dans le ciel arfc elles. Mais le Démon, fils de
Râvana, entouré de sa magie , sans laisser tomber un
regard ni sur eux, ni sur les deux guerriers, afliigea cruel-
lement et blessa de ses traits les héroïques frères, lUma
et Laksbmana, qui, couverts de flèches, tombèrent sur la
la terre, comme le soleil et la lune s’écoulerai nt du ciel.
(De la stance 16,661 à la stance 16,666.)
» Dès qu'il vit les deux frères , abattus sur le sol , le
Râvanide les lia avec d'autres flèches, dont la grâce lui
avait été accordée. 16,666.
» Attachés par Indradjit dans le lien de ces dards , les
deux vaillants tigres des hommes semblaient sur le champ
de bataille deux oiseaux liés dans leur cage. 16,666.
» Quand il vit les deux héros tombés sur la terre et
couverts de flèches envoyées par centaines, Sougrlva de-
bout les environna avec les singes. 16,667.
n Le monarque avait à ses côtés Soushéna , Malnda et
Dwivida, Kouniouda et Angada, Hanoûmat, Nlla, Tira et
Nala. 16,668.
» En ce lieu vint aussi l'habile Vibhlshana, qui tira de
leur assoupissement les deux héros, réveillés parl'astra
de la science. 16,669.
Il Au même instant . Sougrlva les délivra de leurs flè-
ches avec le simple sublime Viçalyà (1), associé à une
formule céleste. 16,670.
B Soudain, ayant repris connaissance et se voyant
dégagés des traits, les deux héros se lèvent, secouant la
fatigue et le sommeil. 16,671.
(I) C'Ht4.<lire, fm cow délivre dm fUches.
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VANA-PARVA.
587
» Aussitôt qu’il vit Ràma guéri , Viblilshana tint ce
langage, fils de Priihà, les mains réunies au frunt, au
rejeton d'ikshwâkou ; 10,572.
« Gouhyaka, suivant l’ordre du roi des rjis, a pris
cette eau , dompteur des ennemis , et il vient des monta-
gnes blanches en ta présence. 10,573.
» Kouvéra te fait présent de cette onde, terrible roi des
rois, pour quelle te procure la vue des êtres invisibles.
Il L’homme , à qui elle sera donnée , s'il lave ses jeux
de cette eau, verra lesêires, qui se dérobent aux regards. »
U Bien I u répondit Ràma. Cette onde fut reçue par
Lakshmana à la grande àme, qui en frotta ses yeux.
Il 11 est imité par Sougriva et Djàmbavat, par Hanoû-
mat et .Angada, par Mainda, Dwivida et Mla, par la plus
gran.le panie des plus excellents singes, et la chose arriva
comme Vibhishana l'avait dite. Leurs yeux devinrent en
un instant , Youddhishthira , le siège de facultés supé-
rieures. 10,575 — 10,575 — 10,576—10.577 — 10,578.
» Quand Indradjit , ayant terminé son exploit, eut an-
noni'é àson père la prouesse, qu’il avait exécutée, il revint
à la hâte au front du champ de bataille. 10,570.
I) Dès que le Soumitride, docile au sentiment de Vi-
bhishana , le vit accourir de nouveau irrité , il fondit sur
lui avec le désir de le vaincre. 10,580.
Il Aussitôt qu’il eut proclamé sou nom , Lakshmana
irrité frappa de ses flèches le héros ti iomphant, qui n'avait
pas accomp i ses exploits de chaque jour. 10,581.
» Alors s’alluma entre ces deux héros, animés par un
mutuel désir de remporter la victoire , un combat extrê-
mement varié , admirable et pareil à celui de Çakra et de
Prahlàda. 10,582.
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388
LE MAHA-BHARATA.
» Indradjlt de blesser le Soumitride avec ses dards, qui
tranchaient les articulations; et le Soumitride de blesser
liidradjit avec des flèches au contact mordant comme le
feu. 16,483.
» Se voy.ant toucher par les traits de Lilishmana, le
Râvanide, rempli de colère, lui envoya huit flèches, sem-
blables au venin des serpents. 16,484.
O Écoute de ma bouche comment le héros Soumitride
lui enleva la vie avec trois flèches pareilles au feu.
I) Avec l’une, il fit tomber de son corps le bras, qui
tenait l’arc ; avec l’autre, il abattit sur la terre le bras ,
armé de la flèche de fer. 16,485 — 16,486.
» .4vec la troisième au large et lumineux tranchant , il
enleva la tète au nez charmant, aux pendeloques éblouis-
santes. 16,487.
» Quand il eut fait de son buste, hideux à voir, un tronc
mutilé de ses bras , le plus fort des forts tua son cocher
à coups de flèches. 16,488.
» Ses coursiers ramenèrent le char dans Lankâ, et
Ràvana le contempla vide alors do son fils. 16,489.
» Dès qu’il vit que ce fils n’était plus, l’âme émue par
la terreur, Râvana, en proie au délire du chagrin, s’élança
pour tuer la Vidéhaine. 16,490.
1) 11 saisit un cimeterre et courut avec vitesse vers la
princesse, qui , remplie du désir de voir son époux était
placée dans le bocage d’açokas. 16,491.
U Ayant vu la résolution criminelle de cet insensé ,
Avindya , ton minittre , éteignit le feu de sa colère.
Écoute quelles raisons il fit valoir. 16,492.
« Placé au sein d’un grand, d’un éclatant royaume, il
ne te sied pas de tuer une femme, surtout quand elle est,
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VANA-PARVA.
68»
cette femme, dans ta dépendance, au milieu de tes prisons.
» Le brisement de son corps ne suffirait même point à
la tuer. Détruis son époux : lui une fois mort, elle meurt.
16,495—16,494.
1 Çatakratou en personne n’est pas égal à toi pour le
courage. Plus d'une fois dans les combats, n’as-tu pas
semé la terreur parmi les Dieux, soutenus par Indra?
1) Avec ce langage et d’autres nombreuses paroles,
Avindhya réussit à calmer la colère de Râvnna, et le mo-
narque accepta ses raisons. 16,495 — 16,496.
B Le noctivague tourna sa pensée vers la sortie; il ren-
gaina son cimeterre et donna cet ordre : « Qu’on m’ap-
prête mon ch.ir ! » 16,497.
» Irrité par la mort de son fils bien-aimé, le géant aux
dix têtes sortit, monté sur son char, orné de pierreries et
d’or. 16,498.
U Environné de Rakshasas épouvantables, tenant h leur
main dilTéreiites armes, il fondit sur Ràma, en attaquant
les principaux des singes. 16,499.
» Tandis qu’il précipite sa course, Maluda, Nila et Nala,
Angada, Hanoûmat et DJâmbavat entourent avec leurs
guerriers le monarque irrité. 16,500.
» Les héros des singes et des ours détruisent , sous les
yeux de ce roi, l’armée du monstre aux dix têtes sous une
averse d’arbres. 16, .501.
B Quand il vit que son armée avait succombé sous les
ennemis, le uionarque des Rakshasas, Ràvana, le magi-
cien, répandit les moyens de sa magie. 16,502.
B On vit sortir de son corps par centaines et par milliers
des noctivagues, armés de glaives, d’épieux en fer et de
flèches. 16,505.
5«0
LE MAHA-BHARATA.
» R&ma d'exterminer tous ces Raksbasas avec un astra
divin et leur souverain de mettre en jeu de nouveau sa
magie.
>> Il multiplia, Bliaratide, les formes de Râma et de
Lakshmana. Puis, le géant aux dix têtes courut .sur les
personnes mêmes de Rêma et de Lakshmana, lb,505.
» Ensuite, les noctivagues honorent les deux héros ;
puis, saisissant leurs arcs, ils couient sur Râma (1).
I) Quand le rejeton d’ikshwâkou , le Soumiiride vit
cette magie de l’indra des Rakshasas, il dit avec émotion
cette grande parole à Râma : 10,506—16,507.
« Triomphe de ces vils Rakshasas, qui sont les images
de toi-méme : tue-les, ces trompeu.ses apparences de toi-
même, et les autres avec elles ! » 16,508.
» Alors .Uàtali, le cocher d’Indra, s’approcha de Râma
sur le champ de bataille dans un char, qui avait la splen-
deur du soleil et que traînaient des cour.siers fauves.
» Il dit : « Ce char sublime, attelé de coursiers fauves,
est Djattra (2), le char d’Indra. Monté sur cette magni-
fique voiture, puissant Rakoutsthide, il a immolé dans la
bat .ille par centaines lesDaityas et les Dànavas. Aidé par
mes elTorta , extermine donc bientôt dans un comb.at,
tigre des hommes. Ràvana, sans tarder! » A ces mots, le
lils de Raghou eut pour suspecte la parole sincère de
Mâtali. 16,509— 16,510— 16,.'^11— 16,512.
Cl Cest encore là un tour de la magie du Raksha.sa! »
dit-il; mais \ibhishana d’obseiver : « Ce n'est pas une
(1) Je ne BAÎiib pas bien l'cnchatneincnl de celle stance avec ce qui prê-
che et ce qui suit.: U doit y avoir ici une lacune, ou c'est une intnisiou
illogique. Du n;stc, le çloka est traduit littéralement.
‘2J Le Triomphant ou /e Vktùrieux.
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VANA-PARVA.
5M
illusion, tigre des hommes, que fait paraître à nos yeux
le méchant Râvana ! 16,513.
n Hàte-toi donc de monter dans ce char d’Indra, héros
à la grande splendeur. » — « Qu'il en .soit ainsi, Vibht-
shana 1 » lui répondit le Kaltoutsthide, transjwrté d’ar-
deur. 16,51 A.
» Aussitét, rempli de colère, il fond avec ce char sur
le géant aux dix tètes. Quand il attaqua Râvana, tous les
êtres d’éclater en de grandes clameurs. 16,515.
» Des cris de guerre furent poussés dans le ciel, les
tambours célestes résonnèrent dam les mies : un violent
combat s’éleva entre le uion-stre aux dix cous et le fils des
rois. 16,616.
» On n’eût trouvé nulle part une ressemblance avec
ces deux guerriers. Le nociivague envoie à Bâma une
lance épouvantable, semblable .1 la foudre, d Indra, haute
comme le .sceptre de Brahma ; et Râma se hâte de la
trancher avec .ses flèches acérées. 16,517 — 16,518.
» A la vue de cet exploit dilhcile, la terreur pénètre au
sein de Râvana ; et le géant aux dix têtes dans sa colère
décoche à la hâte des traits aigus et divers projectiles à
Râma par milliers et par myriades, deè bhousoundbis,
des lances, des massues, des haches, des épieux de fer,
des çataghnts aux formes diverses et des flèches acérées.
A l’aspect de cette hideuse magie du Démon aux dix têtes,
16,519—16,520—16,621.
» La terreur disperse tous les singes dans toutes les
parties de l’espace. Rapidement, le Kakoutsthide saisit
une flèche immeuse, aux belles ailes, au beau tranchant,
empennée d’or, et l’enchante avec l’asira de Brahma.
Voyant Râma, qui charme le dard nomparcil avec la for-
502
LE MAHA-BHARATA.
mule du Créateur, les Gandharvas et les Dieux, Indra àleur
tète, frémissent d’épouvante. Les Rinnaras, les Dânavas et’
les Dieux , aussitôt qu’ils entendent prononcer l’astra de
Brahma, pensent qu’ils reste peu de temps à vivre au
Rakshasa ennemi. Râma lui décoche son trait à la force
incomparable, 16,522 — 16,523 — 16,524 — 16,526.
» Trait épouvantable, haut comme le sceptre de Brahma
et qui devait causer la mort de Râvana. A peine lancé par
Râma, que sa haine ^ Bharatide, lit venir de «f loin, le mo-
narque des Rakshasas flamboya avec son char, ses chevaux
et son cocher, enveloppés tons pai* le feu d’une grande
flamme. 16,526 — 16,527.
» Transportés d’allégresse à la vue de Râvana tué par
Râma aux travaux infatigables, les Tridaças, avec les Gan-
dharvas, avec les Tchâranas, laissèrent l’éminent roi se
résoudre en les cinq éléments ; et l’énergie de Tastra
brahmique le fit déchoir de tous les mondes.
16,628—16,529.
» Les principes de son corps, la chair et le sang ne do-
minèrent plus en lui ; et, consumés par l’astrade Brahma,
on n’en vit plus même la cendre. 16,530.
» Quand il eut tué le vil Râvana, l’indra des Rakshasas
et l’ennemi des Dieux, Râma en fut comblé de joie avec
ses chers amis, avec le Soumitride. 16,531.
» Après la mort du géant aux dix têtes, les Dieux, que
précédaient les rishis, répandirent sur le héros aux longs
bras les bénédictions, qui accompagnent la victoire.
» Toutes les Divinités, de chanter Râma aux yeux de
lotus bleu ; les Gandharvas, habitants du ciel, versent
sur lui des vœux et des pluies de fleurs. 16,532 — 16,533.
» Lorsqu’ils eurent honoré le héros, ils s’en retournèrent
VANA-PAUVA.
S9S
comiDe ils étaient venus. Toute l’atmosphère, Atchyouta,
ofTraitauz yeux la ressemblance d'une grande fête. 1H,53A.
a Dès que Üaçagriva fut tombé sous ses coups, l'au-
guste Ràma, l'illustre vainqueur des cités ennemies, donna
Lankâ è Vibhlshana. 10,536. ' ^ >
» Avindhya, le vieux ministre à la grande science, ayant
mis Sttà devant lui, sortit, précédé par elle ; 10,530.
» Et, prenant une &me humble, il dit au magnanime
Kakoutsthide : « Reçois, magnanime, cette reine, de qui
Djanaka fut le père et de qui la conduite fut vertueuse. «
» A ces mots, le rejeton d’ikshnâkou descend de son
noble char et voit StiA couverte de ses larmes.
10,537—10,538.
» Il voit cette femme aux membres tout charmants, qui
se tenait sur un char, déchirée par le chagrin, le corps
souillé de taches, les cheveux en gerbe et revêtue d’une
robe noire. 10,639.
» Ràma lui dit, plein de douteet d'une brûlante colère :
1 Va, Vidébaine I tu es libre. J'ai fait ce que je devais
faire. 10,5A0.
« Toi, de qui je fus l’époux, irais-tu à la vieillesse dans
l’habitation d’un Raksbasa? » ai-je pensé, et cette raison
me fit donner la mort au nociivague. 10,5A1.
U Comment un homme de ma condition, qui sait les
décisions sur le devoir, supporterait-il, ne fût-ce qu’une
heure seulement, une femme tombée dans les mains d’un
étranger? 10,ôA‘2.
» Que ta conduite ait été bonne ou mauvaise, moi, Mi-
thilienne, je ne puis souffrir d'être maintenant ton maître,
comme d’une oblation de beurre clarifiée, sur laquelle un
chien a promené sa langue. » 10,5A3.
IV
88
LE M ARA-BHARATA.
&9i
» A peine eut-elle ouï ces amères paroles, la jeune reine
tomba soudain sur la terre, agitée par sa douleur, telle
qu’un bananier tranché par le pied. 16,5ii.
» La rougeur de son visage, expression de sa joie,
s’eiïaça en un moment, comme un souille sur la face d'un
miroir. 16.Ô&5.
» Dès qu'ils eurent entendu ce langage de Rdma, tous
les singes et l.akslimana restèrent sans mouvement, ainsi
que des corps sans vie. 16,ôAd.
a Ensuite le Dieu h l'âme pure, aux quatre faces, le
créateur du monde, qui eut un lotus pour son berceau, se
montra sur un char au fils de llaghou. 16,5â7.
i> 11 était accompagné de Çakra et d’Agni, du Vent,
d'Yama et de V.arouna, du souverain for,uné des Yakshas
et des sept purs rishis. I6,ôâ8.
» I.e roi D.açaratha, revêtu d'un corps radieux et céleste,
apparut égalemetit sur un char de grand prix, lumineux,
attelé de cygnes. 16,549.
» Toute l'atmosphère resplendit, environnée de Dieux
et de Gandharvas, comme, au temps de l’automne, la
voûte du ciel ém.aillée d'étoilas. 16,650.
» Alors, s'étant levée au milieu d'eux, la noble Vi-
déhaine adressa ces paroles à Ràma, doué d'une vaste
poitrine : 16,551.
« Fils de roi, je n’ai pas commis de faute envers toi. Tu
connais la route des hommes et des femmes : écoute cette
mienne parole. 16,55î2.
» Le vent, sans cesse en mouvement, circule dans tous
les êtres : qu’il m'ôte le souOle de l'existence, si je ne suis
pas innocente. 16,553.
B Que le feu, l’eau, l'air, la terre et le vent m’ûtent le
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VANA-PAKVA.
596
sooflle de l’existence, si je ne suis pas innocente. 16,555.
Il Telle que dans mes songes ma pensée ne fut jamais
occupée d'un autre que toi, ainsi, tu fus la Divinité, qui
m'était *nns eme montrée. Sois donc mon époux. »
« Une voix sainte, portant la joie au cœur de tous les
magnanUiies simiens, fit ensuiterésonnerdans l’atmosphère
toutes les plages du ciel. 16,.’)5.â — 16,55ii.
(I Oli ! oh! c’est la vérité, lils de Raghou. Je suis de
Vent, qui circule sans cesse, dit Maroote. La Mithilienne
est innocente, sire : veuille donc te réunir avec ton
épouse!» 16,557.
« Je suis placé dans le corps des êtres, au milieu d’eux,
fils de Raghou, fit d son tour le Feu. Ta Mithilienne n’a
pas commis la plus légère offense contre toi, Kakout-
sthide. » 16,558.
. « (7 est moi, qui suis le générateur des humides dans le
corps des étres,fds de Raghou, reprit Varouna. Crois-en
ma parole, reprends la Miiliilleune. » 16,559.
I) firahma dit :
« Il n'y a rien dans ces événements, qui surprenne en
toi, mon fils, voué au devoir des saints rois. Écoute cette
parole de moi, vertueux Kakoutsthide, à la bonne conduite.
» Cet ennemi des maharshis, des Dùnavas, des Yakshas,
des serpents, des Gandharvas et des Dieux fut renversé,
héros, sous tes coups ! 16,560 — 16,561.
. » Il fut jadis, grâce à ma faveur, immortel contre tous
les êtres ; on supporta ce pécheur quelque temps, pour
une certaine raison. 16,56S.
» Poussé par une malédiction de Nalakoûvara, ce scélérat
enfin ravit Stiâ pour sa mort : c’est moi, qui l’ai gardée
moi-même. 16,56S.
306
LE MAHA-BHARATA.
O Sa tête sera certainement brisée en cent parties, s’il
aime la femme d'un autre, qui sera pour loi sans amour I »
Voilà ce qui fut arrêté jadis. 16,564.
U Tu ne dois pas douter un instant ici, héros à la grande
splendeur : reçois ton épouse. Tu as accomplis un grand
exploit, ô toi, qui es l'enveloppe de la lumière immortelle
des Dieux. » 16,565.
» Daçaratha prit ensuite la parole :
R Je suis content, mon fils ; la félicité descende sur toi !
Je suis Daçaratha, ton père. Je t’accorde le royaume ;
manie les rênes de l’empire, Ole plus grand des hommes. »
» Ràma lui répondit :
R Je m'incline devant toi, Indra des rois, si tu es mon
père. J’irai, suivant ton ordre, à la charmante ville d'Ayo-
dhyà. » 16,66,5—16,667.
» Le père, enivré de joie, dit une seconde fois à Ràma,
aux angles rouges des yeux ; « Va à Ayodhya, ô le plus
excellent des Bharatides, et occupes-en le trône, 16,668.
» Consume là quatorze années, prince à la grande
splendeur. » Alors, félicité par ses amis, après qu’il eut
rendu l’hommage aux Dieux, ce héros terrible aux ennemis
s'en alla avec son épouse, comme Mahéndra avec la fille
de Pouloma. Il combla d'une grâce Avindhya.
16,669—16,570.
» Il répandit sur la Rakshast Tridjatâ des honneurs et
des richesses. Brahma lui dit, accompagné des Dieux,
Indra à leur tète : 16,571.
R Fils de Kaâuçalyà, il faut que je t’accorde des grâces;
lesquelles te donnerai-je? » Ràma choisit la constance dans
le devoir, l’invincibilité contre ses ennemis et la résur-
rection des singes, tombés sous les coups des Raksbasas.
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VANA-PARVA.
597
A peine eut-il articulé ces mots : « Qu’il en soit ainsi ! »
lui répondit Brahma. 16,572 — 16,57S.
B I.es singes, reprenant la vie, revinrent i l’existence,
puissant roi. La vertueuse Sltà accorda également une
grâce au simien Hanoûmat. 16,574.
tt ’fa vie, Hanoâmat, sera égale à la gloire de Ràma, et,
disposées par ma grâce, des jouissances célestes accom-
pagneront tes jours, singe aux yeux verd.s I » Ensuite,
sous les yeux de ces héros aux travaux infatigables, tous
les Dieux, Indra à leur tête, de rentrer dans l’invisibilité.
Le cocher de Çakra au comble de la joie, voyant Ràma
et la Djanakide maintenant réunis, dit an magnanime
prince ces paroles, au milieu de ses amis, des serpents,
des .Asouras, des hommes, des A'akshas, des Gandharvas
et des Dieux : 16,575—16,576—16,577—16,578.
Il Tu as écarté cette infortune, ô toi, de qui le courage
est infaillible. Aussi long-temps quesubsistera cette terre,
les Pannagas, les Rakshasas et les Yakshas, les Gan-
dharvas, les Asouras et les Dieux rediront ta gloire avec
les mondes. » Quand il eut parlé ainsi, il demanda congé
à Ràma, le plus habile de ceux, qui portent les armes.
16,579—16,580.
» 11 lui rendit hommage et s’en alla sur son char, écla-
tant d’une splendeur céleste. Ràma, ayant mis à sa tête
Sltâ et le Soumitride, accompagné de tous les singes,
devant lesquels marchait Sougrlva, et 'précédé de Vibht-
shana, qui avait préposé une garde à l.ankâ, repassa la mer,
séjour des makaras, son armée sur le pont, et lui, le sage
héros, environné, comme il était, de scs principaux mi-
nistres, sur le radieux charPoushpaka, qui se mouvait sui-
vant la volonté et volait au milieu des airs. Accompagné des
59S
LE H>^HA-BQAR4TA.
singej, le vertueux prince de séjourner sur le rivage de
la mer, où déjà il avait campé. Là, il ra.ssembla ces guer-
riers, les remerda, les honora et les congédia, après qu'il
les eut entièrenients satisfaits de pierreries. Eux partis et
quand les singes à queue de vache les eurent suivis, il
rentra, accompagné de Soiigriva, dans la caverne Kish-
kimlhy,à. Suivi de Vibhtshana, en compagnie de Sougrlva,
il fit contempler du char Puushpaka la, forêt à la Vi-
déhaine. Rentré dnnsKishkindhyà, Râma, le plus vaillant
des combattants, sacra comme roi de la jeunesse l’adroit
Angad.i. Ensuite, escorté d'eux et du Soumitride, il
suivit pour retourner à sa ville la route, par où il était
venu. Arrivé dans la cité d’Ayodhyà, le maître du royaume
dépêcha Hanoùmat on courier à Bharata. A peine l’eut-il
vu, le singe de lui annoncer l'agréable nouvelle, tout ce
qui s'était passé. (De la stance 16,581, <t la stance
16,59-2.)
» Quand le fils du Vent fut revenu, Ràma se rendit à
Namiigràma, où il vit Bharata, vêtu d’un habit d'écorce,,
le corps plein de souillures, assis sur un siège, les deux
pantoufles de son frère mises devant lui. Le puissant fils
de Raghou et le Soumitride avec lui se réjouiient, ô le
plus excellent des Bharatides, de se voir enfin réunis à
Bharata et à Çatroughna. La vue de la Vidéhaine sema la,
joie au cœur de ces derniers, heureux de se rejoindre àleuT'
frère aîné. Au comble de la plus haute joie, Bharata rendit
à \ exilé de retour son royaume, ce dépûl bien révéré. De
concert, Vaçishiha et Vâmadéva sacrèrent le héros dans,
un jour sanctifié, sous une constellation dédiée à Vishnou.
Une fois saci-é, il donna congé pour retourner dans leurs,
pulais au monarque des singes, Sougrlva, environné de la
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VANA4>ARVA. .
(90
troupe de ses amis, et à Vibhisbana, le fils de Poulaatya.
Après qu’il les eut honorés par le présent de diverses choses
proposées à la jouissance, il les congédia pleins de Joie et
çomblés de satisfaclion, quand il eut pensé: u Voilé ce
qui est à Taire. » Le fils de Baghou fit scs houim.iges au
char Pousiipaka, qu'il eut le plaisir de rendre à Kouvéra.
Puis, accompagné des Dévarshis, il offrit sans obstacle,
sur la rive du fleuve Gomatt, dix açva-médhas, unis aux
prières du soleil. [Delà ttmice\<S,hQÏ à la stance 10,602.)
» Voilà, guerrier aux longs bras, ce que fit Bàma à la
splendeur sans mesure. Cette dure infortune, causée par
son habitation dans les bois, vinile frapper jadis. 16,002.
(• Ne t'afflige pas, tigre des hommes ; tu es kshatrya,
fléau des ennemis: tu es placé d.ans une route, où le seul
recours est la force des bras ; tu es au milieu d’mie
épreuve éclatante. 16,603.
U Ensuite, il n'existe point ici de faute, quelque mi-
nime soit-elle^ commise par toi. Les Asouras et les Dieux
avec Indra ont jadis foulé cette pénible route. 16,60A,
n Uni aux Maroutes, le Dieu, qui tient la foudre, n’a-t-il
pas tué Vritra, et Namoutchi, et Dirghadjihwâ, l'inaffron-
table Rakshast? 16,605.
» Celui, qui a de^ alliés, réunit entièrement ici tous les
avantages : à plus forte raison, la victoire dans le combat
appartiendra-t-elle à celui, qui a pour frères Dhanandjaya ?
» Et ce Bhtma à la valeur terrible, le plus fort des
hommes forts, et ces deux héroïques jeunes hommes au
grand arc, les fils de Madrl? 16,606 — 16,607.
» Pourquoi te désoles-tu, quand tu as pour tes alliés
ces héros, par qui serait vaincu le Dieu, qui tient la
foudre, avec la troupe des Maroutes ? 16,608.
600
LE MAHA-BHARATA.
• » Secondé par ces héros aux formes célestes, tu vaincras
dans la guerre tous tes ennemis, 0 le plus grand des Bha-
ratides. 16,609,
» En outre, jette les yeux sur cette femme, que t’avait
enlevée ce puissant et pei*vers Sindhien avec ses terriers
magnanimes. 16,610.
» Tu as accompli un exploit bien diflicile, quand tu
repris Draâupadî la Noire, et que tu as fait ton esclave le
roi Djayatratha vaincu I 16,611.
» Râma sans allié recouvra la Vidéhaine et terrassa dans
un combat le terrible Démon aux dix têtes. 16,612.
» El cependant, sire, il n’avait pour amis que des singes,
des ours, des animaux à la face noire, qui avaient em-
brassé sa cause. Repasse donc tout cela dans la pensée, ô
le plus grand des Kourouides. Ne t’afflige pas, taureau des
Bharatides. Les magnanimes de ta condition ne s’aban- •
donnent pas à la douleur, fléau des ennemis . •>
16,613—16,514.
Ainsi consolé par le sage Markândéya, le monarque
abandonna sa douleur, et, d’une âme relevée de son abat-
tement, lui adressa de nouveau ces paroles. 16,515.
PIN
DU QUATRIÈME VOLUME.
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ERRATUM.
Page 8, stancfî 10,915, construction amphibologique, li-
sez: Mon père, ce Daily a fut tué...
Page 57, distique 11,407 : supprimez le guillemet en Wte
de la stance.
Page 70, stance 11,527, lisez ; « Maintenant noue avons
atteint le roi des monts, le Swétn...
Page 71, stance 11,531, lisez : avec des personnes, qui dé-
siraient te voir réuni à son père...
Page 74, dernière ligne, lisez: de ravissants kadambas...
Page 98, stance 11,801, lisez : aussi ne fera-t-il qu'obéir à
Ion ordre.
Page 99, dernière ligne, lisez : yaradisiurques.
Page 138, stance 12,203, lisez : Une Daitéyi...
Page 144, stance 12,272, il y a un peu d’amphibologie,
lisez : Tel il en est des Yakshas, des Asouras et des Gandharvas,
des serpents et de la troupe des oiseaux.
Page 150, stance 12,320, lisez : Six années les avaient pré-
cédées, et les Pândouides habitèrent heureux ces dix ans au sein
des forêts.
Page 229, stance 13,068, mettez au lieu du mot brahmes,
mal lu, barbares, méchants pour ks êtres animés...
Page 245, stance 13,202, lisez : hâte-toi de le tuer avec tes
flèches dociles, aux formes épouvantables.
Page 248, au lieu des deux lignes, qui terminent la stance
«02
ERRATUM.
13,234, lisez : des hommes, privés de science tombent partout
sous les yeux, et des savants habiles sont en proie à t affliction.
Page 264, stance 13,356, lisez: ou voleur:... ou vicieux.
Page 281, stance 13,519, lisez: vingt-et-un mille fils étaient
les enfants de Kouvalûçiea.
Page 296, au commencement de la stance 13,675, lisez :
je ne suis plus une grue.
Page 305, stance 13,759, étourderie du typographe. 11
avait à mettre ficieux dans la ligne ; il oublie les quatre pre-
mières lettres. Lisez donc : on trouve chez ces hommes vicieux
la répression...
Page 328, stance 13,977, lisez : comme le feu placé sous la
chaudière.
Page 364, stance 14,340, faute d’impression, lisez : et le
mâle et la femelle parmi les animaux.
Page 383, stance 14,521, supprimez le guillemet à la fin.
Les stances 14,523, les deux suivantes elle premier vers de
lu stance 14,526, me semblent des intrusions dans le Icxte.
Lisez donc immédiatement après le distique 14,322 : « Qu'il
en soit ainsi! >> répondit Mahâséna.
Page 415, commencez la stance 14,803, en lisant : Cerne'
serait, certes! une grande joie.
Page 448, stance 13,139, lisez : Celadit, ils répondirent au
monarque.
Page 459, stance 15,254, lisez : qui habitent dans cette
région du couchant.
Page 462, stance 13,286, lisez : et que le plus grand des
rois, sire, ton père lui-même respire, ,
Page 484, stance 13,483, lisez : et que Moudgala eut donné •
congé au messager des Dieux.
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TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE PRÉSENT VOLUME.
Chapilreti : ;
A MES LECTEURS . . U1
Le pèlcriiiagii aux tlrthas 1
Mort (le Djatasoura 02
Le coiiibal avec l' Yaksba . . . . .... 2Û
Le combat avec les iNivataLavatcha.s . ....
Le Boa . . , , , , , , . , .... IM
Les entretiens deMàrkandéya . 17&
La conversation de Draâupadl et de Satyabhâinâ. . .^07
L’excursion à Ghosha A08
I>e rapt de Draâupadl 4M
Délivrance de Djayatratha . 518
La légende de Râma. . . â2Z
flN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
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